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M. Jean Cornil (PS). - Je souhaiterais me faire l'écho du malaise qui règne dans certains services de police. Ces derniers ont attiré mon attention voici deux jours sur le contenu de l'arrêté royal du 30 mars 2001 fixant le statut du personnel des services de police.
Une disposition de cet arrêté prévoit une indemnité pour les policiers chargés d'une mission d'escorte des étrangers en séjour illégal. Cette indemnité, cette allocation pour immigration, varie - elle est de 600 à 720 francs - en fonction du grade des policiers concernés ; je vous passe les détails, vous les connaissez mieux que moi. Mais il est également prévu que cette indemnité soit réduite de moitié si la mission s'achève sans que l'étranger ait quitté le territoire.
Vous me direz, monsieur le ministre, que cette disposition vise à corriger les effets pervers de la mesure prise sous l'ancien gouvernement. Si j'avais encore été présent au Centre à l'époque, je me serais d'autant plus indigné de cette prime favorisant, d'une certaine manière, l'éloignement du territoire.
Je sais que cette disposition a été prise de façon à limiter l'effet pervers de la disposition prise à la suite du décès de Sémira Adamu.
Tout d'abord, pouvez-vous m'indiquer votre interprétation de ces dispositions ? A quoi correspond exactement l'indemnité ? Des responsables de services de police considèrent en effet que cette indemnité couvre un certain nombre de frais de voyage. Dès lors, on ne comprend pas pourquoi elle devrait être réduite de moitié lorsque le policier ne quitte pas le territoire national.
Par ailleurs, vous avez expliqué, ce matin, dans un communiqué qu'il s'agissait surtout d'une prime de pénibilité, une prime qui visait la difficulté à éloigner la personne du territoire.
Enfin, pour éviter définitivement tout effet pervers de cette prime, ne faudrait-il pas neutraliser financièrement la question, à savoir qu'il n'y ait pas d'effet financier sur le policier du fait de la réussite ou de l'échec de la mission ? Pourquoi ne pas prévoir d'attribuer cette prime à tous les policiers qui se portent volontaires pour une mission d'escorte, indépendamment de la réussite ou de l'échec de l'éloignement du territoire ?
M. Antoine Duquesne, ministre de l'Intérieur. - Je tiens tout d'abord à dire à M. Cornil que je ne fais pas de communiqué de presse quand j'ai la possibilité de répondre aux parlementaires aux questions qu'ils me posent au Parlement.
J'avais eu le plaisir de vous entendre à la radio dès hier soir. J'ai entendu la confirmation de votre version aujourd'hui au Parlement.
Par ailleurs, je vous remercie de votre honnêteté intellectuelle parce que je ne suis pas l'inventeur de ce système.
Il y a eu, le 9 octobre 1998, une note importante consacrée à l'asile et à l'immigration, adoptée par le précédent gouvernement, donc par l'ensemble des ministres, et l'arrêté royal pris en exécution de cette décision, monsieur Cornil, date du 8 juillet 1999, soit quatre jours avant mon arrivée au département.
Cela étant, est-ce que je conteste cette décision ? Certainement pas.
Qu'est-ce qui la justifie ? Ceux qui sont chargés des escortes ont un métier difficile. Ce sont d'ailleurs des volontaires qui doivent être spécialement formés. Quand on dit qu'il faut tenir compte de la pénibilité, du stress et du risque que cela implique, je vous assure qu'il est justifié qu'ils bénéficient d'une prime.
Quelle est la réalité d'un certain nombre de ces expulsions sous contrainte ? Il s'agit d'illégaux dont la décision d'éloignement a été prise, qui défèquent et qui urinent dans leur pantalon, qui crachent au visage des policiers, qui les mordent, qui leur portent des coups - un certain nombre de certificats ont été établis -, qui se frappent la tête sur le mur ou qui se jettent au sol, etc. J'en passe et des meilleures.
Je dois vous dire que, pour accomplir ces missions, il faut avoir le coeur bien accroché.
Lors de la négociation de la loi mammouth, le principe a été retenu, mais aménagé, en distinguant cadres de base, cadres moyens et officiers, pour que tout le monde bénéficie de la même prime - ces missions sont aussi pénibles pour les cadres de base que pour les officiers - mais de manière à pouvoir neutraliser ses effets fiscaux. Sous la précédente législature, la prime n'était accordée qu'en cas de mission réussie. Nous avons décidé de modifier cette disposition restrictive en octroyant aussi une prime, réduite de moitié, en cas d'échec.
Quels sont les cas de figure dans lesquels la mission n'est pas exécutée ? Le plus souvent, lorsque le commandant de bord estime, sur la base d'un arrêté ministériel pris par le gouvernement actuel, que le comportement d'une personne représente un risque trop important que pour l'accepter à bord de l'aéronef. La décision incombe donc au commandant de bord et non aux policiers.
En matière d'humanité et de respect de l'autre, j'estime que les policiers ont, eux aussi, droit à un minimum de respect. Je trouve scandaleux de laisser entendre qu'il se trouverait sur notre territoire des fonctionnaires de police, qui ne sont pas des fonctionnaires comme les autres, prêts à violer les droits de l'homme pour 350 balles ! Cette politique doit être poursuivie mais je veux qu'il n'y ait aucune suspicion. Je désire mettre en oeuvre une politique équilibrée et raisonnable ; sans utilisation démagogique, politicienne ou idéologique. Une conférence sur les migrations, recueillant la participation de près de quarante ministres, vient d'être organisée au parlement européen. A cette occasion, j'ai été frappé par la similitude des constats posés, chacun voulant une politique responsable, équilibrée et réaliste en la matière. J'entends à présent des interprétations perverses et je crains des suspicions illégitimes. Dès lors, pour dissiper toute équivoque, j'ai l'intention de proposer aux organisations syndicales et au gouvernement que la prime soit intégralement octroyée, quelle que soit l'issue de la mission. D'ailleurs, je le répète, ces policiers font un travail difficile, que peu de gens accepteraient. Ils méritent cette prime car, durant leur périple du centre à la porte d'embarquement, ils supportent le stress, la violence, les injures, les situations dégueulasses.
M. Jean Cornil (PS). - Je n'ai jamais mis en cause les services de police en tant que tels. Le ministre a parfaitement répondu à mes deux questions. L'interprétation de la disposition est claire et je suis tout a fait satisfait. Je n'ai jamais voulu supprimer la prime. Seule la demi-prime, qui pouvait éventuellement constituer un incitant dans certains cas « limites », me semblait litigieuse. Je me réjouis donc que M. Duquesne propose aux syndicats de payer la prime, indépendamment de l'issue de la mission d'éloignement du territoire.