2-84

2-84

Belgische Senaat

Parlementaire handelingen

DONDERDAG 14 DECEMBER 2000 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Vraag om uitleg van de heer Georges Dallemagne aan de eerste minister en aan de vice-eerste minister en minister van Buitenlandse Zaken over «het Belgisch beleid ten aanzien van Rusland en het volgend bezoek van de eerste minister aan Moskou» (nr. 2-292)

M. Georges Dallemagne (PSC). - Monsieur le premier ministre, vous vous rendrez prochainement à Moscou afin de renforcer les contacts bilatéraux entre la Belgique et la Russie.

Dans son discours du 17 novembre 2000 sur les axes de la politique étrangère belge, le ministre des Affaires étrangères a rappelé que la Russie était un pays cible de notre diplomatie bilatérale et que notre action se fondait sur la conviction qu'une Russie forte et démocratique était essentielle pour la stabilité de l'Europe et du système international.

Le gouvernement belge a déclaré faire des droits de l'homme une priorité politique. Ainsi, il indique dans sa note de politique étrangère 2001 que « tant dans les relations bilatérales que dans les enceintes multilatérales, le gouvernement mène une politique active et volontariste en vue du respect et du développement des droits de l'homme ».

Votre visite en Russie sera une occasion dont il convient de profiter pour mettre en oeuvre ce double objectif. Selon nos informations, la situation des droits humains en Russie n'est pas satisfaisante, loin s'en faut. Je me réfère notamment aux rapports récents de Human Rights Watch et d'Amnesty International selon lesquels des atteintes graves et nombreuses aux droits humains ont été commises en temps de paix sur le territoire de la Fédération de Russie ainsi que dans le contexte du conflit en Tchétchénie.

En ce qui concerne la situation intérieure, la torture et les mauvais traitements sont toujours aussi répandus dans les postes de police, les prisons et les unités militaires de toute la Fédération de Russie. Les conditions de vie en prison sont cruelles, inhumaines et dégradantes. Je cite ici Amnesty International. Des prisonniers d'opinion restent incarcérés. Toutes ces violations des droits humains prennent place dans un contexte de corruption de grande ampleur à différents niveaux du pouvoir.

C'est à juste titre que notre Parlement doit s'inquiéter des accords de coopération policière qui pourraient être conclus ou mis en oeuvre avec les autorités russes dans un tel contexte.

Par ailleurs, la barbarie dont les forces armées russes ont fait preuve contre la population civile en Tchétchénie n'est plus à décrire. Le droit de vote de la Russie a d'ailleurs été suspendu à l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe à cause de son manque flagrant de respect du droit humanitaire. Les organisations de défense des droits de l'homme indépendantes n'ont toujours pas pu avoir accès au territoire tchétchène. Les structures mises en place par les autorités russes pour enquêter sur les exactions n'ont pas conduit aux poursuites judiciaires nécessaires contre les responsables. Certains craignent que le conflit ne s'étende à la Géorgie voisine. Les ambitions visant le contrôle énergétique de cette région aiguisent bien des appétits.

Le 10 décembre dernier, nous avons fêté l'anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le même jour, vous faisiez inscrire un système de contrôle démocratique à l'article 7 du Traité de Nice. L'action du gouvernement en faveur du renforcement de la démocratie et des droits humains doit, à mon sens, être cohérente. Le ministre des Affaires étrangères a déclaré dans son même discours du 17 novembre, au sujet des droits de l'homme, que « le gouvernement et le Parlement pourraient définir des critères de comportement relatifs à la conduite de l'activité diplomatique, notamment avec les pays ne respectant pas les droits de l'homme ».

Je suis convaincu que la Russie fait partie de ces pays. Je ne veux pas exclure d'emblée la possibilité de contacts, sous condition, avec des pays ne respectant pas les droits de l'homme. Je pense que ces contacts avec des pays ou des régimes violant gravement les droits de l'homme ne peuvent être tolérés que si l'enjeu des contacts vise explicitement à mettre fin aux violations des droits de l'homme. Voilà les raisons pour lesquelles je souhaite vous poser les cinq questions suivantes.

Premièrement, comment le gouvernement évalue-t-il la situation des droits humains en Russie ? Deuxièmement, quels sont les objectifs de la visite du premier ministre en Russie ? Troisièmement, des accords seront-ils signés à cette occasion ? Si oui, lesquels ? Quatrièmement, il semble qu'un accord de partenariat sera signé ainsi qu'un accord de coopération policière. Nous souhaitons nous assurer que ces accords renforceront les droits humains en Russie et le respect du droit humanitaire. Dans quelle mesure est-ce envisageable ? Enfin, le respect des droits de l'homme en Russie sera-t-il spécifiquement inscrit à l'ordre du jour de la visite ?

M. Guy Verhofstadt, premier ministre. - Je répondrai très concrètement aux différentes questions que M. Dallemagne m'a posées.

Comment le gouvernement évalue-t-il la situation des droits humains en Russie ? L'évolution de la Russie sur le plan de la démocratie et du respect des droits de l'homme et de l'État de droit est suivie par la Belgique et ses partenaires de l'Union européenne. Ces valeurs - les droits de l'homme - ainsi que les réformes économiques, constituent la base du partenariat qui se construit avec la Russie. C'est dans ce contexte que la Belgique et ses partenaires ont manifesté à plusieurs reprises leur préoccupation envers la situation qui prévaut en République de Tchétchénie. Un dialogue franc a lieu à ce sujet avec la Fédération de Russie dans le cadre du Conseil de l'Europe, dont celle-ci est membre. Avec nos partenaires, nous encourageons la Russie dans ce cadre à mener avec diligence des enquêtes sur les infractions, quels qu'en soient les auteurs. L'Union européenne et la Fédération de Russie sont d'accord sur la nécessité d'une solution politique en Tchétchénie. Nous souhaitons qu'elle puisse voir le jour aussi rapidement que possible.

Quels sont les objectifs de ma visite en Russie ? L'objectif de ma visite est de renforcer les relations bilatérales entre la Belgique et la Russie. Celles-ci sont fondées sur le Traité d'entente et de coopération entre le Royaume de Belgique et la Fédération de Russie, conclu à Bruxelles le 8 décembre 1993 et entré en vigueur le 22 janvier 1998. Le second objectif de cette visite est de préparer notre Présidence de l'Union européenne au deuxième semestre 2001.

Des accords seront-ils signés à cette occasion ? Si oui, lesquels ? Il est d'ores et déjà envisagé qu'un programme d'action bilatéral pour les années 2001-2002, qui succédera au programme 1999-2000, soit signé à Moscou.

D'autres accords en préparation pourraient être signés à l'occasion de cette visite lors de laquelle je rencontrerai M. Poutine, président de la Fédération Russe ; M. Stroiev, président du conseil de la fédération ; M. Seleznev, président de la Douma, ainsi que le premier ministre de Biélorussie. Un accord de partenariat sera probablement signé ainsi qu'un accord de coopération policière.

Des négociations ont effectivement été engagées en vue d'un accord bilatéral de coopération dans la lutte contre le crime organisé. Quand on connaît l'évolution du crime organisé dans de nombreux pays, nous avons tout intérêt à collaborer avec les autorités russes. Cet accord sera soumis, après signature, au Parlement dans le cadre de la procédure globale de ratification. Il sera donc jugé par le Parlement.

Est-ce que le respect des droits humains en Russie est spécifiquement inscrit à l'ordre du jour de la visite ? Il n'y aura pas d'ordre du jour formel lors de cette visite. Divers sujets d'intérêt bilatéral et international seront abordés, dont le problème du respect des droits de l'homme.

M. Georges Dallemagne (PSC). - Je remercie le premier ministre pour sa réponse. Je dois cependant avouer avoir souvent entendu la même réponse de la part du gouvernement à propos de la situation en Tchétchénie. Il s'agit finalement d'une réponse très en retrait par rapport à d'autres dossiers en matière des droits de l'homme.

On se réfugierait apparemment derrière des conversations qui peuvent avoir lieu au niveau du Conseil de l'Europe. On invoque toujours les pressions exercées sur le gouvernement russe pour qu'il mène lui-même des enquêtes dont on connaît parfaitement le manque d'indépendance et l'absence de sanctions à l'encontre des auteurs de violations graves des droits de l'homme. Or, j'apprends que la Belgique ne se prononce toujours pas clairement vis-à-vis du gouvernement russe en ce qui concerne la mise en place d'une commission d'enquête indépendante des autorités russes.

Vous n'avez pas davantage répondu à la question des violations des droits de l'homme dans les autres territoires de la Fédération de Russie. Vous n'ignorez pas que toute une série de rapports nous sont parvenus sur la situation dans les prisons ou les commissariats tchétchènes, ou encore sur les méthodes mises en oeuvre par la police russe en général.

Je ne vous cache pas mon inquiétude, même si je puis comprendre que la Belgique cherche à nouer des contacts et à organiser une coopération avec les autorités policières russes. Vous imaginez également que nous veillerons tout particulièrement à ce que ces contacts s'établissent selon des méthodes conformes à celles d'un État de droit. Nous serons particulièrement vigilants à la manière dont cette coopération pourra s'établir avec les autorités russes, qui n'ont pas toujours hésité à utiliser certaines méthodes qui sont loin d'être acceptables dans le cadre d'un État de droit.

Il nous faudra être très attentifs au moment où cet accord de coopération policière viendra au niveau du Parlement. J'espère que la question des droits de l'homme prendra une place importante dans vos discussions avec les autorités russes.

Je considère aujourd'hui que la situation en Tchétchénie constitue un véritable scandale sur le plan des droits de l'homme, des atteintes au droit humanitaire et je trouve qu'il y a une incohérence flagrante dans le chef du gouvernement belge qui - alors qu'il prétend respecter une déontologie, se montrer cohérent et accorder une attention particulière aux droits de l'homme - semble considérer que la situation en Tchétchénie ne fait pas partie de ses préoccupations.

-Het incident is gesloten.