2-311/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1999-2000

25 JANVIER 2000


Proposition de loi modifiant la loi du 3 janvier 1933 relative à la fabrication, au commerce et au port des armes et au commerce des munitions (1)

(Déposée par M. Patrik Vankrunkelsven)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi a un triple objectif :

1º interdire les armes compactes futuristes telles que le P90;

2º interdire les munitions qui sont spécifiquement destinées à ces armes et qui ont une très grande force de pénétration;

3º interdire l'utilisation d'Internet pour faire le commerce des armes.

C'est une série d'articles de presse parus au cours de l'été de 1998, concernant une nouvelle catégorie d'armes, articles qui présentaient le P90 de la FN Herstal comme étant l'archétype de cette catégorie, qui sont à l'origine de la présente proposition de loi. L'arme précitée existerait déjà depuis une dizaine d'années, mais n'a cessé d'être perfectionnée. Une série de modèles plus sophistiqués serait en outre en préparation sous l'appellation Five-Seven-N .

Le P90 est une arme à feu de poing permettant de tirer des balles de 5,7 mm à travers quatre gilets pare-balles. Il est robuste et compact, a une longueur de 40 cm et ne présente pas de saillie. Il est dépourvu de crosse et le chargeur se trouve au-dessus du canon. Il est constitué de matériaux composites, ce qui permet de limiter son poids à 2,8 kilogrammes. Il peut être utilisé par les gauchers comme par les droitiers sans déséquilibrage. Il permet le tir à la hanche et à l'épaule et peut être muni d'une lunette.

En lançant le P90, la FN a créé une nouvelle catégorie d'armes, qu'elle qualifie elle-même de Personal Defense Weapons. Il s'agit d'un pistolet-mitrailleur permettant d'accomplir des missions spécifiques (utilisation dans une zone d'opération limitée) et d'utiliser des munitions spécifiques. Ces munitions constituent sans doute l'élément le plus inquiétant. Le P90 permet en effet de perforer 48 couches de kevlar à une distance de 150 mètres. Or, un gilet pare-balles normal comporte dix couches de kevlar. Ces munitions permettent également de perforer la protection militaire CRISAT, qui est constituée d'une combinaison de kevlar et de titane (cf. Het Nieuwsblad du 28 août 1998).

La Volksunie estime qu'il est illusoire de croire que le P90 ne sera utilisé que par des instances officielles, ainsi que le prétend notamment le patron de la FN, M. Sauvage. Selon des articles de presse, le P90 aurait été utilisé, en janvier 1998, lors d'une attaque d'un transport de fonds perpétrée sur l'E40 à Waremme (Het Laatste Nieuws du 30 septembre 1998). Deux transporteurs de fonds flamands ont trouvé la mort lors de cette attaque. Il est probable que le P90 est également utilisé lors d'autres actions criminelles. Il paraît que la mafia dispose aussi de cette catégorie d'armes : un millier de fusils P90 auraient abouti directement entre les mains de la mafia russe.

Ces événements récents obligent les responsables politiques à réagir, d'autant que les moyens de communication modernes, tels qu'Internet, offrent aux trafiquants d'armes de plus en plus de possibilités de se livrer à leurs transactions en toute quiétude. Il convient, dans ce contexte, d'être également attentif à cette problématique.

Commentaire des articles

Article 2

Nous proposons de modifier l'article 3, alinéa 1er , de la loi du 3 janvier 1933 sur les armes afin d'ajouter les armes de défense personnelle de la catégorie du P90 à la liste des armes prohibées. En développant le P90, la FN a créé une nouvelle catégorie d'« armes de défense » (les « armes de défense personnelle »). Plusieurs autres fabricants d'armes ont dû adapter leurs systèmes d'armements à cette nouvelle catégorie. Cette nouvelle arme se différencie des autres par sa forme compacte, sa légèreté et l'utilisation de munitions très spécifiques. C'est une catégorie d'armes qui, en perfectionnant le pistolet mitrailleur, en fait une sorte particulièrement dangereuse de petit fusil entièrement automatique à munitions à fort pouvoir de pénétration.

En interdisant les armes de cette catégorie, la Belgique enverrait, dans le débat international, un signal en vue de prévenir la production massive et la prolifération d'armes de petite dimension.

Article 3

Aux termes de l'article 4 de la loi sur les armes, nul ne peut fabriquer, réparer, exposer en vente, vendre, distribuer, importer ou transporter les armes prohibées prévues à l'article 3 de la même loi, en tenir en dépôt ou en être porteur. Cette interdiction ne s'applique pas aux armes prohibées dont la fabrication pour l'exportation serait autorisée par arrêté royal. Ce régime dérogatoire n'est, quant à lui, toutefois pas applicable aux mines antipersonnel et pièges ou dispositifs de même nature. Par analogie avec les mines, nous proposons que le régime dérogatoire ne s'applique pas non plus aux armes de défense personnelle de la catégorie P90.

Par souci de précision et aussi par analogie avec les mines, nous proposons d'ajouter, au même article, un alinéa 6 tendant à définir cette arme. L'auteur de la présente proposition est évidemment ouvert à toute suggestion qui pourrait rendre plus précise ou améliorer la définition.

Article 4

Cet article a pour objet de contribuer au développement d'une nouvelle éthique en ce qui concerne les offres pouvant ou ne pouvant pas être faites dans Internet. En lançant tout simplement une recherche dans Internet, on peut consulter des catalogues entiers d'armes avec la mention de toutes les adresses utiles. Le réseau contient en outre des messages codés concernant les armes. Il est particulièrement inquiétant de constater que le niveau de fréquentation des nombreux sites contenant des informations sur les armes est extrêmement élevé. On peut évidemment supposer que nombre de ces consultations sont le fait d'internautes curieux, mais il est néanmoins inadmissible que l'on puisse disposer aussi aisément d'informations commerciales sur les armes.

L'auteur est évidemment conscient du fait qu'une interdiction limitée à la Belgique ne changera guère l'attitude du reste du monde. Pourtant, on ne peut pas considérer la Belgique comme quantité négligeable en ce qui concerne la fabrication et le commerce des armes. Une telle interdiction pourrait dès lors servir d'exemple. Dans la pratique, il serait interdit de créer, auprès d'un fournisseur belge, une page contenant des informations commerciales sur les armes. Il serait également interdit d'acheter des armes par Internet à partir de la Belgique.

Article 5

L'article 15 de la loi sur les armes interdit divers types de munitions. S'agissant de l'évolution du secteur des armes, l'une des principales préoccupations des policiers et du personnel de gardiennage réside dans la découverte de munitions de plus en plus puissantes contre lesquelles il est de plus en plus difficile de se protéger. Le caractère spécifique du P90 est dû en grande partie aux munitions qu'il utilise (de type SS 190). À l'heure actuelle, plus aucun blindage ­ même militaire ­ n'arrête les types de balles modernes. La limitation de la production et du stockage des munitions réduit certainement le risque de voir les terroristes y avoir accès.

Article 6

En vertu de l'article 22 de la loi sur les armes, les dispositions de ladite loi ne s'appliquent pas, entre autres, aux commandes d'armes ou de munitions pour l'État ou les administrations publiques. Nous proposons, par dérogation audit article, d'interdire l'usage, le stockage, l'acquisition et la distribution d'armes de défense personnelle par l'État ou les administrations publiques.

Patrik VANKRUNKELSVEN.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Dans l'article 3, alinéa 1er , de la loi du 3 janvier 1933 relative à la fabrication, au commerce et au port des armes et au commerce des munitions, remplacé par la loi du 9 mars 1995, les mots « les armes de défense personnelle du type P90 » sont insérés entre les mots « Sont réputées armes prohibées : » et les mots « les mines antipersonnel ».

Art. 3

À l'article 4 de la même loi, modifié par les lois du 4 mai 1936, du 30 janvier 1991 et du 9 mars 1995, sont apportées les modifications suivantes :

A) l'alinéa 4 est complété par les mots « ni aux armes de défense personnelle du type P90 »;

B) l'article est complété par l'alinéa suivant :

« Doit être considérée comme arme de défense personnelle du type P90, toute arme automatique qui, par ses dimensions, son poids et sa conception, est apte à être utilisée dans le cadre d'opérations menées dans un espace restreint et se prête à l'utilisation de munitions transperçant plus de dix couches de kevlar à une distance de 150 mètres. »

Art. 4

L'article 14bis , alinéa 1er , de la même loi, inséré par la loi du 30 janvier 1991, est complété par la disposition suivante :

« 6º de vendre, d'offrir en vente ou de faire de la publicité pour des armes ou des munitions dans Internet ou par le biais de tout autre procédé électronique. »

Art. 5

L'article 15, § 2, de la même loi, remplacé par la loi du 30 janvier 1991, est complété par la disposition suivante :

« 4º des munitions capables de transpercer la protection militaire CRISAT. »

Art. 6

Un article 22bis , libellé comme suit, est inséré dans la même loi :

« Art. 22bis . ­ Par dérogation à l'article 22, l'utilisation, le stockage, l'acquisition et la délivrance d'armes de défense personnelle par l'État ou les administrations publiques sont interdits. »

Patrik VANKRUNKELSVEN.

(1) La présente proposition de loi a déjà été déposée au Sénat le 10 décembre 1998, sous le numéro 1-1119/1 ­ 1998/1999.