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De voorzitter. - De heer Antoine Duquesne, minister van Binnenlandse Zaken, antwoordt namens de heer Louis Michel, vice-eerste minister en minister van Buitenlandse Zaken.
M. Georges Dallemagne (PSC). - L'Organisation internationale du travail vient de voter ce 14 juin la résolution la plus radicale de son histoire, relative au travail forcé. Cette résolution recommande, entre autres, à l'ensemble des membres de l'OIT - les États, travailleurs et employeurs - de revoir leurs relations avec le Myanmar si celui-ci n'a pas éradiqué le travail forcé au 30 novembre 2000.
Il s'agit en fait d'obliger le gouvernement du Myanmar - la Birmanie - à appliquer la convention numéro 29 sur le travail forcé que la Birmanie a ratifiée en 1955 et qu'elle ne respecte manifestement pas.
Cette résolution est sans précédent car fondée sur l'article 33 de la Constitution de l'OIT, qui n'avait jamais encore été utilisé en 81 ans de fonctionnement de cette organisation. La procédure fondée sur cet article ne peut être utilisée que dans des cas où un pays ne se conforme pas, dans le délai prescrit, aux recommandations d'une commission d'enquête, les commissions d'enquête n'étant instituées qu'en cas de violations graves et persistantes des normes internationales du travail.
C'est sur la base d'une commission d'enquête de 1998, composée de trois juristes internationaux renommés, que la Conférence internationale du travail de l'OIT s'est prononcée à une très large majorité en faveur de cette résolution : 257 voix pour, 41 contre et 31 abstentions. Cette commission d'enquête avait conclu que "l'obligation de supprimer l'emploi du travail forcé ou obligatoire est violée au Myanmar dans la législation nationale, ainsi que dans la pratique, de façon généralisée et systématique, avec un mépris total de la dignité humaine, de la sécurité, de la santé et des besoins essentiels du peuple du Myanmar". La commission d'enquête avait demandé au gouvernement du Myanmar de veiller à ce que les autorités, et notamment les militaires, n'imposent plus de travail forcé ou obligatoire et que des mesures juridiques ainsi que des sanctions soient prises à l'encontre de ceux qui imposent du travail forcé ou obligatoire.
Dans une lettre datée du 27 mai 2000, le ministre du Travail du Myanmar avait déclaré avoir pris et continuer à prendre les mesures nécessaires pour qu'aucun cas de travail forcé ne se produise plus dans son pays. Il ajoutait, je cite, que son pays « est prêt à envisager des mesures administratives, gouvernementales et législatives propres à assurer que de telles pratiques ne se reproduiront pas dans l'avenir ».
Tout en reconnaissant que la lettre du ministre « contient des éléments qui semblent refléter des intentions encourageantes des autorités du Myanmar de prendre des mesures en vue de donner effet aux recommandations de la commission d'enquête », la Conférence a jugé, je cite, que « la situation de fait n'en demeure pas moins inchangée à ce jour ».
Aux termes de la résolution adoptée par l'OIT le 14 juin, une série de mesures prendront effet le 30 novembre 2000 sauf si, avant cette date, le Conseil d'administration a pu se convaincre que les intentions manifestées par le ministre du Travail de Birmanie se sont traduites en un dispositif d'ensemble législatif, gouvernemental et administratif « suffisamment concret et détaillé pour montrer que les recommandations de la commission d'enquête ont été mises en _uvre ».
La résolution prévoit également que la question du travail forcé en Birmanie sera régulièrement inscrite à l'ordre du jour des futures sessions de la Conférence tant qu'il n'est pas avéré que le Myanmar s'est acquitté de ses obligations.
La question de la Birmanie a déjà été évoquée récemment au Sénat, notamment lors de l'adoption d'une proposition de résolution. Je pense que la résolution que vient de voter l'OIT est l'occasion pour le gouvernement de notre pays de s'affirmer davantage encore dans ce dossier, comme il l'a fait dans d'autres ces derniers mois en matière de défense des droits de l'homme.
C'est dans ce cadre que je souhaite vous poser trois questions.
Premièrement, quelles suites concrètes le gouvernement belge compte-t-il donner à cette résolution de l'OIT?
Deuxièmement, à l'image de la prise de position du gouvernement britannique, le gouvernement belge envisage-t-il de demander officiellement et publiquement à TotalFina de se retirer de Birmanie ou de faire publiquement pression sur la junte pour le rétablissement de la démocratie et le dialogue avec Aung San Suu Kyi?
Troisièmement, quelles ont été les actions du gouvernement belge pour mettre en _uvre les recommandations de la résolution sur la Birmanie votée au Sénat le 25 mai dernier?
M. Antoine Duquesne, ministre de l'Intérieur. - Les pérégrinations de notre ministre des Affaires étrangères à travers le monde me donnent régulièrement le plaisir, monsieur Dallemagne, de vous répondre en son nom. Il se trouve pour l'instant en Afrique centrale.
Je suis bien conscient de la situation qui prévaut en Birmanie et les rapports de l'Organisation internationale du travail sont accablants. Dans une résolution, les Quinze ont également condamné la pratique du recours au travail forcé en Birmanie. J'ai déjà abordé, avec mes collègues de l'Union européenne, la question des mesures commerciales à l'encontre de la junte birmane. Mais, à ce stade, il n'existe pas de consensus au sein des Quinze. Or, un consensus est indispensable pour la prise de telles mesures.
Je suis au courant de la prise de position du gouvernement britannique. Je tiens néanmoins, par souci de clarté, à apporter une précision. Londres à appelé la compagnie pétrolière « Premier Oil » à stopper les négociations qu'elle avait entamées avec le régime militaire de Rangoon. « Premier Oil » était donc toujours en phase de négociation.
Pour TotalFina, la situation est différente. Le groupe est déjà installé. En 1992, il a investi un milliard de dollars pour la construction d'un gazéoduc. C'était à l'époque un investissement de Total dans lequel la Petrofina n'avait jamais été impliquée.
J'ai fait part à l'actuelle direction du groupe pétrolier issu d'une fusion franco-belge, de mes plus vives inquiétudes et de ma désapprobation à l'égard d'une politique exclusivement commerciale qui ne tient pas compte des exigences démocratiques les plus élémentaires.
J'ai également fait état de ces préoccupations à mon collègue français.
En ce qui concerne la résolution votée par le Sénat, le gouvernement ne peut être accusé d'immobilisme. Vous nous demandiez d'insister auprès du gouvernement birman afin qu'il entame une concertation tripartite avec la National league for democracy, y compris avec Mme Aung San Suu Kyi, et avec les représentants des minorités ethniques. Il y a quelques semaines encore, le dialogue au niveau ministériel entre la Birmanie-Myanmar et les Européens était coupé. Il n'y a plus eu de sommet Union européenne-Asean - les dix pays du Sud-est asiatique, dont la Birmanie-Myanmar - depuis 1996, justement à cause du dossier birman, certains États refusant de s'asseoir à la même table que la junte birmane.
La Belgique a toujours plaidé pour la reprise de ce dialogue au niveau ministériel, précisément parce que, les ponts étant coupés, les Européens ne disposent plus de canaux officiels pour expliquer à la junte leur façon de penser, ni les exhorter à entamer des négociations avec l'opposition, ni aborder avec eux les questions qui nous préoccupent tous, à savoir le sort des prisonniers politiques, la fermeture des universités et l'accès du rapporteur spécial des Nations unies pour la Birmanie. La position que la Belgique a défendue a finalement été acceptée par les autres États membres. Un sommet Union européenne-Asean des ministres des Affaires étrangères aura lieu au second semestre en Asie. La date et le lieu doivent encore être précisés.
La Belgique ne manquera pas l'occasion d'exprimer aux Birmans son point de vue quant à la nécessité d'un dialogue entre les différents acteurs. Et, je le répète, c'est précisément parce qu'elle veut pouvoir parler directement, clairement et franchement avec le régime birman que la Belgique a soutenu et défendu la nécessité de reprendre le dialogue entre l'Union européenne et l'Asean.
Vous nous recommandiez également d'insister au sein du Conseil des ministres européen pour que de nouvelles sanctions soient prises contre le régime birman. Les Quinze se sont mis d'accord pour les renforcer. Il y a trois types de sanction. Tout d'abord, un embargo sur l'exportation de matériel de police et de tout équipement pouvant servir à la répression. Ensuite, un élargissement de la liste des personnes interdites de visa pour l'étranger : les militaires, leur famille. Les noms de ces personnes y figurant pourraient être publiés. Une exception à la délivrance de visas pourra être faite chaque fois que les intérêts de l'Union le nécessitent, par exemple si des réunions ministérielles avec les dix pays de l'Asean devaient se tenir en Europe. Enfin, un gel des avoirs à l'étranger des personnes figurant sur la liste des interdits de visas.
Concernant l'aide humanitaire, les Quinze souhaitent l'augmenter à condition que son acheminement soit contrôlé et que l'aide parvienne réellement aux destinataires.
Vous nous demandiez aussi de favoriser les contacts avec l'opposition birmane. Comme je l'avais annoncé à la Chambre le 21 mars, j'ai reçu le premier ministre birman en exil, le docteur Sein Win, le 13 avril dernier. Cet entretien fut l'occasion pour moi de lui exprimer le soutien du gouvernement belge.
M. Georges Dallemagne (PSC). - Je remercie le ministre de l'Intérieur d'avoir eu l'obligeance de répondre en lieu et place de M. Michel qui, effectivement, voyage beaucoup.
J'ai cru comprendre que la Belgique serait disposée à suivre la résolution de l'OIT à condition que les Quinze parviennent à un accord à ce sujet. Je présume que dans l'hypothèse contraire, nous ne suivrions pas la résolution de l'OIT alors que nous avons voté cette résolution historique. Il y aurait un réel problème si, à un moment donné, les États membres de l'Union européenne devaient se trouver en contradiction avec l'OIT. En effet, l'OIT demande clairement de s'abstenir de toute relation commerciale avec la Birmanie.
M. Antoine Duquesne, ministre de l'Intérieur. - Un consensus est indispensable pour la prise de telles mesures.
M. Georges Dallemagne (PSC). - Se poserait donc un problème entre une recommandation que notre pays a votée et une position qui, en tout cas aujourd'hui, n'obtient pas de consensus au sein de l'Union européenne. Je le regrette.
Deuxième élément : je comprends que l'on n'interviendra pas auprès de TotalFina pour lui demander de s'abstenir de toute activité commerciale en Birmanie. Je rappelle pourtant qu'il a été prouvé que du travail forcé a été organisé dans le cadre du chantier de TotalFina. Par ailleurs, lors de la dernière assemblée générale de TotalFina à laquelle j'ai eu le plaisir de participer en tant qu'actionnaire momentané, la société a dit que ses activités en Birmanie ne généraient aucun revenu, ce que d'autres sources contestent. Dès lors, on comprend mal pourquoi elle poursuit ces activités, compte tenu des témoignages faisant savoir que celles-ci sont liées, soit indirectement soit au corps défendant des responsables, à du travail forcé et à la présence importante de militaires.
Je ne comprends pas non plus l'argument selon lequel le gouvernement britannique aurait raison de donner une telle injonction à Premier Oil et que nous aurions raison de nous abstenir par rapport à TotalFina.
- Het incident is gesloten.