2-895/5

2-895/5

Sénat de Belgique

SESSION DE 2001-2002

15 JUILLET 2002


Proposition de loi modifiant l'article 7, § 2bis, 2º, de la loi du 24 janvier 1997 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, inséré par la loi du 10 décembre 1997 interdisant la publicité pour les produits du tabac


RAPPORT COMPLÉMENTAIRE

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES PAR M. DESTEXHE


I. INTRODUCTION

Par renvoi, par la séance plénière du 4 juillet 2002, de la proposition (doc. Sénat, nº 2-895/1), les dispositions proposées ont été soumises à un examen complémentaire.

II. DISCUSSION DES ARTICLES

M. Monfils et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-895/4, amendement nº 2) qui tend à restreindre davantage le champ d'application des dispositions proposées. La publicité ne serait plus autorisée qu'en 2003 et 2004, pour une seule compétition de sport mécanique par an et par région, se pratiquant dans un circuit fermé et pour autant qu'aucune inscription relative aux produits du tabac ne figure sur des véhicules se trouvant en dehors de l'infrastructure du circuit, notamment sur les véhicules qui transportent les voitures de course à Francorchamps.

M. Malcorps se maintient aux arguments qu'il a développés lors de la réunion précédente. Il votera donc aussi contre les dispositions actuellement à l'examen.

M. Barbeaux déclare que s'affrontent deux thèses différentes, qui ont chacune leur légitimité. D'une part, il y a priorité absolue qui est donnée au fait que le tabac nuit à la santé, qu'il tue et qu'il faut envoyer un signal clair. D'autre part, il est essentiel de sauvegarder l'emploi et d'accorder toute l'attention voulue aux arguments d'ordre économique. Il souhaite que c'est deux légitimités puissent s'exprimer en séance plénière.

Voilà pourquoi l'intervenant décide de s'abstenir lors du vote en commission.

M. Thissen rappelle l'argument de M. Happart selon lequel il y aura, au cours de la période en question, une retransmission télévisée d'un Grand Prix avec de la publicité pour le tabac. Cette discussion est donc plutôt symbolique. Il importe par conséquent de donner un signal concret comme quoi la lutte contre le tabagisme est essentielle. Voilà pourquoi il juge utile de voter la proposition de résolution de M. D'Hooghe (doc. Sénat, nº 2-956/1).

M. Istasse estime que tout le monde est partisan d'une politique axée sur la lutte contre le tabagisme. L'objectif premier des dispositions à l'examen est toutefois de sauver le Grand Prix de Francorchamps. L'intervenant se réjouit donc de l'amendement proposé, dans la mesure où il limite davantage encore que le premier texte les possibilités de publicité pour le tabac.

Mme Vanlerberghe considère les dispositions à l'examen comme discriminatoires vis-à-vis de tous les autres sports, organisateurs et sportifs qui se sont eux adaptés aux dispositions de la loi du 10 décembre 1997 interdisant la publicité pour les produits du tabac.

Les nouvelles dispositions proposées entrouvent de nouveau la porte de la publicité pour le tabac et il est dès lors fort possible que celle-ci ne tarde pas à se réouvrir toute grande et que l'interdiction de la publicité pour le tabac soit mise à mal davantage encore, notamment à la demande d'autres organisateurs de manifestations sportives.

L'intervenante s'en tient donc à sa position en vue de 1997, notamment en raison de l'argument de l'égalité entre les différents sports.

Mme Leduc est d'avis qu'une interdiction de la publicité pour les produits du tabac au cours d'un Grand Prix ne signifie pas la fin de toute publicité. Par ailleurs, l'intervenante n'est pas convaincue de l'utilité de l'interdiction d'une telle publicité et elle estime en fait que chacun doit être libre de ses choix. L'intervenante est donc favorable à l'autorisation d'une telle publicité.

De plus, elle estime qu'il vaut la peine de dénoncer l'hypocrisie que constitue la poursuite du subventionnement de la culture du tabac dans l'ensemble de l'Union européenne. C'est à ce niveau-là essentiellement qu'il convient avant tout de prendre certaines mesures.

M. Malmendier estime que ce sont surtout les aspects économiques qui priment en l'espèce et il souscrit par conséquent aux arguments de M. Thissen.

Mme Van Riet est d'avis qu'en adoptant la loi du 10 décembre 1997 interdisant la publicité pour les produits du tabac, la Belgique a déjà donné un signal contre le tabagisme.

L'intervenante constate cependant que depuis l'adoption de cette loi, la consommation de tabac a augmenté. Le rejet du texte proposé nuirait davantage à l'économie locale qu'au secteur du tabac et elle soutiendra par conséquent l'amendement proposé.

M. Galand estime important de souligner la pratique de l'industrie du tabac consistant à ajouter des additifs asservissants à la cigarette. Existe-t-il d'autres entreprises qui recourent à une telle pratique ? Il se rallie donc au point de vue de M. Malcorps et de Mme Vanlerberghe. Il faut donner la priorité à l'aspect de santé publique et à celui de l'éthique de l'entreprise.

M. Lozie ajoute que le combat contre le tabagisme constitue un tout qu'il faut garder cohérent. Dans cette optique, il est simpliste de faire le lien entre l'interdiction de la publicité pour le tabac et une croissance du tabagisme, et d'en conclure que cette interdiction n'a pas le moindre effet.

Par ailleurs, l'intervenant relève que, aujourd'hui, seule la Formule 1 refuse de s'adapter à la nouvelle réalité d'une interdiction de la publicité pour les produits du tabac. L'intervenant ne veut par conséquent pas céder à la pression de cette seule discipline du sportive qui refuse de s'adapter à la nouvelle réalité.

M. Dedecker est partisan de la proposition initiale de MM. Monfils et Happart.

Il justifie son point de vue par les arguments suivants :

­ la loi du 10 décembre 1997 a déjà clairement démontré son inutilité, étant donné que l'on n'a jamais fumé autant qu'actuellement;

­ cette loi, combinée au subventionnement du secteur est une hypocrisie;

­ il déteste la tendance maladive à tout réglementer;

­ les nouvelles dispositions proposées sont difficiles à interpréter;

­ l'élément de « politique du gaufrier » contenu dans l'amendement proposé.

L'argument du principe d'égalité lui parait, en revanche être un argument valable. D'autres sports se sont en effet adaptés, mais non sans dégâts, puisque nombre d'organisations ont disparu consécutivement à la perte d'une source de sponsoring aussi importante que la publicité pour le tabac.

Compte tenu de ce principe d'égalité, l'intervenant est partisan de ne pas limiter le texte proposé à une seule compétition par an et par région. De cette manière, toutes les organisations de sport automoteur seraient traitées sur un pied d'égalité.

L'intervenant dépose dès lors un sous-amendement à l'amendement nº 2 en vue de réaliser cette extension (doc. Sénat, nº 2-895/3, sous-amendement nº 3). L'intervenant trouve en effet que c'est aller trop loin que de modifier une loi dans le seul but de répondre aux aspirations de Francorchamps.

M. Monfils est également partisan de la proposition initiale. Il indique cependant que le nouveau texte est le fruit d'un compromis. Il entend donc appuyer ce compromis.

En réponse aux arguments qui précèdent, Mme Vanlerberghe déclare que les partisans de la publicité pour le tabac invoquent les mêmes arguments qu'en 1997, à savoir que la publicité n'a aucun effet, que les sponsors font cela pour leur plaisir, qu'ils ont trop d'argent, ...

Si on laisse écorner, la loi du 10 décembre 1997 avec de tels arguments, cette érosion continuera à l'avenir. En approuvant le texte proposé, on ouvre toute grande la porte à une remise en question de l'ensemble. Encore heureux qu'il restera l'Europe pour mettre un frein à cette tendance.

M. Malcorps signale que l'industrie du tabac s'emploie aussi au niveau européen ­ avec quelques succès d'ailleurs ­ à se dérober à l'interdiction. Raison pour laquelle la directive européenne 98/43/CE a été annulée par la Cour européenne de justice.

L'intervenant affirme que la question fondamentale se limite à savoir si l'on veut ou non autoriser la publicité pour des produits cancérigènes et, d'après le tour que les discussions prennent ici, la réponse à cette question est oui.

Vu la brièveté du délai dans lequel la proposition a été inscrite à l'ordre du jour, Mme van Kessel ne veut pas encore se forger une opinion. En même temps, elle trouve regrettable que l'on force ainsi une exemption à des dispositions légales pour un événement spécifique.

Mme Bouarfa confirme que le tabac nuit à la santé. Toutefois, le chômage est, lui aussi, préjudiciable à la santé et compte tenu de l'impact économique de la Formule 1 sur la région de Francorchamps, l'intervenante votera donc les dispositions proposées.

La ministre répète que le texte en discussion concerne une initiative parlementaire et que le gouvernement n'a pas arrêté de point de vue en la matière. Personnellement, en tant que ministre de la Santé publique, elle juge inacceptable la possibilité de faire de la publicité pour des produits qui nuisent manifestement, toujours, et même en petites quantités, à la santé. Pour de nouveaux produits, une telle pratique se heurterait à un refus absolu.

Pour le reste, la ministre tient encore à faire part des réflexions suivantes :

­ La Belgique ne joue pas cavalier seul en ce qui concerne l'interdiction de la publicité pour le tabac. Pareille publicité est déjà interdite dans sept pays d'Europe.

­ La ministre a participé à deux réunions des ministres européens de la Santé publique, au cours desquelles elle s'est prononcée contre les subventions agricoles en faveur du tabac.

­ En ce qui concerne tant la nouvelle directive que les subventions agricoles en faveur du tabac, les décisions sont prises au niveau européen.

La ministre se réjouit dès lors d'apprendre, par la voix de certains sénateurs, qu'ils vont s'atteler à l'approbation de cette directive.

III. VOTES

Le sous-amendement nº 3 est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

L'amendement nº 2 est adopté par 7 voix contre 4 et 2 abstentions.

L'article 2 est adopté par 6 voix contre 4 et 2 abstentions.

IV. VOTE FINAL

La proposition de loi a été adopté par 7 voix contre 4 et 2 abstentions.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 14 membres présents.

Le rapporteur,
Alain DESTEXHE.
Le président,
Jacques D'HOOGHE.