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Mme Marie-José Laloy (PS), corapporteuse. - En tant que rapporteuse, je m'exprime également au nom de mon collègue M. Daif.
Le texte que nous nous apprêtons à voter aujourd'hui a une histoire un peu particulière.
Initialement, une proposition de résolution relative au droit au retour des réfugiés palestiniens a été déposée au début du mois de juillet dernier par notre collègue Michiel Maertens et cosignée par plusieurs d'entre nous.
Le texte initial mettait l'accent sur un problème particulièrement crucial dans le processus de paix israélo-palestinien. On sait, en effet, que ce problème est l'un des plus épineux qui ait été abordé à l'occasion des grands moments de ce processus de paix, qu'il s'agisse des Accords d'Oslo, du Sommet de Camp David et de toutes les négociations en cours.
Le processus de paix initié par les Accords d'Oslo, depuis sept ans, témoigne de la volonté de voir émerger, malgré tous les retards intervenus, un règlement équilibré de la situation dans la région du Moyen-Orient, de manière à garantir durablement à tous les peuples de la région la paix, la coopération, la prospérité et le bien-être.
L'objectif de ce processus reste la création, aux côtés de l'État israélien reconnu dans des frontières sûres, d'un État palestinien souverain, qui serait économiquement et administrativement viable.
Les négociations entérinées en juillet 2000, lors du sommet de Camp David, avaient ouvert la porte à un optimisme relatif mais réel, vu la précarité des positions du premier ministre israélien dans son propre pays et du leader de l'autorité palestinienne dans les territoires sous sa juridiction.
En effet, pour la première fois depuis la création de l'État d'Israël, un certain nombre de points jugés délicats et qui étaient jusque là restés en suspens étaient abordés de façon constructive : il s'agit des questions relatives précisément au retour des réfugiés, mais aussi aux colonies de peuplement, au problème de l'eau et au statut de Jérusalem.
Depuis le dépôt au Sénat, le 6 juillet 2000, de la proposition de résolution originale, plusieurs événements importants sont évidemment survenus, qui imposaient au parlement de prendre en considération l'évolution tragique de la situation et l'interruption brutale du processus de paix.
Une prise de position sur la question des réfugiés ne se justifiait évidemment que dans la mesure où le processus de paix n'était pas lui-même interrompu.
Mais les événements dramatiques dont ont témoigné les médias depuis le 28 septembre dernier ont progressivement pris valeur de symbole et ont lourdement pesé sur le déroulement de ce processus de paix.
Pour ce qui concerne les détails du travail en commission, je me réfère donc à mon rapport écrit, que je vous invite à consulter.
A titre personnel, je tiens à souligner la qualité des débats tenus en commission sur le fond du dossier. Nous avons pensé que la communauté internationale se doit de stigmatiser toute dérive extrémiste et d'empêcher les intégrismes religieux de reprendre le pas sur la réalité politique. Cette attitude doit d'ailleurs s'affirmer aussi bien pour ce qui concerne le Moyen-Orient que pour tout autre État dans le monde ; les mouvements extrémistes portent une lourde responsabilité dans le regain d'une violence délibérée et criminelle.
Or, ce qui compte le plus aujourd'hui, c'est la convergence des efforts diplomatiques et la progression du consensus.
En ce sens, il est indispensable de soutenir toutes les initiatives qui pourront s'inscrire dans ce processus et qui seront susceptibles de favoriser la reprise d'un dialogue constructif et serein.
Les Accords d'Oslo et ceux de Camp David ne peuvent rester lettre morte ; il faut également que la communauté internationale soit extrêmement attentive à la bonne application des dispositions prévues par l'accord de Charm El Cheikh, sans parler, bien sûr, des résolutions internationales elles-mêmes !
Mais il s'agit pour nous également, membres du parlement et donc acteurs de la communauté internationale, d'encourager des attitudes semblables à celles que l'on a observées à Gaza entre M. Shimon Peres et YasserArafat concernant l'arrêt des hostilités.
Le respect de tels accords suppose évidemment que toute mesure à caractère dilatoire soit absolument évitée : une telle attitude ne contribuerait qu'à augmenter la frustration des populations concernées.
Cette remarque vaut également, d'ailleurs, pour les parlements nationaux qui, dans cette communauté internationale, devraient parfois avoir le bon sens de dépasser les lenteurs des procédures parlementaires habituelles et avoir le courage d'exprimer clairement et promptement une position. Le texte d'aujourd'hui n'a malheureusement pas échappé à ces lenteurs.
Par ailleurs, il est grand temps que l'Union européenne fasse preuve d'un dynamisme politique beaucoup plus important et d'une volonté politique beaucoup plus affirmée qu'elle ne l'a été jusqu'à présent.
La quatrième Conférence Euro-Méditerranée, à Marseille, a encore été l'occasion pour nombre de pays arabes de stigmatiser cette attitude européenne, qualifiée d'ailleurs de « neutralité pernicieuse », même si le communiqué final de cette Conférence a souligné la volonté de voir établir « à brève échéance et de préférence par la négociation, un État palestinien souverain, démocratique, viable et pacifique ».
La situation économique et sociale dans les territoires occupés s'aggrave chaque jour davantage, plus particulièrement depuis que, tout en continuant les raids militaires ciblés contre le Fatah, le Premier ministre israélien a entrepris de couper les vivres à l'Autorité palestinienne en gelant le transfert des fonds qui lui sont dus en vertu des accords d'autonomie, ce qui confirme bien, s'il en était encore besoin, hélas, l'interruption du processus de paix.
En évoquant ces problèmes économiques, je veux aussi rappeler l'engagement ferme de notre gouvernement de rendre très prochainement un rapport d'évaluation sur l'exécution de l'accord de partenariat euro-méditerranéen avec l'État d'Israël. Ce rapport a été demandé et réclamé d'urgence par notre assemblée.
La situation en Palestine risque de s'aggraver encore. Il me revient en effet que le gouvernement israélien actuel vient de vendre encore 607 nouvelles parcelles pour y établir des colonies, pour un montant d'environ 14 milliards de francs belges en 2001, ce qui fait un total de 2700 parcelles vendues. Un député israélien de la Knesset a d'ailleurs dénoncé la situation.
Enfin, je voudrais souligner que la résolution que nous nous apprêtons à voter, en plus de la portée politique que je viens de décrire, devrait avoir l'ambition de manifester également l'inquiétude de la communauté internationale sur le plan strictement humain. Chaque heure qui passe est l'occasion de nouvelles victimes et de nouveaux morts dans ce conflit sanglant.
Le Conseil de sécurité de l'ONU étudie actuellement une résolution visant à établir une mission d'observation des Nations Unies utilisant quelque 2000 observateurs, policiers et militaires, dans les territoires occupés. Cette présence internationale me paraît plus que nécessaire
Mais je voudrais terminer par une invitation à la vigilance.
Derrière une situation politique extrêmement difficile, en effet, se joue un drame humain dont les racines sont profondes et dont les cicatrices, on le sait, mettront très longtemps à se refermer.
C'est ce drame que nous devons certainement avoir à l'esprit en exprimant notre inquiétude devant la communauté internationale. Notre assemblée gagnera en crédit si elle se montre capable de manifester son attention et d'exprimer ses positions chaque fois qu'elle l'estimera nécessaire. Le vote qui interviendra aujourd'hui ne met évidemment pas fin à notre devoir de vigilance à cet égard.
De heer Michiel Maertens (AGALEV). - Ik wil in de eerste plaats de rapporteurs, mevrouw Laloy en de heer Daïf, bedanken voor het geduld en de ijver die ze aan de dag hebben gelegd bij de totstandkoming van dit verslag.
In juli heb ik samen met acht collega's een voorstel van resolutie ingediend over het recht op terugkeer van de Palestijnse vluchtelingen. Op 28 september jongstleden hield de heer Sharon zijn provocerende wandeling voor de Al-Aqsamoskee, waarmee hij een nieuwe Intifada veroorzaakte en een spiraal van geweld die tot op heden voortduurt. Iedereen kent de ontroerende beelden van de kleine Mohammed die werd neergeschoten en in de armen van zijn vader stierf. We hebben die beelden reeds meerdere malen gezien en telkens beroeren ze ons tot diep in ons hart.
We hebben onze resolutie de afgelopen maanden dan ook herhaaldelijk aan de steeds wijzigende omstandigheden moeten aanpassen. Ze kreeg dan ook het opschrift: "betreffende de Israëlisch-Palestijnse kwestie". De eis voor een terugkeer van de Palestijnse vluchtelingen blijft nochtans onverminderd gehandhaafd. Ik verwijs in dit verband naar de overwegingen en het tiende verzoek, ook al wordt die eis overschaduwd door een aantal maatregelen die in het kader van een nieuw en snel te organiseren vredesproces onmiddellijk moeten worden gerealiseerd.
De tien verzoeken aan de regering werden heel duidelijk geformuleerd en ze blijven de hoofdmoot van onze resolutie vormen. Iedereen heeft ze zeker gelezen, zodat ik er niet meer op hoef terug te komen. Het is overduidelijk dat Palestina op het ogenblik op een vrij efficiënte wijze economisch wordt gewurgd. We mogen het niet bij de tien verzoeken laten; we moeten onmiddellijk op het terrein in actie komen. Om die reden wijs ik op de volgende punten.
Ten eerste hebben vier landen, waaronder België, reeds beslist om de economische blokkade van Palestina te doorbreken; ze hebben een vliegtuig met hulpgoederen naar Gaza gezonden. Ze doen dit naar het voorbeeld van het doorbreken van de Berlijnse blokkade een halve eeuw geleden. Opdat deze actie zou slagen, kan de regering erop toezien dat de akkoorden inzake het vrij gebruik van het luchtruim voor burgerluchtvaart naar Gaza ook in de praktijk door Israël worden toegepast. Ze kan hiervoor de Israëlische ambassadeur ontbieden.
Ten tweede heeft de Senaat, bij de ratificatie van het handelsakkoord tussen de Europese Unie en Israël, uitdrukkelijk gesteld dat dit akkoord moet worden geëvalueerd waarbij wordt nagegaan of Israël de mensenrechten eerbiedigt, zoals ingeschreven in artikel 2 van het akkoord. Ondanks herhaalde beloften van de minister heeft de Senaat dat verslag nog steeds niet ontvangen. Dit moet dringend gebeuren. Deze zaak moet worden gekoppeld aan de vraag in welke mate Israël de Conventie van Genève respecteert, ook al heeft het die tot op heden nog niet ondertekend. Kan de minister de Europese Unie niet vragen dat verdrag opnieuw te evalueren en indien nodig op te schorten?
De minister zou eveneens met zijn Europese collega's afspraken moeten maken over de volgende punten.
In de eerste plaats mogen ze zeker niet ingaan op het Israëlische voorstel, dat enkele weken geleden in Ha'aretz is verschenen, om de associatieverdragen uit te breiden. Hierdoor zou de economische voorsprong van Israël op Palestina nog worden vergroot. Dat laatste land zou slechts nog enkele kruimels kunnen meepikken. De minister moet in tegendeel eisen dat het verdrag wordt toegepast; indien nodig moet hij hiertoe de ambassadeur ontbieden. De strikte toepassing wordt trouwens door de Israëlische douane op een zeer vernuftige wijze omzeild of zelfs vervalst. Zodoende liggen in onze winkels veel producten met het label "made in Israël", maar die in werkelijkheid in de nederzettingen in de bezette gebieden werden geproduceerd, ofschoon het verdrag dit uitdrukkelijk verbiedt. De Belgische NGO's zullen de publieke opinie trouwens mobiliseren, net zoals ze dit jaren geleden hebben gedaan rond de Zuid-Afrikaanse sinaasappelen. Hopelijk sluit de minister zich hierbij aan.
Alhoewel in de uitvoering van het Verdrag van Barcelona sedert 1997 reeds is voorzien in preferentiële commerciële agrarische relaties tussen Palestina en de Unie, die ingrijpen in de douanereglementeringen inzake Palestijnse producten, moet de eerste letter ervan nog worden gerealiseerd.
Als de Unie de politieke wil heeft Palestina te bevrijden uit deze wurggreep - deze economische blokkade - kan ze dat morgen al realiseren. Het is immers wraakroepend te moeten vaststellen dat de Palestijnse producten nog steeds niet kunnen doorbreken op de Europese markt wegens de zware beschermingsmaatregelen en de hoge taksen ten voordele van de Europese landbouwproducten. Ik verwijs in dit verband niet alleen naar olijfolie, maar eveneens naar amandelen, die met ezels via de Palestijnse gebieden uit Israël moeten worden gesmokkeld om in onze wereldwinkels te kunnen worden verkocht.
Daarenboven kunnen de staatssecretaris voor Ontwikkelingssamenwerking en de minister van Economische Zaken de plaatselijke producenten van Palestijnse producten via het fair trade-beleid steunen, zodat ze tegen de oneerlijke Israëlische concurrentie weerstand kunnen bieden.
Ten slotte zou het contract dat einde 1998 met het Israëlische Eagle werd gesloten voor de levering van drie UAV's van het type B-Hunter aan het Belgisch leger, moeten worden afgelast op basis van de wapenwet, die ons verbiedt wapens te leveren aan of te kopen van landen in oorlog. Dit dossier van 2,5 miljard zit nog steeds in de aankoopfase en kreeg overigens van het leger zelf een negatief advies.
We hopen dat de Senaat, zoals de commissie, dit voorstel van resolutie unaniem goedkeurt en de regering aldus het mandaat geeft om een snelle en efficiënte bijdrage te leveren aan het Israëlisch-Palestijns vredesproces.
Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Le texte, tel qu'il nous est soumis aujourd'hui, après le dépôt d'un amendement par M. Dubié et moi-même, convient effectivement à un problème dramatique, mondialement essentiel et décisif pour nous ainsi que pour l'avenir de l'Europe.
Ce ne sont certes pas les textes du Sénat qui vont résoudre la question israélo-palestinienne. Mais quand nous décidons avec l'ensemble des collègues de nous exprimer sur cette matière, il est fondamental de le faire d'une manière conforme à des résolutions parmi les plus anciennes des Nations unies respectant les engagements de la diplomatie de notre pays.
Nous souhaitions que figure le concept de disproportion dans la riposte militaire. Les événements de ces derniers jours et d'aujourd'hui nous donnent totalement raison. Bien sûr, nous voulons que soit rappelé ce postulat de la diplomatie belge depuis longtemps, à savoir l'acceptation d'un État palestinien indépendant conformément aux résolutions des Nations unies. Il faut toutefois redire que ce qui est à l'oeuvre aujourd'hui concernant les colonies de peuplement conduit inexorablement l'État d'Israël, s'il n'adopte pas rapidement une position différente, à devenir un État d'apartheid dans le territoire même qui doit devenir le territoire de l'État palestinien. Encore aujourd'hui, lorsqu'on lit ce qu'écrit un journal français, qui respecte très souvent la vérité, sur l'état d'esprit des colons israéliens, c'est-à-dire ce gouffre d'incompréhension par rapport à la réalité dans laquelle ils sont en train de construire leur vie, on mesure le décalage qui s'installe pour de très nombreuses années. Cette guerre civile, cette intifada d'Al Aksa va continuer longtemps.
Nous souhaitons l'instauration non pas d'une commission d'observation mais bien, si nécessaire, d'une force d'interposition internationale que demandent plusieurs États européens dans la discussion au Conseil de sécurité.
Les élections en cours sont un moyen comme un autre de perdre ou de gagner du temps. Ceux qui suivent ce dossier depuis longtemps savent que ces élections arrivent toujours pour conforter ou affaiblir une majorité ou un gouvernement. De toute façon, on gagne au moins trois mois. C'est toujours cela de pris pour les uns et les autres dans le débat intra-israélien.
Ce débat représente également un débat pour les Européens, pour la Méditerrannée et pour le monde arabe. Se profile chez nous la nécessité de plus en plus forte d'oser regarder ce que sont les relations de l'Europe avec le monde arabe. Tant que cette question ne sera pas clarifiée, le monde arabe aura le sentiment que l'Europe n'est pas un allié, ou est un allié hypocrite. Par conséquent, nous aurons à nos frontières des populations qui divergent dans leur appréciation à notre égard. C'est pour cette raison que notre rôle dans le monde arabe est en diminution profonde.
Les ambassades d'Israël dans le monde arabe, là où elles avaient eu quelque espoir d'exister, sont devenues maintenant des lieux assiégés et vont continuer de l'être tant que ce problème n'aura pas été résolu.
Pour nous, cette relation de confiance avec le monde arabe représente un enjeu essentiel de l'Europe que nous espérons construire. Lorsque l'on voit les difficultés, lors du sommet de Nice, qui sont apparues concernant notre frontière Est, on ne mesure pas la frustration du monde arabe de ne pas être pris en compte alors que ce monde arabe est proche non seulement géographiquement, mais est présent aussi à l'intérieur de notre population. Je voudrais m'adresser, à cette tribune, aux Arabes, aux musulmans qui vivent dans notre pays. Ils portent dans leur coeur la Palestine et en font depuis toujours un combat symbolique fondé et reconnu par la communauté internationale. Je voudrais leur dire qu'il y a des parlementaires dans notre pays comme dans tous les pays d'Europe qui sont sensibles à ce qu'ils disent, qui les écoutent et qui souhaitent répercuter leur espoir d'une solution.
Il est vrai que ce texte ne va pas résoudre tout le problème mais après les modifications qu'il a subies, il est enfin conforme à nos espoirs.
Tout en déplorant l'absence du ministre des Affaires étrangères, je rappelle à l'intention du membre du gouvernement ici présent que malgré les nombreuses promesses, le statut du représentant de l'OLP à Bruxelles n'est toujours pas réglé : cette personne fait aujourd'hui l'objet de mesures de protection en raison de l'existence de menaces mais ces mesures sont insuffisantes parce que la véritable protection passerait par la reconnaissance d'un statut supérieur de nature diplomatique.
Je voudrais demander au ministre présent de bien vouloir répercuter auprès de son homologue des Affaires étrangères, notre souhait profond de voir réglé un élément mineur mais symbolique, le statut du représentant permanent de l'OLP à Bruxelles. Il n'est toujours pas au niveau espéré par la Palestine. Nous montrerions ainsi clairement quelle est notre orientation en la matière.
Par ailleurs, nous avons demandé que cette assemblée commence à évaluer l'impact de l'accord Europe-Israël, au moyen des informations fournies par nos postes là-bas, en particulier du point de vue des relations belges. Je crois que c'est une façon de montrer que l'on s'oriente là-bas vers une orientation négative en la matière.
Nous voterons en tout cas cette proposition de résolution dans sa formulation actuelle, avec l'espoir que la tonalité du texte sera répercutée à sa juste mesure dans le débat en cours.
M. Mohamed Daif (PS). - Vous savez combien le problème palestinien est difficile, délicat et particulièrement douloureux sur le plan humain. Il est sans doute inutile de vous rappeler que le peuple palestinien souffre depuis très longtemps d'être privé de sa liberté de se mouvoir, d'aller chez des amis, de se rendre à des manifestations culturelles. Il est affamé en raison d'un embargo qui s'est encore aggravé dernièrement : vous avez tous vu à la télévision les barrages installés pour empêcher les gens de se rendre à leur travail. Est-il utile de rappeler que tout ce que l'État israélien doit aux Palestiniens est à présent gelé ? Chacun sait qu'on y pratique la torture - cela ressort des rapports d'Amnesty International - et que les premières victimes sont palestiniennes. Ce peuple est humilié ; chaque jour, des maisons sont dynamitées. Les Israéliens semblent avoir oublié leur histoire et font endurer aux autres ce qu'ils ont eux-mêmes subi.
A côté de cela, il y a tout le problème des réfugiés : des gens qui ont été spoliés de leurs maisons et dont les terres sont confisquées ne savent pas où se loger. Il était évident que la visite provocatrice de M. Sharon, organisée avec la bénédiction du premier ministre et du gouvernement, allait provoquer un tollé et une intifada qui allait même s'étendre à d'autres pays arabes. Chaque jour amène son lot de blessés et de tués mais la lutte est inégale : d'un côté, on utilise les chars et les avions, de l'autre, les jets de pierre. Dans le premier camp, on relève de nombreuses victimes, dans le second, quasiment pas.
(Voorzitter: mevrouw Sabine de Bethune, eerste ondervoorzitter.)
Il est inutile de vous dire que je réclame, comme d'autres collègues, l'envoi d'une force internationale afin de protéger cette population civile innocente. Notre gouvernement doit appuyer cette demande et, si c'est nécessaire, nous devrions participer à cette force internationale.
Personnellement, je demanderai la suspension et l'évaluation de l'accord de coopération qui a été conclu avec Israël. On est en droit de se poser des questions lorsqu'on constate qu'un pays qui n'est pas signataire de la Convention de Genève concernant le respect des droits de l'Homme, continue à faire la guerre.
J'appelle de mes voeux une paix durable et la constitution d'un État palestinien indépendant et viable. Les Palestiniens ont droit à la sécurité, tout comme les Israéliens. Mais cette paix-là ne pourra s'instaurer que si les deux parties le veulent. Or, nous constatons que le gouvernement israélien, qu'il soit de droite ou de gauche, rechigne à participer aux efforts de paix. La proposition de résolution que nous examinons aujourd'hui n'est qu'une demande de cette paix juste et équitable.
M. Philippe Monfils (PRL-FDF-MCC). - Je remercie et je félicite nos deux rapporteurs. Mais je distingue soigneusement leurs rapports de leurs interventions personnelles dont je ne partage pas toutes les données.
La proposition de résolution qui est présentée aujourd'hui est le fruit d'une élaboration à rebondissements. Une première proposition équilibrée, qui envoyait un signal clair aux parties en conflits afin qu'elles s'orientent vers la paix, a été d'abord présentée. Elle a ensuite fait l'objet d'un amendement qui a entraîné un retour en commission et un débat approfondi. Celui-ci s'est d'ailleurs déplacé du terrain diplomatique vers le terrain politique, ce qui est normal pour une assemblée comme la nôtre. Mais, à partir du moment où le débat se place sur le terrain politique, il est logique que les uns et les autres présentent leurs préférences - et les préférences diffèrent selon les groupes et à l'intérieur des groupes - et leurs points de vue sur la situation et l'avenir du Proche Orient. Il ne faut donc ni s'offusquer ni s'étonner de ce que la belle unanimité du Sénat ne soit pas de mise cet après-midi.
Ma première remarque porte sur le fait que ce texte hésite entre deux principes : d'une part, la neutralité d'une résolution unanimiste et, d'autre part, l'engagement d'une résolution fondée sur l'actualité immédiate. Si l'on entame ce type de réflexion, va-t-on adopter des résolutions qui, tous les quinze jours, tous les mois ou tous les deux mois, vont changer de contenu selon l'évolution de la situation internationale ? On sait que les choses changent et se répètent. A partir de quand allons-nous déterminer qui est le bon et qui est le mauvais ? On peut s'arrêter à l'actualité immédiate et compter les morts de part et d'autre. On peut aussi revenir en arrière, comme certains collègues l'ont fait voici un instant, en disant que c'est la faute à Sharon. On pourrait encore remonter plus loin dans le temps et se demander ce qui se serait passé si, à Camp David II, les Palestiniens avaient accepté les propositions qui leur étaient faites. Dès que l'on donne des bons et des mauvais points à chacun, on se demande à partir de quand il faut s'arrêter. Est-ce bien cela le rôle fondamental d'une assemblée comme la nôtre ? Il me semble que nous sommes plus préoccupés par la volonté de condamner que par celle de trouver le moyen de sortir de cette épouvantable situation que connaît le Proche Orient.
À la différence de la partie négative, je trouve la partie positive extrêmement faible et d'ailleurs mal orientée. Quoique nous sachions que nous disposons d'une politique internationale de haut niveau, il reste curieux que nous nous permettions d'exiger de l'ONU un certain nombre d'éléments extrêmement concrets, notamment la possibilité d'envoi d'une force internationale. Mais qui sommes-nous pour exiger cela de l'ONU ? On veut, via l'ONU, l'envoi d'une force internationale - il a fallu batailler au sein de la commission pour qu'on ne parle pas de forces d'interposition, concept repoussé par les antagonistes de cette affaire et d'ailleurs extrêmement difficile à mettre en oeuvre, parce qu'il n'existe pas exactement une frontière entre les deux belligérants, frontière où l'on pourrait déployer les casques bleus. La situation sur le terrain est bien plus complexe. Finalement, nous demandons à l'ONU des décisions et des actes qui n'ont pratiquement aucune chance d'être réalisés, en tout cas à partir de notre seule requête.
Par contre, là où nous pourrions être en pointe, en direction de l'Union européenne, le texte est d'une infime faiblesse. Je lis : « s'assurer que l'Union tire les conclusions qui s'imposent quant à l'application de son partenariat économique avec Israël et avec l'Autorité palestinienne, si l'une de ces deux parties était reconnue responsable de nouvelles tensions, violences ou affrontements dans la région du Moyen Orient ». Voilà tout ce que le Sénat trouve à émettre comme message pour l'Union européenne. On lui dit : « vérifiez qui est le méchant ». À celui-là, les fonctionnaires de l'Union européenne sont priés de ne pas donner d'argent. Je crois que c'est un peu court. J'aurais préféré qu'on profite de l'élection récente de Georges Bush qui, à cette occasion, a expliqué qu'il ne serait pas le gendarme du monde. Cela laisse à l'Union européenne une chance historique de jouer enfin un rôle important dans les conflits qui se déroulent dans son jardin, à quelques centaines de kilomètres de ses frontières, dans la Méditerranée. Au lieu de demander que l'Union se montre l'ambassadeur principal et s'efforce d'avancer dans le processus de paix, nous lui conseillons seulement de bloquer les quelques millions ou centaines de millions que nous donnons à Israël ou à l'autorité palestinienne, s'ils sont très méchants. J'aurais préféré plus de souffle pour pousser l'Union européenne à faire, pour une fois, quelque chose de sérieux au Proche Orient, plutôt que d'envoyer quelques émissaires qui se tiennent à quelques quarante km de la salle où se réunissent Palestiniens, Israéliens et les inévitables Américains. Au moment où nous allons, peut-être, avoir quelque latitude de jouer un rôle fondamental dans des conflits qui se déroulent près de chez nous, ce serait l'occasion unique d'en débattre. Mme Lizin disait très justement qu'il s'agit d'un débat européen et méditerranéen. Elle a raison. Depuis longtemps, je plaide pour que l'Union européenne s'inscrive dans ce débat méditerranéen, y joue un rôle fondamental, tienne compte, non seulement des pays qui vont accéder à l'Union, mais aussi des pays de l'ensemble du pourtour méditerranéen. La résolution ne dit pas cela, elle se contente d'affirmer qu'il faut punir le méchant. C'est court, j'aurais préféré une vision avec plus de souffle en ce qui concerne notre responsabilité ou la manière dont nous invitons le gouvernement belge à pousser l'Union européenne à développer une action de paix au Proche Orient. Pour toutes ces raisons-là, nous ne pourrons pas voter cette résolution. Nous croyons cependant que le Sénat doit prendre attitude à cet égard. Même imparfaite, cette résolution ne recevra pas de notre part un vote négatif. Comme en commission, nous nous abstiendrons. (Applaudissements)
M. Josy Dubié (ECOLO). - Cette résolution a été approuvée à l'unanimité en commission, moins les abstentions libérales, que je déplore. En ce qui me concerne, je la voterai en séance plénière. Cette résolution ne me satisfait pas pleinement, mais pour des raisons diamétralement opposées à celles évoquées par M. Monfils. En effet, notre résolution ne fait pas toujours assez clairement la distinction entre responsables et victimes de la situation actuelle. Dans un remarquable témoignage paru dans le journal Le Monde du mardi 5 décembre dernier sous le titre « Proche-Orient, la terre ou la paix », M. Jimmy Carter, ancien président des États-Unis, dégage sans équivoque les responsabilités écrasantes des gouvernements successifs d'Israël dans l'échec dramatique du processus de paix initié en 1978 par les fameux accords de Camp David. M. Carter sait de quoi il parle : il a présidé aux pourparlers qui ont débouché sur ces accords de Camp David, qui auraient dû mener à une paix durable au Proche-Orient, une paix, comme il le rappelle, basée sur le principe de l'échange de la terre contre la paix. Cette solution impliquait évidemment l'arrêt de la politique d'implantation de colonies juives en Cisjordanie qui, selon M. Carter, représentait, et représente donc toujours, tout à la fois un fait illégal et un obstacle à la paix.
Malgré l'engagement pris en 1978 par le premier ministre israélien de l'époque, Menahem Begin, de ne plus implanter de nouvelles colonies de peuplement juives, cette colonisation n'a jamais cessé, sous aucun gouvernement israélien, ainsi que Mme Laloy l'a rappelé. Bien au contraire, le nombre de colons s'installant illégalement dans les territoires occupés a augmenté de plus de 50% depuis les accords d'Oslo et continue pratiquement tous les jours sa progression. Je crois, monsieur Monfils, que c'est là, avant tout, qu'il faut rechercher la cause et les responsabilités de la situation dramatique que nous connaissons. M. Carter, en conclusion de son article, affirme : « il est improbable qu'un véritable progrès puisse être réalisé - sur les frontières, le retour des Palestiniens ou le statut de Jérusalem - aussi longtemps qu'Israël persistera dans sa politique d'implantations, illégales selon les lois internationales ».
Il faut se rendre en Cisjordanie et à Gaza pour comprendre ce que représente la multiplication de ces colonies pour les Palestiniens. Une visite en Palestine occupée ne peut laisser personne de bonne foi indifférent. Elle permet de mesurer la violence vécue au quotidien par les Palestiniens, en particulier par les jeunes entassés à Gaza dans des camps sordides ; sans oublier l'humiliation et la frustration imposées par les colons extrémistes et racistes, armés jusqu'aux dents, qui s'emparent de leurs terres et circulent à toute vitesse sur des routes qui leur sont interdites à eux, les Palestiniens, contraints de vivre entassés à plus d'un million sur une mince bande de terre, alors que les quelques milliers de colons juifs, surprotégés par l'armée israélienne, vivent à l'aise dans des colonies spacieuses ressemblant à des clubs Méditerranée ! Mme Lizin a bien fait de rappeler le témoignage publié dans Le Monde d'hier qui, justement, montre que mes propos correspondent à la réalité. Allez donc voir sur place, monsieur Monfils !
M. Philippe Monfils (PRL-FDF-MCC). - En commission, Mme Lizin s'est abstenue lors du vote.
M. Josy Dubié (ECOLO). - En effet. Elle ne trouvait pas la proposition de résolution assez dure.
M. Philippe Monfils (PRL-FDF-MCC). - Nous ne sommes donc pas les seuls à nous être abstenus. Je crois que ce petit rappel historique s'imposait.
M. Josy Dubié (ECOLO). - Il suffit de se rendre sur place pour comprendre que c'est là et là d'abord qu'il faut rechercher et dénoncer la cause des violences actuelles qui pousse au désespoir les enfants palestiniens, jusqu'à les conduire à se faire massacrer à coup de balles de guerre en jetant des cailloux dérisoires sur des soldats israéliens suréquipés et surarmés.
Pour justifier la création de l'État d'Israël et le projet sioniste visant à donner une patrie au peuple juif, le fondateur de l'État d'Israël, David Ben Gourion, avait déclaré en 1948 : « Un peuple tributaire de la charité des étrangers ne peut avoir une vue juste ni de lui-même ni des autres ».
Ce qui était vrai pour les Juifs à l'époque, l'est évidemment aussi pour les Palestiniens aujourd'hui.
La révolte des Palestiniens illustre parfaitement cette citation prophétique de Ben Gourion.
Comme les Juifs hier, les Palestiniens aujourd'hui, que ce soit en Palestine ou parmi les millions d'entre eux qui vivent entassés dans les camps de réfugiés aux frontières de la Palestine, ne supportent plus les humiliations, les frustrations et l'oppression dont ils sont victimes.
Comme les Juifs hier, dispersés aux quatre coins du monde, les Palestiniens aujourd'hui, réclament une patrie où ils pourraient enfin vivre ou revivre en paix sans plus devoir être, comme le disait Ben Gourion, tributaires de la charité des étrangers ?
Les Juifs, aujourd'hui, ont cette patrie. C'est Israël.
Comment ne comprennent-ils pas que ce qu'ils voulaient pour eux, ils ne peuvent pas le refuser aux autres ?
Après avoir longtemps voulu rejeter les Juifs à la mer, les Palestiniens et, avec eux, la quasi-totalité des pays arabes, se sont finalement résolus à se rallier au principe de la paix contre les territoires. Mais ce qu'ils veulent, c'est une vraie patrie, pas un « bantoustan », une peau de léopard de territoires minuscules tenus en laisse, sans moyens et sans avenir, comme ce que leur proposent aujourd'hui les gouvernements israéliens successifs.
Ils veulent récupérer l'ensemble de la Cisjordanie et de Gaza et faire de Jérusalem leur capitale.
Cette revendication est légitime mais, en plus, elle correspond, comme le rappelle avec raison le président Jimmy Carter, aux résolutions et aux principes des Nations Unies qui refusent d'entériner l'acquisition de territoires par la force, comme l'a fait Israël de la Cisjordanie, de Gaza, de Jérusalem Est et du Golan en 1967.
Sait-on que l'ensemble des territoires que réclament les Palestiniens est plus petit qu'un quart de la Belgique ?
Je pense donc sincèrement, chers collègues, qu'il faudrait arrêter cette politique chèvrechoutiste qui, au nom d'une soit-disant neutralité, renvoie dos à dos les Israéliens et les Palestiniens et confond ainsi la victime et le coupable.
Excusez-moi, monsieur Monfils, je ne distribue pas des bons et des mauvais points, mais il faut tenir compte des réalités. Dans ce dossier, il faudrait enfin être clair.
Qui, depuis la création de l'État dIsraël en 1948, viole systématiquement toutes les résolutions des Nations unies tentant de trouver une issue à ce conflit ?
Qui refuse d'appliquer la résolution 194 prévoyant le retour des centaines de milliers de réfugiés palestiniens sur leurs terres ?
Qui refuse la résolution 242 prévoyant l'échange des territoires contre la paix ?
Est-ce Israël ou les Palestiniens qui refusent ces résolutions ? Poser la question, c'est y répondre
M. Philippe Monfils (PRL-FDF-MCC). - Vous avez dit vous-même que les Palestiniens avaient essayé de rejeter les Israéliens à la mer.
M. Josy Dubié (ECOLO). - Mais c'est vrai.
M. Philippe Monfils (PRL-FDF-MCC). - La tentative a échoué parce que les Israéliens se sont défendus, pas parce que la Palestine a été frappée par la grâce.
On peut refaire l'histoire pendant cinquante ans, vous refaites l'histoire qui vous arrange bien.
M. Josy Dubié (ECOLO). - Je vous ai rappelé que si pendant des années, les Palestiniens avaient dit qu'ils voulaient jeter les Juifs à la mer, ils ont accepté aujourd'hui le principe de l'échange de la paix contre les territoires. Ils l'acceptent aujourd'hui et avec eux presque tous les pays arabes, sauf l'Irak et la Lybie.
M. Philippe Monfils (PRL-FDF-MCC). - Vous refaites l'histoire comme cela vous arrange.
M. Josy Dubié (ECOLO). - Il faut être clair. J'ai rappelé la résolution 242 et la résolution 194 qu'Israël refuse systématiquement d'appliquer. Comment peut-on accepter plus longtemps encore cette politique de deux poids deux mesures d'une communauté internationale prête, au besoin, comme en Yougoslavie ou en Irak, à utiliser la force pour faire respecter les résolutions des Nations unies mais acceptant dans le même temps qu'Israël les viole impunément, et cela depuis toujours ?
L'intransigeance et les provocations de ceux qui, en Israël, refusent obstinément cet échange de tous les territoires occupés contre la paix débouchent une nouvelle fois sur une escalade de la violence et un déferlement de haine qui fait l'affaire des extrémistes et des fanatiques des deux camps.
Aux cris inacceptables de « Mort aux Juifs ! », que j'ai même entendus à Bruxelles, répondent en écho ceux tout aussi scandaleux de « Mort aux Arabes ! » Le sang coule à nouveau ; qu'il soit d'enfants palestiniens ou d'enfants juifs victimes du terrorisme, il a la même couleur.
Ce à quoi conduit l'intransigeance israélienne du refus d'une paix juste n'est-il pas - et je crois qu'il est important que les Israéliens s'en rendent compte - la démonstration éclatante de l'échec de l'utopie sioniste ? David Ben Gourion avait en effet, dans son projet, visé à donner au peuple juif une patrie où il pourrait vivre en paix et en sécurité. Existe-t-il aujourd'hui un seul endroit au monde où un Juif risque plus d'être tué, parce que Juif, qu'en Israël, comme on le voit malheureusement presque tous les jours ?
Quand les Israéliens comprendront-ils que la paix et la sécurité auxquelles ils aspirent légitimement ne pourront jamais être garanties tant que leur pays occupera, humiliera et exploitera un autre, la Palestine, réduisant ses habitants au désespoir, un désespoir qui engendre inévitablement - je ne le répéterai jamais assez - la haine, la révolte, la violence et la mort ?
Le peuple juif a été persécuté tout au long de son histoire. Mais la dramatique leçon de tout ceci est que les souffrances que subit un peuple ne l'immunisent malheureusement pas contre le risque de faire souffrir un autre peuple, lorsqu'il se trouve, à son tour, en situation de domination. Et les souffrances terribles qu'ont vécues les Juifs dans le passé ne donnent pas aux Juifs d'Israël un droit de tirage sur la souffrance d'un autre peuple, en l'occurrence le peuple palestinien dont il faut rappeler tout de même qu'il n'est strictement pour rien dans les tragédies, les persécutions, les massacres et, finalement, le génocide hitlérien dont a été victime le peuple juif tout au long de son histoire.
Qu'on le veuille ou non, Juifs et Arabes palestiniens sont condamnés à vivre ensemble et à partager cette terre. Mais pas entre un État juif superpuissant, possédant tout, et un État croupion, une série de bantoustans, une Palestine sans moyens et sans avenir.
La paix passe inévitablement par des concessions. Je crois qu'ici aussi, il faut arrêter de renvoyer dos à dos les Israéliens qui ont tout et les Palestiniens qui n'ont rien. Que peuvent encore concéder les Palestiniens, si ce n'est leur droit légitime élémentaire à vivre dans une patrie viable ? Il faut sortir de cette soi-disant logique de neutralité dans laquelle s'enfonce la diplomatie européenne et belge, et choisir son camp, qui est celui de la justice et du droit.
Voilà, je crois, ce dont il faut prendre conscience. En effet, comme je l'écrivais récemment dans une carte blanche publiée dans Le Soir, il faudra, un jour, que ces peuples vivent ensemble. Il y a d'autres cas dans l'histoire où des peuples qui se sont fait la guerre ont finalement réussi à trouver des accords et à pouvoir vivre en paix. Allemands et Français se sont livré trois guerres meurtrières en moins d'un siècle. Strasbourg sur le Rhin, face à l'Allemagne, était et reste stratégiquement indéfendable. Pourtant, pas un habitant de Strasbourg ne se sent aujourd'hui menacé. Pas parce que la France a étendu sa « profondeur stratégique » mais parce que les deux peuples ont enfin conclu une paix durable, basée sur la justice et la coopération.
Je pense sincèrement que nous devons oeuvrer à cet objectif et que le meilleur moyen de le faire est de sortir de la neutralité stérilisante qui a prouvé son inefficacité. Neutralité de notre diplomatie mais aussi celle de l'Europe, réduite à compter les mauvais points, assise bâillonnée sur un strapontin.
Il est plus que temps de désigner clairement les coupables et les victimes dans ce conflit qui n'a que trop duré, et d'en tirer toutes les conséquences avant qu'il ne soit trop tard et que le fanatisme religieux qui malheureusement progresse dans les deux camps, n'ait définitivement fermé la porte à toute solution.
M. Georges Dallemagne (PSC). - J'aurais voulu commencer cette intervention en saluant l'effort de paix de tous ceux, Palestiniens et Israéliens, qui avaient tenté, qui tentent encore de mettre fin à un conflit vieux de cinquante ans en signant une paix durable, juste et sécurisante pour Israël comme pour l'État palestinien.
J'aurais salué l'effort de paix des précurseurs : MM. Rabin, Peres, Arafat, Abu Mazen qui avaient fondé, à travers le processus d'Oslo, les bases de la paix et de la prospérité pour leur peuple respectif. Ces mots sont ceux que j'avais en tête lorsque le gouvernement Barak remplaça le gouvernement Netanyahou qui avait tenté de torpiller le processus de paix. Ce sont les mots qui me venaient à l'esprit lorsque cet été, à Camp David, MM. Barak et Arafat avaient mis sur la table les solutions les plus audacieuses pour atteindre cette paix. Malheureusement, ces mots de satisfaction, je ne puis les prononcer aujourd'hui.
Depuis presque trois mois, Israël et la Palestine sont plongés dans l'engrenage de la violence. Il apparaît qu'il suffisait d'une allumette, d'une provocation, celle de M. Sharon, pour déclencher l'incendie que nous connaissons. Dix ans de travail patient de construction de la confiance et de la paix entre les deux adversaires ont été balayés en quelques semaines.
Comme l'a encore rappelé l'Union européenne dans sa déclaration sur la situation au Moyen-Orient du lundi 20 novembre dernier, « le manque de progrès accomplis au cours du processus de paix, y compris sur le problème des colonies, » - on le voit encore aujourd'hui dans l'actualité - « est au coeur de la frustration » - et du désespoir - « de la population palestinienne et de la violence ».
Quelle est la situation aujourd'hui ? Nous assistons à l'escalade et à l'engrenage de la violence. Hier, les forces armées israélienne ont pénétré dans un territoire sous contrôle complet de l'Autorité palestinienne pour mettre fin à des tirs d'armes automatiques. Les deux camps comptent des victimes.
L'approche militaire et violente semble prendre définitivement le pas sur une approche politique. L'Égype a fait un geste diplomatique significatif en rappelant son ambassadeur.
Nous ne pouvons qu'exprimer notre incompréhension. Pourquoi les accords de Charm-el-Cheikh ne sont-ils pas mis en oeuvre ? Pourquoi les accords de Gaza du 2 novembre 2000 ne sont-ils pas respectés ? Pourquoi la commission d'établissement des faits chargée d'éclairer la genèse de la violence depuis la visite de M. Sharon à l'esplanade des Mosquées n'est-elle pas encore pleinement opérationnelle sur le terrain ? Tout ce temps perdu est préjudiciable au retour au calme. Le président de cette commission s'est heureusement enfin rendu sur le terrain.
Il nous semble urgent que les accords et les décisions que j'évoque soient mis en oeuvre.
L'escalade de la violence n'est pas étrangère aux conditions politiques intérieures dans les deux camps, notamment les problèmes internes du Likoud. La perspective de nouvelles élections en Israël permettra peut-être de donner un mandat clair au nouveau gouvernement, en faveur de la paix. Nous ne pouvons que l'espérer.
La priorité actuelle reste pourtant de mettre tout en oeuvre pour réduire la tension qui existe entre les Israéliens et les Palestiniens. Nous ne pouvons qu'encourager les parties à continuer le dialogue pour se retrouver, le moment venu, à la table des négociations pour trouver un accord définitif concernant le problème des réfugiés palestiniens, le statut de Jérusalem, la question des colonies de peuplement et le statut final de l'État palestinien.
Dans le cadre de la réduction des tensions, le secrétaire général de l'ONU, Koffi Anan, a été mandaté par le Conseil de sécurité des Nations unies, le vendredi 17 novembre dernier, pour consulter les Israéliens et les Palestiniens au sujet de l'envoi d'observateurs internationaux. Ceux-ci auraient comme missions d'observer les faits et d'en rendre compte aux deux parties ainsi qu'au Conseil de sécurité. Je regrette que, jusqu'à présent, Israël continue à rejeter cette présence internationale.
L'objet de notre résolution, dont le champ a été considérablement élargi au fur et à mesure des discussions, consiste à exprimer notre appréciation politique de cette situation intolérable.
La Belgique et l'Union européenne ont toujours observé une position dite de neutralité dans le conflit au Moyen-Orient. Neutralité signifie-t-elle inertie, absence, incapacité d'exprimer notre révolte contre la violence et la répression ? Je ne le crois pas. Je ne le veux pas.
Conformément à la Déclaration de Berlin de 1999, nous croyons au droit sans condition des Palestiniens de se doter d'une État démocratique, souverain, viable et pacifique. Cet État doit être créé sur la base des accords existants, par la négociation et non la force. Ces principes sont parfois mal compris, ainsi que l'a démontré le récent sommet euro-méditerranéen. Cette approche est essentielle si l'on souhaite que l'Union européenne puisse jouer un rôle constructif.
Il est important que l'Union s'affirme comme partenaire facilitant la paix dans cette région. C'est l'un des points essentiels de notre résolution.
D'une manière générale, nous condamnons et nous dénonçons le recours à la violence des deux parties. La violence n'apporte aucune solution. Nous condamnons, en particulier, l'usage excessif et disproportionné de la violence dont font preuve les forces armées israéliennes en riposte aux violences des Palestiniens. Même Washington critique à présent Israël, en raison des représailles excessives en réaction à l'attentat contre le bus scolaire israélien.
Il y a quelque temps, nous avions l'honneur et le privilège de nous entretenir avec M. Shimon Peres, invité à l'initiative de notre Président Armand De Decker. Je retiendrai de son message d'espoir que la paix au Moyen-Orient est possible, comme la réconciliation avec l'Allemagne le fut en Europe après la Seconde Guerre mondiale.
Permettez-moi de me référer à la parole d'un sage qui a dit : « Je ne suis pas optimiste. Je suis déterminé ». Cette phrase reflète notre état d'esprit. À travers cette résolution, nous souhaitons encourager la détermination des acteurs du Moyen-Orient à reprendre la voie de la paix par la négociation.
M. Paul Galand (ECOLO). - En soutien à la résolution, je voudrais citer brièvement un journaliste, écrivain, ex-chef du service politique Tribune juive, Stéphane Trano, qui a publié récemment un article dans Libération.
« Les Palestiniens veulent ce que nous avons construit : un possible. Il est de notre responsabilité devant l'Histoire de passer outre la violence pour leur ouvrir la voie. Un État. Une patrie. Un drapeau. Une capitale. Une identité. Ils le veulent. Ils sont une réalité constante sous nos yeux, quand bien même certains d'entre nous voudraient en nier l'existence. Oui, nous avons peur pour les nôtres. Nous avons peur de revoir nos rues ensanglantées. Mais avons-nous jamais affronté cela ? N'avons-nous pas retrouvé notre route une fois sortis des camps ? Sommes-nous devenus si amnésiques, si névrosés, que notre mémoire ne puisse plus nous permettre d'avoir les gestes et les mots qu'il faut ? »
Arguer de la période électorale en Israël pour surseoir à l'envoi de signaux clairs et précis à cette nation et dire qu'il y aurait intérêt à avoir un profil bas pour éviter le retour d'Ariel Sharon ou de M. Netanyahou serait à notre avis une grave erreur d'évaluation car la faiblesse du positionnement et de l'implication politique claire de l'Europe et de ses membres n'a jamais favorisé le retour au processus de paix et représenté un soutien efficace aux partisans de la justice et de la paix en Israël et dans la région proche.
La résolution proposée par notre commission des Relations extérieures va encore, avec quelque timidité cependant, dans un sens plus juste. Nous devons aux démocrates et partisans de la paix plus d'engagement de l'Union européenne et de ses membres pour soutenir la légalité internationale et oser suspendre, s'il le faut, l'accord d'association Union européenne-Israël.
-De bespreking is gesloten.
De voorzitter. - Ik herinner eraan dat de commissie een nieuw opschrift voorstelt: Voorstel van resolutie betreffende de Israëlisch-Palestijnse kwestie.
-De stemming over het voorstel van resolutie in zijn geheel heeft later plaats.