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Mme la présidente. - Je vous propose de joindre ces demandes d'explications. (Assentiment)
M. Georges Dallemagne (PSC). - Je dois une nouvelle fois vous interroger sur la contamination de patients ayant subi des examens avec des instruments rincés dans une solution de Cidex défectueuse.
Voici quelques jours, on a pu lire dans les journaux que la firme Johnsson & Johnsson avait fait parvenir aux victimes une proposition d'indemnisation et que vous aviez désigné un groupe d'experts chargés d'analyser les cas de contamination.
Paradoxalement, alors que l'on part d'une procédure d'indemnisation des dommages subis par les victimes, le rapport épidémiologique intérimaire relatif à la contamination n'est toujours pas disponible, contrairement à ce que vous m'aviez dit lors de ma précédente demande d'explications. Je dois bien constater qu'à ce jour, ni les victimes, ni moi-même ne sommes en possession du rapport concernant la contamination, malgré mon insistance et mes courriers.
Par ailleurs, il me paraît logique que des procédures d'indemnisation ne doivent pas être clôturées avant la publication du rapport épidémiologique. En effet, ce n'est que par rapport aux données épidémiologiques complètes que l'importance des dommages subis par les victimes pourra être correctement évalué. Le rapport final était prévu pour la fin du mois d'avril. Qu'en est-il exactement aujourd'hui ?
Je voudrais également vous interroger sur la procédure d'indemnisation qui vient d'être proposée par la société Johnsson & Johnsson aux victimes de la contamination. Celle-ci nous semble nous semble peu précise et même ambivalente sur certains points. En effet, des distinctions donnant lieu à des traitements extrêmement différenciés en matière d'indemnisation sont faites sans que nous n'en comprenions véritablement la raison. Ainsi, des distinctions sont établies entre les différents types de contaminations virales, certaines contaminations n'étant pas citées comme donnant lieu à indemnisation, comme celle par le HIV ou par la tuberculose. Des distinctions sont aussi établies entre la contamination par hépatite C et les dommages résultants de celle-ci. Des dommages physiques et des dommages moraux sont pris en compte pour les patients atteints d'hépatite B mais seuls les dommages physiques sont retenus pour les autres maladies, sans que j'en comprenne la raison.
Dans sa description actuelle, la procédure prévoit une évaluation des dommages physiques qui sera faite, soit de commun accord entre le médecin traitant et l'expert médical de Johnsson et Johnsson, soit après examen par le panel d'experts indépendants que vous avez désignés. J'aimerais savoir qui fera le choix entre l'une ou l'autre procédure d'évaluation et dans quelles conditions.
Pourquoi cette possibilité d'accès à ce panel d'experts indépendants est-elle limitée aux dommages physiques ? Le gouvernement ne devrait-il pas mettre en place une autre commission ou une autre instance qui puisse prendre en considération les cas litigieux concernant les dommages moraux, psychologiques et sociaux que disent avoir subi les victimes du Cidex et dont on trouve trace dans leurs dossiers médicaux.
Trouvez-vous normal que la firme Johnsson & Johnsson considère qu'il n'y a pas lieu d'indemniser les personnes non infectées ou qui n'ont pas eu de trouble médical pour le dommage moral subi en raison de l'angoisse provoquée par la crainte de la contamination et par le contact avec des instruments mal stérilisés ?
En ce qui concerne le panel d'experts et de scientifiques, j'aimerais connaître les critères de leur désignation. Quoique convaincu de leurs compétences, ne serait-il pas malsain que certains d'entre eux aient bénéficié de bourses de recherches de la part de Johnsson & Johnsson ou aient déjà pratiqué des expertises pour cette firme ?
J'aimerais enfin savoir qui financera les travaux de ces experts.
M. Alain Destexhe (PRL-FDF-MCC). - J'ai déposé une question orale relative à la problématique du Cidex avant le congé pascal. Le cabinet de Mme la ministre m'a invité à la transformer en demande d'explications car, à l'époque, Mme Alvoet était à l'étranger.
Mes questions seront assez directes, la ministre connaissant bien les antécédents de cette affaire.
Où en est la procédure de désignation du comité d'experts indépendants ? Pouvez-vous nous donner la composition de ce comité, des noms, des précisions et, éventuellement, des dates concernant son ordre des travaux ?
Avez-vous de nouveaux résultats à nous communiquer, notamment sur la deuxième série de tests ainsi que sur d'éventuelles contaminations bactériennes ?
Johnson & Johnson a fait des propositions au collectif des victimes du Cidex. Avez-vous été tenue informée de cette procédure ? Vos services l'ont-ils approuvée ?
Cette procédure ne mentionne aucun montant d'indemnisations. Verbalement, certains chiffres ont été avancés. On a parlé de 250.000 francs complémentaires, en sus des frais médicaux. Auriez-vous des informations complémentaires à ce sujet ?
Enfin, je regrette comme mon collègue que le rapport préliminaire, que la ministre avait mentionné le 1er février, n'ait pas été transmis à la commission des Affaires sociales. Ou alors, c'est peut être le président de la commission qui a mal fait son travail... J'aimerais, en tout cas, vous rappeler votre engagement dans ce domaine.
Mme Magda Aelvoet, ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement. - Je répondrai en même temps aux deux intervenants. Je tiens tout d'abord à souligner que le rapport préliminaire relatif aux infections - anciennes ou récentes - de type bactérien, viral ou fongique a été transmis, il y a quelques semaines déjà, à la commission des Affaires sociales du Sénat et à la commission de la Santé publique de la Chambre. J'ai remis ce rapport en mains propres aux membres du collectif Cidex. Le rapport définitif exige beaucoup de temps car les données sont envoyées par les hôpitaux dans des formats différents - spreadsheet, simple e-mail, fax ou lettre - qui nécessitent une harmonisation. Tous les hôpitaux ont répondu pour la première vague de résultats et un peu plus des trois quarts l'ont fait pour la deuxième vague d'examens de confirmation ou d'infirmation. Il est évidemment impossible de rédiger le rapport final avant réception des données complètes.
J'ai précisé dans la première partie de ma réponse que toutes les infections, sans exception, sont prises en compte. À titre d'exemple, je vous signale qu'un cas de tuberculose, en fait un virage tuberculinique, a été observé et mis immédiatement sous traitement. Ce cas sera indubitablement pris en compte dans l'indemnisation.
En ce qui concerne l'évaluation des dossiers, deux des trois experts formant le groupe d'experts indépendants seront chargés d'examiner chaque dossier pour toutes les maladies infectieuses, sans exception, et établiront un lien de probabilité et de causalité entre les deux événements. Je vous signale par ailleurs que tous les dossiers examinés seront « anonymisés » au départ. Les dommages moraux sont très difficiles à examiner. Ils seront pris en compte par les patients et leurs médecins dans les transactions avec la firme Johnson & Johnson. J'ai décidé de nommer pour cette expertise des experts issus du monde académique dont l'indépendance ne pourra être remise en cause. Il s'agit du professeur Adler de l'ULB, du professeur Petermans de la KUL et du professeur Goubau de l'UCL. Le but n'est pas de mettre en place une expertise contradictoire, comme devant les tribunaux mais plutôt de mettre toutes les chances du côté des patients.
La désignation d'un expert recommandé par le collectif aurait fait perdre au groupe son caractère indépendant.
L'expertise peut, à mon sens, commencer sans tarder et donc sans attendre les résultats globaux, selon les dates d'introduction des dossiers par les personnes concernées.
Tous les frais issus de cette expertise - je pense à l'utilisation des locaux de l'Institut scientifique de santé publique, au secrétariat, aux envois postaux, aux relations avec les médecins et aux honoraires des experts - seront entièrement à la charge de la firme responsable de l'incident.
Il n'y a, à mon sens, aucune ambiguïté qui empêcherait une reconnaissance réelle du dommage. Je pense que la procédure mise en place est souple, rapide et honnête. Si des milliers de patients avaient dû ester en justice, je vous laisse imaginer les difficultés qu'ils auraient rencontrées.
La création d'un groupe d'experts indépendants, le fait que ceux-ci travailleront sur des dossiers anonymes et que la firme ait à supporter tous les frais liés à cette affaire suite aux avis rendus par les experts, bref, cet ensemble de données va dans le sens d'un renforcement clair et net de la position du patient. C'est moi-même qui en ai décidé ainsi et la firme Johnson & Johnson a accepté de travailler de cette façon.
Vous avez dit, monsieur Dallemagne, que deux possibilités étaient offertes, à savoir, d'une part, de passer par le panel indépendant et, d'autre part, d'organiser une réunion entre le médecin traitant et un médecin désigné par Johnson & Johnson. Peut-être la firme Johnson & Johnson a-t-elle fait cette proposition afin d'accélérer davantage les procédures dans des cas évidents. Cependant, les personnes concernées choisiront la formule qui leur conviendra. Si la transaction proposée ne leur paraît pas équitable, elles auront toujours la possibilité d'ester en justice. La démarche entreprise va dans le sens d'un renforcement de la position des patients. Elle est assez unique selon moi.
J'en viens à vos questions spécifiques, monsieur Destexhe.
Le comité commencera ses travaux ce 26 avril, en présence d'un certain nombre d'experts de l'Institut scientifique de santé publique avec, à l'ordre du jour, le nombre de dossiers attendus, le protocole pour la collecte des dossiers, le protocole pour l'évaluation, etc. Le rapport préliminaire a été transmis à la Chambre et au Sénat ainsi qu'aux membres du collectif. Le rapport définitif demandera encore du temps.
Nous avons été tenus au courant des propositions formulées par Johnson & Johnson en présence de l'avocat du collectif. En tant que pouvoir public, j'estime ne pas pouvoir intervenir sur ce plan. J'ai veillé à la création d'un groupe d'experts indépendants. La firme a accepté de supporter les frais liés au travail de ces experts. Les remboursements se feront par l'intermédiaire du ministère de la Santé publique, ce qui exclut toute forme de pression et permettra à ces experts de rendre leur avis dans l'indépendance la plus totale, chaque fois qu'il leur sera demandé.
La procédure d'indemnisation n'a pas été proposée par Johnson & Johnson mais entérinée par elle. Il s'agit d'un contrat entre l'Institut Scientifique de Santé Publique et moi-même. Les conclusions de l'expertise seront soumises au patient qui pourra discuter d'une transaction avec J&J. Je vous signale que la firme s'est engagée tacitement à accepter les conclusions des experts.
M. Georges Dallemagne (PSC). - Je ne mets pas en doute les propos de Mme la ministre concernant ce rapport intermédiaire, mais je trouve la situation plus que surprenante. M. Destexhe et moi-même suivons attentivement la question depuis quelques mois maintenant. Lorsque nous avons réclamé ce rapport, vous nous avez répondu, madame, qu'il était entre les mains du président de la commission. J'ai donc pris contact avec celui-ci, peu avant les vacances de Pâques, donc bien après la demande d'explications de février, et il m'a dit ne pas l'avoir reçu. Il en va de même du collectif des victimes, que j'ai rencontré récemment.
Ce rapport relève maintenant du domaine public, puisque les victimes en ont reçu un exemplaire. Nous souhaiterions donc en obtenir une copie, ce qui nous faciliterait considérablement la tâche, dans le sens où nous pourrions économiser notre énergie et nous dispenser de vous poser des questions n'ayant peut-être pas lieu d'être.
En ce qui concerne le rapport définitif, vous nous répondez qu'il faudra patienter, ce qui me surprend, puisqu'il devait en principe être terminé pour fin avril.
Mme Magda Aelvoet, ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement. - Comme je vous l'ai dit, un peu plus de trois quarts des hôpitaux nous ont répondu pour ce qui est des tests de la deuxième vague. Vous conviendrez qu'il est impossible d'établir un rapport définitif avant d'avoir recueilli toutes les données nécessaires à cet effet. Comment voudriez-vous, dès lors, que je fixe un calendrier ?
M. Georges Dallemagne (PSC). - En ce qui concerne le dommage encouru, j'espère que les propositions de Johnson & Johnson pourront être revues à la lumière des conclusions définitives de ce rapport. Il faudra en effet réévaluer l'ampleur du dommage. Vous avez parlé de milliers de victimes. J'ignore ce qu'il en est exactement...
Mme Magda Aelvoet, ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement. - J'ai dit que 35.000 personnes avaient subi des examens. Il n'est aucunement question de milliers de victimes !
M. Georges Dallemagne (PSC). - J'en prends acte.
Pour ce qui est des transactions, il existe maintenant un collège d'experts indépendants chargé des aspects médicaux du dossier. Quant aux autres aspects, les personnes concernées, soit concluent une transaction avec Johnson & Johnson, soit entament une action en justice. Ne serait-il pas opportun qu'un collège d'experts indépendants rende des avis sur ces questions ? En effet, les victimes n'ont d'autre choix, pour réagir aux dommages moraux et autres qu'elles ont subis, que d'ester en justice, avec les complications et les frais qui en résultent. Nous estimons que, dans cette crise, Johnson & Johnson aurait dû prendre davantage ses responsabilités en matière d'indemnisation.
M. Alain Destexhe (PRL-FDF-MCC). - En ce qui concerne le rapport, j'ai pu voir le document qui a été remis aux victimes. On ne peut pas appeler « rapport » cette note de deux ou trois pages maximum, donc à peine plus étoffée que le communiqué de presse de Belga.
Je ne considère donc pas ce document comme un rapport préliminaire digne d'un incident de contamination d'une telle importance. De nombreuses questions avaient déjà été posées lors des précédentes demandes d'explications sur la base de cette simple note. Nous n'avons visiblement pas tous la même conception du mot « rapport ».
Mme Magda Aelvoet, ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement. - Il s'agit en effet d'un rapport de deux ou trois pages, mais qui donne tous les résultats, par catégorie de tests.
M. Georges Dallemagne (PSC). - Il est ahurissant d'entendre de tels propos. Le problème concerne 35.000 victimes ; cela fait un an que l'on en parle et pour tout rapport, on obtient une note de trois pages. C'est faire peu de cas des problèmes, des difficultés et des graves ennuis qu'ont connus ces milliers de personnes. Cela me paraît assez scandaleux.
-L'incident est clos.