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Mme Clotilde Nyssens (PSC). - Cette demande d'explications émane de la communauté italienne de Belgique. Beaucoup d'Italiens, surtout ceux qui sont nés ici, ont gardé leur nationalité italienne ; ils résident en Belgique depuis toujours, sont inscrits dans les registres de la population belge et circulent en Belgique non pas avec une carte d'identité, puisqu'ils ne sont pas belges, mais avec une carte de séjour.
Les articles 7 et 8 du Traité européen prévoient la libre circulation des personnes et la constitution d'un grand marché intérieur. Se basant sur ces principes, ces personnes pensent pouvoir circuler librement en Belgique et dans les pays avoisinants comme la France, munies simplement de leur carte de séjour.
Nombreux sont ceux qui franchissent régulièrement les frontières, belgo-françaises notamment. Certains font l'objet d'un contrôle. Lorsqu'ils exhibent leur carte de séjour, on leur explique qu'elle ne constitue pas un document d'identité et qu'ils doivent produire leur passeport ou carte d'identité d'origine, italienne en l'occurrence.
Ils sont nombreux à ne plus la posséder étant établis en Belgique depuis plusieurs générations et n'ayant pas, peut-être par négligence, effectué les démarches dans leur commune d'origine pour tenir leur document d'identité à jour. Beaucoup circulent donc sans passeport, convaincus que vu l'avancée de l'idée européenne, leur carte de séjour suffit pour circuler en Belgique et dans les pays voisins.
(Mme Sabine de Bethune, première vice-présidente, prend place au fauteuil présidentiel.)
La Cour de justice européenne, dans un arrêt récent prononcé le 21 septembre 1999, a été interpellée à ce sujet par un ressortissant néerlandais qui, venant de France et arrêté à la frontière néerlandaise, avait été fort choqué de voir les autorités néerlandaises lui demander de produire une pièce d'identité. La Cour de justice a, bien sûr, rappelé les principes de la libre circulation à l'intérieur de la Communauté mais a aussi dit que les textes mettant en _uvre les grands principes, dont les articles 7 et 8 du Traité, ne permettaient pas encore de supprimer le contrôle interne dans les États membres.
(M. Armand De Decker, président, prend place au fauteuil présidentiel.)
Les Italiens ont demandé à des parlementaires européens de poser à la Commission et au Conseil, aux autorités européennes, la question de savoir si, dans l'évolution de la Communauté européenne, on ne pourrait imaginer que la carte de séjour ne vaille carte d'identité ou passeport ou qu'à tout le moins, dans un avenir proche, il y ait un document valable pour tous comme une carte d'identité. La réponse du commissaire européen M. Monti a été très prudente. Il a répondu qu'à l'heure actuelle, il fallait en effet avoir un passeport ou une carte d'identité d'origine pour circuler à l'intérieur des frontières.
Je voudrais simplement relayer ici le souci de cette communauté en vous demandant tout d'abord si des contrôles sont effectivement pratiqués à l'intérieur de la Communauté, entre États membres, et si cette carte de séjour ne suffit pas pour circuler.
M. Antoine Duquesne, ministre de l'Intérieur. - Je ne puis qu'adhérer au point de vue de Mme Nyssens - j'espère qu'elle ne trouvera pas mon adhésion trop encombrante - qui dénonce à juste titre que le ressortissant européen, même né en Belgique, doit jusqu'à ce jour toujours se munir de son passeport national lors de ses déplacements en Europe, parce que le titre de séjour délivré par les autorités belges n'est pas reconnu comme preuve de sa nationalité et de son identité, ce qui peut sembler contraire à l'esprit de la libre circulation des personnes à l'intérieur de l'Union européenne.
Mon département participe activement à l'examen de cette problématique par deux voies différentes. D'une part, il y a une initiative au niveau national prise par la direction de la législation et des institutions nationales de mon département, laquelle rejoint l'action commune du Conseil de l'Union européenne ; d'autre part, il y a le projet de règlement de la Commission européenne qui vise la création d'un titre de séjour européen harmonisé. Ce projet est actuellement examiné par le ministère des Affaires économiques au niveau de la Commission économique interministérielle, notamment la sous-commission « problèmes divers » dans laquelle la direction générale de l'Office des étrangers est représentée.
L'initiative de la direction générale de la législation et des institutions nationales dans ce domaine s'est concrétisée par la préparation d'un arrêté d'application de l'article 6, § 1er, de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d'identité, modifié par la loi du 24 mai 1994, visant à la délivrance d'une carte d'identité ou d'une carte de séjour d'un modèle identique à la carte d'identité belge aux étrangers admis ou autorisés à s'établir dans le Royaume, c'est-à-dire à la fois aux citoyens de l'Union européenne et aux ressortissants étrangers des États non membres de l'Union européenne résidant sur notre territoire.
Ce projet n'a pu être finalisé pour un double motif. D'une part, un recours en annulation avait été introduit auprès de la Cour d'arbitrage contre la disposition de la loi précitée du 19 juillet 1991 qui règle l'emploi des langues dans la carte d'identité. Ce recours qui contestait la compétence du législateur fédéral pour régler cet emploi a été rejeté par arrêt de la Cour d'arbitrage n° 74/99 du 30 juin 1999. D'autre part, une action commune a été adoptée le 16 décembre 1996 par le Conseil de l'Union européenne, relative à un modèle uniforme de permis de séjour pour les ressortissants de pays tiers, c'est-à-dire d'États non membres de l'Union européenne.
Le projet d'arrêté établi par mon administration doit dès lors être adapté. D'une part, il doit être mis en conformité avec les normes de l'action commune dont je viens de vous parler en ce qu'il tend à la délivrance d'une carte d'identité aux ressortissants non européens et d'autre part, il convient d'exclure les citoyens de l'Union de son champ d'application étant donné qu'une réflexion est actuellement en cours au niveau européen sur l'opportunité de proposer l'introduction d'un modèle de carte de séjour uniforme pour les citoyens de l'Union.
Mon administration travaille actuellement sur ce dossier. Je dois vous avouer que celui-ci est d'une rare complexité.
L'action commune dispose en son article 7 que les États membres délivrent le permis de séjour uniforme aux ressortissants des pays tiers résidant sur leur territoire, au plus tard cinq ans après l'adoption par le Conseil des spécifications techniques auxquelles le document doit satisfaire.
Le Conseil de l'Union européenne a adopté ces spécifications en 1997, si bien que le permis de séjour uniforme devrait être délivré par les États membres à partir de janvier 2002.
Plusieurs États membres, notamment l'Espagne, rencontrent toutefois d'énormes difficultés pour s'y conformer et souhaitent dès lors qu'elles soient modifiées. Des réunions doivent avoir lieu prochainement au niveau européen pour tenter de résoudre ces difficultés. Je ne manquerai pas de vous tenir informé du suivi de ces réunions.
Quant au projet de règlement de la Commission européenne en la matière, il est actuellement examiné au sein de la commission économique interministérielle. Cette commission nationale travaille sur le projet d'un règlement européen qui vise la création d'un modèle uniformisé de permis de séjour à l'intérieur de l'Union européenne. Ce permis de séjour doit permettre aux ressortissants communautaires résidant dans un des pays de l'Union de voyager d'un État à l'autre, munis de ce seul permis de séjour. L'aboutissement de ce projet permettra la libre circulation des ressortissants communautaires à l'intérieur de l'espace européen sous le couvent d'un permis de séjour.
Mme Clotilde Nyssens (PSC). - Je remercie le ministre de sa réponse. Je vois que l'Europe se construit à petits pas mais je me permettrai de surveiller l'avancement de ce dossier.
- L'incident est clos.