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M. Georges Dallemagne (PSC). - Le Président Bush doit effectuer la semaine prochaine un voyage en Europe dans le cadre d'une rencontre avec l'OTAN. Si je suis bien informé, Monsieur le premier ministre, vous le rencontrerez à cette occasion à Bruxelles la semaine prochaine. Plusieurs sénateurs avaient réagi contre la décision des États-Unis de dénoncer l'Accord de Kyoto.
Le prochain Sommet européen à Göteborg doit adopter une position déterminante en ce qui concerne le processus de Kyoto. Si l'UE donne un signal clair et fort en faveur de ce processus, elle entraînera dans son sillage un certain nombre de pays et relancera ainsi ce processus aujourd'hui mis à mal.
Il y a quelques semaines, le Premier ministre a semé le doute quant à sa détermination de poursuivre la voie de Kyoto. En effet, il a annoncé vouloir négocier avec le Président Bush.
La position du Gouvernement belge influencera grandement l'avenir du processus de Kyoto notamment à travers la présidence de l'UE.
La question clé à l'approche du Sommet de Göteborg est celle de savoir si la Belgique continuera à soutenir la position commune actuelle de l'UE, à savoir le soutien inconditionnel au processus de Kyoto, même si les États-Unis y renoncent.
Nous savons qu'il existe, au sein de l'UE, des pressions pour modifier les engagements pris à Kyoto. Une attitude claire et ferme de la Belgique en faveur de ces engagements serait d'autant plus importante.
Je souhaiterais connaître la position que le gouvernement belge a arrêtée en vue de Göteborg et si celle-ci s'inscrira sans ambiguïtés et sans conditions en faveur du processus de Kyoto.
En ce qui concerne la situation belge, le premier ministre estime-t-il que tous les secteurs industriels devraient fournir un effort équivalent pour l'application des mesures décidées à Kyoto ou considère-t-il que l'effort pourrait être modulé selon les secteurs en faisant porter le poids, notamment, sur les PME et les consommateurs particuliers ? Le choix de cette dernière position entraînerait des conséquences écologiques et sociales importantes.
M. Guy Verhofstadt, premier ministre. - Je vous donnerai la même réponse que celle que j'ai faite tout à l'heure à Mmes Dardenne et Creyf à la Chambre.
En ce qui concerne le volet belge de votre question, la réponse est simple : nous faisons en sorte de pouvoir ratifier au plus tôt le traité de Kyoto. Un avis a été demandé au Conseil d'État et a déjà été reçu par le service des traités du ministère des Affaires étrangères sans que le Conseil d'État ne formule d'objections à la signature de ce traité. Le projet de traité est à la signature chez le Roi. Le projet de traité sera ensuite déposé avant les vacances au parlement pour ratification.
La signature et la ratification ne suffisent pas, il faut aussi mettre en acte les engagements pris. Un groupe intercabinets a travaillé à un plan de mise en oeuvre. Cette semaine, le conseil restreint se penchera sur ce plan. Il faudra aussi que nous nous concertions dans les jours prochains avec les régions car l'effort à fournir pour atteindre les objectifs fixés à Kyoto devra être réalisé en commun. Tant l'autorité fédérale que les régions devront prendre des mesures en ce qui concerne leurs compétences respectives. Chacune contribuera ainsi à atteindre la part de diminution de la production de CO2 fixée à la Belgique par l'accord européen de Luxembourg.
Pour l'instant, nous élaborons donc un plan d'implémentation sur base des propositions faites par M. Olivier Deleuze. Ce plan sera discuté avec les régions. Nous essaierons de faire en sorte que la mise en oeuvre du traité suive rapidement sa ratification.
Grâce à cette procédure parallèle de ratification et d'implémentation, nous serons, je crois, un des premiers pays de l'Union européenne à prendre les mesures nécessaires.
Dès que le plan d'implémentation aura été élaboré, on pourrait en débattre au parlement en ma présence et celle de M. Deleuze, parallèlement à la discussion sur la ratification. Un débat parlementaire sur ces deux points au même moment me paraît intéressant.
Vous ne m'interrogez pas sur le niveau européen ; pourtant, il y a certainement beaucoup à dire, car de nombreux volets doivent encore être définis et exécutés.
À l'échelon international, notre position est très claire à l'égard des États-Unis. Dès lors, je ne comprends pas pourquoi M. Dallemagne doute de la détermination de la Belgique. Pour ma part, j'ai simplement dit qu'en ce qui concerne Kyoto, le mieux est de dialoguer avec les Américains, sans changer notre position.
Hier encore, j'ai rencontré M. Persson. Nous avons fait part ensemble, devant la presse, de notre détermination à défendre la position européenne en ce qui concerne les décisions prises à Kyoto. Il serait malvenu d'exécuter ces mesures et de rester sur notre position tout en refusant de dialoguer avec l'administration américaine. Nous devons au contraire essayer de convaincre celle-ci de changer sa position.
Je rencontrerai personnellement le président Bush le 14 juin au matin. Le soir même, une réunion est prévue au niveau européen à Göteborg ; tous les aspects du sommet de Kyoto feront partie de l'agenda de nos discussions.
M. Persson et moi-même ne voulons pas fermer la porte au dialogue. Celui-ci est nécessaire quand il s'agit de faire changer quelqu'un d'attitude. Nous devons argumenter afin de tenter de faire évoluer la position américaine dans le bon sens, sans modifier la nôtre. Tel est le but de nos discussions du 14 juin.
L'Union européenne compte aussi faire clairement part à l'administration américaine de la nécessité d'exécuter le protocole de Kyoto et essaiera de la convaincre d'adhérer à nouveau aux procédures qui ont été convenues, plutôt que de continuer à défendre sa position.
La volonté de poursuivre le dialogue avec les États-Unis sur cette question n'est donc pas un signe de faiblesse, c'est plutôt un signe de conviction.
M. Georges Dallemagne (PSC). - Je voudrais tout d'abord apporter une petite précision. Vous me dites, monsieur le premier ministre, que je ne vous ai pas interrogé sur le niveau européen mais, en fait, c'était le coeur de ma question. Je vous interrogeais en fait sur l'attitude commune de l'Union européenne et sur les initiatives que la Belgique prendra, notamment dans le cadre de la présidence européenne, pour ne pas dénaturer le processus de Kyoto et pour lui garder son prescrit en l'état ainsi que les contraintes imposées à l'ensemble des États membres de l'Union européenne. C'était un des éléments importants de la question qui vous était adressée.
De toute façon, j'entends d'une manière générale - et cela me rassure - qu'il ne s'agit pas de négocier avec M. Bush, mais de le convaincre. Il me paraît effectivement très important de le rencontrer et de dialoguer avec lui. Il s'agit peut-être d'une erreur dans la presse, mais il était plutôt question de négociation. Dans ce cas, on fait des compromis, vous le savez, on lâche certaines choses et on n'est plus tout à fait aussi fidèle à ses propres options de départ.
Je reviens également sur l'attitude européenne. Vous avez entendu comme moi les déclarations de M. Berlusconi. On peut effectivement s'inquiéter face à la tentative de détricotage de certains gouvernements. Des pressions seront évidemment exercées sur la présidence belge. Vous devrez rencontrer certains chefs d'État et de gouvernement à l'intérieur de l'Union européenne qui tentent également de détricoter ce processus.
Il sera difficile pour la Belgique de répondre aux attentes de Kyoto, et c'est un euphémisme.
À ce point de vue, nous verrons que la Belgique aura probablement beaucoup de difficultés à mettre en oeuvre le protocole de Kyoto et qu'elle ne sera donc pas insensible à certains appels en faveur de son rééchelonnement ou de sa révision.
Je veux garder l'espoir que nous nous conformerons à Kyoto, que nous convaincrons les autres de s'y conformer.
Je profite de cette question pour vous informer que j'ai déposé, avec d'autres collègues sénateurs, une résolution que, j'espère, vous porterez au niveau du gouvernement américain, même si nous n'avons pas eu le temps de la discuter et de la voter auparavant.
Cette résolution rappelle aux États-Unis leurs manquements à l'échelon international tant au point de vue de l'environnement, des droits de l'homme, du financement du système des Nations unies ou du traité d'Ottawa en ce qui concerne les mines antipersonnel. Bref, une série de traités dans lesquels les États-Unis ont fait marche arrière et ne prennent pas les responsabilités qui incombent à une grande puissance, surtout lorsque celle-ci prétend porter des valeurs de démocratie et de droits de l'homme.
Cette résolution est portée par différents groupes politiques au niveau du Sénat. J'aimerais que vous puissiez relayer nos préoccupations dans les domaines que je viens d'évoquer.