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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 1er FÉVRIER 2001 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de M. Georges Dallemagne à la ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement sur «la contamination suite à l'utilisation dans certains hôpitaux de la solution désinfectante inactive, dénommée Cidex» (n° 2-318)

Demande d'explications de M. Alain Destexhe à la ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement sur «le suivi ultérieur de la crise Cidex» (n° 2-324)

M. le président. - Je vous propose de joindre ces demandes d'explications. (Assentiment)

M. Georges Dallemagne (PSC). - Lors de ma dernière demande d'explications, en décembre dernier, vous nous aviez annoncé pour la mi-janvier, madame la ministre, un rapport complet sur l'état de la contamination des patients ayant subi des examens avec des instruments rincés dans une solution de Cidex défectueuse.

En réponse à mon interpellation du 30 novembre dernier, vous aviez dit qu'à la date du 9 novembre, ce rapport préliminaire était « en voie de finalisation ».

Votre collaborateur, le docteur Snacken, a fait état publiquement, à plusieurs reprises, et notamment en décembre dernier, de l'existence d'un rapport. Vous avez vous-même, hier, donné quelques informations à la presse concernant l'état de la contamination par le Cidex défectueux.

Disposez-vous maintenant d'un rapport complet ? Dans l'affirmative, pourquoi n'a-t-il pas encore été diffusé ? Le fait qu'il n'ait pas encore été rendu public alimente - à tort ou à raison - les pires craintes concernant son contenu.

Je voudrais également savoir si vous avez pu, comme je vous le demandais dans ma précédente demande d'explications, obtenir des informations concernant les contaminations par le virus HIV et par le bacille de Koch, dont on sait qu'il est particulièrement résistant. Pour rappel, vous aviez indiqué qu'en ce qui concerne la contamination par le virus HIV, des investigations avaient été menées, à l'initiative de certains hôpitaux, auprès de 9.461 personnes. Vous n'aviez toutefois pas répondu à la question de savoir pourquoi il n'avait pas été procédé à des investigations systématiques auprès des populations à risque, alors que le danger d'infection par le HIV, par un instrument mal désinfecté est bien réel.

Concernant la tuberculose, alors que le site internet de la Santé publique précise que le risque d'infection par le bacille de Koch existe bel et bien, aucune investigation systématique n'avait été menée au 30 novembre 2000.

(M. Jean-Marie Happart, vice-président, prend place au fauteuil présidentiel.)

Pour ce qui est des autres germes, vous aviez, dans un premier temps, affirmé qu'il n'y avait pas de risques. Je vous avais dit que je n'en croyais rien et vous avais demandé des investigations complémentaires que vous aviez acceptées.

Le 30 novembre dernier, vous avez reconnu qu'il existait un lien de cause à effet avéré entre des infections bactériennes et des interventions chirurgicales ou endoscopiques réalisées avec des instruments mal désinfectés. Vous avez cité sept cas sur la base d'enquêtes, mais sans préciser la méthodologie et la taille de ces enquêtes. Avez-vous, dans ce domaine, procédé à des investigations systématiques ?

Enfin, je voudrais savoir où en est la procédure d'indemnisation de tous les frais générés par les contaminations. Qu'en est-il de l'indemnisation des familles des personnes dont le décès ou les séquelles peuvent être attribués au Cidex. Une procédure particulière d'indemnisation a-t-elle été mise en place ? Comment la firme Johnson & Johnson est-elle éventuellement impliquée dans cette procédure ? Qu'en est-il de la création d'un fonds d'indemnisation qui avait été évoquée devant le collectif des personnes victimes du Cidex ?

Comme vous le savez, une association qui s'est donné le nom de « Collectif des victimes du Cidex » a vu le jour. Ces personnes s'estiment lésées par l'opacité totale qui règne sur toute cette affaire et par le manque de compréhension qu'ils ressentent de la part de vos services, madame la ministre. Étant donné les risques réels qu'ils encourent et les cas d'infection déjà avérés, j'estime qu'ils s'inquiètent à bon droit. D'après les calculs de cette association qui compte 300 membres, 11 d'entre elles ont contracté une hépatite B ; 22, une hépatite C ; 1, le virus HIV ; 32, des affections bactériologiques dont un cas de tuberculose. Ils évoquent également 10 décès qu'ils jugent suspects. Je vous demande à nouveau, madame la ministre, que toute la clarté soit faite sur cette affaire et qu'enfin, les victimes de cette erreur majeure, à savoir la mise sur le marché de produits gravement défectueux et dont dépend la santé de centaines de personnes, bénéficient d'une information et d'une indemnisation décentes.

M. Alain Destexhe (PRL-FDF-MCC). - C'est ma quatrième demande d'explications sur ce sujet. L'incident de contamination a eu lieu voici un an environ. Comme l'a dit mon collègue, nous attendions, pour le mois de janvier, un rapport complet et détaillé. S'agirait-il de la note de deux pages que vous avez rendue publique hier et qui donne effectivement un certain nombre d'informations intéressantes ? Nous attendons évidemment un document beaucoup plus détaillé, tant en ce qui concerne l'évaluation quantitative qu'une évaluation qualitative de l'incident et de ses répercussions. J'aimerais que vous nous précisiez vos intentions à cet égard.

Ensuite, je voudrais commenter les chiffres que vous avez rendus publics hier, car ils me semblent tout de même beaucoup plus préoccupants que la lecture rassurante et optimiste que vous avez voulu en donner, en tout cas selon les comptes rendus que j'ai pu lire sur Belga ou dans la presse.

Je constate d'abord que 9.181 personnes, donc pas loin de 10.000 personnes, n'ont pas répondu au questionnaire, soit 27% de l'effectif. Nous ignorons donc tout de leur état sérologique. On ne peut pas laisser toutes ces personnes dans la nature, d'autant plus que, comme je vous l'ai déjà dit, il est possible d'essayer de les retrouver via le registre national.

À ma connaissance, les hôpitaux les plus consciencieux ont envoyé une lettre recommandée - je ne crois pas que tous l'aient fait - mais il est possible d'aller plus loin et de rechercher ces 9.181 personnes à travers le registre national, ce qui techniquement, m'a-t-on dit, n'est pas très difficile.

En faisant quelques calculs à partir de vos chiffres, j'ai pu déduire que 241 personnes au moins avaient appris qu'elles étaient porteuses de l'hépatite C après le rappel pour le test pour les virus de l'hépatite B et C. Votre compte rendu dit que cela correspond à un pourcentage comparable à celui attendu pour la population générale. Je ne veux pas mettre cette affirmation en doute mais le fait que le pourcentage soit comparable ne signifie évidemment pas, compte tenu de la taille de l'échantillon, que certaines de ces personnes n'aient pas été contaminées à cause du Cidex. L'absence de différence statistiquement significative ne permet pas de conclure qu'un certain nombre de personnes n'ont pas été contaminées par le Cidex. Il faut rappeler aussi qu'un pourcentage significatif de ces 241 personnes aura une cirrhose chronique ou un cancer du foie.

L'annonce de la présence du virus de l'hépatite B ou de l'hépatite C constitue un choc psychologique grave pour la plupart des patients qui ont l'impression de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Je crois que vous en avez rencontré quelques-uns et que vous avez pu mesurer leur détresse.

Vous admettez également dans le rapport d'hier qu'il y a au moins sept cas suspects d'infection bactérienne et deux cas de tuberculose, et vous ne vous prononcez pas sur les cas de HIV. Cela me semble une information totalement insuffisante et qui n'est d'ailleurs pas vraiment nouvelle. Comme cela a été dit dans le collectif des victimes concernées par le Cidex, sur 300 personnes, 32 sont recensées comme ayant eu des infections bactériennes. Ces chiffres méritent d'être vérifiés mais je constate qu'aujourd'hui, vous avancez à nouveau ce chiffre de sept infections bactériennes qui ne me semble ni crédible ni sérieux, en particulier si on le compare avec vos propres chiffres concernant l'hépatite B ou C. Il faudrait faire une investigation rétroactive de tous les cas d'infections bactériennes et, également, des 226 personnes de l'échantillon qui sont décédées depuis que les tests sont intervenus. Un examen rétroactif permettrait de savoir de quoi sont décédées ces personnes. Dans le cas des personnes pour lesquelles un diagnostic de septicémie aurait été établi, il faudrait voir s'il n'y a pas un lien possible avec le Cidex. Visiblement, on ne prend pas le chemin d'une investigation détaillée ni de ces décès ni des infections bactériennes.

Vous connaissez ma position concernant l'indemnisation. Je constate que votre proposition d'indemnisation est assez éloignée de la mienne. Vous proposez qu'un comité d'experts indépendants établisse un lien causal entre le Cidex et infection bactérienne ou virale. Vous savez comme moi qu'il est non pas impossible mais très difficile de prouver ce lien. Je doute très fort que le comité d'experts, après examen des cas individuels, puisse conclure à une haute probabilité que cette infection soit liée au Cidex. Tout au plus pourra-t-il conclure que ce n'est pas impossible. Si on arrive à une telle conclusion, Johnson & Johnson pourra facilement dire que cela ne prouve pas sa responsabilité. La modalité que vous proposez me semble préférable à l'incertitude dans laquelle nous étions voici quelques mois, mais il serait beaucoup plus sage d'établir que pour les personnes ayant été contaminées par l'hépatite B, l'hépatite C, de façon récente, la tuberculose, le sida ou des infections bactériennes par septicémie, on doit considérer que la contamination est liée au Cidex.

Grâce aux chiffres donnés hier, nous avons quand même une vision plus claire de ce qui se passe. Nous voyons que ce problème concernera au maximum quelques centaines de patients, et non quelques milliers. Il serait important de donner à ces quelques centaines de patients l'indemnisation systématique de leur préjudice à travers le fonds d'indemnisation constitué par Johnson & Johnson, plutôt que de se fier aux recommandations aléatoires d'un comité d'experts ou à des décisions encore plus aléatoires et extrêmement coûteuses de la Justice.

J'attire votre attention sur le comportement actuel de Johnson & Johnson qui ne me semble pas très éthique. Ils demandent en effet aux patients de leur envoyer des dossiers individuels en laissant toujours entendre oralement qu'une indemnisation est possible. Ils reçoivent un certain nombre de dossiers. Ils font des promesses assez vagues au téléphone, prétendant que si le patient envoie son dossier, on mettra en route une procédure d'indemnisation. Il n'y a cependant jamais de trace écrite de ces échanges. Un certain nombre de personnes ont choisi l'indemnité de 2.000 francs. Je me demande dans quelle mesure leurs droits futurs ne pourraient pas être handicapés par le fait d'avoir accepté ces 2.000 francs.

Voici quelques questions plus spécifiques.

Est-il exact qu'il était possible, dès le départ, d'effectuer pour l'hépatite C un test « PCR » qui aurait permis de poser un diagnostic plus rapide et plus exact, en particulier sur le caractère récent ou non de l'hépatite C ?

Le projet de loi, que vous préparez et qui me semble une excellente idée, sur l'indemnisation des victimes d'accidents thérapeutiques pourrait-il concerner, éventuellement de façon rétroactive, les victimes du Cidex ?

Enfin, je voudrais vous rappeler mes demandes en tant que parlementaire : la recherche active des 9.181 personnes manquant à l'appel, la recherche active de la cause du décès des 226 personnes décédées ainsi que de toutes les infections bactériennes notifiées, l'indemnisation systématique de tous les cas récents, la constitution par Johnson & Johnson d'un fonds indépendant. Je continue à dire qu'il faut indemniser de façon raisonnable, à raison de quelques milliers de francs et non de plusieurs centaines de milliers de francs, le dommage moral des 35.000 personnes concernées par cette affaire.

Mme Magda Aelvoet, ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement. - Un rapport préliminaire reprenant les résultats de la première série de tests pour l'ensemble de la population concernée est disponible auprès de l'Institut scientifique de Santé publique. Il s'agit bien de résultats préliminaires. En effet, au moment de la rédaction du rapport, tous les hôpitaux ne disposaient pas encore de toutes leurs informations. En ce moment, tous les hôpitaux ont fourni les résultats de la première série de tests. Pour ce qui est de la seconde série de tests, nous ne disposons pas encore de tous les résultats. En effet, le rappel a été effectué aux mois de novembre et décembre. Or, il y a des personnes qui se sont présentées fin décembre, début janvier etc. Il ne sera donc possible de disposer du rapport complet qu'après avoir obtenu les résultats de ces tests. À ce moment, nous aurons une vue très claire de l'ampleur réelle de cette malheureuse histoire.

Pour l'ensemble de la population concernée, les résultats de la première série de tests sont les suivants.

Pour l'hépatite B, le test HBsAg donne une prévalence de 0,48% alors que le test anti-HBc donne une prévalence de 7,01%. Quant à l'hépatite C, le test anti-HCV indique une prévalence de 1,33% sur la base de résultats non confirmés, incluant des faux positifs.

Ces prévalences correspondent aux chiffres de séroprévalences obtenus lors d'études préalables représentatives de la population générale. Il s'agit d'un constat de type statistique. De fait, en 1997, une étude réalisée par M. Beutels et consorts a été publiée dans le « Journal européen de l'Épidemiologie » qui est reconnu mondialement. On peut dès lors estimer que la méthode suivie est sérieuse. De plus, il n'existe aucune évidence clinique montrant une augmentation du nombre de cas cliniques d'infections d'hépatite B ou C. Aucun hôpital n'a rapporté de cas de contamination par ces hépatites qui seraient liés avec le problème du Cidex.

En ce qui concerne des infections par le HIV, aucun hôpital n'a rapporté de contamination directement liée au Cidex. Toutefois, malgré que ce test n'était pas recommandé par le Conseil Supérieur d'Hygiène qui s'était réuni au début du mois de mai, un nombre important d'hôpitaux l'ont effectué, soit chez tous les patients concernés, soit à la demande du patient. Au total, 27 hôpitaux ont communiqué les résultats de 9830 tests. Trois d'entre eux se sont avérés positifs. L'un des trois concerne un cas connu assez ancien et les deux autres doivent être confirmés ou infirmés puis validés. Il y a plusieurs raisons, notamment anamnestiques, pour que ces cas soient considérés comme étant antérieurs à l'incident Cidex.

Par ailleurs, deux patients tuberculeux ont subi un examen à risque. Tous les patients ayant subi un examen avec le même appareil ou avec un instrument nettoyé en même temps, ont fait l'objet d'une recherche active d'une infection tuberculeuse. Deux patients ont montré une intradermo-réaction positive et ont été mis sous chimio-prophylaxie. Deux hôpitaux ont constaté des infections bactériennes après une intervention dans laquelle des instruments traités au Cidex lot 0001 avaient été utilisés. Ainsi, deux patients souffrent d'arthrite après une arthroscopie du genou, une patiente souffre d'endométrite après un curetage, une autre d'une salpingite après une ligature tubaire et encore trois autres ont connu des complications après implantation d'une prothèse mammaire. La seule information disponible pour ces trois dernières patientes est qu'il peut s'agir d'une infection bactérienne.

Nous savons que le test PCR mesure autre chose que le test des anticorps HCV qui est recommandé par le Conseil Supérieur d'Hygiène pour le dépistage. Il ne peut donc pas le remplacer. Un résultat PCR positif démontre une réplication virale détectable au moment de la prise de sang. Le résultat du test PCR est très variable et dépend de l'activité virale. Un nombre important de patients infectés par le HCV sont donc négatifs pour le test PCR. Rappelons qu'un deuxième prélèvement sanguin après environ 6 mois a été recommandé pour éviter de rater des infections récentes n'ayant pas encore engendré d'anticorps détectables vu la longue période d'incubation pour le HCV.

Le Conseil Supérieur d'Hygiène a décidé d'effectuer le test anti-HCV pour le dépistage parce que le test PCR n'est pas un test de dépistage, parce qu'un nombre important de patients infectés par le HCV serait négatif pour le test PCR, parce que les laboratoires étaient incapables d'effectuer dans un laps de temps court le test PCR pour les milliers de patients concernés, parce que le rapport entre le coût et l'efficacité du test PCR serait très faible vu le faible risque de contamination avec le HCV attendu et confirmé par les résultats de la première série de tests, et parce que le résultat du test PCR n'aurait pas apporté plus d'information sur la possibilité d'infection à cause du Cidex.

Les résultats de la deuxième série de tests ont été demandés aux hôpitaux pour fin décembre. Comme plusieurs patients ne se sont présentés qu'au mois de décembre ou en janvier pour le deuxième prélèvement sanguin, plusieurs hôpitaux n'ont pas pu respecter le délai. Aujourd'hui, environ la moitié des hôpitaux concernés ont fourni des résultats détaillés pour les deux séries de tests au service d'épidémiologie de l'Institut Scientifique de la Santé Publique qui regroupe et analyse l'ensemble de ces résultats.

L'avancement du suivi épidémiologique dépendra du temps que les hôpitaux mettront à rassembler et envoyer les données demandées.

En ce qui concerne l'indemnisation des patients, les contacts de mon cabinet avec la firme Johnson & Johnson en décembre ont conduit à la proposition suivante : un groupe d'experts scientifiques indépendants sera mis en place afin d'examiner chaque dossier soumis par le médecin traitant ou hospitalier à la demande du patient. Ces experts devront estimer le degré de probabilité d'un lien causal et pourront demander tout examen complémentaire jugé nécessaire, y compris au moyen des nouvelles techniques de détection génomique, PCR entre autres. Cette procédure d'évaluation sera à charge de la firme et la gestion des dossiers se fera au sein de l'Institut Scientifique de Santé Publique. Les experts remettront leur conclusion pour chaque dossier au médecin qui la transmettra au patient ainsi qu'à Johnson & Johnson. Cette firme assurera le suivi avec le patient, y compris pour ce qui concerne les dommages moraux - avec, le cas échéant, une offre de transaction -. En cas de désaccord, les patients restent libres d'user des procédures judiciaires habituelles. En ce qui concerne les affections susceptibles de complications à long terme, il sera tenu compte de ces complications dans l'offre de transaction proposée au patient.

Le projet de loi concernant l'indemnisation des victimes d'erreurs thérapeutiques en préparation depuis un an au sein de mon cabinet sera déposé au parlement avant les vacances d'été. Les victimes du Cidex pourront faire appel aux procédures d'indemnisation prévues par cette loi dès qu'elle sera promulguée. Cependant les patients conserveront toujours la possibilité d'opter pour une procédure judiciaire.

Quant à votre question sur le rappel de l'ensemble des patients, j'estime honnêtement que toute personne qui craint d'avoir été victime de cette erreur a pu se présenter du fait que toutes ont reçu des invitations à le faire et que la presse a largement fait écho à ce problème. Ceux qui ne se sont présentés ne peuvent l'avoir fait qu'en connaissance de cause.

Enfin, je pense que sitôt que nous disposerons des données définitives de la seconde série de tests, nous pourrons communiquer les résultats dans la plus grande clarté. Le rapport préliminaire existe à la Santé publique et je suis prête à le mettre à la disposition des membres de la commission des Affaires sociales et de la Santé publique. Ceux qui l'ont lu disent qu'il faut être prudent dans son utilisation. Comme nous l'avons vu encore récemment avec l'étude sur l'influence du chlore des piscines sur la santé, l'utilisation mal à propos de ces données techniques risque de créer des problèmes.

En ce qui concerne le chlore, comme je l'ai dit cet après-midi à la Chambre, l'étude du professeur Bernard ne contient aucun élément d'analyse sur l'utilisation de ce produit dans les piscines. Nous avons constaté - et cela a été vérifié hier au cours d'une réunion interministérielle des ministres de l'environnement et de la santé - qu'au niveau de la méthodologie, de la fixation des objectifs et des tests effectués, on ne parle nulle part de chlore. C'est seulement dans la conclusion qu'une hypothèse est émise.

Je puis mettre à votre disposition la totalité du rapport mais il s'agit d'un document préliminaire étant donné que nous attendons les résultats d'une deuxième série de tests. Bien entendu, ce rapport doit être utilisé de façon responsable.

M. Georges Dallemagne (PSC). - Je remercie la ministre de ses informations. Je partage son souci de ne pas effrayer inutilement la population par des informations qui se révéleraient ultérieurement erronées. Mais je pense que ce n'est pas le cas puisque vous-même, madame la ministre, avez reconnu qu'une série d'informations étaient fondées en matière d'infections et de conséquences péjoratives de l'utilisation de Cidex défectueux.

La situation me semble tout à fait différente par rapport à ce qui s'est passé pour le chlore. En effet, pour le Cidex, il y a déjà des conséquences négatives avérées pour toute une série de patients.

La deuxième raison pour laquelle je pense que ces deux situations sont différentes est le fait que, pour ce qui concerne le Cidex, nous attendons depuis de nombreux mois une information, notamment sur la méthodologie utilisée pour analyser les conséquences de l'utilisation de ce produit.

Dans les investigations menées pour le syndrome des Balkans, il y a une volonté de clarifier rapidement la situation, de mettre en place une commission d'experts, selon une méthodologie dont on connaît le contenu, avec une série de questionnaires et des cas témoins, c'est-à-dire la comparaison avec une population qui a été exposée aux risques et une autre qui ne l'a pas été. J'analyserai avec beaucoup d'intérêt et en détail votre rapport intermédiaire mais je dois vous avouer qu'en l'état actuel de mes informations, je ne sais toujours pas précisément quelle méthodologie a été utilisée pour les infections bactériennes par exemple ou pour la tuberculose, j'ignore si des comparaisons ont été faites entre des populations exposées aux risques et d'autres qui ne l'étaient pas, et si des études rétrospectives ont été faites en la matière.

On peut difficilement apprécier sur le plan épidémiologique les informations que vous nous donnez aujourd'hui. Vous parlez de sept cas pour deux hôpitaux ; on du mal à croire que seuls ces deux établissements ont connu des surinfections bactériennes ; on imagine plutôt que ces derniers ont procédé à des investigations fouillées et que le même type de problème s'est posé dans d'autres hôpitaux. Mais il s'agit là de supputations puisque, finalement, on ne sait toujours pas s'il y a eu des investigations systématiques des infections bactériennes.

Je continue à dire que le problème de ces infections est bien entendu statistiquement plus important que les infections par virus puisqu'on sait que le virus est facilement détruit par des solutions de savon ou lors du rinçage à l'eau avant le passage dans des bains de Cidex. On sait donc qu'il ne faut pas se limiter aux investigations sur les infections par virus. Aujourd'hui, nous sommes suffisamment informés en ce qui concerne les hépatites mais ce n'est pas le cas pour les autres problèmes.

Je suis aussi surpris d'entendre que, même en cas d'infections virales, le conseil supérieur de l'hygiène estimait qu'il ne fallait pas rechercher le virus HIV. Cependant, si certains hôpitaux ont spontanément effectué cette recherche, c'est parce que de nombreux médecins ont estimé qu'il y avait bel et bien un risque et qu'il fallait donc mener d'initiative des investigations. L'absence de commentaire ou de correction de la part de votre département concernant la position du conseil supérieur de l'hygiène me surprend.

Je me réjouis de découvrir ce rapport auquel j'espère pouvoir accéder rapidement. Il est capital de suivre une méthodologie irréprochable en la matière. A cet égard, je pense qu'il serait judicieux de s'inspirer de la méthodologie mise en place pour enquêter sur le syndrome des Balkans affectant certains militaires qui développent une multitude d'affections, suite à une mission au Kosovo.

Je voudrais à présent revenir brièvement sur l'hépatite C. La ministre a évoqué un taux de prévalence de 1,33%, soit un taux supérieur au taux moyen de la population, bien qu'il pourrait éventuellement exister des faux positifs. Je voudrais donc obtenir l'assurance que le mécanisme d'indemnisation fonctionnera aussi pour cette population et, même, pour les personnes qui développent une hépatite B, indépendamment du fait que l'on pourra apprécier de manière diverse qu'il y a là une surinfection ou une surprévalence par rapport à la population en général. En effet, les médicaments permettant de traiter de manière très efficace les complications de l'hépatite C - cirrhoses, cancers du foie - qui viennent d'être mis sur le marché ne sont encore que partiellement remboursés par la sécurité sociale. Je plaide donc avec insistance pour que cette nouvelle génération de médicaments soit mise gratuitement à la disposition des victimes du Cidex et ce même si le lien de cause à effet ne peut être établi avec certitude.

M. Alain Destexhe (PRL-FDF-MCC). - Je demande à la ministre que le rapport de l'Institut Scientifique de la Santé publique soit effectivement transmis à la commission des Affaires sociales, conformément à sa proposition, afin que nous puissions en prendre connaissance le plus rapidement possible.

En ce qui concerne les hôpitaux, je distingue deux grands problèmes. Tout d'abord, dans un grand nombre de structures, les droits des patients, tels qu'ils pourraient figurer dans le texte légal en préparation, sont loin d'être reconnus. Les médecins éprouvent de sérieuses réticences à livrer l'information et à délivrer copie des examens médicaux. Les patients se heurtent encore trop souvent à un mur. Ensuite, les hôpitaux redoutent de notifier les cas d'infections bactériennes, de crainte qu'ils ne soient liés à l'affaire du Cidex. Je suis absolument convaincu que la notification de ces infections bactériennes est incomplète. En ce qui concerne les hépatites B et C, les risques sont clairement identifiés. Par contre, la notion d'infection bactérienne est beaucoup plus large puisqu'elle peut recouvrir des dizaines, voire des centaines de germes. Je suis, en tout cas, certain que la plupart des hôpitaux omettent d'effectuer une recension systématique et détaillée des infections bactériennes, comparée à la liste des personnes qui auraient reçu une endoscopie avec du Cidex. Ils n'ont pas été expressément invités à le faire et il n'en a jamais été question dans l'étude épidémiologique.

Peut-être pourriez-vous retenir au moins ceci, madame la ministre, et c'est là une demande que nous faisons de concert : il doit y avoir, non pas une simple notification des infections bactériennes mais bien une véritable étude épidémiologique, comme vous l'avez prévu pour les hépatites B et C.

J'en viens au troisième et dernier point : je suis en désaccord avec vous quant à la procédure d'indemnisation et je continuerai à plaider pour une autre formule. Selon moi, la procédure est extrêmement déséquilibrée entre les patients et Johnson & Johnson, en partie pour les raisons que j'ai développées dans ma demande d'explications, mais également parce que, comme vous l'avez dit vous-même, madame la ministre, l'engagement de Johnson & Johnson est moral. Je serais dès lors curieux de savoir comment un tel engagement tiendra, face à des évidences scientifiques qui, en fait, seront non pas des certitudes mais des approximations. En effet, dans le domaine de l'infection bactérienne comme dans celui des virus, on ne pourra avoir que des probabilités.

Je continuerai donc à demander un autre mode d'indemnisation.

Pour terminer, madame la ministre, je souhaiterais vous poser deux questions précises.

Pouvez-vous nous donner une estimation de la date à laquelle le comité d'experts sera mis en place ?

Comptez-vous organiser une large publicité en la matière, c'est-à-dire, avertir, d'une façon ou d'une autre, toutes les personnes concernées, notamment celles atteintes par les hépatite B ou C, qu'elles ont la possibilité de recourir à un groupe d'experts scientifiques ?

Mme Magda Aelvoet, ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement. - Concrètement, je vais me pencher sur le problème de la composition de ce groupe d'experts dans les semaines à venir.

Bien entendu, les résultats définitifs des tests de la deuxième série clarifieront la situation : on connaîtra alors l'ensemble des personnes concernées.

D'après les négociations qui ont eu lieu au mois de décembre entre mon cabinet et la firme Johnson & Johnson, nous savions qu'il n'y aurait jamais de certitude scientifique totale. C'est donc bien en termes de probabilités que nous avons discuté. Imaginez ce qui arriverait, monsieur Destexhe, si tout le monde recevait une réponse négative, alors que l'année dernière, la firme Johnson & Johnson, qui a réalisé un bénéfice de 24%, s'est engagée, en termes moraux, à rembourser les cas de contamination présentant une certaine probabilité ? Je pense qu'elle ne peut se permettre une telle attitude.

Quoi qu'il en soit, je suivrai attentivement l'évolution de ce dossier comme je l'ai fait dès le départ.

Nous nous sommes basés sur une investigation aussi complète que possible en la matière. Le problème a commencé début janvier. Cependant, sa véritable dimension n'a été connue que fin avril. Début mai, on a convoqué le comité d'experts.

Vous vous demandez, monsieur Dallemagne, les raisons pour lesquelles ce comité d'experts a déterminé un certain nombre de tests à effectuer, et pas d'autres.

Le département de la Santé publique a convoqué les meilleurs experts belges - néerlandophones et francophones confondus - pour coucher sur papier les dispositions devant être prises. Comme je vous l'ai dit, je communiquerai le dossier aux membres de la commission des Affaires sociales et de la Santé publique. Vous pourrez alors lire le détail de toutes les mesures prises, dont je vous ai seulement livré le résumé.

Dès que nous aurons les résultats définitifs portant sur l'ensemble, nous serons en mesure de mener d'autres actions et d'expliquer quel a été l'impact réel de cette contamination.

-L'incident est clos.