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15 MAI 2001
(Déclaration du pouvoir législatif,
voir le « Moniteur belge » n º 88
du 5 mai 1999)
Nous proposons d'inscrire le principe de précaution à l'égard des générations actuelles et futures dans la Constitution. Nous pensons, en effet, qu'il est nécessaire d'inscrire dans notre loi fondamentale un principe juridique nouveau fondé sur une idée moderne de responsabilité objective à l'égard des générations actuelles et à venir.
Ce principe répond à un défi majeur pour la démocratie, constitue un élément essentiel d'un projet de société sous-tendu par une réflexion philosophique solide et s'inscrit dans une tendance politique et juridique. La consécration de ce principe par notre Constitution constituerait aussi un précédent.
1. Le Temps, une contrainte pour la Démocratie
« Le temps est bien au coeur du malaise démocratique. Privilégiant l'immédiat, l'éphémère, nos sociétés ont posé tant de bombes à retardement écologiques, démographiques, sociales que nous savons désormais que le temps ne joue guère en notre faveur. Et pourtant, « habiter le temps », c'est bien là l'enjeu démocratique majeur. C'est en résistant à l'urgence que nous pouvons espérer retrouver un horizon temporel. » (J. Chesneaux, « Tyrannie de l'éphémère et citoyenneté du Temps », in La société en quête de valeurs, Maxima-Laurent Duménil Editeurs, Collections Institut du Management EDF-GDF, Paris, 1996).
Avec Chesneaux, nous pensons que « le rapport au temps, la capacité à penser le temps et à s'insérer dans la durée du temps sont de bons indicateurs de la démocratie et de la citoyenneté. » Le temps se situe au coeur de nos grands problèmes de société. En effet, « nous vivons dans une société qui privilégie l'immédiat, l'instantané, sinon l'éphémère, et qui de ce fait n'est guère favorable à l'exercice des responsabilités démocratiques. (...) Nous sommes orphelins du temps et néanmoins obsédés par le temps, donc doublement embarrassés pour exercer dans la durée nos capacités démocratiques. D'un côté, en effet, nous risquons de voir se dissoudre le lien fondateur entre passé, présent et avenir. Mais, de l'autre, nous sommes envahis, submergés par les problèmes de gestion du temps. Budget-temps, partage du temps, tranches de programme, stress temporel, paramètres temporels : ces contraintes du temps et ces interrogations sur le temps pèsent lourd dans l'ensemble du champ social comme dans chaque vie personnelle ».
Et Chesneaux de citer quelques exemples. Ainsi, en est-il de la course au rendement immédiat où même « l'Office national [français] des forêts préfère aux futaies séculaires de feuillus les résineux à rotation marchande plus rapide ». Les exclus de la société (jeunes en galère et chômeurs, principalement) sont des exclus du temps comme lien social. Le débat sur « l'ingérence humanitaire » est aussi un débat sur le temps. La crise planétaire de l'environnement est également en grande partie un problème de temporalité. Le trou dans la couche d'ozone découle de nos choix de société et si les effets de ces choix sont trop lents pour nous être directement perceptibles, leurs effets différés dans le temps se révéleront sans doute désastreux pour les générations à venir.
C'est ainsi que l'on parle des bombes à retardement temporelles, les time bombs. En clair, le temps ne travaille pas pour nous et les générations futures paieront les conséquences des choix des générations qui les ont précédées. Chesneaux reprend les grands classiques des time bombs : « l'explosion démographique dans le Sud, le passage massif de l'Europe de l'Ouest à l'agriculture chimico-productiviste, l'urbanisation et ses corollaires en termes de délinquance, de drogue, de désarroi et de désocialisation, les déchets nucléaires ».
Et que dire alors de la croissance, du chômage, des dettes publiques, des dettes extérieures, des dettes implicites liées au paiement des pensions futures, du vieillissement de la population et de ses conséquences, du coût du tabac sur la santé publique, des moratoires techniques en matière d'énergie nucléaire et de génie génétique, ... ?
Oui, Chesneaux a raison quand il en déduit que « c'est bien la citoyenneté, la capacité à penser collectivement et activement le devenir social, que menace un temps contracté dans l'immédiat et le court terme ». A l'instar du philosophe Henri Lefèvre, Chesneaux opère la distinction entre le citoyen et l'usager. « Le citoyen se préoccupe du temps, de ce qui arrivera plus tard, de la portée pour l'avenir des décisions qu'on prend. L'usager, au contraire, veut que « ça » fonctionne immédiatement. Il ne cherche que des satisfactions à court terme, sans se soucier de réfléchir dans la durée, et plus précisément d'évaluer les priorités du présent en fonction à la fois des acquis de l'expérience passée et des enjeux du futur ».
La réponse à ces défis de société posés par le temps consiste à « habiter le temps ». Il s'agit d'une responsabilité du citoyen et de l'élu.
Pour ce qui concerne le citoyen, ceci rejoint des projets antérieurs comme « le pari sur la citoyenneté » de Melchior Wathelet ou les appels au « réveil du citoyen ». L'idée est en fait, pour reprendre les termes d'Henri Lefèvre, de transformer l'usager en citoyen. Il s'agit d'un changement de mentalités et de comportements qui passe notamment par l'éducation.
Mais, ce changement concerne aussi les décideurs. Pour eux aussi, « habiter le temps, c'est refuser l'enchaînement rigide des interfaces; c'est résister aux pressions de l'instantané et de l'immédiat ». Pour faire face aux défis de la Démocratie et du Temps, il faut éviter les voies sans issue. « Le temps démocratique n'est ni celui des marchés, ni celui des totalitarismes, ni celui des futurologues » (Chesneaux, op. cit.). La démocratie peut répondre à ces défis mais, pour cela, il faut revoir certaines modalités pratiques de son fonctionnement et poser des principes qui garantissent la prise en compte des aspects de « long terme ».
C'est ainsi que sont apparus le principe juridique de précaution et son pendant politique, le droit des générations à venir (Martine Remond-Gouilloud, « Le risque de l'incertain, la responsabilité face aux avancées de la science », in La vie des sciences, comptes rendus de l'Académie des sciences, 1993, nº 4).
Pour Chesneaux, « le principe juridique de précaution, bien plus exigeant que le vieux droit des indemnités, oblige à penser vers l'aval, et non plus seulement vers l'amont du temps, la « responsabilité de la chose ». Et, le principe politique des « droits des générations à venir » pose la nécessité d'un nouveau « contrat social », profondément original puisqu'il est passé entre des contractants dont l'un n'existe pas encore ».
Le principe juridique de précaution repose sur une idée moderne de responsabilité objective à l'égard des générations à venir et donc sur une éthique de responsabilité. Ceci est particulièrement évident dans les matières environnementales.
Avec François Ost, nous partageons l'idée selon laquelle « les conditions mêmes de l'agir humain se sont modifiées appelant une redéfinition du cadre éthique de l'action et donc en particulier de l'action collective, de l'action politique ». Dans son livre, l'auteur développe au chapitre 7 intitulé « Responsabilité. Après nous, le Déluge? » les mutations de cet agir éthique et les raisons pour lesquelles « il nous revient désormais d'être gardiens de la nature et des générations futures dont les intérêts sont indissociablement confondus, dès lors qu'ils sont fragilisés au point même que leur maintien n'est pas assuré » (F. Ost, « La nature hors la loi, l'écologie à l'épreuve du droit », éditions de la découverte, Paris, 1995).
Sa réflexion, que nous partageons, puise sa source dans le domaine de l'environnement.
A la Conférence des Nations Unies concernant l'environnement et le développement qui s'est tenue à Rio de Janeiro en juin 1992, les petits pays insulaires directement menacés par l'effet de serre, ont manifesté vivement leur inquiétude. François Ost pose la question pertinente de savoir comment engager des responsabilités et imposer des solutions dès lors que de toute évidence, l'effet de serre résulte de l'action cumulative de centaines de millions de comportements individuels non délibérés ? L'auteur constate que toutes les composantes de la tragédie semblent ainsi réunies : « l'énormité des enjeux et l'irréversibilité des processus en cours et la contrainte quasi irrésistible d'un mouvement de développement qui entraîne les nations dans une consommation toujours accrue, dont nous savons qu'elle conduit à une rupture de charge du système écologique. Et comme dans la tragédie, les avertissements ne manquent pas en vue, s'il en est encore temps, d'inverser le mouvement et d'inventer une autre issue pour cette moderne histoire de déluge. ».
Une telle tragédie ne peut rester sans réponse, sans réaction concertée, sans action collective.
Aujourd'hui, le politique doit réguler les conséquences de la science qui, pendant des siècles, a été associée pleinement aux idées de technologie, de progrès, de croissance et de développement mais qui maintenant suscite également des craintes et des menaces.
L'idée nouvelle d'une responsabilité solidaire élargie à l'échelle universelle interpelle. Elle appelle à des missions de garantie, de sauvegarde, d'assistance et de protection à l'égard de ce qui est vulnérable et fragile. Elle engendre des obligations de précaution, de prévention et de prudence qui appellent l'idée de limite. Et cette prudence implique tout d'abord l'obligation de savoir, pour tenter de mesurer les conséquences les plus lointaines des choix posés.
Cette responsabilité se pose à l'égard des générations à venir à l'égard desquelles nos générations actuelles ont des devoirs de la même manière que les générations qui nous ont précédés ont eu des obligations à notre égard.
Les générations présentes ont le devoir de transmettre un « patrimoine commun de l'humanité » aux générations futures.
Elles portent la responsabilité objective de transmettre et de préserver des « choses communes » aux générations à venir fondées sur un concept élargi d'humanité dont on peut retrouver les premières formulations philosophiques chez Kant pour lequel ce concept contenait déjà les notions de sentiment de bienveillance, de communauté humaine et de nature humaine (F. Ost, op. cit., p. 275 et suivantes).
Cette conception de l'éthique de la responsabilité comme morale de l'engagement se retrouve aussi dans la doctrine du PSC : « l'urgence d'une éthique personnaliste » (voir le texte sur le Lien social préparatoire au Congrès du PSC qui a eu lieu en janvier 1998). On peut y lire ce qui suit :
« Par rapport à la « simple » idée du respect de la personne, les mutations profondes que nous connaissons suggèrent l'énoncé d'un autre principe cardinal, celui de la responsabilité. Cet impératif est nouveau parce qu'il excède une éthique de la proximité et parce qu'il s'inscrit dans le temps. H. Jonas propose que nous soyons aujourd'hui responsables du futur le plus lointain de l'humanité : « Agis de telle sorte qu'il existe encore une humanité après toi et aussi longtemps que possible ».
P. Ricoeur (1991) identifie les mutations de ce qu'il appelle « l'agir humain », mutations qui éclairent le besoin d'éthique de nos sociétés et justifient de se focaliser sur l'idée de responsabilité :
la prise de conscience des phénomènes d'irréversibilité de l'agir humain par rapport à l'environnement ou par rapport aux générations futures;
les mutations liées aux sciences de la vie par les diverses formes de maîtrise de la reproduction (contraception, insémination artificielle, fécondation in vitro), de maîtrise de l'hérédité par le génie génétique ou de la maîtrise du système nerveux;
le modèle de développement et ses conséquences sociales (la dissociation du marché et de la société, de l'économique et du social);
les mutations introduites dans le domaine de la communication par les nouveaux médias et le risque que l'accroissement de ces moyens occulte l'interrogation sur les fins;
la fin de l'idée de Progrès et l'affaiblissement des repères qui structuraient traditionnellement l'espace public et qui suscitent une exigence éthique. (P. Ricoeur, « Autour du politique », Lectures 1, Ed. Seuil, 1991).
L'éthique de la responsabilité est aussi une morale de l'engagement, une attitude de la résistance du sujet face à la dissociation du monde, à la séparation de l'univers du marché et de la société, à la dissociation entre les exigences de la raison instrumentale et l'ordre des convictions, entre la rationalité du marché et la subjectivité des identités.
L'éthique de la responsabilité n'est-elle pas, en définitive, la seule réponse possible à la proposition un peu vertigineuse de M. Gauchet : « notre modèle social produit des individus aujourd'hui incapables de se reproduire ». » (Cepess, « Réinventer le lien social », texte préparatoire au Congrès du PSC, 12 novembre 1997).
Le principe de précaution doit être appréhendé comme un principe de gouvernement. Il s'agit d'une composante essentielle du modèle de développement durable dont P. Bisciari et E. Michel ont retracé les contours à l'occasion du Douzième Congrès des Economistes belges de langue française. (P. Bisciari et E. Michel, 1996, « Croissance et société : de la production à l'intégration », in Les grandes interrogations de l'an 2000 : croissance, emploi, sécurité sociale, Douzième Congrès des Economistes belges de langue française, Cifop, Charleroi) :
« Face aux importantes mutations de l'environnement dans lequel s'exerce la décision politique, un principe de gouvernement semble pouvoir guider valablement notre action : celui de la précaution à l'égard des générations actuelles et futures. Un tel principe suppose de considérer, en priorité, la soutenabilité à long terme des politiques :
la soutenabilité économique (en regard du rythme et des conditions de la croissance);
la soutenabilité budgétaire (en regard de l'endettement public);
la soutenabilité sociale (en regard du chômage et des systèmes de sécurité sociale);
la soutenabilité écologique (en regard de l'environnement, des ressources naturelles et de l'aménagement du territoire). »
Ainsi, la précaution garantit le caractère durable de la croissance et s'ajoute au triptyque production, répartition et intégration. Ce triptyque correspond aux trois fonctions du travail identifiées par Boissonnat (Boissonnat, J., « Le travail dans vingt ans », Commissariat du Plan, 1995).
La référence à un modèle de développement durable tend à être privilégiée de plus en plus largement même si les contours de ce modèle divergent selon les partis politiques. Ainsi, N. Gouzée et E. Lentzen soulignent la convergence des points de vue et l'avancée d'un concept de développement durable dans les préoccupations des partis politiques. Elles « rappellent qu'au moment de la Conférence de Rio, en 1992, l'annonce de la nécessaire transition vers un modèle de développement durable avait été perçue comme purement incantatoire par une très grande partie du monde politique ». En 1996, elles constatent que les réponses apportées par les partis politiques à diverses questions relatives à la croissance montrent que, « pour tous les auteurs considérés, la recherche d'un autre modèle de développement a maintenant un sens ».
Mieux, les mêmes chercheuses soulignent un autre élément de consensus politique. En effet, « une autre convergence importante est l'expression du besoin d'une dynamique de développement nouvelle ». Tous les partis se réfèrent explicitement au projet de développement durable ou soutenable ou à la notion d'écodéveloppement.
Il nous semble opportun de consacrer dans la Charte fondamentale de notre pays ce consensus politique autour d'un principe valable en tous temps et en tous lieux.
Le texte proposé vise donc à insérer dans notre droit constitutionnel un principe selon lequel les décideurs sont obligés de tenir compte des risques et des effets prévisibles probables voire incertains dans les choix qu'ils opèrent.
Au delà des références à la Conférence de Rio, ce principe de précaution envers les générations futures a déjà été traduit en normes juridiques, mais dans des domaines limités.
On en trouve ainsi mention, au niveau de l'Union européenne, dans le (seul) domaine de l'environnement à l'article 130 R du Traité de Rome. Cet article dispose que :
« 1. La politique de la Communauté dans le domaine de l'environnement contribue à la poursuite des objectifs suivants :
la préservation, la protection et l'amélioration de la qualité de l'environnement;
la protection de la santé des personnes;
l'utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles;
la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l'environnement.
2. La politique de la Communauté dans le domaine de l'environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de la Communauté. Elle est fondée sur les principes de précaution et d'action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement et sur le principe du pollueur-payeur. Les exigences en matière de protection de l'environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en oeuvre des autres politiques de la Communauté. ».
Ce principe a aussi été consacré par la jurisprudence allemande. Ainsi, François Ost explique que : « La Cour Constitutionnelle allemande a forgé une jurisprudence en vertu de laquelle le législateur est tenu de faire une sorte d'étude d'incidence préalable à toute initiative législative. En vertu de cette méthode, diverses obligations sont imposées au législateur pour compenser l'incertitude qui existe sur les effets prévisibles de la loi. Dans la phase préparatoire, la Cour demande que le législateur fasse une investigation complète des faits pertinents, qu'il analyse les différentes variantes de législation qui se présentent et qu'il se livre à une évaluation prospective des effets qui peuvent être produits par la loi et qu'il la corrige en fonction des effets observés » (F. Ost, « le temps virtuel des lois post-modernes ou comment le droit se traite dans la société de l'information »).
Ce principe est enfin aussi présent implicitement dans diverses normes budgétaires. L'idée est ici d'éviter que l'État ne contracte une dette nuisible à la prospérité, à l'épanouissement, au bien-être et à la capacité démocratique d'action des générations futures.
A cet égard, le droit européen a consacré plusieurs normes budgétaires. Ainsi, le Traité de Maastricht a prévu des normes (notamment budgétaires) de convergence, normes dont le respect à une échéance donnée conditionne l'accès à l'Union économique et monétaire. Ces normes chiffrées ont trait à un seuil maximal de déficit de l'ensemble des pouvoirs publics exprimé en proportion du Produit intérieur brut et à une valeur de référence du taux d'endettement (rapport entre la dette publique brute et le Produit intérieur brut).
L'article 104 C du Traité de Rome fait également référence à l'une des règles budgétaires les plus classiques, à savoir la règle d'or des finances publiques. Selon cette règle, le déficit public devrait correspondre aux dépenses publiques d'investissement. En d'autres termes, nul gouvernement ne peut financer par l'emprunt des dépenses autres que de capital. En outre, lorsqu'un pays ne satisfait pas aux critères pour le déficit public ou pour la dette publique, la Commission doit examiner dans quelle mesure il y a correspondance entre déficit et financement d'investissement.
Notre souci est d'élargir le champ d'application du principe de précaution à tous les domaines de l'action politique et législative, et de ne pas le limiter à celui de l'environnement.
Il n'est pas difficile d'imaginer, en effet, d'autres matières où le principe s'impose. Notre analyse de la Démocratie et du Temps a permis d'en illustrer certaines sphères d'application. Par ailleurs, notre conception du développement durable, axée sur la soutenabilité à long terme des politiques menées, nous amène à élargir le champ d'application du principe de précaution.
Le principe de précaution, pensé en termes de responsabilité solidaire ou collective, doit faire partie de cette nouvelle culture politique, de cette éthique de l'avenir où chacun et le politique en particulier doit assumer des missions « civiques ».
En acceptant ce principe, le Constituant belge retrouverait aussi son rôle de phare pour une société belge en désarroi et ressentant un cruel manque de confiance en l'avenir, et de modèle pour les autres Nations européennes.
En effet, les juristes reconnaissent à la Constitution de 1831 des qualités novatrices pour l'époque. C'est la raison pour laquelle notre Constitution a servi de modèle à d'autres pays d'Europe.
En 1993, lors de la dernière révision constitutionnelle, le Constituant a fait un pas décisif en adoptant l'article 23, consacrant des droits économiques et sociaux. A ces droits correspondent des obligations pour les décideurs afin qu'ils donnent du contenu à ces droits.
Aujourd'hui, un pas nouveau est posé. Il est proposé de reconnaître de la façon la plus large (c'est-à-dire pour une vaste gamme de droits fondamentaux et non pour le seul droit à un environnement sain) des droits pour des personnes qui ne sont pas encore nées et, parallèlement à cela, des obligations pour les décideurs d'intégrer ces droits dans leurs prises de décision.
Pour toutes ces raisons, il nous semble nécessaire d'inscrire dans notre loi fondamentale que le sort des générations futures est directement affecté par le comportement des générations présentes et que les générations futures, au même titre que les générations actuelles, bénéficient de droits fondamentaux garantis par notre Charte fondamentale. Tel est le sens du principe de précaution proposé.
Clotilde NYSSENS. |
Article unique
Dans l'article 23, alinéa 2, de la Constitution, les mots « et du principe de précaution à l'égard des générations actuelles et futures » sont insérés entre les mots « en tenant compte des obligations correspondantes » et les mots « , les droits économiques, sociaux et culturels ».
Clotilde NYSSENS. |