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17 JUILLET 2001
La présente proposition vise à remédier à certaines carences constatées en matière de placement des mineurs.
Elle a d'abord pour objectif de contraindre les juges à motiver, de manière claire et précise, dans leurs décisions tant au fond qu'au provisoire, les causes du placement et les conditions de retour. À cet égard, elle répète une obligation légale : la motivation des jugements. Pour ce faire, les juges devront tenir compte de l'ensemble de la situation familiale en évitant tout effet réducteur.
Cette mesure rencontre le souhait des parents d'enfants placés, souffrant de n'être pas toujours au courant des rapports qui les concernent, d'être informés clairement des motifs du placement et des conditions à remplir pour un retour à la maison. Ces parents expriment, en effet, un sentiment de non-respect et d'impuissance, ne sachant pas pourquoi une décision de placer est prise et comment contribuer au retour de l'enfant.
Elle répond également à la nécessité pour les enfants, qui vivent très souvent le placement comme un abandon par leurs parents, d'en connaître les causes exactes.
En outre, détailler les causes du placement atténuera la frustration des parents qui comprennent mal qu'on justifie le placement de leur enfant par la seule notion vague, et toujours en partie subjective, d'« enfant en danger », alors que leur situation concrète est plus complexe et mérite plus de développements.
De plus, cette disposition sera bénéfique dans la mesure où elle forcera les parents à effectuer un travail de remise en question de leur manière d'agir.
Cette mesure vise aussi, tant en cas de placement volontaire qu'en cas de placement contraint, à parer à la situation actuelle où, souvent, aucune condition de retour en famille n'est précisée de manière claire. En effet, même lorsqu'elles sont évoquées et portées à la connaissance des parents, soit elles changent au fil du temps, soit elles sont impossibles à remplir. Elles devraient pourtant correspondre aux raisons du placement. De plus, une modification des conditions de retour devrait impliquer l'obligation de repasser par le tribunal.
Le plus logique serait qu'elles soient détaillées dans la décision qui ordonne le placement pour que les parents puissent organiser le retour de l'enfant et le rendre possible dès que les conditions sont remplies. Le programme d'aide pourrait alors être rédigé sur base de la décision dûment motivée et cela permettrait d'évaluer la situation tout au long du placement mais surtout lorsque la question du retour se pose. Les intervenants, correctement avertis, pourront ainsi orienter leur travail de manière plus efficace.
Par ailleurs, une telle inscription dans le jugement ou l'ordonnance du président devrait permettre un vrai débat lors de l'audience au cours de laquelle une mesure provisoire est confirmée en une mesure au fond et lors de l'audience de révision annuelle. En effet, actuellement, le jugement prononcé en audience annuelle reprend souvent une « évaluation » qui se limite à trois lignes, précisant l'intégration de l'enfant dans sa famille d'accueil ou dans son institution. L'on devrait plutôt prendre en considération les diverses interventions posant la question de l'actualité de la nécessité du placement, au vu des causes de celui-ci et des conditions de retour décrites à l'origine.
Enfin, cette proposition de loi vise à rendre applicable à Bruxelles, en l'insérant dans la loi fédérale, l'obligation déjà formulée à l'article 9 du décret du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse, qui consiste à ne pas séparer les « fratries » durant le placement, que ce soit en institution ou en famille d'accueil. Le maintien de l'union des frères et soeurs, considérés comme étant « en danger », devrait devenir une priorité dans le choix des modalités de placement. Pourtant, les séparations de frères et soeurs sont fréquentes, pour des raisons d'organisation des institutions, de possibilités pour la famille d'accueil ou par manque de prise au sérieux de cet élément. Les frères et soeurs perdent ainsi contact et deviennent des étrangers l'un pour l'autre. Les parents doivent alors se déplacer loin de leur domicile et dans divers coins du pays pour rendre visite à leurs enfants, ce qui demande un gros investissement en temps, en énergie et en argent. Les visites s'espacent, ce qui est interprété par les institutions comme un désinvestissement parental.
À cet égard, il serait bon d'encourager les initiatives en vue de soutenir et d'aider la famille à garder un contact privilégié avec leurs enfants placés. L'on pourrait imaginer la création, conformément au concept en vogue actuellement, de « lieux de promotion familiale », espaces communs où parents et enfants pourraient se retrouver loin de leur cadre de vie, en vacances par exemple.
Clotilde NYSSENS. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Dans l'article 37 de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, il est inséré un § 2bis, rédigé comme suit :
« § 2bis. Le jugement qui ordonne une des mesures visées au § 2, 3º et 4º, énonce les causes du placement et les conditions de retour.
Dans le cas de mesures prévues à l'article 37, § 2, 3º, le tribunal de la jeunesse veille, sauf si cela n'est pas possible ou si l'intérêt du jeune s'y oppose, à ce que le jeune ne soit pas séparé de ses frères et soeurs. »
Art. 3
Dans l'article 52 de la même loi, l'alinéa suivant est inséré entre les alinéas 2 et 3 :
« Dans le cas de mesures prévues à l'article 37, § 2, 3º, le tribunal de la jeunesse veille, sauf si cela n'est pas possible ou si l'intérêt du jeune s'y oppose, à ce que le jeune ne soit pas séparé de ses frères et soeurs. »
Art. 4
L'article 52ter, alinéa 3, de la même loi est complété par la phrase suivante :
« Dans le cas de mesures prévues à l'article 37, § 2, 3º et 4º, elle énonce les causes du placement et les conditions de retour. »
Art. 5
À l'article 52quater de la même loi sont apportées les modifications suivantes :
A) l'alinéa suivant est inséré entre les alinéas 2 et 3 :
« La décision énonce les causes d'une telle mesure et les conditions de son terme. »;
B) à l'alinéa 3, qui devient l'alinéa 4, les mots « pour des raisons identiques » sont remplacés par les mots « pour les raisons citées à l'alinéa 2 »;
C) à l'alinéa 4, qui devient l'alinéa 5, les mots « par une décision contenant les mêmes motivations que celles formulées à l'alinéa 3 » sont insérés entres les mots « une seule fois » et les mots « et après communication du rapport »;
D) à l'alinéa 5, qui devient l'alinéa 6, la première phrase est remplacée par la phrase suivante :
« Les mesures préditées peuvent néanmoins être prolongées de mois en mois par décision, contenant les mêmes motivations que celles formulées à l'alinéa 3, prononcée par le juge ou le tribunal de la jeunesse selon le cas. »
Clotilde NYSSENS. |