2-256/6

2-256/6

Sénat de Belgique

SESSION DE 2000-2001

21 FÉVRIER 2001


Proposition de loi instituant les avocats des mineurs


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR MME de T' SERCLAES


La commission de la Justice a examiné la présente proposition de loi au cours de ses réunions des 11 octobre, 29 novembre et 6 décembre 2000, 10, 17, 24 et 31 janvier 2001 et 21 février 2001.

I. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE L'AUTEUR DE LA PROPOSITION DE LOI

L'auteur renvoie aux développements de la proposition de loi et au commentaire des articles (doc. Sénat, nº 2-256/1, pp. 1-6).

Un tiers des couples avec enfant(s) se séparent. Cette séparation débouche généralement sur un divorce définitif. Les parties en instance de divorce sont assistées chacune par leur avocat. Les enfants, eux, sont laissés-pour-compte. Lorsqu'un des ex-conjoints ou parfois les deux ne supportent pas la séparation, ils s'engagent dans un conflit émotionnel et les enfants sont souvent le moyen ultime pour blesser l'autre.

L'avocat se trouve dans une situation inconfortable. Il doit avant tout assister son client, mais ne peut pas perdre de vue que les intéréts des enfants ne coïncident pas toujours avec le souhait et les attentes de la partie qu'il défend. Tous les avocats n'ont pas le courage, à ce moment-là, d'aller à l'encontre des intérêts de leur client en affirmant que les droits de l'enfant sont prioritaires dans une procédure de divorce.

Même lorsque des enfants sont victimes de délits, ils n'ont jamais d'avocat en leur nom personnel. Ce sont les parents qui peuvent se constituer partie civile. Lorsqu'il s'agit de délits intrafamiliaux, ce sera un des parents qui défendra, le cas échéant, les intérêts des enfants. Ici encore, on constate que non contents d'être les victimes des délits, les enfants sont, de surcroît, les victimes des mesures prises.

Combien de fois n'arrive-t-il pas qu'un père qui s'est rendu coupable d'inceste, reste en fin de compte avec son épouse tandis que les enfants se retrouvent placés en institution ? En plus du traumatisme important provoqué par les faits commis, c'est finalement l'enfant qui est puni pour les délits commis par autrui. Ici non plus, les enfants ne peuvent pas se faire conseiller par leur propre avocat, si important que cela puisse être.

Il faut donc se demander si le moment n'est pas venu d'accorder aux mineurs le droit d'avoir leur propre avocat, un « avocat des mineurs ». En leur offrant cette possibilité, on concrétiserait l'article 9 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant. Le point 2 de cet article dispose en effet : « Dans tous les cas prévus au paragraphe 1er du présent article, toutes les parties intéressées doivent avoir la possibilité de participer aux délibérations et de faire connaître leurs vues. »

L'article 12 de ladite convention, consacré au droit à la libre expression, énonce en son point 2 : « À cette fin, on donnera notamment à l'enfant la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ou d'un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale. »

Le rapport final de la Commission nationale contre l'exploitation sexuelle des enfants prône lui aussi expressément la mise en place d'un système d'avocats pour les enfants.

Les avocats doivent être formés à l'assistance des mineurs. Cette formation comprend tout d'abord la connaissance juridique des droits de l'enfant et de tout ce qui va de pair. Outre une formation juridique poussée, cet avocat doit disposer aussi d'un bagage psychologique.

Peu d'adultes sont capables de parler aux enfants en se mettant à leur niveau. Si l'on veut se consacrer aux rapports avec les enfants et se charger de la défense de leurs intérêts, il faut donc avoir beaucoup de psychologie et de feeling. Une formation adaptée doit être prévue.

L'avocat doit bien sûr être un expert qui soit au fait des questions de procédure et des aspects d'encadrement des enfants confrontés à des problèmes. C'est lui aussi qui peut organiser une concertation avec les parents ou des tiers. Il peut jouer un rôle important dans le cadre de la médiation entre l'auteur du délit et sa victime, dans le cas présent l'enfant-auteur ou l'enfant-victime. Il peut également soutenir l'enfant dans la tentative de réconciliation après des problèmes conjugaux graves ou lorsque des enfants ont été l'objet de délits commis par des membres de la famille.

L'avocat des mineurs peut défendre les intérêts de l'enfant dans toutes les matières qui ont trait à la Convention internationale relative aux droits de l'enfant. De plus, il peut intervenir activement dans deux domaines spécifiques :

A. L'assistance dans le cadre des problèmes familiaux et relationnels

Lorsque des parents ont des problèmes familiaux et qu'un divorce est envisagé, il est bon que les enfants puissent faire appel à un avocat pour défendre leurs intérêts de manière spécifique et exclusive. Cet avocat des enfants pourra intervenir dans la négociation entre les parents, eux-mêmes assistés par leur propre conseil. Les enfants disposeront ainsi d'un droit de parole qu'ils n'ont en fait pas à l'heure actuelle. Dans l'enceinte de son cabinet et sous le couvert du secret professionnel, l'avocat pourra s'enquérir des souhaits et désirs de l'enfant et donc les défendre.

Il doit en outre avoir la sagesse de rectifier le tir lorsqu'il l'estime nécessaire. Les souhaits des enfants, comme ceux des adultes, ne sont pas tous réalistes et ne servent pas tous leurs intéréts. La première tâche du conseil, homme ou femme, sera donc bien de conseiller son client, en l'occurrence le mineur.

Le statut juridique des enfants sera renforcé du fait qu'ils seront assistés par leur propre avocat. L'on évitera ainsi également qu'ils ne soient ballottés entre le père et la mère et ne se retrouvent dans une situation émotionnelle impossible. Les enfants sont d'une loyauté extrême envers leur père et leur mère. Les parents peuvent abuser de cette loyauté, consciemment ou non. L'institution d'un avocat des mineurs offre l'avantage qu'au moment d'être entendu par un magistrat, l'enfant peut également être assisté par son propre avocat. Aujourd'hui, les enfants sont conduits devant le juge par un des parents qui les influence parfois jusqu'au dernier moment. C'est donc en état de forte pression qu'ils se présentent devant le juge, dans une situation parfois très inconfortable pour eux. La crainte de devoir rencontrer le juge peut également être traumatisante pour l'enfant.

L'assistance prodiguée par un avocat qui les encadre, les conduit au tribunal et les assiste durant l'audition aurait en tout cas un effet apaisant pour l'enfant et serait une garantie pour le respect de ses droits.

Lorsque l'affaire est jugée au fond, cet avocat pourrait, dans les limites du secret professionnel, faire part des souhaits et des aspirations profondes de l'enfant, dans l'espoir d'être entendu par le juge appelé à prendre cette décision difficile. Au cas où une décision irait à l'encontre de la demande de l'enfant, l'avocat pourrait veiller à ce que ce refus soit motivé afin que l'enfant sache pourquoi sa demande n'a pas été acceptée.

En tout cas, l'assistance d'un avocat des mineurs offrirait nettement plus de garanties au regard des intérêts de l'enfant que cela n'a été le cas jusqu'à présent. Il en va de même pour les problèmes de filiation et d'adoption, par exemple, ou pour le droit de contact avec les grands-parents, les frères et les soeurs.

B. L'enfant en tant qu'auteur ou victime d'un délit

L'enfant, auteur d'un délit, qui comparaît devant le juge de la jeunesse, se voit assigner un avocat. L'expérience montre toutefois que ces avocats, sans doute par manque de formation, n'ont souvent pas une motivation suffisante pour assister véritablement leur client et qu'ils connaissent mal le dossier de l'enfant. Les avocats commis sont souvent en début de carrière, n'osent pas agir pleinement ou désirent grimper rapidement les échelons. L'essence de leur mission, qui est d'assister un mineur, arrive parfois au second rang de leurs préoccupations.

La procédure que les enfants suivent dans le cadre de l'assistance spéciale à la jeunesse n'est pas toujours compréhensible pour ceux-ci. Bien que le protocole relatif aux droits des jeunes dans le cadre de la protection de la jeunesse précise que tout jeune a droit à des informations compréhensibles, la pratique a démontré que tous les jeunes n'ont pas connaissance, tant s'en faut, des rapports rédigés à leur sujet. Il ressort d'une vaste enquête menée auprès des jeunes dans le cadre de l'assistance spéciale à la jeunesse en Flandre (« Van mijn kant bekeken », projet Minorius VVJG, 18 november 1998), que certains jeunes ignorent tout du contenu des rapports les concernant, tandis que d'autres n'en savent que ce que les accompagnateurs leur en ont dit.

Le contenu de ces rapports peut pourtant avoir de l'importance pour le jeune car il lui permettrait de mieux se connaître et pourrait l'aider à venir à bout de ses problèmes. Mais ces informations sont également nécessaires pour pouvoir garantir le droit à la défense.

Le caractère formel du tribunal de la jeunesse crée une certaine distance entre l'enfant et le juge. L'enfant ne comprend souvent pas le langage qui y est utilisé et a le sentiment que tout se joue à un niveau qui le dépasse. La participation de l'enfant est ainsi freinée. L'assistance d'un avocat des mineurs, capable d'expliquer les termes difficiles et les procédures et d'exprimer les questions et observations de l'enfant, est donc une nécessité si l'on veut assurer raisonnablement la défense des mineurs et permettre la communication entre l'enfant et les adultes concernés.

Surtout, les enfants doivent pouvoir faire appel à une personne de confiance lorsqu'ils sont victimes de délits commis dans le contexte familial. Les enfants se trouvant en pareille situation traversent une crise de confiance.

Lorsqu'un enfant est victime d'abus commis par le père ou un autre membre de la famille, il est capital pour son développement futur de restaurer sa confiance. Il est très rassurant pour l'enfant, en pareil moment, de pouvoir se tourner vers une personne de confiance qui défendra ses intérêts contre vents et marées et qui, de surcroît, est tenue de respecter un devoir de réserve.

L'enfant doit pouvoir dire ce qu'il a sur le coeur, tout en étant assuré que cela ne sera pas dévoilé à des tiers, ce qui est l'essence même du secret professionnel. Comme les enfants sont particulièrement vulnérables en de telles circonstances, ils ont le droit de se faire conseiller correctement tant sur le plan juridique que sur le plan humain.

L'avocat peut fournir à l'enfant des informations telles que le nom de personnes ou d'institutions d'accompagnement psychologique, d'aide aux victimes, etc. Il peut travailler avec le centre de confiance pour enfants maltraités.

L'enfant qui souhaite consulter son dossier n'en a pas la possibilité pour l'instant. L'avocat du mineur peut faire en sorte d'avoir accès au dossier et le tenir informé des progrès de l'instruction. Cet avocat peut aussi servir d'intermédiaire pour transmettre des données complémentaires dans le cadre de l'instruction. Le conseil assiste le mineur à l'audience durant laquelle l'affaire est examinée au fond. Il pourra lui expliquer la décision du juge et envisager s'il y a lieu ou non d'aller en appel.

Il peut également jouer un rôle dans la détermination de la sanction. Les enfants n'ont souvent pas intérêt à ce que leur père coupable d'inceste soit lourdement sanctionné.

D'autres possibilités doivent être envisageables. Le juge doit pouvoir s'enquérir des vrais souhaits de l'enfant à cet égard.

Lorsque des dommages et intérêts sont obtenus en faveur du mineur, il incombe à l'avocat de veiller à ce que ces fonds soient utilisés dans l'intérêt du mineur ou placés sur un compte. En cas de médiation avec l'auteur du délit, l'avocat des mineurs a un rôle crucial à jouer. L'intérêt des enfants est souvent mieux servi par une conciliation que par une escalade de la situation.

Il arrive régulièrement, dans le cadre de l'assistance spéciale à la jeunesse, que la frontière entre l'enfant-auteur et l'enfant-victime soit vague. Lorsqu'un enfant commet un délit, il s'agit parfois d'un appel au secours lancé aux adultes, d'un signal par lequel l'enfant fait part à la société de problèmes passés inaperçus ou qui n'ont pas trouvé d'oreille attentive. La seule manière de faire remonter ces problèmes à la surface, c'est de parler de manière sérieuse et inconditionnelle avec l'enfant, dans un langage qu'il comprenne et en partant de son monde à lui.

Si les enfants en détresse peuvent se tourner vers une personne de confiance capable de leur apporter son soutien, cela permettra de leur rendre confiance en la société, ce qui est une condition essentielle pour leur assurer un développement harmonieux dans le futur.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Cet article instaure le principe de l'avocat des mineurs. Celui-ci assiste le mineur dans toute affaire où il est impliqué directement ou indirectement. Si le mineur n'a pas d'avocat, le juge lui en commet un d'office.

Article 3

Cet article définit les conditions auxquelles un avocat doit satisfaire pour pouvoir officier en qualité d'avocat de mineurs. Il s'agit, d'une part, des connaissances et de la formation en matière de droits de l'enfant et, d'autre part, de la relation avec les enfants.

Ces conditions doivent être remplies selon des modalités à fixer par le Roi.

Article 4

Les frais liés à l'assistance juridique des mineurs doivent être imputés sur le budget du ministère de la Justice. Il s'agit en effet d'un service public qui peut avoir un effet préventif important.

Nous soulignons expressément qu'il doit s'agir d'une rétribution décente afin de favoriser une véritable spécialisation et de susciter un intérêt pour cette matière. L'arrêt Bouamar de la Cour européenne des droits de l'homme consacre d'ailleurs expressément l'obligation de prévoir une assistance juridique appropriée.

Le fait que cette rétribution émerge au budget des pouvoirs publics ne peut porter atteinte à l'indépendance de l'avocat.

Article 5

Comme l'entrée en vigueur de la présente loi nécessite une certaine préparation, cet article prévoit un délai raisonnable à cet effet.

II. DISCUSSION GÉNÉRALE

A. Auditions de :

­ MM. Juan Verlinden et Amaury de Terwangne, avocats au barreau de Bruxelles, administrateurs délégués de l'ASBL Avocats des Jeunes;

­ M. Thierry Moreau, avocat au barreau de Nivelles;

­ M. Claude Lelièvre, délégué général aux droits de l'enfant (Communauté française);

­ Mme Ankie Vandekerckhove, commissaire aux droits de l'enfant (Communauté flamande);

­ M. Damien Vandermeersch, juge d'instruction à Bruxelles;

­ M. Geert Decock, avocat au barreau de Gand;

­ Mme Ingrid De Jonghe, fondatrice de la « Permanentie Jeugdrechtbank te Antwerpen ».

Les auditions concernent tant la présente proposition de loi que la proposition de loi modifiant diverses dispositions relatives au droit des mineurs d'être entendus par le juge (doc. Sénat nº 2-554).


1. Exposé de Mme Vandekerckhove A.

Les deux thèmes abordés dans le cadre de cette audition, à savoir les avocats des mineurs et le droit de parole, revêtent une importance primordiale pour le mineur qui a certes déjà des droits en théorie, mais qui ne parvient pas toujours à les faire appliquer pleinement dans la pratique. Il a donc lieu de se réjouir que l'on s'intéresse aux moyens qui permettront de mieux concrétiser les droits des enfants dans la vie quotidienne du mineur.

Un autre point important est la possibilité d'examiner les deux propositions de loi conjointement dans le cadre de la présente audition. Le droit de parole est un principe fondamental et l'avocat des mineurs peut aider ces derniers à le faire appliquer. Les deux propositions sont donc étroitement liées.

Le droit de parole du mineur

Peu après sa nomination, l'intervenante et son homologue wallon ont organisé, le 20 novembre 1998, une conférence de presse consacrée notamment aux problèmes liés à l'application du droit de parole.

Durant les années qui ont précédé, elle était déjà occupée abondamment du droit de parole des mineurs en tant que membre du groupe de travail « Article 12 » auquel Mme de Bethune fait référence dans les développements.

Dans l'exercice de sa fonction actuelle de commissaire aux droits de l'enfant, l'intervenante est confrontée quotidiennement à des mineurs qui lui font part des obstacles qu'ils rencontrent pour faire respecter leurs droits (1). Le fil rouge de tous ces problèmes qui me sont rapportés est le manque de consultation du mineur, un manque d'implication dans les décisions qui le concernent.

La Convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui est un instrument international obligatoire en matière de droits de l'homme, a tenté de remédier au problème et pose la participation du mineur comme un des quatre principes fondamentaux qui la sous-tendent (2).

Plus concrètement, les articles capitaux sont les articles 9 et 12, comme le soulignent d'ailleurs les développements des deux propositions de loi.

Le Commissariat aux droits de l'enfant souscrit dès lors à la proposition de loi de Mme de Bethune et se bornera à faire encore les quelques réflexions suivantes.

· Nécessité d'un droit de parole élaboré

Le droit du mineur d'intervenir et de donner son avis dans toutes les procédures qui le concernent est inscrit dans la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, notamment à l'article 12 dont la Cour de cassation a déjà reconnu l'effet direct (3).

Cet article a été traduit, quoique de manière incomplète, dans notre droit interne sous la forme de l'article 931 du Code judiciaire et de l'article 56bis de la loi relative à la protection de la jeunesse. Les développements de la proposition désignent avec précision les points de la législation nationale qui peuvent engendrer des complications, voire une inégalité juridique.

L'important est que le droit de parole ait une base légale et qu'il soit reconnu sur le plan juridique. En fait, la discussion porte plutôt sur la manière dont ce droit peut être exercé.

Il faut souligner que tous les mineurs ne doivent pas ou ne veulent pas exercer ce droit. Dans beaucoup de cas, les parents sont suffisamment à même de prendre les décisions intéressant leur enfant en concertation avec celui-ci et dans son intérêt. Il est cependant nécessaire de définir concrètement un droit de parole pour les enfants qui ne sont pas dans le cas. En ce sens, un droit de parole pourrait éventuellement être qualifié de mal nécessaire, en tout cas dans le contexte des différends familiaux. Beaucoup de mineurs n'y recourent pas de gaieté de coeur mais considèrent qu'il s'agit là de leur seule chance de faire valoir leur point de vue. Même si les enfants sont loyaux envers leurs parents et qu'il leur est pénible de devoir les affronter, leur droit de parole doit néanmoins être garanti légalement dans tous les cas. La décision de l'utiliser ou non appartient toujours au mineur lui-même.

Dans ce sens, nous estimons que l'obligation de convocation est une nécessité, ne serait-ce que pour informer le mineur sur le droit de parole. Beaucoup de mineurs ignorent l'existence de ce droit. Nous nous interrogeons en revanche sur l'obligation de comparaître. La convocation permet aux mineurs de savoir qu'ils ont le droit à la parole et à qui ils doivent s'adresser pour cela. Leur droit de parole est ainsi garanti, d'autant plus qu'ils peuvent en outre faire appel à un avocat des mineurs. Si en plus de cela il faut qu'à partir de l'âge de sept ans, tout mineur soit tenu de comparaître dans chaque procédure, cela pourrait entraîner à notre avis une charge supplémentaire pour le mineur comme pour le tribunal.

L'obligation de comparution ne limite pas davantage les possibilités de manipulation de la part des parents que la simple obligation de convocation. En outre, il faut considérer qu'il y aura toujours manipulation par les parents ou par d'autres adultes. La manipulation existe d'ailleurs aussi entre adultes. Ce qui est important pour le mineur, c'est qu'il ait la possibilité de parler avec le juge de sa situation et, éventuellement, de ces manipulations. Cette information peut aussi avoir son importance pour le juge, qui peut en tenir compte dans sa décision (4).

· Seuil d'âge

Les seuils d'âge sont toujours arbitraires, mais ils sont nécessaires pour des raisons pragmatiques. Le Commissariat aux droits des enfants préfère un seuil de 7 ans (5) à la notion de « capacité de discernement suffisante », qui est difficile à interpréter. Des études ont en effet démontré que cette notion était comprise différemment d'un juge à l'autre.

· Formation des magistrats

Le Commissariat aux droits de l'enfant souscrit à la proposition de prévoir une formation pour les magistrats. Il ne faudrait pas que l'application du droit de parole des enfants soit compromise parce que des magistrats n'auraient pas été suffisamment formés à l'écoute des enfants.

Ici aussi, l'intervention d'un avocat des mineurs pourrait d'ailleurs s'avérer utile, tant pour le mineur que pour le magistrat. L'avocat pourra notamment « reformuler » le récit du mineur à l'intention du juge. Entendre un enfant n'est pas toujours chose aisée, surtout avec un seuil d'âge de 7 ans. Faire connaissance avec le développement de l'enfant, sa loyauté envers ses parents, son langage et ses modes de communication ­ éventuellement non verbale ­ n'est pas un luxe superflu pour un juge qui veut être informé véritablement sur l'opinion de l'enfant.

Pour le magistrat, il importe aussi de savoir dans quel but il peut utiliser l'avis de l'enfant. Il ne s'agit nullement d'entendre l'enfant pour trancher ensuite en se basant sur ses déclarations. Le juge doit savoir qu'il doit bien faire comprendre cela au mineur. C'est toujours le juge qui décide. Dans ce processus décisionnel, le récit du mineur vient se juxtaposer à celui des adultes concernés.

La proposition prévoit également que le procès-verbal ne contient qu'une synthèse de cet entretien. Le mineur a ainsi l'assurance que les parents ne pourront pas, par la suite, relire mot pour mot ce qui a été dit. Cet élément renforce la liberté de parole pour le mineur.

L'avocat des mineurs

Au cours de l'année écoulée, l'intervenante a pu travailler avec Mme Lindekens à la préparation de la présente proposition. Par conséquent, il va de soi que le Commissariat aux droits de l'enfant souscrit entièrement à cette proposition.

Les mineurs ont le droit de bénéficier de l'assistance juridique la plus adaptée dans toutes les procédures qui les concernent. De plus en plus souvent, les mineurs sont associés à juste titre à des procédures judiciaires ou administratives auxquelles ils sont représentés par les détenteurs de l'autorité parentale. Toutefois, il arrive fréquemment dans ces procédures que les intérêts des parents et de l'enfant ne soient pas tout à fait parallèles, et alors le mineur a besoin d'une assistance propre. Cette possibilité n'est réglée présentement que pour des procédures spécifiques et il convient de la généraliser.

L'amendement nº 5 propose de supprimer l'intervention du parquet, étant donné que l'avocat des mineurs reprendrait le rôle du représentant des intérêts de l'enfant. L'amendement nº 8 développe pour sa part la notion de « personne de confiance ». Ici, l'intervenante aimerait apporter quelques nuances. Les trois instances en question peuvent en effet jouer un rôle différent et ne sont donc pas interchangeables.

Toutes trois ont avant tout en vue l'intérêt du mineur. Mais cet intérêt peut différer quant à son contenu.

Le parquet prend en fait en l'espèce la place de la société et détermine, dans cette perspective générale, quel est l'intérêt de l'enfant.

L'avocat incarne cet intérêt et le concrétise en fonction des besoins et des aspirations du client. Il assiste le mineur par son avis juridique et son soutien. Dans cette fonction, il peut par exemple attirer l'attention du mineur sur le caractère inacceptable ou inadéquat de certains points de vue et, en tant que bon conseil, il devra orienter son client au mieux, tout comme il le ferait pour un adulte. Toutefois, le mineur doit pouvoir, comme un adulte, compter sur l'avocat pour se faire l'interprète de ce qu'il souhaite, même si l'avocat a lui-même des réserves à cet égard.

Si l'on interprète la Convention relative aux droits de l'enfant comme un tout cohérent ­ et c'est ce qu'il faut faire ­ nous devons combiner l'article 3 (intérêt de l'enfant) et l'article 12 (droit à avoir son propre avis). En d'autres termes, l'intérêt de l'enfant, le client, est concrètement ce qu'il ressent ou estime être son intérêt. C'est donc cet intérêt concret, personnel, que doit plaider l'avocat, et pas tellement ce que la société considère comme l'intérêt de l'enfant.

Dans le meilleur cas, l'avocat servira également de personne de confiance, mais en pratique, les deux fonctions ne coïncident pas toujours. En effet, une personne de confiance n'a pas nécessairement une formation en droit et ne peut donc pas assurer l'aide juridique. En l'occurrence, la comparaison avec les règles en matière d'assistance spéciale à la jeunesse n'est pas tout à fait correcte. Dans le cas de l'assistance à la jeunesse, on comparaît par exemple devant une commission de médiation, où la logique est tout de même différente de celle des tribunaux. La relation mineur-personne de confiance n'est en outre réglée nulle part par la loi et l'on n'a pas davantage développé de déontologie pour les personnes de confiance.

L'avocat du mineur et la personne de confiance peuvent donc être une seule et même personne et assurer une aide juridique et un soutien moral, mais ce n'est pas nécessairement le cas.

Dans l'amendement nº 8, l'on affirme également qu'il ne serait pas souhaitable de créer une catégorie spéciale d'avocats. Nous partons toutefois du principe qu'au contraire, une spécialisation s'impose de plus en plus au sein du barreau. Les règles deviennent de plus en plus complexes et les avocats vont se consacrer de facto de plus en plus à certains domaines. On peut citer, à titre d'exemple, la formation complémentaire pour les avocats qui font de la médiation (en matière de divorce). Pour le client, une réglementation légale de ces spécialisations offre davantage de garanties de qualité que des règles internes au barreau. Le fait qu'un avocat se présente sous une matière de préférence offre moins de sécurité au client en fait de formation véritablement suivie qu'une condition légale.

Les développements de la proposition de loi élargissent le droit à l'aide juridique à l'ensemble des procédures possibles. On pense souvent, à tort, que cette aide ne devrait être fournie que dans le cadre des procédures du droit de la famille. Mais une aide juridique professionnelle est tout aussi nécessaire si le mineur est en conflit avec l'école, les institutions de la jeunesse ou d'autres institutions, même si dans ces cas-là, l'intérêt du mineur est généralement plus proche de celui de ses représentants légaux.

CONCLUSION

Le Commissariat aux droits de l'enfant espère que le législateur fédéral concrétisera davantage les obligations découlant de la Convention relative aux droits de l'enfant (6).

Une réglementation plus complète et plus cohérente du droit de parole de l'enfant et une aide juridique professionnelle, légalement garantie, en faveur du mineur en sont de bons exemples.

Le Commissariat flamand aux droits de l'enfant soutient donc les deux propositions de loi.

2. Exposé de M. Lelièvre

L'intervenant dit ne pas vouloir donner un exposé strictement juridique. Il souhaite plutôt commenter les propositions de loi à l'examen à la lumière de son expérience concrète de délégué général aux droits de l'enfant. Cela fait déjà quelque temps que l'on réclame l'organisation d'un système d'avocats des mineurs spécialisés et une mise en oeuvre plus complète des dispositions de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant.

L'intervenant renvoie aux conclusions du groupe de travail relatif aux enfants de parents séparés.

Si l'on examine le fonctionnement de l'institution de l'intervenant, on constate qu'elle traite de 1 800 à 2 000 dossiers individuels par an. La plupart des dossiers portent sur des cas de maltraitance et d'abus sexuels (plus de 40 % du total); une deuxième catégorie de dossiers a trait aux enfants qui souffrent du divorce ou de la séparation de leurs parents (30 %), tandis que 10 à 15 % des dossiers concernent des enfants placés ou retirés de leur environnement familial.

Il s'avère que dans beaucoup de procédures, les enfants auraient eu besoin d'un avocat mais n'en n'ont pas bénéficié. Il y a également beaucoup de procédures dans lesquelles les enfants devraient être entendus, mais ne le sont pas ou pas suffisamment.

L'absence d'un interlocuteur, entendez un avocat, se fait sentir principalement dans les dossiers de divorce et de séparation. Il arrive donc régulièrement que l'intervenant écrive au bâtonnier pour lui demander de faire assister un enfant par un conseil. Le bâtonnier accède presque toujours à cette demande.

a) Droit d'appel du mineur

Dans la mesure où il est refusé à l'enfant d'être entendu alors qu'il le demande (article 931), il semble que l'enfant doit disposer en personne du droit d'appel sur la seule question de l'audition.

b) Procès-verbal joint au dossier

De plus, il semble important que le mineur puisse marquer son accord sur le procès-verbal. Le procès-verbal doit donc être communiqué au mineur pour accord (porté à la connaissance du jeune et signé par lui).

c) Audition par le juge

Il convient que ce soit le juge et lui seul qui entende l'enfant. Le contact direct entre le juge et l'enfant est très important. Le mineur doit pouvoir parler en confiance au juge qui traitera son dossier. Ceci pose la question de la disponibilité des magistrats et de leur formation.

d) Présence du ministère public à l'audition

Il est également important que l'audition se fasse en présence du ministère public. Il est important que le ministère public entende la parole de l'enfant et qu'il ne doit pas se limiter à la lecture du procès-verbal (non exhaustif). De plus, le ministère public est le garant des droits des mineurs (confidentialité des débats). En conséquence, sa présence est primordiale.

L'intervenant attire l'attention sur le risque d'effets pervers. Chacun semble favorable à l'instauration d'un système d'avocats (spécialisés) pour mineurs. Il serait donc aberrant de voter une loi qui serait mal appliquée. On laisserait espérer aux enfants que l'on va leur porter assistance, alors que la loi ne serait pas réalisable. La loi sortira ses effets dans l'élaboration d'un arrêté d'application de ce texte. La loi ne peut pas rester un voeu pieu qui ne soit pas réellement applicable au bénéfice des enfants.

L'originalité de la proposition de loi de Mme de Bethune (Doc. Sénat, nº 2-554) consiste en l'élaboration d'un système à deux niveaux, permettant une très grande possibilité d'audition des enfants; la proposition prévoit que les enfants de plus de sept ans seraient automatiquement convoqués à une comparution pour être entendus, mais ils auraient la possibilité de se taire ­ si leur demande d'audition est écartée pour un intérêt manifestement secondaire, ils auraient la possibilité d'appel; le deuxième cas concerne les enfants de moins de sept ans; il s'agit d'une demande à l'initiative du jeune, de l'enfant de moins de sept ans, ou à l'initiative du juge; la demande de l'enfant pourrait être écartée soit lorsqu'il y a un intérêt manifestement secondaire, soit parce que l'enfant n'a pas le discernement suffisant. Il y a également une possibilité d'appel. Cette articulation est intéressante, bien que certains problèmes puissent se poser. Ainsi, que va-t-on faire si l'enfant de plus de sept ans refuse de comparaître ?

L'intervenant est d'avis que les deux propositions sont complémentaires. L'avocat spécialisé est important, mais doit garder son rôle d'avocat. Il reste avocat. Il ne faut pas que ces avocats deviennent des commissaires aux droits de l'enfant individuels.

3. Exposé de Mme De Jonghe

C'est en commençant son stage au barreau d'Anvers que l'intervenante a constaté pour la première fois qu'il y avait pas mal de problèmes en ce qui concerne l'assistance aux jeunes. Elle s'est vue désigner comme avocat pro deo au moment où un jeune avait fait l'objet d'une mesure de protection. L'avocat était donc désigné au moment où la décision définitive avait été prise. L'intervenante se réjouit des propositions à l'examen et elle souhaite faire en marge de celles-ci les quelques observations suivantes.

La permanence du barreau auprès du tribunal de la jeunesse d'Anvers est née d'une étude réalisée en 1986 au sein du barreau d'Anvers dans le but de fournir aux mineurs une assistance plus efficace dès les premiers contacts avec la justice.

Une enquête a été menée auprès du barreau qui comportait une série de questions critiques concernant la capacité (l'incapacité) des mineurs à ester en justice et une invitation à collaborer à la mise en place d'une forme rénovée d'assistance aux mineurs devant le tribunal de la jeunesse.

La permanence a démarré définitivement ses activités après une période expérimentale de mai à juillet 1986. Dans un premier temps, la permanence était assurée par une cinquantaine d'avocats volontaires inscrits au tableau et, après un temps, l'initiative a été institutionnalisée par le Conseil anversois de l'Ordre.

La désignation d'office des avocats près le tribunal de la jeunesse s'est effectuée par le bâtonnier, via le président du Bureau de consultation et de défense.

Le système est le suivant; chaque jour ouvrable, deux stagiaires (avocats pro deo) et un avocat volontaire inscrit au tableau assurent la permanence; ils sont désignés pour une semaine, et travaillent sous la direction de l'avocat inscrit au tableau.

D'emblée, on s'est occupé des mineurs détenus et de ceux qui ne le sont pas.

· Pour les mineurs détenus, la permanence a obtenu de voir le mineur avant le procureur, de lui parler, de parcourir le procès-verbal et de l'accompagner jusque chez le procureur. À ce stade, le mineur bénéficiait d'une première assistance juridique effective. L'intervention de l'avocat a parfois permis d'obtenir un classement ou, quand l'affaire était malgré tout renvoyée devant le juge de la jeunesse, de nouer le dialogue.

Chez le juge de la jeunesse, c'est le même avocat qui continue à suivre le mineur aussi longtemps que cela est nécessaire. Dans le passé, il arrivait trop souvent que les avocats se succèdent, ce qui n'améliorait nullement l'assistance juridique apportée au mineur.

· Pour les mineurs non détenus, la permanence est avertie par le procureur ou le juge de la jeunesse et le mineur bénéficie d'une assistance dans le cabinet du juge de la jeunesse.

Ce sont là deux améliorations importantes par rapport au fonctionnement inefficace de l'article 55 de la loi relative à la protection de la jeunesse, en vertu duquel le mineur ne reçoit une assistance juridique obligatoire en cas de comparution en audience publique du tribunal de la jeunesse que pour l'examen de la procédure visant à imposer une des mesures de protection de la jeunesse à laquelle le mineur est partie.

La permanence a avant tout été mise en place pour assurer une assistance juridique efficace aux mineurs, et ce dès le début, à partir de la première confrontation avec le tribunal.

En ce qui concerne l'article 2, il est important que la désignation d'office de l'avocat du mineur passe par le juge ou par le ministère public, surtout que le champ d'action de l'assistance juridique est appelé à dépasser les matières purement « jeunesse » pour inclure toutes les questions liées à la Convention internationale sur les droits de l'enfant.

Les mineurs devraient avoir un avocat des mineurs à leur disposition, tant en matière civile qu'en matière pénale et dans les procédures administratives, comme le prévoit l'amendement de Mmes Lindekens et Kaçar (doc. Sénat, nº 2-256/2, nº 1).

En ce qui concerne la nécessité d'organiser une meilleure assistance juridique pour les jeunes, l'intervenante est d'avis que, eu égard à l'approbation de la Convention internationale sur les droits de l'enfant et compte tenu du fait que le nombre de procédures impliquant directement ou indirectement des enfants augmente sans cesse, il est très clair qu'un système d'avocats des mineurs doit être mis en place.

Un « avocat spécialisé », à même de comprendre effectivement le langage de l'enfant et capable de transmettre au mineur l'information juridique comme l'information humaine, qui clarifie les choses et traduise de la meilleure manière possible les desiderata des mineurs, en un mot un «interprète spécialisé ».

L'intervenante est convaincue qu'on est confronté en l'espèce à un type de défense particulier.

L'avocat du mineur doit mettre systématiquement en avant l'intérêt du mineur et, en fonction de son degré d'émancipation (plus de 7 ans), communiquer avec lui à ce sujet dans un climat d'échange et de confiance.

L'avocat de la jeunesse devient le premier représentant du mineur en cas de conflit d'intérêts entre les parents.

Au cours de sa pratique d'avocat (17 années), elle a été désignée quelquefois comme avocat des mineurs en matière civile. Devant le juge de la jeunesse, dans des procédures de modification de garde après divorce. En tant qu'avocate du mineur, elle a cherché avec le jeune quel était son meilleur intérêt à ce moment-là et, après de nombreuses conversations avec le mineur, les parents, et le juge de la jeunesse, elle rédigeait une conclusion « dans l'intérêt du mineur » à laquelle celui-ci souscrivait.

À ce sujet, l'intervenante désire souligner également que l'avocat du mineur, en sus de sa compétence juridique, doit suivre une formation pédagogique et psychologique plus poussée.

Partant de sa propre expérience, l'intervenante s'est rendue compte que le diplôme de juriste ne suffisait pas pour bien fonctionner au tribunal de la jeunesse et défendre le jeune au mieux.

Elle a donc suivi successivement un cours de criminologie et ­ plus récemment ­ un cours d'orthopédagogie et elle suit actuellement une formation supplémentaire à Louvain.

Le futur avocat des mineurs ne doit pas aller aussi loin, mais elle a personnellement ressenti la nécessité de suivre cette formation supplémentaire.

La permanence d'Anvers estime même que cette formation ne doit pas être unique et qu'une formation continue s'impose.

L'intervenante se fonde sur son expérience d'avocate au tribunal de la jeunesse pour dire que l'assistance juridique au mineur doit être assurée de préférence par des avocats inscrits au tableau et qui suivent le bureau depuis un certain temps, ont acquis l'expérience juridique nécessaire et ont montré une préférence et une compétence particulières pour travailler avec les mineurs.

Depuis la création de la permanence, celle-ci a surtout été animée par une équipe de quatre avocats inscrits au tableau. Chaque avocat est de service une semaine par mois et aide les jeunes avocats à se perfectionner. À ce jour, c'est la meilleure solution, mais l'intervenante croit que le mineur qui se trouve déjà dans une situation difficile a le droit de bénéficier d'une assistance juridique compétente et qu'il ne devrait pas pouvoir compter uniquement sur les efforts biens intentionnés d'avocats stagiaires.

La rémunération appropriée de l'assistance juridique ainsi que les frais de la formation permanente incombent au ministère de la Justice.

Telles sont les observations que l'intervenante desirait faire au sujet de la proposition de loi à l'examen, qu'elle juge très importante et qui pourrait permettre de concrétiser le point 2 de l'article 9 de la convention selon lequel : « Dans tous les cas prévus au § 1er du présent article, toutes les parties intéressées doivent avoir la possibilité de participer aux délibérations et de faire connaître leurs vues. »

Étant donné que la Belgique a ratifié cette convention, cette adaptation importante n'en est jamais qu'une conséquence normale.

4. Exposé de M. Geert Decock

L'intervenant considère l'instauration d'avocats des mineurs comme une chose acquise. Il est absolument nécessaire que les mineurs puissent bénéficier de l'assistance d'un avocat dans les différentes procédures dont il est question dans la proposition. L'intervenant renvoie à son article relatif aux avocats des mineurs (voir l'annexe) publié dans le « Tijdschrift voor jeugdrecht en kinderrechten » (TJK, 2000/2-47).

Il faut une assistance dans les procédures judiciaires et administratives. Les enfants doivent être assistés devant le tribunal de la jeunesse quand ils comparaissent dans le cadre de situations de délinquance ou de problèmes d'éducation, chaque fois qu'ils sont victimes, mais aussi dans les éventuelles procédures administratives. Il n'est pas facile de délimiter correctement toutes les procédures administratives. Il s'agit évidemment, en l'occurrence, des procédures administratives relatives à l'assistance spéciale à la jeunesse. Les enfants peuvent être placés par un comité d'assistance spéciale à la jeunesse dans le cadre de l'aide volontaire; la présence d'un avocat serait alors souhaitable (voir Convention relative aux droits de l'enfant).

L'intervenant approuve la proposition à l'examen. Un certain nombre de points prêtent à discussion. C'est ainsi que la proposition redéfinit le rôle du ministère public (il disparaît). Le ministère public a toutefois un rôle différent de celui de l'avocat des mineurs. Il ne serait pas correct d'affirmer que dans les procédures civiles, l'avocat des mineurs remplace le ministère public. L'avocat des mineurs doit être à 100 % l'avocat des enfants. Il est erroné de mettre en avant l'intérêt de l'enfant et d'aller parfois ainsi à l'encontre de son point de vue. L'avocat des mineurs doit soutenir son client à 100#160;%. Le rôle du ministère public est différent. Il doit défendre l'intérêt de l'enfant. Telle est aussi, dans un certain sens, la mission du juge; c'est pourquoi l'on pourrait remettre en question la nécessité d'une intervention du ministère public et de son existence. Si l'on supprimait ce rôle du ministère public, l'on pourrait dégager des budgets que l'on utiliserait pour financer les avocats des mineurs.

La formation est un autre point de discussion. Selon l'intervenant, une formation en matière de défense des mineurs est nécessaire; elle comprend l'apprentissage de la communication spécifique avec les mineurs, la connaissance de tous les éléments de l'assistance spéciale à la jeunesse et des diverses procédures (y compris les procédures administratives) dans lesquelles des jeunes peuvent être impliqués. Cette formation requiert du temps. L'intervenant plaide pour un système d'agrément par analogie avec les médiateurs en matière familiale. Pour le reste, il appartient aux pouvoirs publics de définir les modalités et les barreaux prendront leurs responsabilités en la matière. L'association des barreaux flamands a toutefois demandé à l'intervenant de mettre sur papier un concept de formation pour les avocats des mineurs. Les barreaux semblent être l'instance appropriée pour organiser cette formation. Les pouvoirs publics pourraient prévoir un nombre minimal d'heures avec éventuellement une journée d'actualisation toutes les x années pour conserver l'agrément. L'intervenant ne croit pas dans l'engagement, le dévouement exclusif des jeunes avocats. L'engagement et le sentiment d'agir en faveur des enfants sont des conditions nécessaires mais non suffisantes.

L'intervenant ne peut soutenir la proposition de loi que si elle contient des dispositions relatives à une formation obligatoire.

Les honoraires constituent un point de discussion difficile. Il lui semble clair qu'il appartient à l'État de développer un système d'honoraires. Il plaide pour que l'on se distancie des propositions prévoyant que l'avocat doit s'adresser au parent qui assure l'entretien de l'enfant. L'intérêt des parents s'oppose presque toujours à celui des enfants. Si l'avocat doit s'adresser à un des parents pour obtenir ses honoraires, l'on crée un risque structurel de confusion d'intérêts. Le risque est que l'avocat ne tienne le langage de celui qui le rémunère. Les pouvoirs publics devront donc dégager un budget plus important (éventuellement basé sur un système de points comme dans le cas du pro deo).

Il semble évident que l'avocat doive suivre le jeune pendant tout le débat.

En ce qui concerne la proposition de loi relative au droit d'être entendu, l'intervenant formule les remarques suivantes.

Tout d'abord, il soutient l'idée de l'obligation de comparaître. La loi ne prévoit aucune sanction. Si l'on ne comparaît pas, il n'y a pas de sanction. Toutefois, si l'on ne prévoit pas l'obligation de comparaître, les parents auront trop de possibilités de manipulation.

En outre, il lui semble nécessaire que l'enfant ne lise pas seulement le procès-verbal d'audition, mais qu'il le signe aussi. On peut évidemment en faire un résumé. Il doit même être possible, si l'enfant le souhaite, d'indiquer tout simplement que « les enfants ont été entendus ».

Il est évident qu'il faut assister les enfants lors de leur audition. L'intervenant ne plaide pas pour un monopole des avocats. Parfois, les enfants préfèrent une personne de confiance de leur choix. S'il s'agit d'entendre un enfant qui n'est pas partie, l'intervenant opterait pour une personne de confiance choisie par l'enfant. Si celui-ci est partie à la cause, l'intervenant opterait au contraire expressément pour un avocat. Si l'enfant est partie à la cause, sa position juridique est en effet beaucoup plus claire et il doit être soutenu davantage.

5. Exposé de M. de Terwangne

L'intervenant renvoie à l'article qui sera publié dans le « Journal des droits des jeunes ».

Un deuxième commentaire sera fait concernant la proposition de Mme de Bethune.

La proposition de loi de Mme Lindekens aborde deux points importants, à savoir :

­ la question de la représentation et de l'assistance de l'avocat du mineur, lors de différentes procédures touchant à ses intérêts d'une part;

­ le problème de la spécialisation ou de la formation des avocats des mineurs d'autre part.

A) La représentation et l'assistance des mineurs dans toute procédure où les intérêts de ce dernier sont impliqués

L'article 2 de la proposition de loi de Mme Lindekens recommande de permettre au mineur d'être assisté par un avocat dans « toutes les affaires où il est impliqué directement ou indirectement ». Le juge lui commet un conseil d'office s'il n'en a pas.

L'auteur de la proposition insiste, dans le commentaire des articles, sur l'importance de la présence de ce conseil pour le mineur tant dans les procédures en droit familial que lorsque celui-ci commet ou est victime d'un délit.

· Quant à l'intervention d'un avocat de l'enfant dans les procédures qui concernent des mineurs :

Tel qu'il est rédigé, l'article 2 de la proposition de loi reste ambigu. Doit-on analyser ce dernier comme créant une brèche en permettant désormais au mineur d'être systématiquement « partie » dans les procédures où ses intérêts sont concernés ? Par ailleurs, ce droit d'intervention existerait-il seulement pour les mineurs ayant atteint l'âge de discernement ou s'étendrait-il à tous les mineurs ? Le texte ne fait aucune distinction à ce sujet.

Les amendements de Mmes Lindekens et Kaçar proposent de remplacer les termes « dans toute instance » par les mots « dans toute procédure judiciaire ou administrative ».

Cet amendement ne change pas grand-chose par rapport à l'ambiguïté de fonds que soulève cet article. Les différentes instances auxquelles le commentaire de cet amendement renvoie, prévoient généralement la possibilité d'une assistance par un conseil et cette précision est donc inutile.

· L'auteur de la proposition nous semble aussi faire un amalgame entre ce qui relève de l'assistance ou de la représentation juridique et ce qui relève de la tutelle.

Le rôle du tuteur ad hoc est différent de celui de l'avocat de l'enfant. Ainsi, on pourrait concevoir qu'un tuteur estime inopportun de se constituer partie civile ou préfère demander un montant différent de celui proposé par le jeune. Le tuteur est donc entièrement libre dans l'exercice de son mandat (ce mandat n'est d'ailleurs pas donné au tuteur par le mineur mais par le tribunal de première instance) et la conception qu'il se fera de l'intérêt du mineur influera sur ses choix.

L'avocat du mineur n'a bien sûr jamais une telle latitude d'action. L'avocat de l'enfant, qu'il soit commis d'office ou qu'il soit choisi par le jeune, est avant tout son porte-parole et son défenseur, au sens juridique du terme. Il ne possède donc pas d'indépendance de parole par rapport à son client et ne peut pas exposer lors des audiences une position différente de celle que le jeune lui a demandé de défendre.

Il est évident, d'une part, que différentes conceptions de l'intérêt de l'enfant peuvent exister et seront confrontées lors des débats judiciaires et, d'autre part, que ni l'avocat, ni le juge n'ont les compétences nécessaires pour donner une définition exacte de l'intérêt de tel ou tel mineur.

Dans ce cadre, l'avocat de l'enfant n'exposera pas sa conception de l'intérêt de son client, mais bien la conception que l'enfant se fait de son intérêt, ce qui est fondamentalement différent.

Dans le second amendement proposé par Mmes Lindekens et Kaçar, il est proposé que le mineur victime de faits visés aux articles 368 à 382bis ou aux articles 392 à 422bis du Code pénal puisse se constituer partie civile par le biais de son conseil.

À nouveau, cet article confond ce qui relève de la compétence du tuteur ad hoc désigné à la demande du parquet et ce qui relève de la mission de défense attribuée à l'avocat de l'enfant.

Mais cet amendement pose la question de la formation et de la professionnalisation du rôle de tuteur ad hoc. À l'heure actuelle, aucun moyen n'a été dégagé pour ce faire.

Le barreau de Bruxelles est en train de mettre sur pieds une expérience spécifique pour répondre à ce problème. Ainsi, au sein de la section jeunesse du BAJ de Bruxelles, est créé une cellule d'avocats expérimentés qui, après avoir suivi une formation spécifique, pourront être désignés par le tribunal comme tuteur ad hoc.

Dans les amendements suivants proposés par Mmes Lindekens et Kaçar, l'intervention du ministère est supprimée au motif que celle-ci ferait double emploi avec le rôle désormais attribué à l'avocat du mineur.

À nouveau, le principe pose question. Car le parquet a une fonction spécifique dans les audiences civiles ou, de manière plus générale, chaque fois que les intérêts du mineur sont en jeu. Il représente la vision que la société se fait de celui-ci. À ce titre, il rappellera l'esprit des différents textes juridiques existant en la matière. L'avocat défend la position de l'enfant et non la vision de l'intérêt du mineur que la société développe, à un moment donné. Il n'y a donc nullement double emploi.

Il est essentiel que sur l'échiquier de la protection de la jeunesse (mais aussi dans les autres procédures concernant des mineurs), toutes les pièces majeures soient présentes. Elles ne créent pas de redondance, mais au contraire, permettent à chacun de rester dans son rôle, afin de ne pas créer d'ambiguïté.

b) Spécialisation de l'avocat

L'intervenant est d'avis que, à l'heure actuelle, la création d'une catégorie d'avocats qui seule aurait le pouvoir de défendre un jeune va à l'encontre de la loi récente sur l'aide juridique et du principe de libre choix de l'avocat. Il lui semble évident que le choix fait par le jeune doit être respecté. Il renvoie à l'article 54 de la loi sur la protection de la jeunesse qui contient l'obligation du bâtonnier de veiller que l'avocat choisi pour le jeune soit indépendant de celui des parents. On pourrait prévoir ici aussi une obligation identique, notamment demander au bâtonnier de veiller, lorsqu'un avocat n'est pas commis d'office, mais choisi par le jeune, à ce que celui-ci offre bien toutes les garanties d'indépendance par rapport aux parents, à une famille d'accueil, à une institution. Ceci est important pour veiller à ce que la parole de l'enfant soit portée de manière optimale.

En ce qui concerne l'audition, l'intervenant souligne l'idée d'assistance de l'avocat. Cette personne doit posséder deux types de qualité, d'une part, une connaissance importante au niveau juridique, d'autre part, une série d'atouts psycho-sociaux afin d'être à l'écoute de l'enfant et une affinité dans la manière de pouvoir recevoir et rentrer en dialogue avec un jeune. Cette assistance est importante pendant le moment de l'audition, mais encore plus importante dans le moment de l'avant-audition et de l'après-audition. L'avant-audition concerne toute la préparation de l'audition, la mise en forme de ce que le jeune doit devoir dire. Les explications au jeune contribuent grandement à pouvoir permettre au jeune de développer réellement l'argumentation qu'il veut développer devant le magistrat. Le moment de l'après est également important. L'avocat peut expliquer de manière neutre la portée de la décision.

Autrement les jeunes ne sont souvent informés de la décision que par l'intermédiaire des parents, ce qui peut leur en donner une image déformée.

6. Exposé de M. Verlinden

Le barreau de Bruxelles connaît lui aussi une véritable révolution en ce qui concerne l'audition des mineurs. La présente proposition de loi représente également un grand pas en avant dans ce domaine. En 1992 a été créée au sein du barreau de Bruxelles une ASBL visant à répondre à diverses demandes émanant tant des juges que des jeunes eux-mêmes en vue d'arriver à une plus grande professionnalisation des avocats, à une plus grande présence de ceux-ci dans les affaires mettant en cause des mineurs et à une plus grande indépendance des jeunes.

Les problèmes déjà évoqués peuvent être résumés de la manière suivante :

­ Nécessité de permettre à l'avocat spécialisé en droit de la jeunesse d'exercer sa spécialisation après sa période de stage (3 ans). Par là même, lui permettre de suivre un dossier qui s'étendra souvent sur plusieurs années.

­ Octroyer une rémunération décente pour les prestations des avocats des jeunes qui n'auront pas d'autres honoraires que les indemnités versées par l'État.

­ Assurer un encadrement et une formation correcte pour les avocats désireux de pratiquer cette matière.

Le premier point a été rencontré par le législateur lorsqu'il modifia les articles 455 et 455bis du Code judiciaire, permettant à tout avocat (et non aux seuls avocats stagiaires) de traiter des dossiers dont les bénéficiaires relevaient de l'aide légale. La nouvelle loi sur l'aide légale a confirmé ce principe.

Le second point n'a été que très partiellement entendu par le monde politique. Aucun fonds spécifique n'a été créé pour le droit de la jeunesse, qui relève donc des subsides généraux alloués à l'aide légale. Les indemnités sont toujours versées avec un à deux ans de retard et restent extrêmement modérées au regard des subsides versés dans d'autres pays.

Ainsi, dans le secteur de la jeunesse, l'avocat de l'enfant travaillera souvent bénévolement ou pour un forfait horaire dérisoire.

Il est grand temps d'apporter des réponses adéquates à ce problème récurrent.

Le troisième point a été rencontré par différents barreaux. Les systèmes mis en place reposent sur le bénévolat de différents avocats et sur une prise en charge des frais de gestion des formations par les conseils de l'ordre, autrement dit, par les avocats eux-mêmes.

Ainsi, le système développé par le barreau de Bruxelles depuis 1992 semble répondre aux inquiétudes de Mme Lindekens.

Une ASBL (Avocat des jeunes) assume la formation des avocats de la colonne jeunesse et participe à diverses publications et colloques afin de promouvoir le droit de la jeunesse.

L'idéal et la motivation de la plupart de ces jeunes avocats ne peuvent être mis en doute, mais il paraît difficile de demander à un avocat de consacrer de très nombreuses heures à se former et exiger de lui une expérience réelle d'une matière aussi complexe que celle du droit de la jeunesse sans lui donner les moyens matériels de pouvoir persévérer dans cette matière.

7. Répliques de M. Lelièvre

L'intervenant attire l'attention sur le fait que les parquets généraux sont un de ses interlocuteurs privilégiés quand il s'agit d'attirer l'attention sur la défense de l'intérêt de certains jeunes. Les bâtonniers également, mais de façon complémentaire.

La proposition de supprimer l'article 91bis qui prévoit qu'un enfant victime peut se faire accompagner d'une personne de confiance, lui semble être une grave erreur. Ce n'est pas parce qu'on est avocat spécialisé qu'on obtient la confiance d'un jeune. L'enfant peut préférer se faire accompagner par quelqu'un d'autre.

Le fait que ce soient les parents qui paient l'avocat des mineurs peut leur permettre d'exercer une pression considérable. Tel sera par exemple le cas lorsqu'un avocat des mineurs se constitue partie civile, surtout si la plainte concerne un des deux parents.

L'enfant se trouvera alors au centre d'enjeux d'argent en plus des autres enjeux en tant qu'enfant victime. De même au niveau de l'audition, l'intervenant ne voit pas comment protéger les enfants si les parents doivent payer l'expert qui va les entendre. Le risque de pression de la part des parents existe.

La proposition prévoit la possibilité que le procès-verbal d'audition du mineur ne soit pas notifié aux parties. Il s'impose ici de faire preuve de prudence. En l'absence de texte, les parents presseront l'enfant de questions pour connaître la teneur de ses déclarations.

L'intervenant est partisan d'un procès-verbal dont le jeune prend connaissance et qu'il signe, et auquel les parties ont accès.

8. Exposé de M. Moreau

Quinze années de pratique dans le domaine du droit des jeunes, lui ont appris que les enfants ne demandent pas aux adultes d'être des héros ou de faire des choses extraordinaires. Ils leur demandent seulement d'être crédibles. Le droit de la jeunesse démontre que ce n'est pas toujours le cas. Le droit des jeunes est une matière des plus complexes. La première chose à faire est donc de répondre à la demande visant à rendre les textes clairs et précis, clairs pour les enfants. L'article 1382 du Code civil par exemple est clair. Il consacre le principe du « qui casse paie ».

M. Moreau s'interroge sur l'article 2 en projet. « Dans toute instance le concernant ou touchant à son intérêt, ...; ». Cette disposition n'est pas claire. Donne-t-elle des droits aux enfants, qui peuvent dorénavant intervenir dans n'importe quelle procédure ? Ou est-ce que cela signifie que dans toutes les procédures où ils peuvent déjà intervenir aujourd'hui, ils peuvent être assistés d'un avocat ?

Aujourd'hui, il y a trois types de procédures qui concernent les enfants :

a) les procédures où ils sont parties (enfant poursuivi pour avoir commis un délit, enfant étant considéré en danger);

b) la procédure d'audition : les enfants ne sont pas parties, ni témoins, mais ils peuvent donner leurs sentiments sur la situation;

c) les procédures de consentement (par exemple en matière d'adoption).

Dorénavant, l'avocat sera-t-il présent à côté de l'enfant dans chacune de ces procédures ? Ou la proposition vise-t-elle à permettre la présence de l'enfant chaque fois que la procédure le concerne ? Dans ce dernier cas, en quelle qualité peut-il intervenir ? Une précision est nécessaire.

En second lieu, le rôle de l'avocat et le rôle du tuteur ad hoc doivent être clarifiés. Si l'avocat peut se constituer partie civile, un pouvoir énorme lui est donné. Il lui semble que l'avocat doit rester humble et poser les questions qui dérangent. Il doit empêcher qu'on fasse un consensus sur l'intérêt de l'enfant sans tenir compte de l'opinion de l'enfant et il doit veiller à ce que la loi ne soit pas mal appliquée à l'égard de l'enfant.

Le pouvoir de déterminer la vie de l'enfant appartient aux parents et, s'ils ne s'entendent pas à cet égard, à un tuteur ad hoc.

Un tuteur ad hoc remplace les représentants légaux pour un acte déterminé, À ce moment, il y a un contrôle judiciaire.

L'avocat ne peut pas devenir un « tyran de la procédure » sur lequel il n'y a aucun contrôle. L'avocat doit se limiter à dire comment le mineur voit son intérêt. La Convention internationale des droits de l'enfant prévoit d'ailleurs que les droits sont reconnus à l'enfant et pas à l'avocat. L'avocat n'est qu'un humble serviteur de l'enfant et ne peut pas faire les choses à sa place.

Avant 1912, les avocats faisaient les enquêtes dans les familles. En 1912, on a confié ce rôle aux délégués à la protection de la jeunesse. À l'heure actuelle, l'avocat est le défenseur de l'enfant. On s'éloigne du modèle protectionnel.

En matière de formation, l'intervenant précise ce qui suit.

La matière des droits de l'enfant est devenue très complexe. La législation est très compliquée et cette matière nécessite le croisement de plusieurs disciplines.

L'avocat est spécialiste du droit. Si l'on veut renforcer le droit des enfants, il faut rendre le cours de droit de la jeunesse obligatoire à l'université.

Il renvoie à la création d'une ASBL à Nivelles, qui a formé des assistants sociaux pour assister les enfants, à côté de l'avocat qui est spécialiste au niveau de la procédure.

La combinaison d'une aide de terrain avec une aide juridique a démontré que le droit de l'enfant prend alors concrètement corps dans la vie des enfants.

La formation d'avocat spécialisé en matière de droit de l'enfant s'acquiert par expérience. Il faut éviter un système d'examens. Cela va décourager les avocats qui pratiquent déjà à l'heure actuelle, et on va se priver du regard neuf de certains avocats qui peuvent faire fleurir dans cette matière une autre façon de voir. Il ne lui semble pas utile de limiter la possibilité pour un jeune d'être défendu par un « spécialiste ».

Ceci lui semble également une violation de l'article 12 de la CIDE. La convention prévoit que l'enfant a le choix de l'intermédiaire par lequel il s'exprime. L'enfant a donc le droit de choisir son avocat. On peut éventuellement mettre une restriction, notamment au cas où l'avocat est commis d'office par le barreau. Le barreau aurait alors la responsabilité de désigner un avocat spécialisé. Il ne faut pas nécessairement être spécialiste pour parler aux enfants. L'avocat de l'enfant ne doit pas monopoliser la représentation ou l'assistance des enfants.

Au niveau du financement, l'intervenant précise que beaucoup de jeunes avocats doivent quitter le droit de l'enfant pour des raisons financières.

L'indemnité est peu élevée et le délai de paiement peut atteindre un an. De plus, les charges sont très élevées. L'enfant ne peut pas se déplacer. Lui rendre visite coûte du temps et de l'argent. Peut-être faudrait-il dès lors fixer des barèmes spécifiques pour les affaires concernant des mineurs.

La proposition visant à supprimer le ministère public dans les affaires civiles est une proposition à laquelle l'intervenant ne saurait adhérer. Le ministère public représente l'intérêt de la collectivité tandis que l'avocat des jeunes représente un intérêt particulier, celui de l'enfant. Il s'agit de deux dimensions différentes.

En ce qui concerne le droit d'être entendu et plus précisément l'obligation de comparaître, l'intervenant souligne l'aspect délicat de la chose. Pour certains enfants, une comparution obligatoire (par exemple dans le cadre d'un divorce) représenterait un véritable drame. De plus, cette obligation constitue apparemment une violation de l'article 12 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Reconnaître à l'enfant le droit d'exprimer son opinion est également reconnaître le droit de se taire.

L'assistance de l'avocat semble un moyen pour éviter une pression éventuelle des parents sur l'enfant pour que celui-ci ne se rende pas au tribunal.

L'assistance d'un avocat semble constituer une garantie suffisante et offre au mineur la liberté de choisir s'il veut on non comparaître.

Il faut également préciser la disposition qui prévoit qu'une personne de confiance peut « accompagner » un enfant. Cette personne peut-elle parler ? L'avocat peut être la mémoire de l'enfant et l'aider à parler.

Qu'est-ce qu'une affaire secondaire ? Ce qui est secondaire pour un adulte ne l'est pas nécessairement pour un enfant. Il faut privilégier l'audition par le juge. L'enfant veut être entendu par le juge et non par une autre personne.

Il faut également imposer au juge de transmettre une copie du jugement et du procès-verbal d'audition à l'avocat ou au jeune. Il ne faut pas oublier que le droit de parler implique le droit d'avoir une réponse. Il faut que le jeune sache ce que l'adulte lui répond.

Pour le surplus, M. Moreau renvoie à son article paru dans JDJ, nº 182, février 1999, « Le rôle de l'avocat du mineur ­ Les textes et la pratique ».

9. Exposé de M. Vandermeersch

M. Vandermeersch s'exprime en tant que professeur de droit pénal et en tant que membre de la Commission nationale contre l'exploitation sexuelle des enfants.

Dans le cadre des travaux de cette commission, le souhait a été exprimé d'avoir un avocat de l'enfant.

Le souci premier est de considérer les enfants comme sujets de droit et non comme objets de droit.

Les dispositions à prendre ne peuvent confisquer l'enfant de ses droits. Dans la mesure du possible, il faut essayer que l'enfant exerce ses droits lui-même. Il a peut-être besoin de l'assistance d'un avocat à certains moments, mais le but premier est que l'enfant exerce ses droits lui-même et qu'on ne décide pas à sa place.

L'avocat qui assiste le jeune doit être un avocat de qualité. L'avocat qui a envie de se former pourra se former s'il a les opportunités. Il faut donc créer ces opportunités. La même chose vaut pour les magistrats.

Il est également important que l'avocat soit indépendant. L'indépendance est essentielle, tant au niveau déontologique qu'au niveau financier.

Il semble à l'intervenant que le paiement de l'avocat de l'enfant est de la responsabilité de l'État. Une rémunération doit être prévue.

En ce qui concerne la constitution de partie civile, l'intervenant admet qu'un problème se pose. Il est difficile d'admettre qu'un avocat puisse se constituer partie civile au nom d'une personne qui ne peut pas elle-même se constituer partie civile (voir loi Franchimont). La procédure de désignation d'un tuteur ad hoc lui semble être très lourde. Elle est d'ailleurs peu appliquée. Pourquoi ne pas reconnaître à l'enfant la possibilité de se constituer partie civile, représenté par l'avocat.

La troisième remarque concerne l'obligation de comparaître. Il faut veiller à ne pas transformer les droits de l'enfant en obligations. L'enfant a le droit d'être informé, de savoir quelle procédure est en cours, et d'être entendu. On peut imposer dans le chef du juge et des autorités l'obligation d'informer. Cette obligation d'informer peut être entendue en faveur de l'avocat de l'enfant. Dans ce cas, une certaine garantie est offerte contre une éventuelle manipulation.

Si l'enfant est obligé à comparaître, il est obligé à jouer un rôle. Même s'il se tait, il parle.

Le dernier point concerne l'assistance, lors de l'audition, soit par l'avocat, soit par la personne de confiance.

L'assistance de l'avocat semble être un droit. L'avocat est déontologiquement neutre. Le juge ne doit cependant pas admettre que l'avocat réponde à la place de l'enfant.

Par contre, l'intervenant est plus réticent à admettre l'assistance par la personne de confiance. L'enfant peut être pris comme otage (assistance, par exemple, par la grand-mère qui n'est pas nécessairement neutre à l'égard de l'enfant). Des balises doivent être mises. Il faut prévoir une possibilité de déroger.

10. Échange de vues

Un membre conclut des exposés qu'une obligation de comparaître n'est pas souhaitable (voir aussi la loi sur la tutelle). Quel est exactement le point de vue de M. Moreau à ce sujet ?

M. Moreau renvoie à la loi sur la protection de la jeunesse. Le mécanisme actuel qui y est défini prévoit une obligation de convocation de la part du juge. Il y a donc une obligation d'informer de la part de l'adulte qui permet à l'enfant de s'exprimer.

Le juge envoie donc une convocation, mais l'enfant n'est pas obligé de comparaître. Il peut comparaître, mais n'y est pas obligé.

M. Vandermeersch souligne que l'enfant n'a pas que la possibilité d'être entendu; il a aussi le droit d'être entendu et informé.

M. de Terwangne renvoie à cet égard aux arrêts de la cour d'appel de Bruxelles qui a jugé que si un enfant devait être entendu (dans le cadre de la loi sur la protection de la jeunesse), le juge avait aussi l'obligation de procurer les mêmes informations à l'avocat de l'enfant. On permet ainsi à l'avocat de prendre contact avec l'enfant en vue d'une comparution.

Un enfant a le droit d'être entendu, mais le juge doit aussi avoir la possibilité de s'informer sur l'enfant. Ainsi peut-il décider de ne pas entendre lui-même l'enfant, mais de faire recueillir son témoignage par un tiers.

Mme Vandekerckhove renvoie à l'article 12 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant qui dispose effectivement que les enfants ont le droit d'être entendus dans toute procédure judiciaire ou administrative les intéressant. Aussi considère-t-elle les trois catégories citées par M. Moreau (voir ci-dessus) comme limitatives. Un jeune d'un quartier déterminé peut, par exemple, faire valoir des intérêts dans le cadre d'un aménagement de territoire. La large définition proposée est dans la ligne de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Un deuxième point concerne la discussion sur le libre choix de l'avocat. Pour les jeunes, cela relève du mythe car ils ne disposent d'aucun moyen financier. La qualité de l'avocat se reflète souvent dans ses honoraires. Il faudrait donc introduire une garantie afin de prévoir suffisamment de moyens pour permettre aux avocats de défendre le jeune convenablement et en toute indépendance. Il s'agit d'une responsabilité de l'État.

L'intervenante reste favorable à une formation permanente pour les avocats des mineurs. On peut éventuellement prévoir des mesures transitoires pour permettre aux avocats qui s'occupent actuellement du droit de la jeunesse de continuer à le faire. Il se pourrait en effet que la perspective d'une obligation de formation effraye certains, mais peut-être ces personnes sont-elles moins engagées et moins intéressantes.

Un membre confirme le lien entre la proposition de loi de Mme Lindekens et la proposition de loi déposée par Mme de Bethune relative au droit d'être entendu.

On a prévu une obligation de comparaître afin d'éviter les manipulations. L'intervenante perçoit cependant, à l'issue des exposés, qu'il y a peut-être d'autres solutions et qu'une combinaison de l'institution de l'avocat des mineurs et du droit pour le mineur d'être entendu offre peut-être les garanties voulues.

La relecture du procès-verbal par l'enfant et son éventuelle signature lui paraissent effectivement essentielles.

L'intervenante déclare être partisane d'une formation obligatoire, en tout cas en ce qui concerne les magistrats. Les opinions des intervenants divergent apparemment sur la formation des avocats des mineurs. Les modalités doivent encore être finalisées. Elle pense à un cours obligatoire à l'université, éventuellement associé à un recyclage.

Une membre souligne que les autorités fédérales ne sont pas compétentes pour imposer aux universités d'enseigner le droit de la jeunesse et la Convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il appartient aux universités de définir leur programme. Une autorité peut-elle s'en remettre à la bonne volonté et à l'engagement de quelques « autodidactes » dans une matière d'une telle importance ?

L'intervenante est tout à fait d'accord sur le principe qu'un enfant doit pouvoir choisir personnellement son avocat mais elle est convaincue que celui-ci doit être spécialisé. Quelles garanties aurait-on sinon que cet avocat est du côté des enfants et n'a pas en réalité été choisi par les parents ?

En ce qui concerne l'obligation de convoquer (en lieu et place de l'obligation de comparaître), l'intervenante a une question très pratique. Comment peut-on contrôler que l'enfant a bien reçu personnellement la convocation ? Une photocopie sera-t-elle envoyée à l'avocat des mineurs ?

M. Decock se réfère, par analogie, au système qui est développé en Flandre en matière d'aide juridique dans le cadre de la médiation en réparation (communication organisée entre l'auteur et la victime, spécifiquement à l'attention des mineurs). Dans ce système, un avocat des mineurs est désigné chaque fois que le procureur veut envoyer un dossier à un médiateur en réparation. On pourrait ainsi désigner un avocat des mineurs chaque fois qu'un mineur est convoqué pour être entendu. L'avocat des mineurs pourrait alors contacter immédiatement l'enfant.

M. Moreau note que l'on doit abandonner l'idée selon laquelle beaucoup d'enfants sont manipulés pour ne pas comparaître devant le tribunal. Si le jeune ne comparaît pas, il s'avère souvent que c'est lui-même qui a choisi de ne pas le faire.

Même dans les cas de divorces conflictuels, il est rare qu'une quelconque pression soit exercée. Ce serait d'ailleurs un élément très négatif au dossier du parent qui exercerait cette pression.

Il ne sert à rien d'édifier un système qui serait basé sur des situations exceptionnelles. Le principe de l'audition permet à l'enfant de parler de lui-même, et non des parents. Si le juge explique cela aux parents, ceux-ci seront le plus souvent ouverts à cette requête. Les parents qui vivent une situation de divorce tendue n'ont le plus souvent pas l'intention de détruire leur enfant.

S'agissant de la formation de l'avocat des mineurs, la responsabilité de l'avocat joue également un rôle à cet égard. C'est à l'avocat de ne pas accepter des affaires n'entrant pas dans ses compétences. La déontologie de l'avocat leur impose certaines obligations et un recours est ouvert auprès de l'Ordre des avocats.

Un membre souligne que la spécialisation en droit de l'enfant est très spécifique. Il faut veiller à ce que les enfants ne se retrouvent pas dans une espèce de loterie, mais à ce qu'ils aient une certaine garantie quant à la capacité de leur avocat.

Selon M. Moreau, la communication avec les enfants ne nécessite pas une spécialisation considérable. Il est plus difficile de se spécialiser en droit fiscal. C'est d'ailleurs surtout dans la vie de tous les jours que les avocats ont des contacts avec leurs propres enfants. Il ne semble pas souhaitable de créer un monopole. Un nouveau regard sur l'affaire, par un autre avocat, peut d'ailleurs se révéler éclairant.

M. de Terwangne fait remarquer que c'est un problème sans fin. Pourquoi ne pas aussi créer une spécialisation pour l'aide aux malades mentaux, etc. ? L'enfant doit pouvoir s'adresser à l'avocat de son choix. Si on lui en commet un d'office, alors des règles pourraient être prévues. Cela relève de la responsabilité du barreau.

En ce qui concerne le droit des jeunes, le barreau de Bruxelles a mis en place un système spécial (stage chez un autre avocat, formation complémentaire, formation permanente) articulé sur plusieurs départements (par exemple mineurs étrangers, etc.). Le bâtonnier désignera donc un avocat qui est compétent dans la matière du droit des jeunes et qui accepte ce dossier volontairement.

L'indépendance de l'avocat est garantie par le financement. S'il est payé par l'État, il sera indépendant. S'il existe une présomption que l'avocat (non commis d'office, mais choisi librement par le mineur) n'est pas indépendant, la responsabilité incombera également au bâtonnier.

Si un avocat exerçant à Bruxelles est sollicité par un jeune qui lui demande de l'assister, cet avocat doit adresser un courrier au bâtonnier pour demander l'autorisation de traiter ce dossier.

M. Lelièvre estime qu'une formation minimale est requise.

En ce qui concerne la signification de la convocation, il lui paraît suffisant que l'enfant signe la convocation. Le fait que la convocation soit également notifiée à l'avocat, offre des garanties suffisantes.

Mme De Jonghe souligne qu'une expertise complémentaire est requise de la part de l'avocat des jeunes. Il ne faut pas sous-estimer ce point. Une telle formation est nécessaire.

Mme Vandekerckhove se rallie à ce point de vue. Il s'agit ici de mineurs se trouvant déjà dans une position juridique affaiblie et qui ne peuvent pas être abandonnés aux règles du marché. L'assistance aux mineurs doit être entourée de garanties supplémentaires inscrites dans la loi et non laissées au bon vouloir du barreau ni du bâtonnier. Une garantie de qualité doit être prévue pour le cas où le jeune ne connaît pas d'avocat ou n'a pas les moyens de s'en payer un. C'est important pour le mineur.

M. Moreau ne partage pas tout à fait ce point de vue. Si l'on considère que le mineur est en position de faiblesse, il faut lui accorder un statut particulier. Mais il est important de le traiter comme un sujet de droit. Il doit par exemple aussi pouvoir se constituer partie civile lui-même. C'est le débat sur la capacité juridique du mineur qui intervient ici. Le mineur doit pouvoir choisir lui-même son avocat.

Un membre plaide en faveur d'une formation spécifique des avocats et des magistrats. Communiquer avec les enfants requiert des aptitudes particulières, surtout lorsqu'ils sont prisonniers d'une situation de conflit.

L'intervenante fait référence à l'évolution sociale. La procédure du divorce a été simplifiée, ce qui a entraîné une augmentation du nombre de divorces. D'autre part, les enfants sont de plus en plus émancipés. L'enfant doit pouvoir être informé en tant que partie à part entière d'une instance.

Un autre membre souligne l'importance du critère de la capacité de discernement de l'enfant. Il y a une distinction entre le rôle de l'avocat choisi librement par un mineur capable de discernement et le rôle de l'avocat commis à un mineur dénué de cette capacité de discernement.

Un membre souhaite que l'on clarifie la question du procès-verbal. Plusieurs personnes ont fait remarquer qu'il est important que l'enfant puisse lire le procès-verbal et qu'il doive marquer son accord sur celui-ci. Comment concilier cela avec la loi-Franchimont ? Est-il bon de prévoir que le mineur doit disposer d'une copie, sauf si le juge estime que certains éléments ne le permettent pas, en vue de la protection de l'enfant ?

M. de Terwangne répond que deux problèmes se posent en ce qui concerne l'audition des enfants.

Un premièr problème concerne le contenu du procès-verbal et l'accord que doit marquer le mineur.

Il paraît logique que le mineur dispose d'une copie de sa déclaration au juge.

Quel contenu va figurer dans l'audition ? Il semble à l'intervenant que l'essentiel de ce que le jeune a dit doit figurer dans le procès-verbal pour permettre un débat contradictoire.

Se pose également le problème lié à la question de savoir si la personne qui assiste le mineur peut ou ne peut pas prendre la parole.

La formule actuelle semble permettre au juge d'entendre le jeune seul et de refuser qu'il soit assisté. Cela n'est pas logique dans l'hypothèse où le jeune a choisi son avocat librement.

En ce qui concerne le procès-verbal, Mme Vandekerckhove estime que la règle voulant qu'il consiste en un résumé des propos du mineur est admissible.

Mais il ne s'agit évidemment que d'une discussion marginale et le statut du mineur devrait être revu dans son ensemble.

Un membre estime qu'il est essentiel que le mineur soit assisté par un avocat qui ait du coeur.

La combinaison formation (il s'agira donc d'avocats engagés) et paiement par l'État semble offrir de bonnes garanties pour le mineur.

Mme De Jonghe acquiesce. Outre l'expertise, qui est requise en tout état de cause, l'avocat doit avoir beaucoup de coeur.

Un membre souhaite évoquer la question des limites d'âge. Quid du seuil de sept ans, prévu dans la proposition de Mme de Bethune ?

M. Verlinden confirme que l'âge de sept ans peut être considéré comme l'âge de verbalisation, à partir duquel l'enfant sait s'exprimer. Des dérogations doivent cependant être possibles, avec faculté de recours.

Mme De Jonghe peut également se rallier à cette limite d'âge. Si les enfants sont mis en confiance, on peut en tirer beaucoup d'informations. Les enfants ont beaucoup de choses à raconter.

M. Verlinden fait remarquer que les enfants ont en effet beaucoup de choses à raconter, mais qu'il faut tenir compte du fait qu'il n'est pas évident pour eux de parler des situations de conflit auxquelles ils sont confrontés.

B. Discussion générale après auditions

Un membre fait remarquer que les auditions ont porté sur deux propositions de loi, à savoir la proposition de Mme Lindekens instituant les avocats des mineurs et la proposition de Mme de Bethune relative au droit des mineurs d'être entendus par le juge. Pour la suite de la discussion, il convient de dissocier ces deux propositions de loi.

Tous les membres semblent pouvoir souscrire au principe contenu dans la proposition de loi de Mme Lindekens. Il reste cependant à répondre aux questions suivantes :

a) S'agit-il d'une assistance systématique obligatoire ou non pour le mineur ? Une assistance automatique ne paraît pas souhaitable.

b) Quid du financement ? Qui paiera l'avocat des mineurs ? Souhaite-t-on que les avocats des mineurs travaillent dans le cadre de l'aide juridique ?

c) La formation des avocats. Les auditions ont montré que les avis sont partagés en la matière. Certains sont partisans d'une « spécialisation », d'autres non. Les procédures dans lesquelles l'avocat des mineurs comparaîtra sont très diverses.

Une autre membre déclare que les auditions l'ont incitée à faire preuve d'une certaine réserve.

Tout d'abord, il y a le problème de la praticabilité de la loi : le Parlement doit prendre ses responsabilités et adopter des lois effectives et applicables. L'intervenante fait référence au système canadien, où les avocats des mineurs sont des avocats de l'État, des fonctionnaires de l'État à temps plein qui sont rémunérés par celui-ci. Si l'on veut que la loi ne reste pas lettre morte, il faut déterminer clairement qui rétribuera les avocats des mineurs. Les budgets de l'aide juridique sont déjà insuffisants.

Ensuite le champ d'application de l'article 2 proposé semble beaucoup trop large. Une aide systématique ne semble pas souhaitable. L'intervenante fait référence à l'exposé de M. T. Moreau. Il faut faire la distinction entre les diverses procédures et le titre auquel le mineur est impliqué dans ces procédures : il peut être partie ou devoir donner son accord, ou être simplement appelé pour être entendu. Ces hypothèses sont très différentes. Il faut délimiter plus précisément l'article 2.

Une troisième remarque concerne l'alinéa 2 de l'article 2. « L'avocat des mineurs défend les intérêts de l'enfant. » Cette phrase paraît superflue. Il faut se situer dans le rôle général de l'avocat; en outre, cette phrase est ambiguë. L'avocat joue son rôle classique de conseil et se fait l'interprète du point de vue de l'enfant. Il ne constate pas quels sont les intérêts de celui-ci.

En ce qui concerne l'article 3, l'intervenante hésite beaucoup à créer des catégories d'avocats. C'est à la profession elle-même de s'organiser. La loi peut imposer les conditions au barreau, mais c'est à celui-ci qu'il appartient d'organiser la formation (initiale et continuée). Telle n'est pas la mission du Roi. Elle renvoie à la réforme de l'aide juridique, dont la responsabilité incombe à présent à la profession elle-même. On pourrait par exemple fort bien décider de compléter les cours initiaux du barreau par un cours de droit de la jeunesse (par exemple un cours pratique), mais il n'est pas sain de pousser les jeunes avocats dans une certaine direction.

Le ministre déduit des interventions qu'il reste trois grandes questions.

Une première remarque concerne le fait qu'il ne faut pas rendre l'assistance obligatoire. Il a appris que l'on déposera des amendements en ce sens (voir ci-dessous).

En ce qui concerne le financement, plusieurs pistes sont envisageables. Si l'on adjoint un avocat à un mineur, cela se fera aussi dans les procédures qui sont menées au niveau des communautés (voir les commissions de médiation de l'assistance spéciale à la jeunesse). L'intervention des communautés pourrait être envisagée. On règle en effet l'assistance non seulement pour les procédures judiciaires, mais aussi pour les procédures administratives.

Une deuxième piste à suivre serait de créer une assurance familiale obligatoire, comprenant un volet d'assistance judiciaire, ce qui permettrait d'alléger nettement le budget des autorités fédérales et communautaires.

Une autre piste consisterait à répercuter le coût de l'aide sur les parents, au prorata de leurs ressources. Toutefois, on risque d'assister alors à une prolifération de procédures.

L'intervenant propose de recueillir l'avis des ministres compétents, étant donné que la proposition en question entraînerait un surcoût budgétaire énorme (ministre du Budget).

Le ministre est convaincu qu'une formation obligatoire est nécessaire. Ni les barreaux locaux ni l'Ordre national ne sont fort intéressés par le droit de la jeunesse. Il faut apporter au mineur une assistance particulière, vu la complexité de la matière et la capacité d'expression spécifique des mineurs. Qui plus est, l'assistance est très délicate, surtout dans les matières civiles. Une assistance n'est peut-être pas indiquée, mais il doit être possible à l'enfant de faire entendre sa voix. Le critère de l'indépendance est essentiel. L'avocat des mineurs défend les mineurs de manière indépendante, et non un prétendu « intérêt supérieur » de l'enfant. Il est difficile de définir objectivement l'intérêt supérieur de l'enfant et cette définition a le plus souvent une coloration très subjective. Il est important de souligner que l'avocat défend de manière indépendante les intérêts du mineur. Il fournit également une aide juridique et doit exprimer l'avis de l'enfant.

Un membre approuve la philosophie de la proposition de loi. Toutefois, la rédaction des dispositions pose quelques problèmes. Ainsi, une assistance systématique obligatoire irait-elle trop loin. Une formation spécifique semble nécessaire. Il faut toutefois formuler l'article 3 de manière plus précise. En effet, les mots « aptitude à parler aux enfants » sont très vagues.

Par ailleurs, si l'on attend des avocats qu'ils fassent des efforts dans le domaine de la formation, il faut que la rémunération soit également adéquate. L'État devra débloquer les budgets nécessaires.

Un autre membre estime que l'on irait trop loin en rendant l'assistance obligatoire.

La formule « dans toute instance le concernant ou touchant à son intérêt » a en effet une portée très large. Peut-être est-ce encore plus traumatisant pour certains enfants d'être obligés de donner leur avis dans une discussion entre leurs parents.

En outre, il faut se poser la question de la valeur ajoutée. Quels coûts l'assistance obligatoire entraînera-t-elle ? Seront-ils contrebalancés par la valeur ajoutée que l'assistance obligatoire représente pour le mineur ?

La formulation pose également des problèmes juridiques. « Dans toute instance le concernant ou touchant à son intérêt » n'implique pas que l'enfant soit partie à la cause. Le juge n'a aucun instrument juridique formel pour faire en sorte que l'avocat donne son avis. Comment cela peut-il se faire formellement ? En raison de tous ces éléments formels, l'intervenante estime que la discussion est étroitement liée au débat sur la capacité juridique du mineur. En l'état actuel des choses, un mineur (moins de dix-huit ans) ne peut entreprendre aucune démarche. Une proposition de loi de Mme Taelman (doc. Sénat, nº 2/626) vise à changer cette situation.

Un membre retient de l'exposé du ministre que les communautés sont impliquées. L'autorité fédérale n'est-elle donc pas compétente ? Le législateur fédéral peut-il prévoir une assistance dans toute procédure administrative, y compris par exemple la procédure de médiation en Flandre ? Il y a également les décrets des communautés sur la protection de la jeunesse.

En ce qui concerne le financement, l'intervenante estime que l'idée de vouloir répercuter les frais entraînés par l'assistance sur les parents n'est pas bonne. Quid alors, en effet, de l'indépendance ?

Il ne lui semblerait pas inintéressant de disposer d'un aperçu des lois qui prévoient une intervention du mineur, en tant que partie, comme témoin, ou pour donner son accord.

Une membre rappelle que le commissaire aux droits de l'enfant a déclaré que la plupart des demandes adressées au commissariat concernent des procédures de divorce. Quand deux adultes se séparent, les enfants se séparent également de leur père, de leur mère ou de leurs frères et soeurs. C'est pourquoi le champ d'application doit être large.

Pour ce qui est de l'obligation d'assistance, l'intervenante est disposée à faire un pas en arrière. La seule façon d'avoir toutes les informations sur les enfants et les problèmes auxquels ils sont confrontés, est de leur poser la question à eux. Souvent, les problèmes ne viennent que plus tard, après le divorce, quand les enfants sont confrontés à la sentence. Il faut éviter ce problème. Certains magistrats procèdent facilement à l'audition des enfants, mais il y en a encore d'autres qui n'estiment pas que la voix des enfants soit importante.

En ce qui concerne la formation des avocats des mineurs, l'intervenante reste d'avis qu'elle est nécessaire. Les intervenants francophones ont laissé entendre, au cours des auditions, qu'ils ne trouvaient pas une telle formation nécessaire, mais tout leur discours a montré qu'eux-mêmes s'étaient bel et bien spécialisés.

La proposition de loi ne prévoit pas que l'avocat des mineurs doit se borner à défendre les enfants et ne peut se charger d'aucune autre affaire. Elle prévoit simplement que si l'on travaille avec des enfants, on doit pouvoir se mettre à leur niveau pour s'entretenir avec eux. Ceci relève des techniques de communication. Un enfant de 8 ans est tout différent d'un enfant de 13 ou 15 ans et il faut donc communiquer différemment avec lui. Il faut écouter un enfant très attentivement et très consciencieusement pour faire émerger le problème. Des notions de psychologie du développement sont à cet égard indispensables. Les pouvoirs publics n'ont aucune prise sur les programmes des universités. Il est aberrant que la Convention internationale relative aux droits de l'enfant ne soit pas enseignée. La désignation d'un avocat pro Deo au sein de l'aide spéciale à la jeunesse n'est pas une bonne solution. Il arrive souvent que les avocats ignorent de l'enfant ce qui vit en lui. Le fait que l'enfant soit ou ne soit pas bien assisté, est trop souvent laissé au hasard. Il faut que cela cesse.

En ce qui concerne le paiement, il faut chercher la solution la plus praticable. Il ne faut pas exclure a priori un système de recouvrement (limité) à charge des parents. Ceux-ci n'y seront par définition pas opposés. L'intervenante part du principe selon lequel l'autorité paie, mais est aussi prête à placer les parents face à leurs responsabilités, certainement en termes de capacité contributive.

Une membre déclare que quelques ambiguïtés subsistent. L'intervenante renvoie au point de vue que les avocats ont exprimé au cours des auditions. Ils se sont tout d'abord présentés comme avocat, juriste, personne ayant une connaissance du droit. Ils ont insisté sur le fait que, dans le cadre de la défense de mineurs, leur rôle est celui d'avocat et non celui d'assistant social ou de psychologue.

Le ministre a surtout insisté sur le rôle de traducteur de la pensée de l'enfant. Cela répond à la préoccupation de Mme Lindekens qui souhaitait que les avocats aient suivi une formation spécifique. En effet, un enfant ne s'exprime pas de la même façon qu'un adulte.

Un membre affirme qu'être juriste et vouloir entrer en communication avec l'enfant afin de déchiffrer sa pensée sont cependant deux choses bien distinctes. Il n'est pas évident que l'on sache faire les deux. À quel rôle va-t-on donner la priorité ? Comment va-t-on en outre constater qu'une personne a la compétence requise pour se mettre au niveau des enfants afin de converser avec eux ?

Ce n'est pas parce que l'on n'a aucune diffiiculté à parler avec des enfants de 7 à 8 ans, éventuellement dans son propre cercle familial, que l'on peut aisément avoir une conversation avec des adolescents. Il faut savoir clairement ce que l'on attend de l'avocat. Attend-on de lui qu'il soit bon juriste ou un bon traducteur de la pensée de l'enfant ? Par ailleurs, un bon juriste doit aussi être payé à l'avenant. Qui va désigner l'avocat et qui va le payer ? Quel rôle le juge aura-t-il encore à jouer ? Tous les juges ne sont pas sensibles à la dimension infantile. Dans un cas de divorce, il appartient pourtant au juge de se soucier aussi du sort de l'enfant.

Une dernière observation porte sur la constitution de partie civile par l'avocat du mineur. Une certaine cohérence est de rigueur. Si l'on donne davantage de droits à l'enfant, il doit aussi avoir des obligations. Il s'agit d'une responsabilité considérable de l'avocat de décider de se constituer partie civile au nom de l'enfant. Il faut examiner cette question à fond. Peut-être la proposition de loi à l'examen n'est-elle pas le moyen approprié pour instaurer cette constitution de partie civile.

En ce qui concerne l'indemnisation, l'intervenante renvoie au système canadien des « avocats d'État ». Cet aspect du financement doit aussi être examiné.

Une membre estime qu'il va de soi que les avocats des mineurs doivent aussi être avant tout de bons juristes. Le rapport est comparable à celui entre un médecin et un pédiatre. Il doit s'agir de bons juristes qui ont une parfaite connaissance du droit de la jeunesse. Certains se sentiront naturellement attirés par le fait de travailler avec des enfants. Il est évident que le contact avec des enfants et le contact avec des adolescents sont deux choses différentes. Des notions de psychologie du développement et de communication sont requises. Par ailleurs, l'avocat détermine lui-même quelles affaires il acceptera ou n'acceptera pas. Il arrive que des adultes ne soient pas bien assistés non plus. Il y a cependant une différence; comme ils se développent jusqu'à l'âge de 18 ans, les enfants subissent une transformation ininterrompue jusqu'à devenir des adultes. Il faut par conséquent redoubler d'attention. La manière d'appréhender leurs problèmes d'enfants est déterminante pour la manière dont ils se comporteront dans la société une fois devenus adultes.

En ce qui concerne la constitution de partie civile, l'intervenante renvoie aux amendements qui ont été déposés. Il convient de faire une distinction entre l'intérêt personnel de l'enfant et l'intérêt de la société. L'intervenante est disposée à entamer une discussion à ce sujet.

Une membre revient au problème de la spécialisation. Comme dans le cas des médecins, il faudra effectivement, selon son intérêt, opter pour l'une ou l'autre spécialisation. La spécialisation existe déjà dans la pratique (voir les curateurs, les avocats spécialisés dans les affaires d'assises). Cette spécialisation est indispensable parce que le droit a pris une ampleur certaine. Ces avocats ne se borneront cependant pas à n'accepter qu'un seul type d'affaires. Les barreaux organisent eux aussi diverses formations. Il semble opportun de prévoir, dans la loi, quelques dispositions visant à obliger les barreaux à s'intéresser au droit de la jeunesse.

Il n'est pas logique d'admettre la nécessité d'une formation spécifique en matière de médiation dans le cadre d'un divorce et de ne pas admettre qu'un avocat doive se spécialiser en droit de la jeunesse et d'assistance aux jeunes. L'intervenante peut dès lors difficilement partager les réticences exprimées.

Le ministre fait remarquer que l'on doit permettre à un enfant, s'il est victime d'abus graves, et que les parents ne prennent pas leurs responsabilités (parce qu'ils sont eux-mêmes les auteurs ou qu'ils veulent protéger un membre de la famille), de déposer plainte lui-même. C'est un des droits fondamentaux de l'homme de pouvoir défendre un droit propre. Il n'est pas nécessaire, en l'occurrence, de l'accompagner d'obligations. Le juge d'instruction peut considérer que la plainte est injustifiée.

Un membre peut suivre ce raisonnement. On doit cependant pouvoir vérifier dans quelle mesure l'enfant défend lui-même ses droits et dans quelle mesure il y est forcé par un parent (par exemple, dans une procédure de divorce, plainte pour attentat à la pudeur contre l'autre parent).

Le ministre répond que cette situation existe déjà aujourd'hui; actuellement, un parent dépose plainte contre l'autre. Le fait que les enfants obtiennent ce droit ne fera pas nécessairement augmenter le nombre des procédures.

Un membre note que plusieurs articles de la loi et des décrets sur la protection de la jeunesse disposent que le mineur comparaît ou est entendu, et est assisté. Si l'on adopte le projet de loi à l'examen, cela signifie-t-il que l'on devra revoir toutes les autres dispositions légales spécifiques ? Peut-on se contenter de voter une loi générale ou doit-on adapter chaque article qui prévoit une présence du mineur ?

Le ministre répond que l'on peut résoudre ce problème en utilisant le membre de phrase général suivant : « Sans préjudice de l'aide juridique prévue dans d'autres lois ou décrets, le mineur est assisté ... ».

III. DISCUSSION DES ARTICLES

Intitulé

A. Discussion

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-256/2, amendement nº 7), visant à remplacer l'intitulé de la proposition de la loi par ce qui suit : « Proposition de loi visant à garantir aux mineurs l'assistance d'un avocat ».

Cet amendement doit être lu en corrélation avec l'amendement nº 8 à l'article 2 (cf. infra).

Ces amendements sont retirés.

Mme Nyssens estime que le mot « jeugdadvocaten » ne correspond pas tout à fait aux mots « avocats des mineurs ». Elle propose d'utiliser, dans le texte français, les mots « avocats spécialisés en droit de la jeunesse » (doc. Sénat, nº 2-256/5, amendement nº 35). C'est l'expression qu'utilisent actuellement les barreaux qui ont mis sur pied des permanences pour les jeunes.

Une autre membre suggère plutôt les mots « avocat de l'enfant » ou « avocat des jeunes ».

Une commissaire fait remarquer que la définition proposée par Mme Nyssens ne recouvre pas tout à fait ce dont il s'agit. L'avocat n'est pas seulement spécialisé en droit de la jeunesse, il doit aussi satisfaire à une série d'autres paramètres.

Une membre signale que le terme « enfant » est souvent utilisé en Communauté française (cf. « SOS enfants »).

Mme Nyssens peut se rallier à la suggestion d'une intervenante précédente et dépose le sous-amendement nº 55 en vue de remplacer les mots « avocats des mineurs » par les mots « avocats des jeunes » (doc. Sénat, nº 2-256/5). Il apparaît clairement dans le texte même de la loi qu'il doit s'agir d'un mineur (voir également les amendements nºs 56, 57 et 58 de la même auteur).

Le ministre peut se rallier à cet amendement. Le terme « jeunesse » est consacré par la législation (voir la protection de la jeunesse) et vise les mineurs.

Dans le texte néerlandais de l'intitulé, les mots « voor minderjarigen » sont supprimés en fonction de la concordance entre les versions française et néerlandaise. Cette modification est considérée comme une correction de texte.

B. Votes

Les amendements nºs 7 et 35 sont retirés au profit de l'amendement nº 55.

Cet amendement est adopté par 7 voix contre 1 et 1 abstention.

Article 1er

Cet article est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

Article 2

A. Première discussion

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-256/2, amendement nº 8), visant à remplacer l'article 931, alinéa 6, du Code judiciaire. L'amendement prévoit que les enfants qui sont entendus peuvent toujours être assistés d'un conseil dans quelque matière que ce soit.

L'auteur renvoie à la justification de l'amendement.

L'avocat est considéré principalement ici comme l'interprète de l'opinion de l'enfant. L'amendement opère un choix clair; l'enfant a droit automatiquement à l'assistance d'un avocat chaque fois qu'il jouit d'un droit d'être entendu reconnu par la loi. Par rapport à la proposition de loi, le champ d'application est donc réduit. Il s'agit d'une assistance automatique, et donc pas seulement d'une possibilité, mais dans un cadre plus restreint.

En ce qui concerne la spécialisation, l'intervenante considère que la formation des avocats des mineurs incombe au barreau.

Elle ne comprend pas pourquoi la loi doit déterminer quel est le rôle de l'avocat des mineurs; celui-ci assume en effet son mandat classique de défenseur. Il ne semble pas nécessaire à l'intervenante de le préciser dans la loi.

La distinction entre l'avocat des mineurs et le tuteur ad hoc n'est pas toujours claire.

L'auteur explique que cet amendement a été déposé avant les auditions. Elle maintient le point de vue selon lequel le mineur qui est entendu doit pouvoir être assisté d'un avocat. L'obligation d'assistance est moins évidente.

Un membre considère que cet amendement sape quelque peu la philosophie de la proposition de loi. L'auteur de l'amendement précise en effet qu'il n'est pas souhaitable que la loi crée des catégories d'avocats et fasse une distinction entre les avocats. La proposition de loi vise précisément à cette distinction. Selon l'auteur de l'amendement, l'avocat a l'obligation déontologique de refuser une affaire dans laquelle il se juge incompétent. Il en est ainsi en théorie, mais dans la pratique, il en va souvent autrement. Rares sont les avocats qui refusent une affaire. La proposition de loi suit la philosophie de l'article 12 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant. L'amendement vide la proposition de loi de sa substance.

Une membre abonde dans le même sens. Elle a le sentiment que l'amendement fait de la proposition une coquille vide. Dire que le mineur a droit à une assistance lorsqu'il est entendu ne résout pas le problème existant. Le but de la proposition de loi est en effet que tous les mineurs soient entendus et qu'il y soient aidés, à moins d'y renoncer eux-mêmes.

Le barreau peut effectivement jouer un rôle très important dans la spécialisation. Les barreaux flamands y sont d'ailleurs prêts. Le législateur doit toutefois créer un cadre dans lequel le barreau pourra se charger de la formation. Il s'agit d'une règle qualitative. L'intervenante conteste la justification de l'amendement en ce qu'elle affirme que les avocats qui sont commis d'office en protection de la jeunesse le sont généralement sur une base volontaire. Ce n'est bien souvent pas le cas et il est inacceptable que des enfants dépendent du hasard et de l'engagement ou du non-engagement d'un avocat. Le fait que cela nécessite de nombreux déplacements, etc., plaide en faveur de cette spécialisation.

Le ministre trouve singulier que l'auteur de l'amendement prétende que l'avocat d'un majeur et l'avocat d'un mineur doivent avoir les mêmes capacités et adopter la même attitude. Par son amendement à l'article 2, Mme Nyssens reconnaît elle-même que l'attitude vis-à-vis de l'enfant doit être différente. Un majeur en effet ne doit pas se faire assister d'un avocat s'il est entendu. C'est pour cela aussi que la loi sur la protection de la jeunesse prévoit une assistance obligatoire et que ce n'est pas le cas pour les majeurs. À diverses reprises, le législateur est parti du principe que le mineur a besoin d'une assistance supplémentaire par rapport au majeur. Et cette assistance doit avoir d'autres qualités que l'assistance ordinaire d'un adulte par un avocat. L'amendement de Mme Nyssens est donc dans un certain sens contradictoire.

Une membre se rallie aux intervenants précédents. L'amendement vide de sa substance le champ d'application de la proposition de loi. Il concerne d'ailleurs l'article 931 relatif au droit, pour le mineur, d'être entendu (voir la proposition de loi de Mme de Bethune) et ne cadre pas, en fait, avec la discussion relative aux avocats des mineurs. La philosophie de la proposition de loi de Mme Lindekens est différente, en ce qu'elle entend offrir au mineur, de la manière la plus cohérente possible, la possibilité de faire entendre sa propre voix, conformément à l'article 12 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant. Selon l'intervenante, l'article 12 n'impose toutefois pas une obligation de comparaître. Il est préférable de prévoir une obligation de convoquer. L'amendement de Mme Nyssens ne résout pas ce problème fondamental.

Une autre commissaire admet qu'il y a une différence entre l'amendement de Mme Nyssens et la proposition de loi de Mme Lindekens. Elle estime qu'une approche spécifique axée sur les mineurs se justifie. Les mineurs ont besoin d'une plus grande protection et on est tenu de veiller à ce que celui qui intervient pour eux réponde aux normes qualitatives requises. Une approche spécifique offre une plus grande protection juridique.

Une membre pose encore un certain nombre de questions. Elle évoque le problème du financement. L'adoption d'une proposition de loi peut représenter une pression en vue de faire adapter le cadre législatif en la matière.

Le ministre évoque trois pistes possibles : le financement par l'État et les communautés, le paiement de l'avocat par l'État qui peut éventuellement récupérer cette somme auprès des parents ou une assurance familiale obligatoire comportant un volet assistance juridique. Si l'État fait l'avance des frais et se retourne ensuite vers les parents, l'objectivité est garantie. En ce qui concerne la dernière piste, il faudra évidemment négocier avec les compagnies d'assurances.

Une membre fait observer que cela fait vingt ans qu'on parle de la « mutualisation » des honoraires en général. L'accès à la justice serait ainsi intégré au droit de la sécurité sociale. Certains barreaux ont déjà négocié à ce sujet avec des mutuelles et des compagnies d'assurances (voir les démarches de M. Legros, bâtonnier du barreau de Bruxelles). Les mutuelles ont toutefois décliné, souhaitant s'en tenir aux soins de santé, déjà jugés trop cher actuellement. Elles ont estimé ne pas pouvoir réclamer un montant supplémentaire de 40 francs par affilié pour étendre la couverture de l'assurance-maladie aux frais de justice. Des négociations ont alors été ouvertes avec les compagnies d'assurances. Il s'agit donc d'une piste intéressante, mais qui n'a jamais eu la moindre chance d'aboutir, du moins en ce qui concerne les frais de justice en général. Peut-être pourrait-t-on la relancer par la question de la rétribution des avocats des mineurs.

Une membre précise qu'alors cette prestation devrait être intégrée dans l'assurance-maladie obligatoire et non dans l'assurance facultative. Ce pourrait être une solution.

La même intervenante s'interroge par ailleurs sur le caractère obligatoire de l'assistance.

Le ministre déclare qu'il faut aborder avec prudence la caractère facultatif éventuel du droit des mineurs à être entendus comme de l'assistance par un avocat. L'enfant se trouve en situation de dépendance et il est très influençable. À l'enfant qui n'a pas la possibilité ou le courage de s'exprimer immédiatement, il faut toujours d'abord donner l'occasion de le faire. Il doit y avoir obligation de convoquer, les enfants doivent « avoir le droit de ». Cette obligation doit ensuite être assortie d'un correctif, à savoir que l'enfant pourra toujours refuser.

Les amendements nºs 1 et 2 de Mmes Lindekens et Kaçar sont retirés au bénéfice de l'amendement nº 12 de Mmes Taelman, Lindekens et Leduc, dont la portée est plus étendue.

L'amendement nº 12 (doc. Sénat, nº 2-256/3) remplace l'article 2 proposé et tend à ce que, sans préjudice des dispositions de la loi relative à la protection de la jeunesse, tout mineur soit assisté d'office dans les procédures qui le concernent, par un avocat qui doit être un avocat des mineurs, sauf si le mineur refuse explicitement.

Il est dit aussi expressément que l'avocat du mineur exprime l'avis de celui-ci, lui fournit une assistance juridique et défend ses intérêts de manière indépendante.

On prévoit que le mineur qui n'a pas d'avocat s'en verra attribuer un sur simple demande écrite des parents, du ministère public ou du président du tribunal.

En outre, le juge peut habiliter l'avocat des mineurs à se constituer partie civile au nom du mineur, si les parents omettent d'agir.

L'auteur de l'amendement est consciente qu'outre la loi relative à la protection de la jeunesse, il faut peut-être faire référence aussi à d'autres lois ou décrets.

Mme de Bethune dépose à cet effet l'amendement nº 17 (doc. Sénat, nº 2-256/3).

Une des auteurs souligne encore que l'alinéa 1er de l'amendement nº 12 traduit la distinction entre l'obligation de comparaître et l'obligation de convoquer.

L'alinéa 2 précise le déroulement de la procédure (qui désigne l'avocat des mineurs ?)

L'alinéa 3 traite de la constitution de partie civile. L'intervenante renvoie à ce sujet à la proposition de loi ouvrant l'accès à la justice aux mineurs (doc. Sénat, nº 2-626/1), qui prévoit une capacité générale d'ester en justice pour le mineur. Dans l'hypothèse où cette proposition de loi serait approuvée, l'alinéa en question deviendra superflu.

Le fait que l'avocat des mineurs doit être indépendant est une évidence.

L'intervenante peut souscrire à l'amendement nº 17.

Une membre se dit favorable au texte dans ses grandes lignes. Elle a cependant deux questions au sujet de l'alinéa 2. Cet alinéa prévoit la possibilité qu'un avocat pourra être désigné d'office par le bâtonnier. Pourquoi cet avocat n'est-il pas désigné systématiquement et pourquoi ne peut-il pas l'être à la demande du jeune lui-même ?

Une membre renvoie au problème de la capacité juridique du mineur. Un mineur peut-il déposer lui-même une requête ?

Une autre membre estime qu'on doit veiller à ce que chaque mineur puisse bénéficier de l'assistance juridique d'un avocat. Mme de Bethune dépose dans ce sens le sous-amendement nº 16 (doc. Sénat, nº 2-256/3), lequel dispose qu'un avocat lui est attribué d'office lorsqu'il n'en a pas et qu'il souhaite expressément en avoir un. Il faut cependant l'accord du mineur.

Un membre approuve cette suggestion afin de parer à toute éventualité.

Selon le ministre, l'alinéa 2 est basé sur la loi relative à la protection de la jeunesse (article 54bis). Il importe toutefois de préciser qui désignera l'avocat d'office.

Mme de Bethune estime également qu'il y a lieu de lire conjointement les troisième et quatrième alinéas. Elle dépose donc l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-256/3).

À propos de la question de la capacité juridique, une membre est d'avis que le mineur peut parfaitement adresser une requête au bâtonnier. Cette démarche n'exige pas la capacité de poser des actes de procédure.

En ce qui concerne le sous-amendement nº 16, une membre souligne qu'un avocat doit pouvoir être désigné à la demande des parents. Lorsque les deux parents prennent la décision, ils prendront aussi plus facilement en charge les indemnités et les frais si ceux-ci leur seront réclamés. Le ministère public et le président du tribunal doivent également pouvoir prendre cette initiative. Il faudrait conserver explicitement ces possibilités dans le texte, à moins que l'accès des mineurs à la justice ne soit réglé globalement par une autre loi.

Un membre souligne que les indemnités sont clairement réglées dans l'amendement nº 13 (cf. infra article 4). Il ne lui paraît donc pas indispensable de le préciser explicitement dans le texte.

Selon une autre membre, il serait peut-être préférable de ne pas préciser à l'initiative de qui l'avocat des mineurs peut être désigné. Si les parents doivent contribuer financièrement, ils hésiteront à signer une requête. L'intervenante juge donc préférable de mentionner uniquement que l'avocat des mineurs peut être désigné par le bâtonnier ou son représentant. On aura ainsi un automatisme, que l'enfant peut refuser.

Le ministre estime que l'un n'exclut pas l'autre. Une simple requête peut émaner de l'enfant lui-même, des deux parents, du ministère public et du président du tribunal.

Un membre demande si la requête peut également émaner d'un seul des deux parents.

Le ministre répond que cela pose un problème financier. Si la requête émane d'un seul parent, il sera encore plus difficile de récupérer ensuite les frais auprès de l'autre parent. En outre, le parent qui est disposé à prendre en charge les frais pourrait ainsi gagner la faveur du mineur, surtout dans une procédure de divorce, ce qui mettrait la loyauté de l'enfant à dure épreuve et compromettrait l'indépendance de l'avocat.

Une membre réplique qu'on peut envisager également la signature par un seul parent pour des raisons pratiques. Si l'enfant réside chez l'un des parents, il n'est pas toujours évident de contacter l'autre pour obtenir sa signature.

Une autre membre souligne qu'on se trouve confronté au problème du financement et de l'indépendance. L'enfant peut adresser lui-même la requête.

Une membre se dit consciente de la nécessité de trouver une solution au problème du financement. Elle a l'impression que, dans l'examen de ces amendements, on mélange apparemment trois concepts qui devraient être clairement séparés, à savoir : ­ l'aide juridique, la rémunération de l'avocat dans le sens de la nouvelle loi du 20 décembre 1999 relative à l'aide juridique (procurer de l'information, fournir une assistance et droit au bénéfice de l'indemnité accordée); ­ l'assistance d'un avocat; ­ la désignation d'office. La terminologie doit être maniée avec prudence. Ne faudrait-il pas faire une nette distinction entre ces trois concepts ? (cf. l'exposé de M. Moreau).

La question est de savoir qui doit déposer la requête.

Le ministre répond que la loi du 20 décembre 1999 parle d'une aide juridique de première ligne et de la gratuité complète. Dans cette loi, il est question d'aide juridique et d'assistance judiciaire. Le texte à l'examen parle uniquement de l'aide juridique (juridische bijstand) et pas d'assistance judiciaire (rechtsbijstand). Aucune confusion n'est possible. La question de la gratuité n'est pas abordée en l'espèce.

Une membre revient sur la formulation de l'alinéa 1er de l'amendement nº 12. Les mots « dans toute procédure judiciaire ou administrative le concernant ou touchant à son intérêt » sont inspirés de l'article 12 de la CIDE, mais cette formulation est très vague et très large. Quelle est la distinction entre « le concernant » et « touchant à son intérêt » ? L'enfant doit-il nécessairement être partie à la procédure ?

On répond à cette dernière question par la négative.

Quant à la distinction entre les deux, une membre estime qu'il y a gradation. Si un enfant doit comparaître devant le juge de la jeunesse en raison d'une situation d'éducation problématique ou pour un fait qualifié d'infraction, il est lui-même concerné. Dans une procédure en divorce, son implication est différente.

Le ministre répond que l'enfant n'est lui-même partie que dans un nombre de cas très restreint (dans le cadre de la protection de la jeunesse, dans le cadre de décrets). Le plus souvent, il est l'objet de la contestation. L'intervenant renvoie à ce sujet à l'article 9 de la CEDH. « Les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant ... ».

Toutes les parties concernées doivent avoir la possibilité de prendre part aux procédures résultant de l'alinéa 1er de cet article. Toutefois, sur le plan juridique, l'enfant n'est pas partie à cette procédure.

C'est à dessein que le champ d'application a été formulé d'une manière très large.

Une membre persiste à croire que cette formulation est trop large. Elle n'est pas purement juridique, mais a également une portée sociologique.

Le ministre donne deux exemples. La législation actuelle sur la protection de la jeunesse prévoit déjà que l'enfant a son mot à dire concernant la nomination de son protuteur dans le cadre de la procédure de déchéance de l'autorité parentale. La loi sur la tutelle prévoit que le pupille a le droit de se prononcer sur le tuteur, alors qu'il n'est pas partie à la cause. Dans le cadre de l'adoption internationale, l'enfant de 12 ans devra lui aussi donner son accord. Les auteurs ont volontairement opté pour un champ d'application le plus large possible.

Une membre attire l'attention sur le danger de « judiciarisation ». L'on élargit énormément les possibilités d'intervention du mineur. Le rôle du juge se voit complété d'un aspect social. Quant aux moyens, il n'y en a pas assez.

Mme Nyssens dépose par conséquent l'amendement nº 19 (doc. Sénat, nº 2-256/3).

Une membre dit avoir conscience que la proposition en discussion va très loin et dans un sens nouveau. Toutefois, dans bien des cas, elle porte sur des problèmes qui ont une influence profonde dans la vie des enfants.

Le ministre fait observer que le secteur privé de l'aide n'offre pas de garanties en matière de défense (due process). Il y a peut-être une surréglementation et une intervention exagérée de la justice, mais la justice est seule à pouvoir garantir une défense correcte des intérêts en présence ainsi que la possibilité d'écarter, grâce aux possibilités de recours, une approche non réglementée et étouffante du bien-être.

Une membre veut s'assurer que les mots « procédure judiciaire » concernent à la fois la procédure civile et la procédure judiciaire.

Le ministre déclare qu'il en est bien ainsi.

Mme Nyssens dépose un sous-amendement à l'amendement nº 12 (doc. Sénat, nº 2-256/3, amendement nº 24) qui vise à remplacer le dernier alinéa proposé par la disposition suivante : « L'avocat du mineur fournit au mineur toute aide juridique et est le porte-parole de son opinion. »

Il ressort des auditions que la mission de l'avocat consiste simplement à défendre les droits de l'enfant et à être son porte-parole. En défendant ce qui est pour lui l'intérêt de l'enfant, il se substitue au ministère public ou au juge.

Mme Nyssens dépose un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-256/4, amendement nº 25) à l'amendement nº 12 de Mme Taelman. Ce sous-amendement vise à remplacer le texte proposé.

L'amendement donne la priorité à la possibilité de choisir librement l'avocat et prévoit qu'il faut organiser, quoi qu'il en soit l'assistance juridique nécessaire.

L'auteur de l'amendement attire l'attention sur le fait qu'apporter une assistance systématique au mineur pourrait avoir des conséquences indésirables. Elle pense à une surcharge des tribunaux.

La membre réitère le principe de l'indépendance de l'avocat et répète que sa mission principale est de plaider pour le respect des droits du mineur et d'exprimer le point de vue de celui-ci.

Un membre approuve ce qui vient d'être dit. Il souscrit tout à fait à la philosophie de la proposition de loi de Mme Lindekens, mais il estime que la loi doit définir de manière précise les cas dans lesquels un avocat des mineurs doit intervenir, sinon, il y a un risque de « dépénalisation » des parents. Il en résulte une immixtion de l'avocat dans la famille. Or, il ne faut pas dresser les enfants contre les parents plus que de raison.

Il est absolument nécessaire de définir les cas dans lesquels l'avocat des mineurs doit intervenir. La notion de partie, telle qu'elle figure dans l'amendement de Mme Nyssens, a une signification juridique claire.

Une autre membre fait référence aux auditions et aux discussions qui ont déjà eu lieu en commission. L'on ne sait pas non plus très bien quand un enfant est partie à la cause. Prenez un cas de divorce. Lorsque les parents se séparent, les enfants subissent également une séparation. L'on peut alors se poser la question de l'importance relative des intérêts respectifs des enfants et des adultes au sein d'une famille. Les enfants sont des personnes fort vulnérables. Dans bien des cas, les deux parents prennent un avocat et les enfants constituent l'enjeu. La manière dont les enfants sont entendus peut être importante pour la vie des adultes et des enfants après le divorce.

Il arrive souvent que les problèmes surgissent après le divorce, précisément parce que les enfants n'ont pas été suffisamment bien entendus.

L'on doit bien admettre dès lors que les enfants sont bel et bien partie au divorce. En l'absence de problèmes, les enfants peuvent toujours renoncer à l'assistance d'un avocat des mineurs.

L'avocat des mineurs aura surtout un rôle de médiateur et il s'efforcera de désarmorcer le conflit qui se joue au-dessus de la tête des enfants.

Il faut considérer que les enfants dans une famille sont des personnes à part entière mais vulnérables.

Qui plus est, si les problèmes restent cachés, ils peuvent avoir d'importantes répercussions sur la vie des enfants et des adultes.

Mme Nyssens renvoie à l'article 931 du Code judiciaire. Son amendement s'inspire de la même philosophie juridique. Si l'enfant éprouve le besoin d'être entendu, il le sera.

Un membre souligne que l'article 931 du Code judiciaire pose certains problèmes pratiques. Il n'y a pas, pour les enfants, de droit général à être entendu. La décision d'entendre ou non un enfant dépend du juge. En effet, le juge peut refuser la demande à être entendu du mineur sans devoir motiver sa décision. Il n'y a pas de possibilité de recours.

La référence à l'article 931 n'apporte donc pas de véritable solution. Il importe que les enfants puissent s'exprimer dans toutes les procédures qui les concernent. Même s'ils ne sont pas partie au divorce d'un point de vue strictement juridique, ils sont indéniablement impliqués dans les faits.

Un membre répond qu'en l'espèce, le but est d'intervenir au niveau de législation. Une loi doit être claire et juridiquement exacte. La loi doit dire clairement dans quels cas les enfants doivent être assistés par un avocat des mineurs. Le champ d'application doit être clair et précis.

Un membre déclare qu'il approuve la philosophie de la proposition de loi, mais qu'il se pose quand même encore quelques questions.

La première concerne le champ d'application qui est effectivement défini de manière très large. Dans toute procédure judiciaire ou administrative qui le concerne ou qui touche à ses intérêts, le mineur est assisté par un avocat des mineurs.

Qu'entend-on au juste par « procédure judiciaire ou administrative » ? Il s'agit d'une notion très large.

Elle englobe par exemple toute procédure menée dans une école (conseil de classe par exemple). Il conviendrait de la définir de manière plus précise.

La deuxième concerne le financement. Pourquoi ne pas envisager un système semblable à celui de l'aide juridique (pro Deo) ? Ne pourrait-on pas augmenter le budget consacré à ce type d'aide ?

L'auteur de la proposition rétorque que c'est à dessein qu'elle a défini un champ d'application très large. Il n'y a pas lieu de craindre que des tas d'enfants intentent des procédures contre leurs parents ou leur école. La proposition ne fait que donner au mineur la possibilité de se faire assister par un avocat des mineurs.

En ce qui concerne la proposition de prévoir un système pro Deo, un membre dit ne voir aucune objection contre celle-ci. Elle n'en attire pas moins l'attention sur le principe de l'égalité des gens au sein de la société. Pour les enfants, il faut que les choses soient gratuites. Les jeunes qui comparaissent devant le tribunal de la jeunesse sont assistés d'un avocat pro Deo.

Il importe qu'il y ait une spécialisation pour éviter que les enfants restent confrontés à des problèmes qui pourraient avoir une influence déterminante sur leur vie future.

Une membre déduit des discussions que tous les commissaires approuvent la philosophie de la proposition de loi et qu'ils sont même disposés à aller assez loin en ce qui concerne la définition du champ d'application.

La question est posée de savoir si ce champ d'application doit être délimité clairement. Comment faire pour rendre les choses le plus clair possible et pour assumer la plus grande sécurité juridique ? L'intervenante déclare qu'elle n'est pas opposée à la définition proposée par Mme Nyssens, si elle est couplée à un droit de parole.

Une membre souligne que les mots « procédure le concernant » figurent à l'article 12 de la CIDE. Son utilisation ne constitue donc pas du tout un non-sens juridique.

L'intervenante est disposée à scinder la définition du champ d'application en deux paragraphes. Le § 1er concernerait la procédure à laquelle le mineur est partie, tandis que le § 2 ferait référence à l'article 12 de la CIDE.

Le débat se concentre sur la question de savoir si l'assistance doit ou non être obligatoire.

Une autre membre estime que les procédures administratives doivent être interprétées au sens large. Elle renvoie aux procédures qui sont suivies dans le cadre de la Commission d'assistance spéciale à la jeunesse, et pour lesquelles une assistance est absolument nécessaire. D'ailleurs, le secteur est lui-même demandeur en la matière.

La question du champ d'application est liée à celle d'une révision nécessaire de la capacité du mineur à ester en justice (voir proposition de loi Taelman, nº 2-626).

L'amendement nº 25 de Mme Nyssens rétrécit exagérément le champ d'application et il n'est pas conforme à l'intention initiale de l'auteur de la proposition de loi. Le droit de parole constitue une matière distincte et il n'y a pas lieu de le lier directement à la question du champ d'application.

Un membre dit partager l'avis selon lequel l'amendement nº 25 est trop restrictif, mais il n'en estime pas moins que la loi même est trop large. Il cite l'exemple de l'enfant face à l'enseignement. Si l'enfant a des problèmes à l'école, il a le droit de bénéficier de l'assistance d'un avocat des mineurs, quel que soit l'avis de ses parents.

Il importe de définir le champ d'application de la loi et de le limiter quelque peu, notamment pour garantir l'applicabilité et la mise en oeuvre de la loi dans la pratique. Il faut tenir compte également de l'aspect budgétaire.

Mme Nyssens déclare que son amendement nº 25 n'est pas aussi restrictif qu'il n'y paraît. En effet, l'alinéa 2 de l'article 931 du Code judiciaire commence par les mots « Néanmoins, dans toute procédure le concernant ». En outre, la proposition de loi de Mme de Bethune (doc. Sénat, nº 2-554) prévoit l'adaptation de cet article.

Il faut tenir compte aussi de l'article 12 de la CIDE. Le droit international doit être transposé de manière cohérente.

Une membre note que par « procédures administratives », l'on entend également celles qui concernent les demandeurs d'asile mineurs. L'enfant doit également bénéficier d'une assistance face aux problèmes liés à l'enseignement.

Aujourd'hui, l'issue des procédures opposant les parents et l'école est souvent décidée entre les avocats des parties, sans que le mineur concerné n'ait droit au chapitre. Il serait utile que l'on aborde cette problématique suivant le point de vue de l'enfant. Dans la plupart des cas, l'enfant ne veut pas la guerre.

Un membre signale qu'en cas de problèmes à l'école, le jeune pourrait recourir de sa propre initiative à l'assistance d'un avocat des mineurs sans faire intervenir les parents.

Il peut dès lors introduire lui-même la cause à tout moment.

L'intervenant estime que c'est aller un peu trop loin. Cependant, il ne voit pas d'objection à ce qu'un avocat des mineurs intervienne lorsqu'une procédure est pendante.

Une membre dit comprendre que l'avocat des mineurs puisse intervenir si le jeune est directement ou indirectement partie à la procédure.

Le ministre souligne que les sénateurs doivent veiller à ne pas transmettre une boîte vide à la Chambre des représentants. Après lecture de l'amendement nº 12, il semblerait que la préoccupation principale des auteurs est de prévoir que l'avocat qui devrait fournir l'assistance dont le mineur aurait besoin, le cas échéant, doit être spécialisé et doit avoir bénéficié d'une bonne formation.

Apparemment, il n'entre pas dans les intentions des auteurs de prévoir que tous les enfants qui sont associés à une procédure doivent être assistés systématiquement et automatiquement d'un avocat.

L'intervenant propose par conséquent de scinder l'article 2 en deux paragraphes. Le premier réglerait le cas où un enfant « est partie » et le second traiterait des matières qui concernent le mineur ou qui touchent à ses intérêts.

Le ministre élabore une note sur la base de laquelle Mme Lindekens et consorts déposent un amendement de synthèse (amendement nº 30, cf. infra B).

B. Dépôt d'un amendement de synthèse ­ Poursuite de la discussion

Sur la base de la discussion qui a été menée et de la note du gouvernement, Mme Lindekens et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-256/4, amendement nº 30) qui vise à reformuler l'article 2 et qui est basé notamment sur le point de vue du ministre. L'on répond ainsi aux préoccupations de plusieurs commissaires.

Vu la discussion qui vient d'avoir lieu et dans la perspective d'une praticabilité maximale, le champ d'application est en l'occurrence réduit et une procédure par paliers est instaurée. L'assistance ne sera pas apportée à tous les mineurs dans tous les cas.

­ Lorsque les enfants sont eux-mêmes partie ou si la loi leur donne un accès autonome devant les tribunaux, ils seront automatiquement assistés par un avocat des mineurs, à moins qu'ils n'y aient renoncé ou qu'ils ne choisissent un autre avocat (§ 1er).

­ Lorsque le mineur prend part à une procédure judiciaire ou administrative le concernant ou touchant à son intérêt, sans qu'il y soit nécessairement partie, il peut être assisté (mais pas automatiquement) par un avocat des mineurs (§ 2). Il peut en être ainsi sur requête du mineur, de ses parents ou des personnes qui exercent l'autorité parentale, du ministère public ou du président. L'avocat des mineurs est commis par le bâtonnier du barreau ou par le bureau d'aide juridique.

Le § 3 dispose que le juge peut autoriser l'avocat à se constituer partie civile au nom du mineur qui est victime d'une infraction commise par ses parents ou par les personnes exerçant l'autorité parentale, ou par un tiers si ses parents ou les personnes exerçant l'autorité parentale manquent de défendre ses droits.

Le § 4 dispose que l'avocat des mineurs défend de manière indépendante les intérêts du mineur, lui fournit une aide juridique et exprime les opinions de celui-ci. Cette disposition est empruntée à l'amendement nº 12.

Une membre souligne que le membre de phrase « dans laquelle la loi lui donne un accès autonome devant les tribunaux » (§ 1er, alinéa 1er) lui pose problème. Dans l'état actuel du droit judiciaire, cette disposition est totalement dénuée de sens. Dans le droit procédural actuel, soit le mineur est partie, soit il est entendu. L'intervenante a l'impression que l'on anticipe en l'occurrence une législation relative à la capacité juridique du mineur qui n'existe pas encore; on part du principe que la proposition de loi de Mme Taelman ouvrant l'accès à la justice aux mineurs (doc. Sénat, nº 2-626/1) sera adoptée. Cette façon de faire est juridiquement incorrecte.

Mme Nyssens dépose le sous-amendement nº 37 (doc. Sénat, nº 2-256/5), qui vise à supprimer la disposition précitée.

Une deuxième remarque concerne le § 2, en particulier l'expression « le concernant ou touchant à son intérêt ». Selon l'intervenante, il semble nécessaire de préciser la position juridique du mineur. Que signifient en effet ces mots ? Quelle différence y a-t-il entre les procédures qui le concernent et celles qui touchent à son intérêt ? Il lui semble qu'une procédure qui concerne le mineur touche aussi à ses intérêts. Ce paragraphe a pour but que le mineur soit assisté s'il intervient dans une procédure. Il convient de préciser de quelle manière il intervient. Le paragraphe proposé est trop vague. L'intervenante propose de supprimer les mots « ou touchant à son intérêt ».

Elle dépose à cet effet l'amendement nº 42 (doc. Sénat, nº 2-256/5), visant à supprimer ce paragraphe. L'article 931 relatif au droit d'être entendu va en effet dans le même sens.

Elle dépose l'amendement nº 43 (amendement subsidiaire à l'amendement nº 42), qui vise à supprimer les mots « en raison de la nature du litige » dans le dernier alinéa du § 2.

Une membre note que les mineurs disposent déjà actuellement dans certains cas d'un accès autonome devant les tribunaux (par exemple, dans les procédures devant la Cour des droits de l'homme). La forme juridique de l'accès aux tribunaux n'est donc pas totalement inconnue à l'heure actuelle. Dans des procédures administratives aussi, il y a des cas où le Conseil d'État a autorisé des mineurs à ester personnellement en justice dans des affaires touchant aux droits de la sécurité sociale.

En ce qui concerne l'expression « le concernant ou touchant à son intérêt », l'intervenante plaide pour qu'on la maintienne, étant donné qu'elle figure aussi dans la Convention internationale des droits de l'enfant. Le Code judiciaire existe depuis longtemps et, lors de son introduction, il n'avait été tenu aucun compte des droits des mineurs, excepté leur protection éventuelle. L'interdiction d'ester en justice a elle-même été inspirée par un souci de protection. La Convention internationale des droits de l'enfant est un texte international important. L'on ne doit pas toujours vouloir se raccrocher à des textes surannés qui ont été élaborés dans un tout autre état d'esprit, à savoir lorsque le mineur était considéré comme un objet de droit et non comme un sujet de droit.

Le ministre renvoie à la nette distinction qu'il y a entre les paragraphes 1er et 2. En vertu du § 1er, un avocat est commis d'office, tandis qu'en vertu du § 2, un avocat peut être commis à la requête de plusieurs personnes. Le ministre souligne que l'expression « ou dans laquelle la loi lui donne un accès autonome devant les tribunaux » revêt quelque importance. En supprimant ces mots, on pourrait exclure qu'un mineur se voie commettre un avocat avant qu'il ne devienne partie à la cause. En fin de compte, il appartient au législateur de déterminer dans quelle mesure, à quel moment et dans quelles conditions un mineur obtiendra un accès autonome aux tribunaux. Le mineur a d'ailleurs un accès autonome devant la Cour européenne des droits de l'homme.

Il importe que l'on se garde de faire preuve à nouveau de mesquinerie à l'égard du mineur en lui commettant systématiquement un avocat lorsqu'il est entendu par le juge. La latitude que laisse aujourd'hui l'article 931 et qui permet au juge d'autoriser l'assistance est beaucoup plus intéressante. Un mineur doit pouvoir dire au juge en tête-à-tête quelles sont ses sensibilités et ses impressions sans qu'on lui demande jamais de faire un choix entre l'un ou l'autre parent. La présence du ministère public ne se justifie pas davantage. Par ailleurs, aucun procès-verbal ne doit être dressé de ce qui a été dit au cours du tête-à-tête. Les droits de l'enfant priment les droits de la défense. Le ministre craint une victimisation secondaire si ses parents peuvent lire dans un procès-verbal la transcription intégrale de ce qu'il a dit et qu'un mineur assisté par un avocat ne dise des choses qui ne reflètent pas sa pensée. Il est aussi important de conserver les mots « ou touchant à son intérêt » (voir les articles 9 et 12 de la CIDE). Il y a bel et bien une différence. « Le concernant » signifie « concernant sa personne ». Ce n'est pas nécessairement le cas de ce qui touche à son intérêt. Là, il n'est pas nécessairement objet, mais peut aussi être intéressé indirectement.

Un membre a l'impression que dans son argumentation, le ministre part du principe qu'il existe une possibilité de communication entre le mineur et l'avocat des mineurs désigné. Qu'advient-il si aucune communication n'est possible, par exemple s'il s'agit d'un mineur de quatre ans ?

Une deuxième question concerne le fait qu'un mineur à qui un avocat des mineurs a été commis peut devenir majeur en cours de procédure. Qu'advient-il alors de l'avocat des mineurs désigné qui doit subitement assister un majeur ? Si l'État prend la rémunération de l'avocat des mineurs à sa charge, contre qui celui-ci devra-t-il alors se retourner ? Contre le mineur devenu majeur dans l'intervalle ?

Le ministre souligne que si la proposition ne contient aucune référence à l'âge, c'est à dessein. Lorsque l'on fixe des références d'âge, on le fait toujours de manière arbitraire. L'enfant a droit à une « protection, provision et participation ». La participation et la protection ne sont pas forcément le contraire l'un de l'autre. Le législateur peut à un moment déterminé souhaiter accorder davantage de protection que de participation, en fonction de l'âge. Plus l'enfant est jeune, plus l'idée de protection est prédominante (voir la loi relative à la protection pénale des mineurs). Plus l'enfant s'émancipe et acquiert de la maturité, plus il aura de droits sur les plans de la participation, de la consultation et de l'accès à la justice. L'un n'exclut pas l'autre.

Lorsqu'un mineur est partie à une instance ou qu'il a accès à la justice, un avocat lui est commis d'office. Tel n'est pas forcément le cas pour un enfant en très bas âge.

Aucun problème de communication ne se pose dans ce cas.

Si les parents ou le ministère public émettent le souhait qu'un avocat soit désigné dans une affaire intéressant l'enfant, ce dernier bénéficiera d'une assistance. La formation des avocats comprend également l'acquisition des aptitudes nécessaires sur le plan de la communication avec les tout jeunes enfants; il est au demeurant souvent plus difficile de communiquer avec les adolescents. L'article 3 répond à cette préoccupation.

En réponse à la question relative à l'incidence pour l'avocat des mineurs du passage à la majorité pendant le déroulement de la procédure, le ministre renvoie à ce qui se fait en matière de paiement des aliments. Ce n'est pas parce que les règles relatives au droit aux contacts personnels et à l'autorité parentale cessent d'être applicables que celles relatives au paiement des aliments cessent également de l'être. Les parents doivent continuer à assurer la formation et l'éducation de leurs enfants ainsi qu'à subvenir à leurs besoins. L'intervenant a l'impression que le fait qu'un mineur devient majeur au cours de la procédure ne le prive pas automatiquement du droit de continuer à bénéficier des services d'un avocat.

Un membre demande s'il ne vaudrait pas mieux de prévoir explicitement dans la loi que la personne devenue majeure renouvelle sa demande d'aide par un avocat des mineurs.

Une autre membre estime qu'il n'y a pas vraiment de problème. Malgré sa spécialisation, l'avocat des mineurs n'est pas cantonné aux affaires intéressant les mineurs; il peut aussi parfaitement s'occuper d'autres affaires.

Un membre se rallie à ces propos.

En ce qui concerne les frais, l'intervenante souligne qu'un jeune devenu majeur et qui ne disposerait pas de moyens suffisants continuera à être défendu par son avocat dans le cadre du système pro Deo ordinaire. Il ne lui semble pas nécessaire de prévoir un régime spécifique.

Un membre revient sur la problématique du droit d'accès autonome à la justice. La future loi ne prévoit rien de tel pour le mineur. Une certaine jurisprudence le permet toutefois. Cependant, il faut tenir compte du fait que la jurisprudence est en général restrictive sur ce point. En l'absence de textes clairs, les magistrats seront plutôt enclins à limiter l'accès à la justice. De plus, on parle ici de procédures auxquelles l'enfant est partie.

L'intervenante renvoie en outre à l'argumentation du ministre concernant le § 2 et l'article 931, à propos desquels il a mis l'accent sur le fait que l'avocat doit être l'interprète de l'opinion de l'enfant, ce qui constitue une garantie pour la procédure. Il expliquera la procédure à l'enfant. L'assistance n'implique cependant pas nécessairement que celui-ci soit entendu accompagné de son avocat. On peut ici faire une distinction. Le juge peut entendre l'enfant seul. Le fait que l'enfant soit assisté par un avocat, ne signifie pas que celui-ci sera omniprésent.

Par ailleurs se pose également la question de savoir comment un enfant qui n'est pas partie à une procédure sera informé que ses intérêts sont en jeu et que la procédure le concerne ou touche à son intérêt.

De plus, l'article 12 de la Convention relative aux droits de l'enfant ne fait pas mention des deux expressions « le concernant ou touchant à son intérêt » (« toute question l'intéressant »).

L'intervenante conclut qu'il n'est pas opportun d'anticiper sur une législation future. De plus, selon les termes actuels de la loi, l'enfant est partie à toute procédure dans laquelle il intervient.

Une membre estime que le droit des enfants d'être entendus s'inscrit dans le cadre du droit d'accès autonome à la justice. S'il s'agit d'un nouveau concept, il convient de préciser clairement ce qu'il y a lieu d'entendre par là.

Le ministre confirme que le concept de droit d'action autonome (accès autonome à la justice) est nouveau. Il empêche qu'une personne qui n'est pas encore partie à l'instance selon le droit de procédure, ne puisse pas se voir commettre un avocat. La notion d'action autonome diffère fortement du droit d'être entendu. Lorsqu'un mineur âgé de 15 ans doit donner son consentement dans le cadre d'une adoption, il a un droit d'accès à la justice. Il est exact de dire qu'il est alors partie à l'instance.

Une membre répète que les mineurs ont un droit d'accès autonome à la justice devant la Cour européenne des droits de l'homme où ils peuvent engager une procédure.

Une autre membre attire l'attention sur la nouveauté du concept de droit d'action autonome. Si l'on crée un concept, il convient de le définir. L'objectif semble être que l'on souhaite que le mineur soit convoqué en vue d'être entendu dans une affaire l'intéressant. N'est-il pas alors partie à l'instance ?

L'intervenante ne distingue aucun cas dans lequel le mineur devrait comparaître sans être partie ou sans devoir être entendu.

Une membre souligne que l'amendement porte sur des affaires dans lesquelles la loi confère au mineur un droit d'action autonome. La réponse évoquant les procédures devant la Cour européenne des droits de l'homme n'est donc pas pertinente. La question se pose de savoir quelles lois accordent un droit d'action autonome.

L'une des auteurs de l'amendement nº 30 n'insiste pas vraiment pour que l'on maintienne ce membre de phrase. La préoccupation concerne le cas où un mineur souhaite devenir partie à l'instance. Dans ce cas aussi, il doit être assisté par un avocat. Si on limite la disposition au cas où il est partie à l'instance, le mineur devra attendre une instance l'appelant à la cause. Voilà une solution envisageable pour le cas où le mineur désire jouer un rôle actif.

Un autre membre souligne que l'accès autonome devant les tribunaux dépend de la capacité du mineur à procéder. Cette « question » sera réglée par la proposition de loi de Mme Taelman (doc. Sénat, nº 2-626/1), mais ne l'est pas encore pour l'instant.

Le ministre confirme que ces mots ont été insérés dans la perspective de la proposition de loi de Mme Taelman. Il existe actuellement une jurisprudence en référé pour les droits de la personnalité et en matière administrative, par exemple en ce qui concerne les droits de sécurité sociale ou pour des motifs conservatoires, qui autorise un accès autonome devant les tribunaux. Cette jurisprudence est confirmée en outre par celle de la Cour européenne des droits de l'homme.

L'incapacité générale de principe du mineur, inscrite dans le droit national, doit pouvoir s'effacer devant les droits reconnus plus largement par le droit supranational.

Une commissaire reste sur ses positions. Le ministre confirme d'ailleurs que la loi belge ne permet aucun accès autonome devant les tribunaux alors que la jurisprudence le fait dans certains cas. Il n'est pas possible d'anticiper une législation qui n'existe pas encore. L'on pourrait éventuellement décider de discuter aussi dès à présent la proposition de loi de Mme Taelman. Les éléments en discussion cadrent dans un débat plus large. Une capacité plus grande de poser des actes de procédure entraînera en effet également une plus grande responsabilité pour l'enfant.

Un membre répète qu'il faut veiller à ce que le mineur puisse être assisté, même avant qu'il ne soit partie.

Une membre approuve cet argument. Un accès automatique aux tribunaux des mineurs est une nécessité absolue. En l'état actuel des choses, il sera peut-être opportun d'élargir le champ d'application du texte à l'examen quand on discutera la proposition de loi de Mme Taelman. En ce qui concerne l'accès du mineur qui n'est pas encore partie, celui-ci pourra se prévaloir du § 2. L'enfant pourra demander une assistance lui-même ou par l'intermédiaire de ses parents.

La plupart des commissaires approuvent ce point de vue et soutiennent l'amendement nº 37. L'amendement subsidiaire nº 38 de Mme Nyssens (doc. Sénat, nº 2-256/5) est dès lors retiré par son auteur.

Mme Nyssens dépose le sous-amendement nº 36 (doc. Sénat, nº 2-256/5), qui vise à supprimer, au § 1er, alinéa 1er, les mots « ou décrets ».

Le but est d'éviter d'éventuels conflits de compétence.

En outre, l'intervenante se demande si le législateur national peut faire référence aux décrets.

Le ministre répond par l'affirmative. L'on ne porte en aucune manière préjudice aux compétences des législateurs décrétaux. L'article 6bis des lois spéciales de 1980 et 1988 ne prévoit une concertation que si la loi fédérale peut avoir, sur le plan budgétaire ou sur le plan organisationnel, une influence sur le fonctionnement des communautés. En faisant référence à leurs décrets, on ne porte pas atteinte à leurs compétences.

L'amendement nº 39 de Mme Nyssens (doc. Sénat, nº 2-256/5) vise à apporter plusieurs modifications au § 1er.

La première consiste à remplacer les mots « een jeugdadvocaat » par les mots « een advocaat ».

Le ministre préférerait inverser la règle. Il faudrait envisager d'abord d'attribuer un avocat des jeunes et ce n'est que si le mineur estime qu'il ne serait pas défendu suffisamment bien par un avocat des jeunes spécialisé qu'on lui laisserait la liberté de choisir un autre avocat.

Le point B de l'amendement nº 39 vise à supprimer les mots « ou lorsqu'il choisit un autre avocat en raison de la nature du litige ». Ces mots semblent superflus et n'ajoutent rien au texte.

Le ministre répond que l'on propose que le mineur soit assisté par un avocat des mineurs à chaque étape de la procédure, sauf dans deux cas exceptionnels. La première exception concerne le mineur qui renonce explicitement à l'assistance d'un avocat. La deuxième exception concerne le mineur qui préfère choisir un avocat autre qu'un avocat des jeunes, compte tenu de la nature du litige. Le raisonnement est donc inversé. L'auteur de l'amendement pose que le mineur peut choisir librement l'avocat de son choix, à moins qu'il ne choisisse un avocat des jeunes. Il lui paraît préférable de lui attribuer tout d'abord un avocat des jeunes, à moins qu'il ne refuse toute assistance ou qu'il préfère choisir lui-même un avocat non spécialisé dans les matières de la jeunesse, mais éventuellement dans une autre branche du droit.

Mme Nyssens souligne que l'amendement subsidiaire nº 40 suit la même logique (doc. Sénat, nº 2-256/5).

Si l'on suit ce raisonnement, il faut apporter une correction technique. Il faut remplacer le deuxième alinéa. L'auteur renvoie au point C de l'amendement et à sa justification.

L'amendement nº 41 de Mme Nyssens (doc. Sénat, nº 2-256/5) concerne le problème qui se pose lorsque le mineur renonce expressément à l'assistance.

La question de la renonciation étant parfois controversée, particulièrement au stade des mesures provisoires dans le cadre de la loi du 8 avril 1965, il importe d'y accorder toute l'attention voulue en en faisant un alinéa distinct.

L'intervenante renvoie à la justification de l'amendement. Elle souhaite éviter que le mineur ne renonce immédiatement à l'assistance sans avoir consulté un avocat. Ce dernier devrait alors examiner pour quelle raison le mineur renonce à l'assistance.

Le ministre se réjouit que ce problème soit mis en avant. La future loi relative aux comportements délinquants des mineurs devrait en tout cas en tenir compte. On doit effectivement pouvoir contrôler dans la pratique s'il y a véritablement eu renonciation. On reçoit souvent, surtout pour les mesures provisoires, une lettre de l'institution indiquant que le mineur ne désire pas comparaître. Il faudrait pouvoir le contrôler, bien que ce ne soit pas toujours facile. Ne suffirait-il toutefois pas d'indiquer, dans la justification ou dans le rapport, que l'expression « s'il s'avère qu'il y a renoncé expressément » signifie que cela doit être contrôlé ?

Une membre se réjouit du fait que le problème soit reconnu. Mais pourquoi ne pas insérer cette disposition dans la loi ? Les travaux préparatoires ne sont guère lus.

Une commissaire observe qu'il faudrait dans ce cas faire la même insertion au § 2.

Une autre commissaire se rallie à l'amendement. On peut craindre à juste titre que les parents ne fassent pression sur les enfants.

Une membre abonde dans le même sens. La volonté de l'enfant est placée au premier plan et l'avocat peut fort bien s'en informer.

S'agissant de l'amendement nº 42, l'auteur renvoie à la justification et à la discussion déjà menée. Elle peut néanmoins accepter le maintien du § 2, à la condition qu'il ressorte clairement du rapport quelles sont les hypothèses concrètes visées au § 2.

L'amendement nº 43 de Mme Nyssens (doc. Sénat, nº 2-256/5) est un amendement subsidiaire à l'amendement nº 42. Le représentant du ministre a déjà expliqué pourquoi il est important de conserver les mots « en raison de la nature du litige ».

L'amendement nº 44 de Mme Nyssens (doc. Sénat, nº 2-256/5) vise à supprimer le § 3.

Ce paragraphe concernant la constitution de partie civile est directement lié à la proposition de loi de Mme Taelman concernant la capacité juridique du mineur (doc. Sénat, nº 2-626/1).

L'amendement nº 45 (subsidiaire à l'amendement nº 44) vise à remplacer le § 3.

Il faut bien distinguer l'avocat du mineur (qui est le porte-parole du mineur) du tuteur ad hoc qui exerce l'autorité parentale dans certains cas.

La question se pose de savoir si l'amendement nº 30 concerne le tuteur ad hoc. Ce tuteur ad hoc doit-il se faire assister ?

Le ministre estime que dans ce cas spécifique, le mineur doit être représenté, étant donné qu'il n'est pas encore partie au litige et ne peut donc pas intenter d'action civile. Il doit par conséquent être représenté par une personne qui puisse intenter une action civile en se portant partie civile auprès du juge d'instruction. Cela doit être fait par un tuteur ad hoc.

Une membre demande si les mots « avocat des mineurs » ne doivent pas dès lors être remplacés par le mot « avocat ». Le tuteur ad hoc n'est en effet pas un mineur.

Le ministre propose de remplacer deux fois les mots « avocat des mineurs » par le mot « avocat ». Le juge peut autoriser un avocat ...

Mme Nyssens dépose un sous-amendement à cet effet (doc. Sénat, nº2-256/5, amendement nº 54).

L'amendement nº 46 est un amendement subsidiaire à l'amendement nº 45 pour le cas où on ne voudrait pas accorder de droit d'action au mineur.

L'amendement nº 47 de Mme Nyssens (doc. Senat, nº 2-256/5) vise à remplacer la dernière phrase du § 4 comme suit : « L'avocat du mineur défend et assiste le mineur en toute indépendance. Il lui fournit une aide juridique et exprime son opinion. »

« L'avocat défend les intérêts de l'enfant » est ambigu. La défense des intérêts de l'enfant n'est pas le rôle primordial de l'avocat de l'enfant.

Un commissaire suggère de remplacer le mots « exprime son opinion » par les mots « exprime l'opinion de celui-ci ».

Une membre marque son accord sur cette formulation.

Le ministre dit avoir constaté à plusieurs reprises que les intérêts des mineurs sont défendus par des avocats désignés, par exemple, par les grands-parents. Dans certaines causes civiles, on sent très bien que l'avocat n'a pas reçu de mandat de l'enfant, mais bien des grands-parents, qui le rémunèrent bien. Ces avocats ne sont donc pas indépendants et défendent les intérêts des grands-parents ou d'autres personnes.

La défense de « l'intérêt de l'enfant » va souvent de pair avec une bonne dose d'intérêt personnel. Il est important de préciser que l'avocat est indépendant et qu'il défend les intérêts de l'enfant (et pas des grands-parents, par exemple).

Il y a trois piliers :

1. l'avocat défend en toute indépendance les intérêts du mineur;

2. lui fournit une aide judiciaire;

3. exprime l'opinion du mineur.

Une commissaire explique que la disposition « défend les intérêts de l'enfant » vient de la CIDE.

Une membre souligne qu'il peut y avoir une différence entre l'intérêt objectif de l'enfant et ce que celui-ci veut subjectivement. L'expression « les intérêts de l'enfant » indique qu'il ne s'agit pas uniquement de la défense juridique de celui-ci, mais que l'on s'efforce de faire apparaître son opinion.

L'auteur de l'amendement renvoie aux auditions, au cours desquelles les avocats ont dit clairement qu'ils n'ont pas à exposer quel est l'intérêt de l'enfant. Ils veulent uniquement exprimer les opinions de ce dernier.

Selon l'intervenante, les mots « défendre les intérêts de l'enfant » comportent le même danger.

L'amendement nº 48 de Mme Nyssens (doc. Sénat, nº 2-256/5) veille à l'indépendance de l'avocat commis d'office par rapport à d'autres parties au procès et à des tiers. Il peut y avoir contradiction d'intérêts. C'est pourquoi l'amendement prévoit l'insertion de la phrase suivante :

« Dans toutes les procédures où le mineur est assisté d'un avocat, le bâtonnier ou le bureau d'aide juridique veille, lorsqu'il y a contradiction d'intérêts à ce que l'intéressé soit assisté par un avocat, autre que celui auquel auraient fait appel ses père, mère, tuteur ou personnes qui en ont la garde ou qui sont investis d'un droit d'action. »

Une membre estime qu'il n'y a pas lieu d'insérer une telle disposition dans une loi, car elle énonce une évidence qui relève de la déontologie de l'avocat. Un avocat ne peut jamais intervenir dans une affaire dans laquelle risquent de surgir des conflits d'intérêts avec des clients qu'il défend dans une autre affaire. En l'espèce, il y a également des problèmes d'ordre pratique. L'avocat ne doit pas fournir la preuve de son mandat au tribunal et il ne doit rendre aucun compte sur les affaires qu'il traite. Il n'est pas non plus tenu de remettre au bâtonnier une liste des clients qu'il représente.

Cet amendement paraît dès lors superflu.

L'auteur de l'amendement souligne que ladite disposition a été insérée expressément dans la loi relative à la protection de la jeunesse (article 54bis).

Le ministre confirme ce point mais il estime que la disposition en question est superflue en l'espèce. Le § 4 dispose en effet déjà que l'avocat doit être indépendant.

Cela veut dire indépendant envers son client et par rapport aux autres parties.

Pour le reste, cette question relève de la déontologie de l'avocat dont le respect est assuré par le bâtonnier.

L'amendement nº 56 de Mme Nyssens (doc. Sénat, nº 2-256/5) tend à remplacer, dans l'article à l'examen, les mots « avocats des mineurs » par les mots « avocat des jeunes » (voir l'intitulé).

C. Votes

Les amendements nºs 1 et 2 de Mmes Lindekens et Kaçar sont retirés. L'amendement nº 8 de Mme Nyssens est retiré.

Aussi l'amendement nº 12 de Mmes Taelman, Lindekens et Leduc est retiré (au profit de l'amendement nº 30). Les amendements nºs 25, 17, 19, 16, 18 et 24 sont dès lors également retirés.

L'amendement nº 30 de Mme Lindekens est adopté par 9 voix contre 2 abstentions.

Le sous-amendement nº 56 de Mme Nyssens est adopté avec 7 voix contre 1 voix, et 1 abstention.

Le sous-amendement nº 36 est retiré.

Le sous-amendement nº 37 de Mme Nyssens est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

L'amendement subsidiaire nº 38 est retiré.

Les sous-amendements nºs 39 et 40 de Mme Nyssens sont rejetés avec 6 voix contre 2 et 2 abstentions.

Le sous-amendement nº 41 de Mme Nyssens est adopté par 9 voix et 1 abstention.

Le sous-amendement nº 42 de Mme Nyssens est rejeté par 7 voix contre 2 voix et 1 abstention.

Le sous-amendement nº 43 de Mme Nyssens est rejeté par 7 voix contre 3 voix et 1 abstention.

Le sous-amendement nº 44 de Mme Nyssens est rejeté par 8 voix contre 2 voix et 1 abstention.

L'amendement subsidiaire nº 45 est rejeté par 7 contre 2 voix et 2 abstentions et l'amendement subsidiaire nº 46 est rejeté par 8 contre 1 voix et 2 abstentions.

Le sous-amendement nº 54 de Mme Nyssens est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

Le sous-amendement nº 47 de Mme Nyssens is rejeté par 5 contre 4 voix et 2 abstentions.

Le sous-amendement nº 48 de Mme Nyssens est rejeté par 6 contre 2 voix et 3 abstentions.

L'article 2 tel qu'amendé est adopté par 9 voix et 2 abstentions.

Article 2bis

A. Discussion

Mmes Taelman, Lindekens et Leduc déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-256/3, amendement nº 15) tendant à insérer un article 2bis nouveau aux termes duquel le barreau organise dans chaque arrondissement judiciaire une permanence d'avocats des mineurs dont le fonctionnement et le financement sont réglés par le Roi.

Une membre note que l'utilité d'une permanence est prouvée. Il y a un pool de personnes disponibles pour le cas où des jeunes doivent comparaître devant le juge de la jeunesse.

Se fondant sur sa propre expérience, le ministre ajoute que les barreaux ont la grande responsabilité d'organiser ces permanences à la perfection. Actuellement, cette permanence fonctionne bien dans certains arrondissements judiciaires mais elle fonctionne mal par exemple ailleurs.

Reste à savoir s'il appartient au Roi d'en régler le fonctionnement. N'est-ce pas au barreau qu'il incombe de régler le fonctionnement de ces permanences et au Roi d'en assurer le financement ?

Une membre estime qu'incombe au barreau de régler le fonctionnement des permanences dans le cadre de la loi sur l'aide juridique qui est entrée en vigueur récemment.

Mme Taelman dépose un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-256/3, amendement nº 21) tendant à supprimer les mots « le fonctionnement et ».

Mme Nyssens dépose les sous-amendements nºs 26 et 27 (doc. Sénat, nº 2-256/4) qui tendent à faire la distinction entre l'avocat des mineurs et le tuteur ad hoc qui exerce l'autorité parentale (voir article 37 du décret de la Communauté française du 4 mars 1991).

Le mineur âgé de 14 ans obtient le droit d'exercer son droit d'action, si ses parents négligent de faire valoir ses droits ou qu'ils ont des intérêts contraires aux siens.

L'amendement nº 27 est un amendement subsidiaire qui modifie l'amendement nº 12 en ce sens que le mineur n'obtient pas le droit d'action.

Pour la discussion de ces amendements, on se référera à l'article 2.

B. Votes

Tous les amendements visant à l'insertion d'un article 2bis sont retirés.

On retrouve en effet ces dispositions dans des amendements à d'autres articles.

Article 3

A. Discussion

L'amendement nº 3 (doc. Sénat, nº 2-256/3) de Mmes Lindekens et Kaçar est retiré au profit de l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-256/3), qui définit plus précisément le contenu de la formation requise de l'avocat des mineurs. Le barreau détermine comment cette preuve doit être fournie.

Une membre note que cet amendement apporte une modification importante au texte initial. Il appartient non plus au Roi de fixer le fonctionnement et la formation, mais au barreau.

Une membre se demande comment l'avocat peut apporter la preuve de son aptitude à parler aux enfants en se mettant à leur niveau. Il faut faire une distinction entre les enfants suivant leur âge. Il conviendrait de supprimer ce critère, d'autant plus qu'il est déjà inscrit au point 3.

Le ministre dit avoir l'impression que le législateur veut simplement indiquer qu'il doit y avoir des critères que l'avocat peut remplir. L'on veut insister sur le fait qu'il ne suffit pas d'être technicien du droit et qu'il faut pouvoir communiquer avec les enfants. Il va de soi que c'est une assertion dont on ne peut pas vraiment prouver le bien-fondé. On escompte un certain engagement et le législateur fait connaître son intention. Il est effectivement question de « normes douces ».

Une membre dit supposer que le barreau concrétisera ces dispositions.

Une autre membre dit partager l'avis des deux intervenants précédents. On délivre aussi un certificat d'aptitude professionnelle aux stagiaires. Il y a toujours une part d'arbitraire à cet égard. Il ressort de la disposition que l'on estime qu'il est très important que l'intéressé éprouve une sorte d'empathie et qu'il sache avoir un contact affectif avec les enfants.

Une membre estime qu'il n'y aura pas de problèmes pour justifier les points 1 et 2. Pourquoi ne pas inscrire le deuxième point dans le rapport ou dans la justification ? S'il faut effectivement en tenir compte, il ne lui paraît toutefois pas possible de fournir des preuves sur le point en question.

Le ministre renvoie à la législation sur l'adoption dans laquelle on trouve aussi de telles « assertions », comme celle selon laquelle l'adoption doit représenter un avantage pour l'adopté (article 342 du Code civil). Il s'agit aussi d'une assertion que l'on ne peut pas justifier.

Une membre est d'avis que cette comparaison ne tient pas. Le juge a pour tâche de vérifier l'aptitude à adopter en utilisant tous les moyens de droit commun qui sont à sa disposition (enquête sociale, etc.).

La comparaison avec les certificats d'aptitude professionnelle qui sont délivrés aux stagiaires ne tient pas davantage. Le barreau donne des cours aux stagiaires et fait passer des tests. Dans le cas dont il est question, on peut se demander comment le barreau pourrait délivrer des certificats alors qu'il ne se charge pas personnellement de dispenser la formation. Il serait intéressant que l'on oblige le barreau à dispenser lui-même des cours ou d'en déléguer l'organisation. Cet élément fait défaut ici.

La membre dépose l'amendement nº 23 (doc. Sénat, nº 2-256/3) aux termes duquel les institutions visées à l'article 488 du Code judiciaire organisent les formations requises à cet effet.

Une membre dit pouvoir souscrire à cet amendement. Si l'on supprime la disposition selon laquelle le Roi détermine la formation, on devrait peut-être préciser comment cette formation doit se dérouler.

L'intervenante souligne que la communication est un élément essentiel du travail avec les enfants. L'obligation de justifier de son aptitude à communiquer avec les enfants est aussi très révélatrice du contenu de la formation. Cela signifie que le barreau doit organiser un cours de techniques de communication. Les points proposés comportent une série d'éléments qui devraient faire partie de la formation.

Une membre dit avoir conscience qu'il ne s'agit effectivement pas de sciences exactes. Un certificat sera délivré qui attestera que le porteur a suivi la formation.

L'intervenante a des inquiétudes à propos du fait que ce soit le barreau qui fixe la manière dont la preuve devra être apportée, étant donné que cela pourrait nuire à la coordination. Chaque barreau pourrait adopter une méthode de travail différente.

Une membre partage ces inquiétudes. C'est quoi, le barreau ? Il faut faire une distinction entre les divers barreaux. Mme de Bethune dépose dès lors, avec Mme Kaçar, un amendement (doc. Sénat, nº 2-256/3, amendement nº 22) visant à remplacer les mots « le barreau » par les mots « L'Ordre national des avocats ».

Le ministre accepte cette modification. Il est effectivement possible de prouver cette aptitude au contact humain. Il fait référence à cet égard à l'obligation qu'ont les membres des services de police de suivre une formation spécifique leur permettant de développer le contact humain indispensable dans le cadre des auditions d'enfants de victimes d'abus sexuel. Rien n'empêche les barreaux de déléguer l'organisation de la formation en question (cours de psychologie du développement, jeu de rôle, etc.).

On pourrait toujours poser que les intéressés doivent fournir la preuve qu'ils ont suivi une formation théorique et pratique (voir 3º).

Mme Nyssens renvoie à une discussion similaire à propos de l'aide juridique (article 508, 5º, du Code judiciaire ­ voir amendement nº 23).

Mme Nyssens retire l'amendement nº 9 (doc. Sénat, nº 2-256/2) et déclare qu'elle déposera un amendement visant à remplacer l'article 3 (cf. amendement nº 28, doc. Sénat, nº 2-256/4). Finalement, elle retire aussi cet amendement au profit de son sous-amendement nº 31.

Mme Lindekens et consorts déposent un amendement nº 31 qui vise à remplacer l'article 3. Comme cet amendement reprend, en grande partie, l'amendement nº 14 de Mmes Taelman, Lindekens et Leduc, il est permis, pour ce qui est de la justification de renvoyer à la justification de cet amendement-là.

L'article concerne les conditions qu'un avocat doit remplir pour pouvoir être avocat des mineurs. Il précise que l'Ordre national des avocats déterminera comment la preuve doit être fournie.

Une membre reste convaincue que le 2º est trop vague et trop difficile à justifier. Elle ne parvient toutefois pas à trouver une meilleure formulation.

Mme Nyssens renvoie à ses amendements nºs 49, 50 et 51 (doc. Sénat, nº 2-256/5) qui sont des sous-amendements à l'amendement nº 31. Elle souhaite que le texte soit plus synthétique. Elle souligne aussi que l'Ordre national des avocats de Belgique n'existe plus. Il lui paraît dès lors souhaitable de mentionner la Vereniging van Vlaamse balies et son pendant francophone.

Le ministre souligne que le législateur n'a pas encore voté la suppression définitive de l'Ordre national des avocats de Belgique. Ce n'est qu'après la publication de sa suppression au Moniteur belge que l'on pourra procéder aux adaptations qui s'imposent.

Une membre propose de résoudre ce problème de la même manière que l'on a résolu le problème identique qui se posait à propos de l'aide juridique. L'on a utilisé à cette occasion l'expression « institutions visées à l'article 488 du Code judiciaire ».

Le ministre note qu'il pourrait y avoir un changement de numérotation.

Un membre renvoie aux développements où il est fait référence à la nouvelle dénomination.

Une autre membre mentionne que, dans le cadre de la médiation en matière familiale, on a aussi fait référence aux institutions visées à l'article 488 du Code judiciaire.

La Vereniging van Vlaamse Balies et la Conférence des barreaux francophone et germanophone existent et fonctionnent d'ailleurs déjà (voir amendement nº 50).

Le ministre déclare qu'il faut éviter surtout que les barreaux locaux ne règlent les affaires. Sinon, s'il n'y aurait absolument plus moyen d'assurer que tous les barreaux doivent avoir la même optique.

L'amendement nº 57 de Mme Nyssens (doc. Sénat, nº 2-256/5) vise à remplacer les mots « avocat des mineurs » par les mots « avocats des jeunes » (voir intitulé).

Votes

Les amendements nºs 3, 9, 28, 14, 22 et 23 sont retirés.

L'amendement nº 31 de Mme Lindekens est adopté par 9 voix contre 1 et 1 abstention.

Le sous-amendement nº 57 de Mme Nyssens est adopté par un même vote.

Le sous-amendement nº 49 de Mme Nyssens est rejeté par 6 voix contre 3 et 2 abstentions.

Le sous-amendement nº 50 est rejeté par 9 voix contre 1 et 1 abstention.

Le sous-amendement nº 51 (subsidiaire) est rejeté par 9 voix contre 2.

L'article 3 amendé est adopté par 9 voix contre 1 et 1 abstention.

Article 3bis

A. Discussion

Mme Lindekens et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-256/4, amendement nº 32) tendant à insérer un article 3bis qui dispose que le barreau organise, dans chaque arrondissement judiciaire, une permanence d'avocats des mineurs dont le financement est réglé par le Roi.

Mme Nyssens marque son accord sur cet amendement. Cependant, ne faut-il pas être plus précis sur la question du financement ? L'intervenante renvoie à son amendement nº 52 (doc. Sénat, nº 2-256/4), qui détaille le financement comme suit : « Le Roi détermine les frais de fonctionnement des permanences jeunesse, le montant octroyé pour les formations, ainsi que les indemnités et frais liés à l'assistance d'un mineur par avocat. »

Le ministre renvoie à l'amendement nº 33 de Mme Lindekens et consorts, dont l'alinéa 1er répond à ces préoccupations.

Un membre objecte qu'il n'est pas dit dans cet amendement que le montant octroyé pour la formation est déterminé par le Roi.

B. Votes

L'amendement nº 52 est adopté par 10 voix et 1 abstention.

L'amendement nº 32 de Mme Lindekens et consorts devient dès lors sans objet.

L'article 3bis est adopté par 10 voix et 1 abstention.

Article 4

A. Discussion

Mmes Lindekens et Kaçar déposent l'amendement nº 4 (doc. Sénat, nº 2-256/2) tendant à remplacer l'article 4 comme suit : « Les indemnités et frais liés à l'assistance donnée par un avocat des mineurs et la formation de ce dernier sont à la charge de l'État. » Les frais relatifs à la formation de l'avocat des mineurs seraient donc à la charge des pouvoirs publics.

Le ministre propose de remplacer en tout cas les mots néerlandais « van het Rijk » par les mots « van de overheid ». En effet, les communautés doivent également être associées au financement (s'il s'agit d'une forme d'assistance s'inscrivant dans le cadre d'un décret).

En ce qui concerne la compétence de l'autorité fédérale, l'intervenant ne voit aucun problème. Il s'agit ici d'une aide juridique concernant une matière fédérale.

Mme Nyssens retire son amendement nº 10 et déposera un nouvel amendement (cf. infra).

Mme Taelman dépose l'amendement nº 13 (doc. Sénat, nº 2-256/3) permettant à l'État de récupérer les indemnités et frais liés à l'assistance auprès des personnes débitrices d'aliments à l'égard du mineur ou auprès de toute société d'assurance de protection juridique. Les litiges relatifs aux montants des frais et indemnités ne peuvent avoir aucune répercussion sur le déroulement des procédures quant au fond.

Une membre souligne que le principe de l'assurance protection juridique est encore prématuré car pas encore tout à fait au point. Elle proposerait de supprimer le membre de phrase relatif à l'assurance protection juridique.

Une membre souligne que certains parents souscrivent déjà une assurance facultative d'assistance en justice. Pourquoi les exclurait-on dès lors ?

Le ministre souligne que l'on envisage d'instaurer un tel système d'assurance qui serait assorti d'avantages fiscaux. Les personnes qui souscriraient cette assurance librement, pourraient la déduire fiscalement. On encouragerait ainsi le public à souscrire pareilles assurances.

Une membre relève que le système actuel d'assistance juridique comporte un système de récupération éventuelle sous certaines conditions (par exemple, le bénéficiaire qui devient solvable par la suite doit rembourser le pro Deo). L'intervenante se demande si le droit commun n'oblige pas l'État a récupérer les frais auprès des parents dès lors que ce sont eux qui gèrent le patrimoine de l'enfant.

Une membre considère que l'assurance familiale vise plutôt des choses matérielles. Il lui semble que l'intérêt de l'enfant peut difficilement être couvert par une assurance. L'État a la responsabilité de veiller aux intérêts de l'enfant et il ne peut se décharger de cette responsabilité.

Il faut également prendre garde de ne pas susciter chez l'enfant un sentiment de faute, en récupérant le montant des frais auprès de parents ou du débiteur d'aliments. Ceux-ci pourraient en faire grief aux enfants.

La meilleure garantie d'indépendance semble être que l'État prenne à sa charge les indemnités et les frais de l'assistance.

Le ministre juge qu'il serait peut-être utile d'entendre le ministre du Budget à ce sujet.

Une membre souligne que la loi doit être réalisable et praticable. Elle propose de modifier l'alinéa 2 de l'amendement de Mme Taelman de la manière suivante : « ... ou, le cas échéant, auprès de toute société d'assurances de protection juridique qui prendrait en charge les indemnités et frais susvisés. Si les parents ont souscrit une assurance de protection juridique, les frais pourront être récupérés auprès de la compagnie concernée ».

Une membre estime que le régime proposé manque de clarté. Comment les choses vont-elles se passer en la pratique ? Qui calculera le montant des frais et qui en réclamera le remboursement ? Quid si les parents ne paient pas ? Cette procédure ne doit-elle pas être organisée dans la loi ?

Pourquoi n'irait-on pas plus loin et n'explorerait-on pas une piste nouvelle en prévoyant que le paiement est effectué par le biais d'une assurance mutuelle obligatoire ? Les mots « en proportion de leurs moyens » manquent de clarté; comment seront-ils interprétés dans la pratique ? L'amendement lui paraît bancal et pas tout à fait honnête d'un point de vue social; soit on met le paiement à la charge de l'État, soit on va un pas plus loin et on instaure un système obligatoire.

Un membre estime qu'il serait socialement injuste aussi que le paiement soit entièrement à charge de l'État, même si les parents sont solvables. Le cadre de l'aide juridique connaît en effet un système de récupération éventuelle. Peut-être faudrait-il tirer ce point au clair car il pourrait apparaître superflu de régler à nouveau la question dans la loi.

Une membre estime que l'enfant doit être considéré comme un élément distinct et non pas comme le prolongement d'un parent, solvable ou non. Cela n'est possible que si c'est l'État qui paie. Il ne faut pas non plus craindre que les enfants entameront massivement des procédures en justice. Les frais resteront raisonnables dans le cadre du budget général.

Le ministre suggère une autre piste, bien qu'elle soit dangereuse. Il fait référence à la protection de la jeunesse dans le cadre de laquelle, lorsqu'un enfant est placé, une partie des allocations familiales sont versées à la communauté. L'argent bénéficie alors à l'enfant.

Le financement restera en tout état de cause la pierre d'achoppement de la présente proposition de loi. La mutualisation serait effectivement la meilleure solution. Dans les autres cas, les finances publiques seront lourdement grevées. Les procédures de récupération seront en effet elles aussi onéreuses.

Une membre souligne l'importance de l'indépendance de l'avocat des jeunes. Le problème qui se pose est effectivement celui du coût. On ne peut pas faire des lois inapplicables.

Un membre prône de voter la loi et de montrer ainsi au gouvernement où sont les priorités. Cela fait partie des prérogatives du Parlement. Le gouvernement doit essayer de mettre en oeuvre la volonté du législateur.

Selon une membre, la piste des allocations familiales n'est pas un bon principe. Pour beaucoup de familles démunies les allocations familiales sont d'une importance capitale au sein du ménage.

Mme Lindekens et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-256/4, amendement nº 33) qui tend à remplacer l'article 4 proposé.

Cet amendement est basé sur l'amendement nº 13 de Mmes Taelman et Leduc. Il est renvoyé à la justification de cet amendement.

Mme Nyssens se réfère à son amendement nº 29 (doc. Sénat, nº 2-256/4), qui va un peu plus loin. L'intervenante souhaite s'assurer que des fonds sont disponibles; en effet, la loi ne pourra être appliquée efficacement que s'il y a de l'argent. Son amendement vise à mettre en évidence l'aspect budgétaire.

Mme Lindekens se réfère à l'article 5 et à son amendement nº 34 (doc. Sénat, nº 2-256/4), qui dispose que la loi entrera en vigueur au plus tard le 1er septembre 2002. Si on lit cette disposition en corrélation avec la disposition suivant laquelle le financement est pris en charge par l'autorité publique, il semblerait que cela doive apaiser les craintes de Mme Nyssens.

Le ministre confirme que le gouvernement s'engage à dégager des moyens pour cette assistance. Le cabinet du ministre du Budget lui a confirmé qu'on libérerait davantage de moyens pour les mineurs.

Une membre demande si le but est de dégager plus d'argent pour l'aide juridique en général ou s'il s'agit là d'un poste spécifique pour les mineurs. En quoi consiste concrètement l'engagement du ministre du Budget ?

Le ministre répond qu'un collaborateur du cabinet du ministre du Budget lui a confirmé qu'il y avait un accord substantiel pour une extension de l'aide juridique. Une révision du système des points (par exemple, on attribue actuellement beaucoup de points à un dossier de réhabilitation, alors que ce dossier demande très peu de temps; par contre, on accorde très peu de points pour les affaires de la jeunesse) permettrait également de régler beaucoup de problèmes. On devrait réviser le système des points pour favoriser l'assistance des avocats des jeunes et les procédures qui concernent les mineurs. À terme, on envisage également d'augmenter considérablement le budget général de l'aide juridique (1 milliard). Le ministre du Budget serait d'accord pour consentir un effort budgétaire substantiel en faveur de la problématique des jeunes et de l'ensemble des efforts consentis pour la jeunesse.

Une membre est d'accord pour que l'on revalorise le système des points dans le cadre de l'aide juridique. L'assistance à la jeunesse n'est pas la seule question qui doit être réexaminée dans ce contexte. L'intervenante se réjouit de ce qu'on va prévoir un budget, mais elle ne sera satisfaite que lorsqu'on aura effectivement un poste inscrit au budget.

Elle formule une dernière observation sur le fait que l'amendement incite à contracter des assurances. À son avis, ce n'est pas le correctif social qui convient. C'est la raison pour laquelle elle n'a pas cosigné l'amendement nº 33.

Une membre déclare qu'elle s'abstiendra sur l'amendement de Mme Nyssens. On pourrait inscrire dans de nombreuses autres lois que les fonds doivent être disponibles. Tel n'est cependant pas l'usage. On ne le fait que si on craint que l'argent ne soit pas mis à disposition.

Une autre membre dit ne pas approuver ces amendements. Ils instaurent en quelque sorte une assurance de protection juridique obligatoire dont les familles nombreuses feront les frais en raison du coût plus élevé qu'elle représentra pour eux.

En outre, elle a l'impression que le ministre essayera autant que possible de récupérer les frais auprès des débiteurs d'aliments. L'avocat des jeunes reste donc indirectement dépendant sur le plan financier. Il ne dissipe pas non plus le sentiment de culpabilité des enfants. Ils auront l'impression d'agir contre leurs parents ou d'avoir un avocat dont le coût sera supporté par leurs parents. Cela n'est certainement pas bénéfique pour la psychologie de l'enfant. Le problème principal est qu'en l'espèce, l'enfant n'est toujours pas considéré comme un sujet de droit autonome mais comme un « appendice » des parents, car ceux-ci devront continuer à payer les frais d'avocat.

Une membre revient sur la discussion précédente et l'argumentation suivant laquelle les frais doivent pouvoir être récupérés sur l'assurance de protection juridique si celle-ci existe. Elle peut admettre l'argument selon lequel l'enfant doit être considéré lui-même comme un sujet de droit. Il y a donc lieu de dégager suffisamment de moyens pour cela. Cependant, il faut rester pragmatique et le but est de faire en sorte que le plus grand nombre possible d'enfants puissent avoir accès à la justice et que cet accès reste abordable. Il serait bon de procéder à une évaluation après quelques années. On pourra alors passer éventuellement à un système généralisé. C'est une bonne chose que le ministre du Budget veuille dégager maintenant des moyens supplémentaires. Mais on ignore combien cela va coûter. Il serait donc judicieux de s'orienter vers la situation la plus réaliste à terme. Après quelques années, on pourra faire une évaluation.

Un membre craint que les moyens supplémentaires ne servent principalement à des actions en recouvrement contre les débiteurs d'aliments. Cela ne fera qu'exacerber les tensions au sein des familles. Il serait préférable de consacrer cet argent aux enfants eux-mêmes.

Le ministre souligne que c'est la loi elle-même qui organise les choses. Si le mineur est partie, un avocat lui est attribué automatiquement. Les parents ne peuvent pas en prendre ombrage. Dans les affaires touchant aux intérêts du mineur, il peut obtenir une assistance. C'est une possibilité. Les mineurs n'en feront pas tous la demande. L'assistance peut également être accordée à la requête des parents eux-mêmes. Dans ce cas, ils ne pourront guère avoir d'objection à ce que l'on répercute les frais sur eux. Si la demande émane du ministère public ou du président, les parents ne pourront pas davantage émettre d'objections. Il ne pourra (éventuellement) y avoir de problème que dans les rares cas où c'est le mineur qui prendra l'initiative. La perturbation que cela pourrait éventuellement créer au sein des familles ne peut en aucun cas être un argument pour priver les enfants du droit à cette assistance.

Une membre estime que le droit à l'assistance est tellement important qu'il doit être assumé par l'État.

Une autre membre estime que les craintes d'une préopinante ne sont pas tout à fait fondées. Le recouvrement est une procédure qui existe déjà. Il se fera par lettre ordinaire du receveur de l'enregistrement. Cela ne coûte rien. Il est logique que l'État puisse récupérer les frais si les parents ont une capacité financière suffisante.

Mme Nyssens dépose un sous-amendement à l'amendement nº 33 (doc. Sénat, nº 2-256/65, amendement nº 58), qui tend à remplacer les mots « avocat des mineurs » par les mots « avocat des jeunes ».

B. Votes

Les amendements nºs 4, 10, 13 et 29 sont retirés.

L'amendement nº 33 de Mme Lindekens et consorts, sous-amendé par l'amendement nº 58 de Mme Nyssens, est adopté par 9 voix contre 1 et 1 abstention.

L'article 45 ainsi amendé est adopté par 10 voix contre 1.

Article 4bis (nouveau)

Mesdames Lindekens et Kaçar déposent un amendement qui vise à insérer un article 4bis modifiant l'article 764 du Code judiciaire (doc. Sénat, nº 2-256/2, amendement nº 5).

Les auteurs avaient estimé que la défense des intérêts des mineurs par le ministère public en matière civile pouvait disparaître, puisque ce rôle incombera dorénavant à l'avocat des jeunes.

Selon l'une des auteurs, les auditions ont montré clairement qu'il fallait faire une distinction entre le rôle du parquet et celui de l'avocat des jeunes.

Le parquet considère le mineur sous l'angle de la société, l'avocat des jeunes personnalise lui l'intérêt du mineur.

D'autres commissaires approuvent cette distinction entre le rôle du ministère public et celui de l'avocat des mineurs.

Les auteurs retirent dès lors leur amendement.

Article 4ter (nouveau)

Mesdames Lindekens et Kaçar déposent un amendement (doc. Sénat, n 2-256/2, amendement nº 6) visant à supprimer l'article 91 du Code d'instruction criminelle.

Pour la discussion de cet amendement, on peut renvoyer à la discussion de l'article 4bis (nouveau).

Les auteurs décident de retirer leur amendement.

Art. 5

A. Discussion

Les amendements nºs 11 de Mme Nyssens et 20 de Mme de Bethune (doc. Sénat, nº 2-256/2) sont retirés.

Mme Lindekens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-256/4, amendement nº 34), qui vise à completer l'article par les mots « et au plus tard le 1er septembre 2002 ». L'intervenante renvoie à l'amendement nº 20 de Mme de Bethune et à sa justification.

Le sous-amendement nº 53 (doc. Sénat, nº 2-256/5), qui visait à remplacer l'article 5, est retiré.

B. Votes

Les amendements nºs 11, 53 et 20 sont retirés.

L'amendement nº 34 de Mme Lindekens et consorts est adopté par 9 voix et 2 abstentions.

L'article 5, amendé, est adopté avec 10 voix et 1 abstention.

IV. VOTE FINAL

L'ensemble de la proposition de loi amendée a été adopté par 9 voix et 2 abstentions.

Le présent rapport a été approuvé par 6 voix et 2 abstentions.

V. CORRECTIONS DE TEXTE

­ La commission décide de modifier également le texte de l'intitulé en néerlandais, afin d'en assurer la concordance avec le texte français. Les mots « voor minderjarigen » sont donc supprimés.

­ Le texte français de l'alinéa 1er de l'article 2, § 1er, est réécrit comme suit : « Sans préjudice de l'aide juridique prévue dans d'autres lois ou dans des décrets, le mineur est assisté par un avocat des jeunes, dans toute procédure judiciaire ou administrative à laquelle il est partie, et à chaque étape de la procédure, sauf lorsqu'il choisit un autre avocat en raison de la nature du litige. »

­ Dans le texte néerlandais de l'alinéa 3, de l'article 2, § 1er, les mots « om bijstand van een raadsman te genieten », sont remplacés par les mots « te worden bijgestaan door een raadsman ».

­ À l'alinéa 2 du § 2 de l'article 2, les mots « sauf s'il s'avère qu'il y a expressément renoncé » sont remplacés par les mots « sauf s'il s'avère que le mineur y a expressément renoncé ».

La rapporteuse, Le président,
Nathalie de T' SERCALES. Josy DUBIÉ.

(1) Voir aussi les rapports annuels du Commissariat aux droits de l'enfant, à consulter sur le site www.kinderrechtencommissariaat.be.

(2) À côté de l'intérêt de l'enfant (article 3), la non-discrimination (article 2) et le droit à la vie et au développement (article 6).

(3) Cass. 11 mars 1994, Arr. Cass., 1994, 253. Également traité dans Verhellen, E., et autres (réd.), « Kinderrechtengids », Gand, Mys et Breesch, feuillets mobiles.

(4) Dans le cadre de la médiation en matière de divorce aux USA, on applique souvent le principe selon lequel le droit de garde doit être attribué de préférence au parent qui accorde à l'enfant les plus grandes possibilités de maintenir le contact avec l'autre parent. Dans ce contexte, on sanctionne donc la manipulation.

(5) Avec le maintien du caractère facultatif du droit de parole pour les jeunes enfants et l'obligation pour le juge de s'assurer personnellement de cette capacité de discernement.

(6) Pour l'interprétation de ces obligations par le Comité de surveillance et droits de l'enfant, voir : UNICEF (1998) : « Implementation handbook for the Convention on the Rights of the Child », pp. 119-130 et 145-168.