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M. Philippe Moureaux (PS). - Je me réjouis de la présence du gouvernement. J'aurais, bien sûr, souhaité la présence du ministre des Affaires étrangères, mais je comprends qu'il soit souvent amené à voyager. J'imagine toutefois que M. Daems, qui le remplace, sera extrêmement attentif à cette question.
Le problème du programme Echelon est aujourd'hui particulièrement à l'ordre du jour. En effet, le hasard de la programmation des demandes d'explications fait que ma demande, introduite depuis quelque temps, intervient au lendemain d'un vote au niveau européen qui, je pense, ne va pas tous nous satisfaire et certainement pas moi. Malheureusement, je crois que l'on a déjà raté une occasion, mais cet échec au plan européen accroît peut-être encore la pertinence de ma question. Je voudrais que le ministre relaie ma demande auprès de son homologue des Affaires étrangères et auprès du gouvernement. Dans des matières de ce genre où, sans doute, il est difficile de faire bouger les choses au départ des grands pays, y compris de ceux qui croient, à tort, que dans une assemblée européenne, ils maîtrisent ces mêmes matières, peut - être peut-on agir au départ de modestes pays qui, n'ayant pas de services de renseignements trop importants, ne craignent pas, d'emblée, que s'ils dénoncent certaines choses, ils pourraient eux aussi être montrés du doigt.
La Belgique pourrait éventuellement être pionnière en la matière, comme elle l'a été à d'autres occasions. J'espère que le gouvernement pourra, dès aujourd'hui ou assez rapidement, s'interroger et suivre ma suggestion.
On peut, bien sûr, s'interroger sur la réalité de ce système d'écoute généralisée, puisque certains se posent encore la question. Je pense qu'il devient de plus en plus hypocrite de ne pas le reconnaître puisque plusieurs sources, dont certaines se recoupent, l'attestent. Cependant, la meilleure source - celle que l'on oublie à certains moments de consulter - provient des pays qui ont organisé, organisent ou aident à l'organisation d'Echelon. Ainsi, le rapport rendu en 1996 par l'auditeur général du Canada - dont le chapitre 27 traite de la politique du renseignement - mentionne sans ambiguïté que le Canada, depuis la guerre froide, organise avec d'autres pays des systèmes de ce genre. Et même si le terme Echelon n'apparaît pas dans le rapport, il est tout à fait clair que c'est de cela qu'il s'agit. On retrouve le même type d'informations à des endroits que nous pouvons désormais tous consulter : en effet, les services officiels anglais d'écoute évoquent sur leur site Internet l'existence de ce système d'écoute dont le gouvernement anglais nie pourtant l'existence.
Par conséquent, j'appelle nos commissaires de la commission spéciale à ne pas chercher trop loin et à utiliser des sources simples. Les informations les plus intéressantes proviennent évidemment des États-Unis. Depuis le mois de mars, un ancien directeur de la CIA s'est lancé dans une vaste campagne dont l'objet n'est pas de nier l'existence du système mais d'en justifier l'existence.
En effet, il s'est lancé dans une grande campagne, pour affirmer la nécessité d'Echelon. Il s'adresse régulièrement à tous les médias pour dire que l'Europe est à ce point corrompue qu'il faut absolument la mettre sur écoute pour se défendre sur le plan économique. À l'aveu s'ajoutent donc des indications de l'appréciation que l'on porte sur l'Europe dans certains milieux d'outre-Atlantique.
Les directeurs des agences comme la NSA et la CIA tiennent des langages intermédiaires, ne niant pas franchement, restant imprécis, parlant à demi-mots. Dans les documents du Congrès américain se trouvent pourtant des textes qui montrent que l'on s'est interrogé précisément sur la base légale des services américains qui procèdent à l'interception des communications. Je suis prêt à fournir ces renseignements au ministre des Affaires étrangères s'il ne les possède pas. J'imagine que, nonobstant ses déclarations récentes au parlement, il détient plus d'informations que moi.
D'autres textes officiels du Congrès des États-Unis évoquent le financement des deux bases d'écoute de Menwith Hill en Angleterre et de Bad Aibling en Allemagne. Quand j'apprends que l'on s'interroge encore ici sur l'existence de ces écoutes, je m'étonne. La preuve est facile à trouver heureusement, ou malheureusement pour les sceptiques. Outre ces documents connus, on peut se référer aussi au rapport du journaliste Duncan Campbell qui a mis le feu aux poudres.
Un juriste de qualité - dont je m'inspire pour cette demande d'explication - sans m'en cacher, a relevé une décision de la Commission européenne des droits de l'homme, rendue le 27 juin 1994, dans une affaire qui opposait un citoyen anglais à son pays et dans laquelle elle concluait à l'irrecevabilité de la requête. Mais ce qui est intéressant, c'est que ce document de justice européen explique clairement que les services d'écoute britanniques procèdent à l'interception des communications par fax qui entrent et sortent de Londres, à l'aide du logiciel Dictionary qui est celui d'Echelon.
Nous avons donc une décision de justice européenne qui confirme l'existence d'Echelon. Je pense que c'est un argument particulièrement intéressant. Se pose alors le problème des recours possibles : la cour européenne des droits de l'homme, d'autres juridictions internationales compétentes ?
On parle beaucoup des aspects économiques d'Echelon. En France, si l'on en croit les dépêches, le procureur général de Paris aurait demandé l'ouverture d'une enquête, mais ce qui semble surtout intéresser le gouvernement français est l'espionnage économique, plus particulièrement l'espionnage industriel.
C'est un aspect important et non négligeable, mais nous ne pouvons pas perdre de vue qu'au-delà de l'aspect « espionnage économique », déjà en soi très important et très grave, des problèmes de respect de la vie privée et du droit des personnes se posent. Bien sûr, les grands États s'intéressent moins à cet aspect des choses et je voudrais attirer votre attention sur ce point.
Ce système Echelon. pose en effet de sérieuses questions d'ordre juridique. Une jurisprudence internationale constante prohibe des actes de contrainte, comme les interceptions téléphoniques, posés par un État en dehors de sa juridiction territoriale. Je pourrais vous citer une série d'exemples en la matière.
Les travaux les plus récents de l'Institut de droit international confirment avec force que les actes de contrainte extraterritoriaux violent la souveraineté territoriale des États sur le territoire desquels ils sont effectués sans que ceux-ci y aient consenti. Dans ces conditions, la Belgique pourrait introduire un recours devant la Cour de La Haye. Mais nous savons que, faute de déclaration sur sa juridiction obligatoire, les États-Unis et l'Allemagne ne peuvent y être attraits que volontairement. Nous savons aussi que, quand les États-Unis sont mis en cause, ils ont pour habitude d'oublier de venir à la cause. Ce recours n'est donc pas le meilleur parce que les États-Unis pourraient nous jouer le tour qu'ils ont déjà joué à de nombreux autres pays.
A mon sens, il faut donc essentiellement se tourner vers la question du respect de la vie privée mis en cause par Echelon. Nous pourrions alors - et c'est une voie qu'il ne faut pas exclure - saisir le comité des droits de l'homme des Nations unies pour violation de l'article 17 du pacte international relatif aux droits civils et politiques. Puisqu'à l'exception du Japon, les cinq pays parties à l'accord Ukusa qui a donné naissance à Echelon, ont souscrit à la déclaration de compétences habilitant le comité, nous pourrions intervenir à ce niveau. Ce serait une première, en un certain sens, mais cette procédure serait très lourde et très difficile.
La méthode la plus efficace serait de saisir la Cour européenne des droits de l'homme sur la base de l'article 33 de la Convention européenne des droits de l'homme qui érige la requête étatique en recours objectif garant de l'ordre public européen.
Ce recours devrait être introduit contre ceux qui accueillent les relais, c'est-à-dire l'Allemagne et le Royaume-Uni. Ces deux pays sont en effet partie à la convention dont l'article 8 garantit le droit au respect de la vie privée, de la correspondance et l'article 13, le droit à un recours effectif pour contester les violations de la convention.
Un recours étatique permettrait d'épauler utilement les requêtes que des particuliers introduiront très vraisemblablement sur la base de l'article 34 de la convention. L'existence même d'Echelon est en soi constitutive d'ingérence dans la vie privée, chaque écoute, interception, stockage ou traitement de l'information auquel il est procédé devant être justifié séparément au regard de l'article 8 de la convention. L'on parle ici de l'interception d'un nombre très important de communications.
Je voudrais rassurer M. Hordies : je n'ai pas eu accès au deuxième rapport de son comité très secret, mais il ne peut m'empêcher de lire la presse. Comme visiblement, son comité ne montre pas son rapport aux collègues sénateurs mais bien aux journalistes, j'ai tout de même pu en prendre quelque peu connaissance.
M. le président. - Monsieur Moureaux, je ne peux pas vous laisser dire que M. Hordies montre son rapport aux journalistes.
M. Philippe Moureaux (PS). - A mon avis, les journalistes, utilisant le système d'Echelon, réussissent à en prendre connaissance.
D'après cet article - peut-être imaginaire, nous verrons le jour où nous aurons accès au rapport - on indiquerait que ce serait finalement moins grave qu'on le pensait, au motif que le nombre d'interceptions serait inférieur à celui évoqué au départ. Je tiens à faire remarquer que le principe reste identique, qu'il s'agisse de centaines de millions de communications ou de milliards de communications, et ne dispense donc pas d'agir.
Nous devons évidemment nous interroger quant à nos chances d'obtenir gain de cause devant la Cour. A cet égard, il convient de noter que les mesures de surveillance secrète en général, et les écoutes téléphoniques en particulier, ont donné lieu à une importante jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. La Cour a pris une série d'arrêts disposant qu'une écoute administrative ou judiciaire devait, pour respecter l'article 8 de la Convention, être conforme à trois conditions cumulatives : la légalité, la légitimité et la nécessité dans une société démocratique. La condition de légalité exige d'abord l'existence d'une loi autorisant l'écoute. En l'occurrence, la réponse est assez simple... La condition exige le respect de la loi. Dans le cas qui nous occupe, la réponse découle de la première question. Il faut aussi, en principe, respecter le droit le plus favorable à l'individu, ce qui signifie que pour un Belge, c'est le droit belge qui doit être respecté. En cette matière, nous disposons d'un argument pour obtenir la condamnation des organisateurs de ce système. La condition de légalité exige surtout que la loi doit, non seulement exister, mais aussi être accessible à tout un chacun et prévisible. Il faut pouvoir la connaître. Cet élément renforce, me semble-t-il, les chances que nous aurions d'être entendus par la Cour européenne. Le respect de la condition de légitimité du but poursuivi pose aussi problème. Un État peut-il imposer à l'étranger sa propre conception de la sécurité nationale ? La protection du bien-être économique d'un pays peut-elle l'autoriser à informer ses entreprises du résultat de la captation des communications du concurrent ? Une fois encore, je crois que la réponse est évidente. La condition de nécessité dans une société démocratique, soit la démonstration de la proportionnalité des écoutes par rapport au but sensé être poursuivi, peut aussi se révéler extrêmement importante et s'avérer être un argument complémentaire pour démontrer la violation. Nous sommes là au c_ur de la philosophie du fonctionnement d'Echelon. La surveillance opérée sur l'ensemble du continent européen est de caractère général et exploratoire. Le tri de ce qui est utile ou non n'intervient qu'en deuxième lieu, ce que la Cour européenne des droits de l'homme prohibe de façon absolue tout comme d'ailleurs tout droit un peu civilisé. Dans l'hypothèse contraire, il est évident que les perquisitions générales seraient autorisées alors quelles sont, par définition, interdites en l'absence d'indices.
Face à une série aussi impressionnante d'exemples de non-respect des règles élémentaires en la matière, les chances d'obtenir gain de cause sont extrêmement importantes.
J'indiquerai également qu'à la suite d'un arrêt du 18 février 1999, l'arrêt Matthews contre le Royaume-Uni, on a désormais posé avec force que la passation d'un autre traité par un État - en l'occurrence l'accord Ukusa de 1947 - ou toute autre forme de collaboration internationale, ne délie pas des obligations souscrites lors de son adhésion à la Convention européenne des droits de l'homme. L'argument qui consisterait à dire que l'on a accepté - en pleine période de guerre froide - un traité dans ce sens a déjà été contré par la Cour européenne qui a estimé que cela n'exonérait en rien l'État qui avait adhéré à cette convention.
Les États qui sont parties à la convention sont, de surcroît, tenus, aux termes d'une jurisprudence constante, au respect d'une obligation de vigilance ou de diligence particulièrement forte. Cette obligation impose à tout État - et cela constituerait un argument à opposer aux Anglais ou aux Allemands qui pourraient tenter d'édulcorer leurs responsabilités - de prévenir ou de réprimer tous les actes graves d'atteinte aux droits de l'homme qui se déroulent sur leurs territoires ou à partir de ceux-ci, quels que soient les auteurs, particuliers ou acteurs internationaux.
Plusieurs arrêts de Strasbourg ont d'ailleurs estimé qu'il y aurait violation de la convention en raison de manquements propres à des États parties, si ceux-ci donnaient suite à des comportements d'autres États, même non parties, même non européens, qui entraîneraient une violation grave de la convention. Sur ce plan, une jurisprudence de la Cour européenne permet déjà d'intervenir.
Ce sont ces devoirs constitutifs de l'ordre public européen que la Belgique devrait rappeler, dans un premier temps à l'Allemagne et au Royaume-Uni, devant la Cour européenne des Droits de l'homme, devoirs que la Cour a d'ailleurs pleinement confirmés dans des arrêts encore plus récents, du mois de mai 2000, et dont je peux vous donner la référence.
Le ministre des Affaires étrangères déclarait, le 17 février, devant la commission de la Chambre, et le 22 février, devant la commission du Sénat, que le gouvernement tirerait toutes les conclusions en matière de politique étrangère en cas de confirmation de l'existence d'Echelon. Or, les documents prouvent que c'est indéniable, malgré les contorsions de certains.
Je demande donc au gouvernement d'en tirer les conclusions, lui qui a eu, depuis sa constitution, une attitude exemplaire en ce qui concerne le respect des droits de l'homme. Il a même donné le ton. Je pense à l'affaire Pinochet où le gouvernement belge a osé affronter le Royaume-Uni, notamment. La matière qui nous occupe offre aussi la possibilité au gouvernement belge, et en particulier au ministre des Affaires étrangères, de prouver à la fois notre indépendance, mais aussi notre volonté absolue du respect des droits de l'homme.
J'imagine, monsieur le ministre, que vous allez me donner lecture d'une réponse rédigée préalablement, avant que je n'aie pu vous convaincre, car je vous vois déjà convaincu. J'espère que vous pourrez transmettre ce sentiment au gouvernement et que j'aurai le plaisir, sinon aujourd'hui en tout cas assez rapidement, de constater que ce modeste pays qui est le nôtre reste pionnier en matière de droits de l'homme.
M. le président. - Je voudrais dire à M. Moureaux qu'en ma qualité de président de la commission chargée du suivi du Comité R et en tant que président du Sénat, je suis quelque peu embarrassé par la forme de sa demande d'explications, que j'ai bien entendu acceptée, ce que j'assume entièrement. Je voudrais vous en donner les raisons.
Depuis quelques mois, la commission chargée du suivi du Comité R travaille sur ce sujet, avec précisément la volonté de ne faire aucune contorsion et, surtout, de ne tirer aucune conclusion politique mais, au contraire, de réaliser un travail qui pourrait amener le Sénat à adresser des recommandations au gouvernement.
Par ailleurs, je voudrais dire que nous entourons notre travail dans ce comité d'une certaine confidentialité, jusqu'au moment où nous décidons, de commun accord, de rendre nos documents publics. Dès lors, les membres de cette commission du suivi, qui subissent tous des pressions de la part des journalistes pour en dire davantage, s'en tiennent tous à une certaine discipline et n'évoquent pas à ce stade des conclusions partielles. Aussi, votre demande d'explications provoque certaines frustrations chez les membres du Comité R qui, jusqu'à présent, ont observé cette discipline momentanée. Ils attendent en effet d'avoir réuni la documentation la plus complète possible, de disposer de tous les éléments et de toutes les analyses techniques des services juridiques avant de provoquer ici même un vrai débat sur Echelon, en sachant ce qui est de la manipulation ou ce qui ne l'est pas.
Monsieur Moureaux, je partage votre point de vue concernant l'importance de l'étude juridique des mesures et des procédures judiciaires que la Belgique pourrait prendre. Cela constitue un apport à notre débat.
Cependant, à l'intention des autres intervenants qui demandent la parole et qui ne sont pas nécessairement membres du Comité R, je tiens à dire mon embarras, d'autant plus que nous avons appris hier qu'en France, à la suite de la plainte d'un député européen adressée au procureur de Paris, ce dernier a chargé la DST d'une information préliminaire. Or, depuis de nombreux mois, nous sommes plus loin que la France dans l'étude de cette question. J'aimerais donc que les chose se fassent sérieusement, en profondeur, et je demande en particulier à ceux qui n'ont pas accès aux documents d'éviter de lancer maintenant un grand débat général sur Echelon. Il aura lieu à la rentrée.
Je rappelle par ailleurs que le 19 juillet prochain, le premier ministre se présentera devant notre commission pour faire part de la position concertée du gouvernement sur les différents aspects de cette matière.
M. Marc Hordies (ECOLO). - Je voudrais féliciter mon collègue Philippe Moureaux pour l'esprit de son intervention, tout en exprimant mon embarras, tout comme M. le président.
En tant que membre de la commission du suivi du Comité R et en tant que rapporteur des conclusions de cette commission, plus particulièrement, des derniers rapports du Comité R en cours d'examen, je suis en effet doublement tenu à la totale discrétion au sujet des travaux de cette commission avant que ce rapport ne soit approuvé et présenté au Sénat.
Par ailleurs, je vous rappelle que les commissions P et R réunies doivent encore entendre le premier ministre à ce sujet le 17 juillet, avant de pouvoir déposer leurs recommandations.
Je m'en tiendrai donc là afin de respecter le fonctionnement parlementaire et mes engagements de membre et de rapporteur de cette commission.
Sachez néanmoins que si les conclusions de nos travaux confirment les hypothèses de nombreux spécialistes en la matière, nous nous élèverons avec la plus grande fermeté contre ce qui sera alors apparu comme une atteinte aveugle, a priori, sans contrôle démocratique ni judiciaire par notre pays et par l'Europe, des droits fondamentaux des citoyens, de la protection des pouvoirs et autorités publics, de la défense des intérêts économiques de nos entreprises. Il s'agira alors sans doute de suivre la proposition de M. Philippe Moureaux.
Sachez enfin que je regrette profondément qu'une majorité des députés du Parlement européen n'ait pas suivi le député européen Paul Lannoye dans sa demande de création d'une commission d'enquête à ce sujet. Une telle commission n'aurait pu qu'aider à clarifier cette hypothèse potentiellement et particulièrement préoccupante.
Je me réjouis donc de ce point de l'exposé de M. Philippe Moureaux. Si ce dernier avait été chef de groupe au Parlement européen, il aurait pu faire basculer le vote dans le sens de la création d'une commission d'enquête.
De heer Hugo Vandenberghe (CVP). - Ik onderschrijf de woorden van de voorzitter van de Senaat. Ze komen de ernst van het debat ten goede en ondersteunen de waarde van de besluiten van de commissie.
Vanzelfsprekend verdient het Echelon-programma onze bijzondere aandacht. Inzicht is geboden om het probleem te kunnen onderkennen. De politiek die de jongste maanden wordt gevolgd is niet altijd de juiste. Het komt er immers niet op aan om a priori een proces te voeren, maar wel om een probleem op te lossen.
De heer Moureaux heeft in zijn uiteenzetting duidelijk gemaakt dat het originele van het Europees Verdrag tot bescherming van de rechten van de mens erin bestaat dat het een objectieve collectieve waarborg voor de naleving van de mensenrechten inhoudt. Een grote innovatie op het einde van de jaren veertig en in het begin van de jaren vijftig was dat een staat een klacht tegen een andere staat kon indienen. Die diende als betichte voor een internationaal hof te verschijnen en kon effectieve sancties worden opgelegd.
In de afgelopen vijftig jaar werden er achttien interstatenklachten ingediend. Ik geef enkele voorbeelden om aan te tonen in welke gevallen wordt overgegegaan tot een procedure. Ik denk hier aan een klacht van enkele landen tegen Griekenland na de staatsgreep van 1967 van de Griekse kolonels; aan een klacht tegen Turkije wegens de bezetting van Cyprus; aan een klacht van Ierland begin de jaren zeventig tegen het Verenigd Koninkrijk omwille van de gebeurtenissen in Noord-Ierland en aan een klacht in 1982 van vijf landen van de Raad van Europa tegen Turkije toen daar een militarisering van het regime plaatsvond. Precies in het kader van deze laatste klacht heb ik gezeteld als lid van de Europese Commissie voor de bescherming van de rechten van de mens. De klacht van de vijf landen tegen Turkije eindigde in 1989 met een minnelijke regeling die er onder meer toe geleid heeft dat Turkije het Europees Verdrag tot bescherming van de rechten van de mens heeft onderschreven en het individuele verhaalsrecht van alle Turkse inwoners, en dus de jurisdictie van het Europees Hof voor de rechten van de mens, heeft aanvaard. Iedereen kan vaststellen dat onze Turkse medeburgers vandaag verhaal kunnen nemen tegen grote problemen die in Turkije blijven rijzen op het vlak van de naleving van het Europees Verdrag tot bescherming van de rechten van de mens. Ik haal deze precedenten aan om er de aandacht op te vestigen dat het gebruik maken van een interstatenklacht in het kader van het Europese Verdrag tot bescherming van de rechten van de mens, een uitzonderlijke gebeurtenis is. Het is niet omdat er problemen zijn in een land dat een dergelijke klacht noodzakelijkerwijze moet worden ingediend. Dit hoeft enkel te gebeuren wanneer het gaat om een ingrijpende inbreuk op het Europees Verdrag tot bescherming van de rechten van de mens.
Wanneer in de volgende weken het Echelon-dossier zal worden onderzocht, zal moeten worden nagegaan waar de verantwoordelijkheden moeten worden gelegd. We staan voor een bijzonder ingewikkeld juridisch probleem, omdat in de wereld spionage- en contraspionageactiviteiten nu eenmaal aanwezig zijn. In verschillende uitspraken hebben de Europese Commissie en het Europese Hof niet in se de spionage- of de contraspionageactiviteiten als strijdig met het Europees Verdrag tot bescherming van de rechten van de mens beoordeeld. Het Hof heeft wel gesteld dat er een wettelijke basis moet zijn, dat de doelstelling van artikel 8.2 van het Europees Verdrag tot bescherming van de rechten van de mens, namelijk de bescherming van de privacy, moet worden nagestreefd en dat deze activiteiten maatschappelijk noodzakelijk moeten zijn.
De Verenigde Staten zijn blijkbaar bij het systeem betrokken, maar de interstatenklacht kan niet tegen de Verenigde Staten worden gericht omdat zij het Europees Verdrag voor de bescherming van de rechten van de mens niet hebben onderschreven. Volgens de pers zouden ook Engeland en Frankrijk hierbij op een of andere manier zijn betrokken. Als men de weg wil volgen die wordt gesuggereerd door senator Moureaux, dan moet eerst worden onderzocht of de Franse, de Britse of de Duitse wetgeving een grondslag biedt om tegen de Franse, de Britse of de Duitse overheid op te treden. Het probleem is immers uitermate gecompliceerd en delicaat. Het afluistermateriaal dat geïnstalleerd is op het eigen territorium, heeft een actieradius die tot op het territorium van andere landen reikt.
Ik wil niet ingaan op de vraag of alle economische activiteiten van bedrijven de bescherming genieten van artikel 8 van het Europees Verdrag tot bescherming van de rechten van de mens. Dat is verre van zeker, aangezien het begrip privacy van artikel 8 niet zo maar van toepassing is op economische activiteiten.
Een en ander roept heel wat vragen op, waarop uiteenlopende antwoorden kunnen worden gegeven.
Ik ben ervan overtuigd dat de Belgische buitenlandse politiek tot doel heeft effect te ressorteren op het terrein. Indien zich inbreuken voordoen op de individuele rechten van onze burgers, moeten wij er borg voor staan dat aan deze inbreuken een einde komt.
De eerste stap die een land dat het Europees Verdrag tot bescherming van de rechten van de mens heeft onderschreven, mijns inziens moet doen, is niet het voeren van een proces, maar wel het nemen van een diplomatiek initiatief in het kader van de Raad van Europa of van de Europese Unie waarmee duidelijk wordt gemaakt dat aan bepaalde praktijken een einde moet worden gesteld.
Daarenboven rijst er een probleem van een totaal andere aard, met name het inschatten van de economische en maatschappelijke schade die de bedrijven mogelijk hebben geleden en de schadevergoeding die ze eventueel kunnen eisen. De interstatenklacht op zich kan hier geen soelaas brengen, omdat particuliere klagers niet bij een interstatenklacht kunnen zijn betrokken, maar de nationale weg moeten volgen, zijnde een strafklacht bij de Belgische overheid, hetzij een burgerlijke procedure tot schadevordering ten aanzien van de Britse, de Duitse of de Amerikaanse regering.
De commissie belast met de begeleiding van het Vast Comité van toezicht op de inlichtingen- en veiligheidsdiensten beschikt over interessante rapporten. Het lijkt me aangewezen om de resultaten van haar werkzaamheden af te wachten. Er kan dan worden onderzocht welke acties de Belgische overheid kan nemen om de doelstellingen te bereiken die de goedkeuring van elk lid van de assemblee wegdragen.
Een klacht van een staat tegen een andere staat wegens overtreding van het Europees Verdrag tot bescherming van de rechten van de mens is geen banale aangelegenheid. Dat heeft geen vergelijk met het individueel verhaal van een advocaat bij het Hof te Straatsburg. Het dossier moet met de nodige ernst worden behandeld en inhoudelijk, feitelijk en juridisch voldoende worden gestoffeerd.
De suggestie van de heer Moureaux is niet a priori te verwerpen. Van zodra de commissie haar werkzaamheden heeft beëindigd, na 19 juli of begin oktober, moet worden onderzocht of op de suggestie kan worden ingegaan.
M. Georges Dallemagne (PSC). - Sans préjudice des conclusions du Comité de suivi et du Comité R, je pense comme M. Moureaux que les informations dont nous disposons aujourd'hui concernant le réseau Echelon et le rôle joué par les autorités britanniques dans le cadre de celui-ci, justifient une action déterminée de la Belgique et de notre gouvernement en particulier.
Des poursuites semblent s'engager en France et une commission temporaire est constituée au sein du Parlement européen. On peut regretter que cette commission ne soit pas une commission d'enquête parlementaire.
En Belgique, M. Moureaux vous a interrogé sur la possibilité pour la Belgique de saisir la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg.
Personnellement, je souhaite vous interroger sur une piste complémentaire ou supplémentaire, à savoir la possibilité pour la Belgique de poursuivre le Royaume-Uni devant la Cour de justice des Communautés européennes de Luxembourg. Vous ne me répondrez peut-être pas aujourd'hui, puisque vous lirez probablement la réponse écrite de votre collègue, mais j'aimerais que vous lui transmettiez ces considérations.
Je suis personnellement d'avis que l'attitude du Royaume-Uni constitue une violation patente, si elle est confirmée, du principe de loyauté communautaire établi par l'article 10 (ex-article 5) du traité instituant la Communauté européenne et selon lequel « les États membres s'abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des buts du présent traité ». Parmi ces buts, je relève plus particulièrement, par rapport au problème qui nous occupe, ceux fixés à l'article 2 du traité comme « la cohésion économique et sociale » ou « la solidarité entre les États membres » ou ceux fixés à l'article 2 du Traité de l'Union comme « le maintien et le développement de l'Union en tant qu'espace de liberté, de sécurité et de justice » ou encore « l'affirmation de son identité sur la scène internationale, notamment par la mise en _uvre d'une politique étrangère et de sécurité commune ». À ces objectifs, on peut encore ajouter celui fixé par l'article 3 du Traité de l'Union selon lequel « l'Union veille en particulier à la cohérence de l'ensemble de son action extérieure dans le cadre de ses politiques en matière de relations extérieures, de sécurité, d'économie et de développement ». Or, l'article 227 du traité prévoit que « chacun des États membres peut saisir la Cour de justice s'il estime qu'un autre État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du présent traité ». Il me paraît donc qu'une voie supplémentaire ou complémentaire à celle proposée par M. Moureaux s'ouvre à nous vers la Cour de justice de Luxembourg.
L'introduction d'une telle procédure aurait également pour avantage d'amener la Commission à prendre ses responsabilités dans la mesure où l'article 227 prévoit qu'« avant qu'un État membre n'introduise, contre un autre État membre, un recours fondé sur une prétendue violation des obligations qui lui incombent en vertu du présent traité, il doit en saisir la Commission. » La Belgique devrait donc saisir la Commission européenne. Celle-ci devrait alors, en vertu de la même disposition, émettre « un avis motivé après que les États intéressés ont été mis en mesure de présenter contradictoirement leurs observations écrites et orales. Si la commission n'a pas émis d'avis dans un délai de trois mois à compter de la demande, l'absence d'avis ne fait pas obstacle à la saisine de la Cour de justice ».
Si cette procédure conduit à une condamnation du Royaume-Uni par la Cour de justice et que celui-ci ne se conforme pas à l'arrêt de la Cour, celle-ci peut, à la demande de la Commission, « condamner le Royaume-Uni à une astreinte d'un montant qu'elle juge approprié ». Ce dernier mécanisme confère à la Commission et à la Cour de justice un moyen efficace de faire respecter les arrêts de cette dernière. C'est pour cette raison que cette piste me paraît intéressante à suivre.
Compte tenu de la gravité des faits en cause et du fait que la Belgique a déjà fait usage de l'article 227 contre l'Espagne - sans succès il est vrai -, je souhaiterais savoir si le ministre des Affaires étrangères envisage de faire usage de cette disposition dans le cadre du problème que constitue le réseau Echelon.
Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Je voudrais parler en tant que co-rapporteuse de ce dossier.
Je tiens à souligner les bonnes conditions dans lesquelles s'est déroulé notre travail, compte tenu d'un point de départ difficile, à savoir la mise au conditionnel de la réalité du système d'écoute qui constitue l'objet de la question effectivement posée au comité R, à la fois par notre commission de suivi et par différents parlementaires.
Si cela peut rassurer M. Moureaux, nous aurons peut-être l'occasion de supprimer ce conditionnel.
Je rappelle d'ailleurs que j'ai, d'emblée, demandé que l'on examine la possibilité de constituer une commission d'enquête, si notre rapport en montre l'intérêt, dans trois directions : la protection de la vie privée et la législation y afférente, la concurrence déloyale ainsi que la formation de la capacité européenne de s'exprimer sur le troisième pilier, matière très importante même si elle apparaît moins clairement dans les traités.
L'exécutif peut ainsi nous fournir certains éléments utiles. A l'occasion des travaux de notre commission du suivi sur le contrôle des services de renseignements, nous aurons encore l'occasion de poser des questions précises au sujet de l'importance d'une qualification des faits. Je pense que ces éléments ne sont pas toujours clairement mis sur la table aujourd'hui. La qualification des faits passe par celle des auteurs. Ce qui me frappe dans les informations que nous recevons, c'est que l'on parle d'une station - que l'on situe en Angleterre - et qu'on en mentionne une autre en Allemagne, mais il manque aujourd'hui encore une qualification précise des faits et de leurs auteurs. C'est sans doute dans cette direction que le gouvernement a intérêt à répondre aux quelques questions que nous lui poserons dans le cadre de notre commission.
Mais puisque M. Daems est présent, de même que le ministre de la Défense, je ne puis que lui conseiller de réfléchir à la question de savoir qui, parmi les forces belges, a eu accès à ces deux stations. Il est vrai qu'elles se trouvent en Angleterre et en Allemagne mais est-il possible qu'en vingt ans, pas un membre des forces militaires belges n'ait eu accès à ces lieux alors qu'il existe sur ce plan une excellente collaboration à tous les niveaux ? Je pense que nous aurons l'occasion de poursuivre notre travail en détail mais puisque M. Flahaut nous fait le plaisir d'être là, je ne puis que lui conseiller de regarder dans cette direction.
Par ailleurs, nous assistons actuellement à des soubresauts passionnants dans la formation de la capacité de décision en matière européenne, particulièrement sur les questions de sécurité européenne et de défense.
Il y aura encore quelques soubresauts et celui-ci est particulièrement intéressant étant donné qu'il oblige la Grande-Bretagne à se poser la question de son lien de fidélité particulier avec les États-Unis. Ce lien est-il compatible avec la requête que nous avons adressée à M. Solana ? Aujourd'hui, les Anglais répondent par l'affirmative. La réponse allemande n'est guère différente et aucune voix allemande réellement institutionnelle ne s'élève à ce propos. M. Solana, qui se montre très discret alors qu'il s'installe à Bruxelles avec un équipement devant correspondre à des normes de sécurité, ne semble pas se poser aujourd'hui ce genre de question. C'est l'une des pistes de réflexion que nous devons envisager en détail.
Sans dévoiler les travaux de la commission, il est évident que la position prise par la France privilégie le seul intérêt que peut avoir un pays qui possède, lui aussi, un système d'écoute, c'est-à-dire qui pratique la concurrence économique déloyale. C'est à l'évidence gênant. La France ne soulève pas l'atteinte à la vie privée. En effet, tous les pays, dont la France, qui ont un système d'écoute, sont susceptibles d'être visés par les conclusions de la commission. Contrairement à ce qui a été dit, il ne s'agit pas de poursuites entamées par le gouvernement français mais d'une simple décision d'enquête sur injonction du gouvernement pour obtenir des informations.
Vous avez, vous le savez, une compétence sur le problème du cryptage qui est des plus intéressants. Certes le volet juridique, judiciaire est passionnant et fera partie du rapport que notre commission prépare. Mais le lien entre technique et démocratie doit être pris en compte. En effet, ce lien - là n'est dominé que par des spécialistes qui ne sont pas nécessairement de notre côté, celui de la démocratie.
Je me pose d'ailleurs des questions. Pourquoi avons-nous eu tout d'un coup une pléthore d'informations sur Echelon ? En effet, le moment de la déclassification des archives de la NSA n'a pas été le moment de la diffusion des informations ; elle a été antérieure. En outre, ces informations ne provenaient pas de pays hostiles au pacte de l'UKUSA mais, au contraire, de sources anglo-saxonnes.
Quand on connaît le coût des techniques de cryptage et de décryptage, quand on connaît leurs qualités, est-il pensable que les informations ne sortent que parce que le système serait, soit démodé, soit remplacé, soit susceptible de créer un marché de la protection qui serait déjà dominé par les firmes américaines. En choisissant une technique de protection, en croyant nous protéger des écoutes, nous nous précipitons, en réalité, dans une direction déjà dominée par des techniciens que nous ne contrôlons pas.
Lorsqu'on est bourgmestre d'une ville où se trouve une centrale nucléaire, qu'on le veuille ou non, on doit s'intéresser au nucléaire. De même, si nous voulons nous protéger contre les techniques d'écoute, nous devrons devenir aussi des experts en matière de cryptage et de décryptage.
Pensez-vous, monsieur le ministre, en conscience, qu'il existe en Belgique des codes de cryptage vendus par des firmes informatiques à des entreprises belges qui ne soient pas, d'une manière évidemment non officielle, transmis aux spécialistes américains ?
Estimez-vous la bataille déjà perdue ? J'estime que ces codes délicats entre tous sont transmis, dès le départ, par le concepteur aux services américains.
Il me paraît intéressant que ce soit précisément vous notre interlocuteur et je me prépare à écouter avec beaucoup d'attention votre réponse.
Le président a rappelé que nous aurons un grand débat lorsque les sénateurs y seront préparés, la commission estimant qu'il est encore trop tôt pour entamer un débat général. De plus, en le différant, nous pourrons bénéficier, pour établir nos conclusions, des éléments obtenus par l'enquête française. Je fais confiance au président pour organiser un débat avec l'ampleur que ce sujet mérite.
M. Rik Daems, ministre des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques. - Je trouve cette question particulièrement intéressante. En effet, même si ne suis pas directement concerné par les relations de la Belgique avec d'autres pays, certains éléments pourraient être intéressants du point de vue technique notamment.
Je voudrais conditionner la réponse qui m'a été fournie par mon collègue des Affaires étrangères à des éléments supplémentaires qui pourraient être apportés par le premier ministre lui-même au cours d'une réunion qui se tiendra le 17 ou le 19 juillet, ou à d'autres éléments qui pourraient encore intervenir dans les jours ou semaines qui viennent.
Mon collègue des Affaires étrangères me demande de vous communiquer les informations suivantes.
Premièrement, compte tenu de la complexité du sujet - c'est la moindre des choses que l'on puisse dire -, il est bon d'évoquer quelques éléments de jurisprudence et de faire un bref rappel historique.
Le 30 mars de cette année, le président de l'Union européenne a condamné le système Echelon en déclarant que le Conseil des ministres ne peut accepter un système d'interception qui ne respecterait pas les droits des États et des citoyens. Toutefois, il a ajouté que le Conseil ne disposait pas d'informations claires ou objectives permettant de conclure à l'existence de ces interceptions.
La question a été soulevée au Parlement européen le 30 mars. Le commissaire Liikanen, chargé des télécommunications, a indiqué qu'à la suite d'une demande de la Commission, le Département d'État des États-Unis a envoyé une lettre affirmant que les services de renseignement américains ne pratiquent pas d'espionnage industriel. Ce dernier élément doit, je l'avoue, être mis entre guillemets.
Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Mais bien de l'espionnage en quantité industrielle.
M. Rik Daems, ministre des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques. - Il s'agit d'autre chose. Il faut que je m'en tienne aux éléments formels car cette affaire est assez importante et chaque mot a son poids.
Les autorités britanniques ont, par ailleurs, précisé que leurs services de renseignement travaillent dans le cadre légal fixé par le parlement et qu'ils n'effectuent que des interceptions autorisées - des interceptions sont donc bien effectuées - relatives à la sécurité nationale, à la sauvegarde du bien-être économique de la nation et à la grande criminalité. Les autorités britanniques reconnaissent donc effectuer des interceptions autorisées, en relation avec la sauvegarde du bien-être économique de la nation. Je trouve cette déclaration assez forte.
Du point de vue juridique, mon collègue des Affaires étrangères communique les données suivantes. Premièrement, il existe peu d'informations sur les bases politiques et légales du système Echelon, ce qui rend aléatoire l'identification des responsabilités ainsi que la base légale sur laquelle bâtir une plainte.
Deuxièmement, l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme prévoit que toute personne a droit au respect de sa vie privée. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence soit prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être démocratique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui.
Je vous fais quand même remarquer que parmi les éléments qui figurent explicitement à l'article 8, on ne trouve pas la sauvegarde du bien-être économique d'un pays. Cela me paraît important.
La Cour a élaboré une jurisprudence sur l'interprétation de l'article 8, y compris sur l'utilisation des écoutes téléphoniques. Elle admet la légitimité des interceptions téléphoniques de la part des autorités publiques en tant qu'instrument de défense des États démocratiques contre les menaces du terrorisme et de la délinquance. Elle a toutefois prévu des garanties pour éviter que le pouvoir discrétionnaire offert à l'État gardien de la démocratie ne devienne un instrument de menace et de destruction des institutions démocratiques.
Les limites et modalités d'exercice du pouvoir de surveillance doivent donc être précisées par une loi connue des citoyens, ce qui est bien le cas au Royaume-Uni, paraît-il.
Troisièmement, selon les informations, Echelon serait un système secret de surveillance et d'interception de télécommunications civiles et militaires opérées à l'échelle mondiale par les Etats-Unis et des pays alliés anglo-saxons.
L'architecture présumée du réseau, l'origine extraeuropéenne des acteurs et l'étendue de son rayon d'action rendent malaisée toute initiative juridique devant la Cour européenne des droits de l'homme.
La convention européenne a été établie pour construire et protéger un ordre juridique européen. Elle a mis sur pied une juridiction qui surveille les engagements souscrits et révèle les violations commises dans l'espace européen par les États membres en les obligeant à y mettre fin par des moyens appropriés. L'exécution des arrêts est laissée aux États mêmes.
Le mécanisme de la protection européenne des droits de l'homme est peu outillé pour faire face à des systèmes transnationaux mis en _uvre par une pluralité d'États non européens. Il n'a pas été conçu pour poursuivre les États dont la responsabilité internationale simple ou pénale serait à établir.
Faut-il maintenant envisager une requête étatique individuelle ou une requête interétatique, sachant que de nouveaux éléments peuvent encore intervenir ? En tout cas, une requête individuelle serait très difficile à défendre en raison de la complexité du dossier. Dès lors, une requête étatique individuelle ne peut avoir qu'une portée symbolique, mais elle est tout de même importante.
Le dépôt d'une requête interétatique suppose une forte volonté politique et une grande cohésion des corequérants. Quel que soit le regret que l'on puisse en éprouver, il n'est pas certain qu'une telle volonté soit unanime parmi les États membres de l'Union européenne. De ce fait, le vice-premier ministre estime que, pour la Belgique, les inconvénients d'une telle démarche l'emportent sur les avantages symboliques qui en découleraient. Cette réponse est aussi conditionnée par d'éventuels éléments supplémentaires induits.
Je voudrais à présent ajouter quelques considérations personnelles.
Ik wil immers een foutieve terminologie vermijden.
Het staat als een paal boven water dat het bestaan van een dergelijk systeem technisch mogelijk is. Men kan een systeem ontwikkelen dat bepaalde communicatiestromen onderschept en begrijpt. Indien men erin slaagt de manier van decoderen te dupliceren, kan men boodschappen lezen en begrijpen die aan een andere persoon zijn gericht. Dit klinkt wellicht simplistisch, maar het is de essentie van een interceptiesysteem.
Bovendien is het mogelijk dit systeem op grote schaal toe te passen. Men kan werken op basis van strings - vervlochten bits en bytes - of van woorden. Zo kunnen alle berichten die het woord "bom" bevatten, worden geïsoleerd om na te gaan of ze iets te maken hebben met terrorisme. Men kan zelfs wettelijk vastleggen dat berichten die een bepaald woord bevatten, systematisch worden gecontroleerd.
Het enorme volume aan informatie is wel degelijk beheersbaar. Wanneer de nodige capaciteit voorhanden is, kan men op basis van een aantal sleutelelementen alle potentieel belangrijke boodschappen screenen.
Aangezien men naast het woord "bom" net zo goed de woorden "graan", "geld" of "olie" kan kiezen, is het ook mogelijk boodschappen van economisch belang te controleren. Dat is verontrustend. Met de nodige democratische controle kan men perfect overgaan tot interceptieconcepten die de gemeenschap beschermen, maar die zeer grote beveiligingsmaatregelen vereisen. Hierbij moet men voortdurend afwegen of het individuele risico opweegt tegen een potentiële algemene screening en of een atteinte à la vie privée verantwoord is. Ik kan niet met zekerheid antwoorden op de vraag in hoeverre een dergelijke praktijk thuishoort in het domein van de democratische controle en op welke manier hij moet worden georganiseerd. Dit is maar mogelijk op voorwaarde dat het gaat om informatie van algemeen nut. De effectiviteit van het systeem is op dat ogenblik nihil, omdat de personen die misbruik maken van een communicatie, zich op een andere manier zullen organiseren. Men moet goed voor ogen houden dat de criminele milieus steeds over meer investeringsmiddelen beschikken dan de overheid, die de criminele milieus moet bestrijden. Dit betekent met andere woorden dat de boosdoeners vaak een voorsprong hebben. Om criminele activiteiten te bestrijden, is het noodzakelijk dat het systeem geheim blijft.
Ik herhaal dus dat een interceptiesysteem technisch gezien perfect mogelijk is. Het bestaan ervan zou uiteraard heel wat problemen doen rijzen. Een van de succesfactoren die het communicatielandschap mee bepalen, is immers het vertrouwen van de gebruiker in het systeem. Indien dit vertrouwen wordt geschaad omdat de indruk wordt gewekt dat de informatie niet individueel is, implodeert het systeem.
Het is dus begrijpelijk dat dit soort van interceptiesystemen zo geheim wordt gehouden. De kritische succesfactor van een communicatiesysteem berust immers op het vertrouwen in het systeem. Het debat dat hier, maar ook in de Kamer en ongetwijfeld in heel Europa wordt gevoerd, zal ook een zeer grote economische weerslag hebben op alle communicatiesystemen die vandaag worden ontwikkeld. Dit debat vereist dus enige voorzichtigheid.
Is het gebeurde aanvaardbaar? Elke democratische assemblee zal daarover wellicht dezelfde gevoelens hebben, namelijk dat het te gek zou zijn de eigen economie te verdedigen door niet-concurrentiële praktijken toe te passen. Een bepaalde informatie capteren en misbruiken komt neer op deloyale concurrentie, wat in de interne markt niet mag. Dat is zeker een interessante invalshoek voor het economische deel van het debat.
Het probleem van de privacy moet in de democratische debatten zeker naar voor komen en met de meeste aandacht worden bekeken. Het vertrouwen in het systeem dreigt er immers door te worden aangetast.
Welke stappen kan een land terzake doen? De stappen die de heer Moureaux voorstelt, kunnen interessant zijn, maar ik houd me zeer strikt aan het antwoord van mijn collega van Buitenlandse Zaken. We voeren hier immers een publiek debat over een zeer belangrijke zaak. Elk uitgesproken woord kan gevolgen hebben.
Wat kan ik vanuit mijn eigen bevoegdheid doen? Ik zie twee belangrijke aspecten.
Ten eerste zou deze aangelegenheid moeten worden bekeken in het kader van het Europees beleid inzake de interne markt en de communicatie, al is het maar om hypothetisch te onderzoeken hoe op Europees niveau op dergelijk probleem kan worden gereageerd. Als de Europese commissaris voor Interne Markt ziet dat een bedrijf of een overheid niet concurrentieel handelt, kan hij rechtstreeks ingrijpen. Daarover hoeven geen grote debatten te worden gehouden. Het gaat gewoon om een ingebrekestelling. Dat kan dus een interessante invalshoek zijn. Ik heb contact gehad met commissaris Liikanen, bevoegd voor innovatie en informatiemaatschappij, die eventueel bereid is deze hypothese en de gevolgen ervan te onderzoeken.
Ten tweede zal ik contact opnemen met secretaris-generaal Utsumi van de International Telecommunication Union, ITU, de wereldorganisatie die zich met dit soort problemen bezighoudt. Die organisatie is ook bevoegd voor het aspect veiligheid van de telecommunicatie. Ze is in essentie opgericht om ontwikkelingslanden te helpen en heeft bevoegdheid inzake radiofrequenties en satellietlicenties. Ik zal vragen de gevolgen van dit hypothetisch systeem, dat technisch realiseerbaar is, te onderzoeken.
Tot zo ver mijn visie, die ik geef als aanvulling op de informatie van de minister van Buitenlandse Zaken en die kan dienen om in een breder debat een juiste besluitvorming mogelijk te maken.
M. Philippe Moureaux (PS). - Je me réjouis que le débat ait pu avoir lieu nonobstant l'avis du président du Sénat. Je pense en effet que ce n'était pas inutile. Ma satisfaction s'arrête néanmoins là, car j'ai surtout entendu, de la part de mes collègues et du ministre, des propos reconnaissant la matérialité du crime mais traduisant une situation où la recherche du cadavre, que l'on ne souhaite pas tellement retrouver, passe au second plan. Souvent, dans les affaires de meurtres commis par la mafia, le cadavre reste introuvable : il est sous l'eau. J'ai un peu l'impression que certains tournent autour de cette idée. Je suis bien conscient que le ministre s'est borné à lire la réponse de son collègue. Je lui dirai néanmoins que l'analyse juridique du département des Affaires étrangères est extrêmement faible et ne tient nul compte de ma démonstration. J'ai répondu de manière anticipée aux arguments tendant à démontrer que nous ne pouvions aller devant la Cour européenne, en me référant d'ailleurs à la jurisprudence. Je ne peux reprocher à M. Daems de ne pas avoir pris la balle au bond mais je lui demanderai de prier son collègue d'inviter son service juridique de s'informer quant à la jurisprudence.
Quoi qu'il en soit, ma déception est grande, car au moment où l'on commence à parler d'Echelon, où l'on se rend compte qu'il existe peut-être mais que les éléments de preuve font défaut, les hommes politiques européens, y compris notre ministre des Affaires étrangères, font de la musculation. Si cela existe, on va voir ce que l'on va voir ! Au fur et à mesure que les preuves de l'existence d'Echelon s'accumulent, les muscles deviennent filandreux et on dit qu'il faut éviter de peiner nos amis anglais. On peut toujours espérer un sursaut, mais je crains la « frilosité » des grands pays. Mme Lizin a eu raison de dire pourquoi la France insistait dans le cadre de sa « pré-enquête » sur les aspects économiques. Je pense d'ailleurs que si nous parlions des droits de l'homme, la France devrait peut-être, elle aussi, se regarder dans un miroir. Je dois en tout cas avouer, après avoir entendu la réponse du ministre, que mon espoir qu'un petit pays comme le nôtre serait éventuellement plus courageux, s'amenuise. Je crains que les puissants lobbies internationaux nous fassent taire, tant au niveau du parlement qu'à celui du gouvernement. C'est très dommage pour la défense de la démocratie.
M. le président. - Je pense qu'il ne faut jamais préjuger des travaux d'un parlement, surtout sur un sujet aussi important.