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Sénat de Belgique

Annales parlementaires

JEUDI 4 MAI 2000 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de M. Jacky Morael au ministre de la Justice sur «l'accord intervenu au sein du gouvernement sur le projet de plan de sécurité» (n° 2-231)

Question orale de Mme Clotilde Nyssens au ministre de la Justice sur «le plan de sécurité du gouvernement» (n° 2-234)

M. le président. - Je vous propose de joindre ces questions orales. (Assentiment)

M. Jacky Morael (ECOLO). - La presse de ces derniers jours a donné un très large écho à la réunion tenue ce samedi 29 avril à Gand, où le premier ministre avait invité les vice-premiers ministres ainsi que le ministre de la Justice afin de débattre des grandes orientations du projet de plan de sécurité qui a suscité nombres de commentaires. Aucun texte n'ayant encore été rendu public ni transmis au parlement, je souhaite interroger le ministre de la Justice sur les grandes lignes de ce plan, le premier ministre ayant annoncé un accord général, et sur les modifications qui seront, en conséquence, apportées par le ministre au projet tel qu'il fut déposé initialement devant les assemblées parlementaires. Les échos de presse font, en effet, état de points qui auraient été supprimés, par exemple le recours aux firmes privées de sécurité, reportés à des volets ultérieurs, comme le trafic de drogues, ou modifiés, comme la concertation avec les communautés en matière de délinquance juvénile.

Est-il exact que les Communautés seront mieux associées à la définition de la politique et à son application pour ce qui concerne leurs compétences ? Est-il exact que le recours aux firmes privées serait suspendu, retiré ou laissé tel quel ? L'octroi de la qualité d'officier de police judiciaire aux agents du fisc a-t-elle été évoquée ? Le détachement d'agents de l'administration fiscale auprès des parquets et des tribunaux pour la poursuite d'infractions financières a-t-il été évoqué lui aussi ? La médiation pénale deviendra-t-elle possible même après qu'une poursuite ait été engagée, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ? Est-il exact que les peines alternatives deviendront des peines à part entière, comme s'y était engagé le ministre de la Justice devant les assemblées parlementaires ? Est-il encore exact que l'Institut de justice et de sécurité gardera son rôle de coordination et qu'on maintiendra une autonomie de la recherche en matière de justice et de définition des politiques pénales ?

Le ministre ne sera pas étonné par le deuxième volet de ma question qui concerne la criminalité organisée. Il nous a fait, la semaine dernière, un excellent rapport sur la criminalité organisée, au sein de la commission sénatoriale de suivi. À l'occasion de ce rapport, qui doit encore être débattu et qui faisait l'état de la situation en 1998, le ministre, répondant à mes questions, a affirmé qu'il était bien dans son intention d'intégrer dans le plan de sécurité, autant que possible, l'ensemble des recommandations de la commission d'enquête sénatoriale sur la criminalité organisée qui a eu lieu lors de la législature précédente. C'étaient des recommandations précises, concrètes, qui demanderont des moyens humains, en particulier, dans le secteur des douanes. Je souhaite qu'il puisse confirmer ses propos en séance plénière, ce qui ravirait mon groupe. Je l'en remercie d'emblée.

Mme Clotilde Nyssens (PSC). - Je suis avec intérêt la mise au point de votre plan intitulé « gestion intégrale de sécurité ». Je lis donc la presse à ce sujet.

Un ensemble de questions porte sur le calendrier de votre réforme et sur les compétences attribuées à chacun des partenaires. Avez-vous pu définir celles-ci dans le chef du gouvernement fédéral, des communes et des Communautés ? Si des concertations sont nécessaires, comment seront-elles organisées ? Quel est votre rôle en tant que responsable de la sécurité ? Resterez-vous le metteur en scène, comme vous y avez déjà fait allusion ? Ou, au contraire, suivra-t-on la procédure ordinaire et chaque ministre fédéral présentera-t-il ses projets particuliers, en fonction de ses compétences ?

Quel est le calendrier ? Quels projets seront déposés au parlement pour que celui-ci puisse exercer un contrôle ? Qui rédige ces projets ? J'ai souvent entendu dire que certaines parties de votre plan étaient rédigées en étroite collaboration avec le secteur privé des entreprises de sécurité et de gardiennage. Pouvez-vous confirmer que ce sont bien des membres de votre cabinet- et donc du personnel politique- qui rédigent ces documents fondamentaux ?

Par rapport à la première version de votre plan, on observe des changements en ce qui concerne le secteur privé. Les entreprises de gardiennage et les agents privés seront-ils toujours présents dans certains domaines, notamment dans le transfert des détenus ? Qu'en est-il de la réforme sur la vente des armes ?

En ce qui concerne le trafic des drogues, cette matière ne fera pas partie de votre plan et sera traitée à part. Le processus parlementaire habituel, c'est-à-dire l'examen de propositions de loi, à la Chambre ou au Sénat, sera-t-il respecté ? Un accord est-il intervenu au sein de la majorité sur une dépénalisation partielle en matière de drogues et sur les traitements et produits de substitution ?

Enfin, pouvez-vous préciser vos projets en matière de protection de la jeunesse ?

Je suivrai avec attention l'évolution de ce plan qui est attendu par la population ; à la veille des élections communales, les gens attendent des mesures concrètes et je partage ce souci.

M. Marc Verwilghen, ministre de la Justice. - Vos questions sont très ponctuelles sur certains sujets. Samedi dernier, lors d'une réunion extraordinaire à Gand, le cabinet restreint est arrivé à un accord sur les grandes lignes du plan fédéral de sécurité et de politique pénitentiaire que j'ai proposé. Nous procéderons aux dernières adaptations du texte au cours d'une réunion inter-cabinets, le 19 mai prochain. Ensuite, le plan sera soumis à l'accord du conseil des ministres afin qu'il puisse être déposé au parlement pour la fin du mois de mai.

Il me semble opportun d'ouvrir le débat à ce moment puisque vous déposerez des textes et nous pourrons alors mener la discussion comme il se doit.

En ce qui concerne les grandes lignes, je puis vous dire que la chaîne de sécurité sera préservée, à savoir la prévention, la répression et le suivi. Les neuf priorités que j'ai proposées ne seront pas modifiées. L'accent a cependant été mis sur certains points et certains aspects ont été davantage mis en évidence, ce qui correspondait à l'intention initiale du plan parce qu'il s'agissait d'un document de travail.

C'est ainsi qu'un chapitre sur l' « administration de la justice rapide et humaine » sera ajouté au plan et que la coopération avec les Régions et les Communautés sera davantage mise en évidence.

Il a été convenu de retirer du plan de sécurité le chapitre relatif aux troubles et à la criminalité liés aux drogues. En octobre ou novembre 2000, une étude portant sur cette priorité sera achevée et un plan séparé en matière de lutte contre la toxicomanie sera établi.

En ce qui concerne la lutte contre le crime organisé à laquelle M. Morael a fait allusion dans sa question, je confirme ce que j'ai dit devant la commission du suivi de la commission d'enquête parlementaire sénatoriale.

Je crois, en effet, que les recommandations de cette commission d'enquête doivent être suivies et qu'elles sont une priorité pour ce gouvernement. En outre, il convient de se pencher sur les moyens octroyés à certains services de contrôle, notamment les inspections sociales et les douanes.

Mme Nyssens a posé une question relative aux compétences. Je rappelle que celles-ci appartiennent, tantôt au ministre compétent au niveau fédéral, tantôt au ministre compétent au niveau régional. Il est évident que chaque ministre garde les compétences qui lui sont propres. Je ne joue qu'un rôle de régie en la matière, rôle qui se traduira toutefois dans le plan final dont nous aurons l'occasion de discuter dans le courant du mois de mai ou de juin.

M. Jacky Morael (ECOLO). - Je me réjouis du maintien par le ministre de la chaîne de sécurité : d'abord la prévention, ensuite la répression.

Je me réjouis également du maintien des neuf priorités qui avaient été, in fine, établies en matière de type de criminalité à poursuivre et à sanctionner. Ce point faisait l'objet d'un consensus, tant au sein de la majorité que de certains groupes de l'opposition.

Je me réjouis enfin du renforcement de la coopération avec les Régions et les Communautés.

Je comprends que le chapitre particulier aux drogues fasse l'objet d'un chapitre séparé en raison de la complexité de cette problématique dont nous discuterons ultérieurement. Nous avons eu l'occasion d'en débattre au sein de la commission du suivi au Sénat, notamment à cause du sort fait à l'Observatoire des drogues.

Pour le reste, j'attends de connaître les projets précis que le gouvernement nous annonce pour la fin mai. J'espère que ce plan, ainsi que cela a été confirmé lors de l'accord du Cabinet restreint qui s'est tenu à Gand, sera cohérent, lisible et susceptible d'être mis en _uvre. J'espère qu'il reflétera intégralement la déclaration gouvernementale.

Je fais confiance au ministre de la Justice. Je suis persuadé qu'il mettra tout en _uvre pour qu'il en soit ainsi. Si c'est le cas, nous aurons certainement l'occasion d'avoir de bons débats qui traverseront d'ailleurs les clivages qui peuvent séparer la majorité et l'opposition.

Je suis heureux du fait que le ministre ait, en séance plénière, confirmé sa volonté d'intégrer les recommandations de la commission du Sénat pour la lutte contre la criminalité organisée, dans le plan de sécurité.

Mme Clotilde Nyssens (PSC). - Le ministre a annoncé qu'il présenterait un plan au Parlement à brève échéance. Je suppose que ce sera à la fois devant la Chambre et le Sénat ou en commission mixte.

J'espère également que le ministre de la Justice sera accompagné de différents ministres puisque les matières touchées sont excessivement nombreuses et qu'il faudra peut-être plusieurs répondants.