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M. Jean Cornil (PS). - Le ministre ne m'en voudra pas, pour ma première question parlementaire, de l'interroger au sujet d'un problème qui nous préoccupe tous deux, de même que les responsables du centre dans lequel j'ai travaillé pendant sept ans.
Plus de 50.000 personnes dont 23.000 enfants - au travers des 32.662 dossiers déposés - se trouvent actuellement en attente d'une décision concernant leur régularisation. Cette perspective leur ouvrirait enfin la possibilité de construire leur avenir en tant que citoyens de ce pays et de quitter une situation de clandestinité chaque jour plus dramatique. Or, il est manifeste que ce grand espoir d'insertion et d'épanouissement s'amenuise au fur et à mesure que l'attente se prolonge.
S'il est exact, selon les informations dont je dispose, que plus de 10.000 dossiers ont déjà été traités par la commission, il semblerait que seules 2.800 décisions aient été effectivement prises. Plus d'un an après la clôture des demandes, datant du 30 janvier 2000, il est dès lors à craindre que la finalisation de l'opération dépasse largement l'échéance - que le gouvernement s'est fixée à juste titre - du 30 juin 2001, qui interviendra dans quatre mois et demi.
Le ministre peut-il m'indiquer quel est, à ce jour, le nombre d'avis positifs et négatifs rendus par le secrétariat et par les huit chambres de la commission de régularisation ? Je voudrais également connaître le nombre de décisions ministérielles prises à la suite de ces avis et le nombre de décisions négatives pour motif d'ordre public. Pourrait-il me communiquer le nombre de demandes de régularisation basées sur l'article 9, paragraphe 3, de la loi sur les étrangers, traitées sous l'empire de la loi relative à la régularisation ?
Ne serait-il pas temps, à près de quatre mois de l'échéance, de donner une information claire et précise sur l'évolution du plan de gestion ? Selon certains, plus de 23.000 dossiers devront être traités à la fin du mois de février. Ne conviendrait-il pas, surtout, d'adresser un message clair à toutes les personnes concernées, de plus en plus anxieuses quant à l'état d'avancement de leur dossier ?
M. Antoine Duquesne, ministre de l'Intérieur. - J'aurais été déçu, monsieur Cornil, si, du simple fait que vous êtes devenu sénateur, ce dont je vous félicite, vous n'étiez plus animé par les préoccupations qui étaient les vôtres hier. Je profite d'ailleurs de l'occasion pour vous dire combien je me réjouis de la collaboration que j'ai pu avoir avec vous, notamment au sujet de ces questions de régularisation.
Je suis effectivement, tout autant que vous, préoccupé par le sort des quelque 50.000 personnes qui, au travers de 32.662 dossiers, ont demandé à bénéficier de la loi du 22 décembre 1999.
Pour la première fois, une reconnaissance a pu être offerte à cette population, largement ignorée jusque fin 1999. Et je voudrais souligner qu'avant même que le bien-fondé ou non de la demande de ces étrangers ait pu être constaté, dès l'introduction de celle-ci, ces personnes ont été protégées, de par la loi même, de tout éloignement du territoire.
Je souhaiterais également rappeler - M. Cornil le sait - que les candidats à la régularisation ont, depuis longtemps déjà, la possibilité de travailler légalement. En effet, s'ils trouvent un employeur, ils peuvent décrocher un permis de travail à des conditions dérogatoires au droit commun applicable aux autres étrangers, même admis au séjour.
Je ne comprends donc pas que l'on puisse me reprocher d'être responsable de la situation de clandestinité souvent dramatique que l'on dénonce, mais qui me semble plutôt caractéristique des législatures antérieures. Je pense que nous avons fait un grand pas pour la solution de ce problème. Je ne pense pas non plus que l'insertion et l'épanouissement de ces personnes soient impossibles.
D'après les derniers chiffres qui m'ont été transmis par la Commission de régularisation, il semble qu'elle soit en deçà des exigences du plan de gestion, mais ce retard ne m'inquiète pas outre mesure. Il faut d'abord savoir que le plan de gestion n'a pu effectivement être mis en oeuvre qu'un mois après son adoption, puisqu'il a fallu que le nouvel administrateur et le nouveau vice-premier président entrent en fonction et deviennent pleinement opérationnels. Le retard est également dû à la rotation croissante de personnel qui ne fait que s'amplifier à mesure que l'on approche de la date du 30 juin 2001. Il est par ailleurs difficile de pourvoir aux places devenues vacantes immédiatement après leur vacance. Mon cabinet a déjà pris des mesures pour freiner ces départs. Nous envisageons en effet, pour donner une perspective à ces collaborateurs, de convertir le contrat de travail des meilleurs éléments en contrat à durée indéterminée. Une des grandes difficultés de ce secteur réside dans le fait de devoir travailler avec du personnel sous contrat dont il faut assurer la qualification, ce qui requiert un certain temps. Cependant, quand ils sont suffisamment formés, ils doivent être remplacés.
La cause de ce retard est également à chercher dans la vigilance accrue dont fait montre le secrétariat à l'égard des pièces frauduleuses ayant pu être déposées à l'appui de certains dossiers. Comme vous le savez, une cellule anti-fraude spécialisée a été mise sur pied. Celle-ci a expressément été chargée de détecter les pièces suspectes qui parfois n'apparaissent qu'en mettant plusieurs dossiers bout à bout, et en les comparant ensuite. Ce ne sont pas moins de 1.500 dossiers qui ont ainsi été retirés de la chaîne de traitement et qui retiennent l'attention de cette cellule.
Le secrétariat de la Commission de régularisation a peut-être également quelques efforts supplémentaires à accomplir pour intégrer dans son travail les principes jurisprudentiels lentement dégagés par les chambres puis formalisés lors de leurs assemblées générales. La clé de répartition entre dossiers transmis aux chambres et dossiers communiqués au ministre doit se rapprocher le plus possible de la ventilation fixée dans le plan de gestion, à savoir 70% pour le ministre et 30% pour les chambres. J'ai invité le secrétariat à y veiller ainsi qu'à accroître la productivité de ses agents qui est encore insuffisante.
J'espère fermement que l'échéance du 1er juillet 2001 pourra être respectée. Il faudrait pour cela que la commission fasse preuve d'un grand sens des responsabilités et évite au maximum les crises internes qui ont été trop nombreuses. Il faudrait aussi qu'elle ne connaisse plus à l'avenir ni nouvel impondérable ni nouvelle surprise de façon qu'elle puisse se consacrer pleinement à sa tâche. J'invite donc chacun des acteurs de la régularisation à prendre pleinement conscience de ses responsabilités et des grandes attentes suscitées par cette opération, tant dans l'opinion que parmi les étrangers concernés.
Sur le plan des chiffres, je puis vous dire que le nombre de dossiers effectivement clôturés est supérieur à celui avancé par M. Cornil.
Voici comment se présente la situation au 15 février :
On peut considérer qu'approximativement 10.000 dossiers ont été traités, à un stade ou à un autre de la Commission de régularisation. Ce chiffre se ventile comme suit : 7.496 ont été traités par le secrétariat seul et 2.514 par les chambres.
Le taux d'avis favorables pour le secrétariat s'élève à 63%. Pour les chambres, il se monte à 83%.
(Voorzitter: de heer Jean-Marie Happart, ondervoorzitter.)
Le nombre de dossiers finalisés, c'est-à-dire arrivés au bout de la procédure administrative, s'élève toutefois seulement à approximativement 5.800 dossiers.
La différence entre ces quelque 10.000 dossiers traités et le nombre de dossiers effectivement finalisés s'explique de la manière suivante : de ces quelque 10.000 dossiers, il faut retrancher plus ou moins 2.200 dossiers en attente d'un avis sur l'ordre public de l'Office des étrangers. L'Office des étrangers m'a déjà remis 16.000 avis mais ils ne portent pas tous sur des dossiers dont l'examen est terminé au sein des commissions. Il faut également retrancher 600 dossiers pour soupçon de fraude, 1.821 dossiers demeurés incomplets, pour lesquels je suis en train de notifier le rejet, et 150 dossiers bloqués au cabinet en attente d'une décision sur la base du critère 2, à savoir des personnes « inéloignables ».
Sur ces 5.800 dossiers finalisés, 4.500 peuvent réellement être considérés comme clôturés définitivement. La différence étant constituée de dossiers se trouvant au cabinet mais étant bloqués en attente d'éclaircissements des autorités judiciaires à la suite de la perquisition opérée à la Commission de régularisation le 31 janvier 2001 - cela concerne près de 450 dossiers -, les 150 dossiers relevant du critère 2 déjà évoqués, les dossiers renvoyés aux chambres - environ 530 - et enfin, quelque 170 dossiers correspondant au flux permanent de va-et-vient.
Le nombre d'exclusions de la loi pour ordre public ou sécurité nationale s'élève à 25.
Quant au chiffre de demandes de régularisation fondées sur l'article 9, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980, enfin, celui-ci s'élève à quelque 3.500 dossiers.
Je tiens à faire remarquer que le Parlement a explicitement posé comme principe l'indépendance de la commission. Cela signifie donc également que cette commission est responsable de la réalisation des objectifs du Parlement et non le ministre. Il n'empêche que je suis de très près les activités et que je prends sur moi certaines critiques injustes. J'estime en effet que l'essentiel est d'atteindre l'objectif assigné. Cela a d'ailleurs donné lieu à la rédaction du plan de gestion. Depuis environ trois semaines, mon cabinet a posé de nombreuses questions afin d'avoir une vue précise sur les chiffres réels et la production quotidienne. Sans pour autant s'y substituer, mon cabinet fait aussi, à présent, des propositions de management mais il est impossible que je me substitue à la commission. À chacun sa responsabilité.
Comme vous me le demandez, j'agis comme un manager, mais seulement pour l'établissement d'une évaluation statistique de l'opération de régularisation, sans m'immiscer dans le fond des choses.
Une de vos collègues à la Chambre m'a demandé si je m'engageais à dresser mensuellement un état de la situation dans le traitement des demandes de régularisation. J'ai à cet égard demandé aux responsables tant des chambres que du secrétariat de bien vouloir remplir régulièrement un scoreboard ou un tableau de bord précis de l'opération de régularisation. Grâce à cet instrument, pour la première fois, je dispose d'un aperçu précis de l'avancement des travaux, par critère et à tous les stades de la procédure. Dans un souci de transparence et de respect de l'institution parlementaire, je suis évidemment tout disposé à ce que ce tableau vous soit communiqué mensuellement.
Quand je dis que tout doit être terminé pour le 1er juillet, vous comprenez bien que si quelques dizaines ou même quelques centaines de dossiers doivent encore être finalisés, ce n'est pas mon problème. Je tiens à ce que, de manière volontariste, tout soit mis en oeuvre pour que la grande majorité des personnes qui attendent une décision soient rassurées sur leur sort, que la décision soit positive ou négative. C'est la raison pour laquelle, contre vents et marées, je maintiens fermement la date du 1er juillet et je m'emploie, avec mon cabinet et mon administration, à ce que ce délai soit respecté.
M. Jean Cornil (PS). - Je remercie le ministre de ces précisions. Je me réjouis qu'il ait communiqué des chiffres extrêmement précis. J'espère que ces chiffres seront également portés à la connaissance de l'opinion publique et en particulier des personnes concernées pour qu'elles se rendent compte que le processus se poursuit. En effet, je pense que le manque d'information, déploré pour l'instant, est à l'origine de l'anxiété et l'angoisse chez ces personnes.
Je me réjouis également - et c'est le fond du problème - du taux d'avis positifs rendus par le secrétariat et, plus encore, par les huit chambres. L'opération n'aurait évidemment aucun sens si une très large majorité de personnes n'était pas régularisées.
M. Antoine Duquesne, ministre de l'Intérieur. - J'espère, comme M. Cornil, que les bonnes nouvelles relatives à la procédure de régularisation seront diffusées. Mais en général, l'information circule mieux quand les choses vont mal.