1-1217/6

1-1217/6

Sénat de Belgique

SESSION DE 1998-1999

10 MARS 1999


Proposition de loi instaurant la responsabilité pénale des personnes morales


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR MME JEANMOYE


SOMMAIRE

  1. Exposé introductif de l'auteur de la proposition
  2. Discussion générale
  3. Discussion des articles et votes
  4. Vote final

La commission de la Justice a examiné la proposition de loi qui fait l'objet du présent rapport lors de ses réunions des 13, 19, 19, 26 et 27 janvier et 23 février 1999.

I. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE L'AUTEUR DE LA PROPOSITION DE LOI

L'auteur de la proposition de loi précise que le gouvernement a longuement travaillé sur un avant-projet de loi relatif à l'instauration de la responabilité pénale des personnes morales. Cet avant-projet visait à mettre en oeuvre les recommandations R (81)-12 et R(88)-18 aux Etats membres, formulées par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe au sujet de la criminalité des affaires et de la responabilité des entreprises personnes morales pour les infractions commises à l'occasion de l'exercice de leurs activités.

L'avant-projet de loi du gouvernement a été soumis pour avis au Conseil d'État. Cet avis est reproduit en annexe au présent rapport.

Le Conseil d'État a formulé trois observations générales.

La première observation porte sur la manière dont on va imputer une infraction à la personne morale (I.1. imputation matérielle ou légale).

Le deuxième point concerne la manière dont on va constater l'existence de l'élément intentionnel ou moral chez la personne morale (I.2. Elément intentionnel ou moral).

La troisième critique porte sur le concours de la responsabilité de la personne morale et de la responsabilité individuelle de l'administrateur ou du préposé (I.3. La question dite du concours des responsabilités).

Après avoir pris connaissance de l'avis du Conseil d'État, on a déposé le texte revu et corrigé au Sénat, sous la forme d'une proposition de loi. Les développements de celle-ci s'efforcent d'apporter réponse aux observations du Conseil d'État.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

La proposition de loi qui vous est soumise a pour objet d'introduire en droit belge le principe de la responsabilité pénale des personnes morales. La proposition contient trois types de dispositions dans cette perspective. Tout d'abord, une première disposition énonce le principe (article 2 de la proposition). Ensuite, plusieurs dispositions prévoient les peines spécifiques qui s'appliqueront à l'égard des personnes morales et adaptent les règles relatives à la mesure de la peine au cas spécifique des personnes morales. Enfin, plusieurs dispositions prévoient les adaptations qui s'imposent en ce qui concerne le déroulement de la procédure pénale à l'égard d'une personne morale soupçonnée d'avoir commis une infraction.

1. Le principe de la responsabilité pénale des personnes morales

L'article 2 inscrit en droit belge le principe de la responsabilité pénale des personnes morales. La philosophie qui a été suivie dans ce contexte consiste à assimiler, dans la plus large mesure possible, les personnes morales aux personnes physiques.

À la lumière des remarques générales formulées par le Conseil d'État sur l'avant-projet du gouvernement, il est important de souligner que les rédacteurs de la présente proposition conçoivent la personne morale comme une réalité sociale qui peut commettre une faute pénale propre et doit donc aussi pouvoir être tenue responsable sur le plan pénal. Contrairement à l'approche qui semble être à la base de l'avis du Conseil d'État, il n'est donc pas recouru au modèle-fiction, selon lequel la personne morale est purement considérée comme une collectivité de personnes physiques individuelles. C'est aussi la raison pour laquelle la responsabilité pénale de la personne morale n'a pas été considérée, dans la présente proposition, comme une responsabilité dérivée qui ne pourrait donner lieu à des poursuites et à une condamnation qu'en cas de preuve de la commission d'une infraction par une personne physique individualisée au sein de la personne morale, dont le comportement peut être imputé à la personne morale.

Il s'ensuit que la distinction invoquée par le Conseil d'État entre l'imputation légale et matérielle des infractions à leur auteur n'est pas pertinente. Il doit néanmoins être clair que la condamnation pénale d'une personne morale pour une infraction doit toujours être fondée sur la présence simultanée des éléments matériel et intentionnel de l'infraction. La façon dont cette imputation est opérée pour les éléments matériel et intentionnel est précisée respectivement sous les points 1.2. et 1.3.

Les observations du Conseil d'État relatives à la violation du principe de légalité ne peuvent pas être davantage suivies. En ce qui concerne la définition légale des comportements punissables, la proposition est claire : la personne morale peut, en principe, commettre toutes les infractions et celles-ci sont ­ cela va de soi ­ déterminées par la loi. En ce qui concerne les peines applicables aux personnes morales, celles-ci sont précisément prévues par la présente proposition. Dans la mesure où le Conseil d'État est d'avis que la façon d'imputer devrait être définie légalement, celle-ci ne doit pas être rattachée au principe de légalité ­ à comparer d'ailleurs avec la problématique de l'imputation de la faute à une personne physique, qui n'est pas non plus réglée par la loi ­, mais au principe du caractère personnel du droit pénal. Comme cela a déjà été indiqué ci-dessus, le caractère innovant de cette proposition réside justement dans le choix d'un modèle dans lequel la personne morale en soi est considérée comme une entité responsable pénalement.

1.1. Les catégories de personnes couvertes

Le champ d'application de cette responsabilité en ce qui concerne les personnes est tout à fait général et couvre les personnes morales de droit public comme de droit privé et les sociétés commerciales comme les associations. Une exception est toutefois faite pour certaines personnes morales de droit public qui disposent d'un organe directement élu selon des règles démocratiques. En ce qui concerne les CPAS, certains disposent d'un tel organe, d'autres non. Il est par conséquent souhaitable d'exclure tous les CPAS du champ d'application.

Il n'est pas explicité que le changement de forme de la personne morale (par fusion, scission, absorption ou changement de forme juridique) n'a en tant que tel pas d'influence sur la responsabilité. Cela découle cependant automatiquement des règles du droit des sociétés.

La responsabilité est étendue aux entités qui ne possèdent pas la personnalité juridique (ni par conséquent de patrimoine propre). Il s'agit en particulier des associations momentanées et des associations en participation, des sociétés sans personnalité juridique visées à l'article 2, alinéa 3, des lois coordonnées sur les sociétés commerciales ­ c'est-à-dire les sociétés à objet commercial qui n'ont pas déposé leurs actes conformément à l'article 10, alinéa 1er , de la même loi ­ des sociétés commerciales en formation et des sociétés civiles.

La raison de l'extension de la responsabilité pénale aux entités précitées consiste justement à éviter une discrimination. Il ne serait en effet pas acceptable que les infractions donnent lieu à des poursuites différentes, lorsqu'elles sont commises par une même entité économique, selon que cette entité a formellement adopté ou non la forme de la personnalité juridique. Sans cette assimilation, des personnes morales qui forment une entité économique identique, pourraient être poursuivies comme des entités sans personnalité juridique pour les mêmes infractions sur la base de leur propre responsabilité pénale, tandis que pour ces autres entités, la responsabilité pénale individuelle des personnes physiques doit être établie. Cette assimilation est par conséquent fondée sur la même philosophie de base déjà exposée ci-dessus. La présente proposition limite cependant cette assimilation aux entités ayant des activités essentiellement économiques, parce que cette problématique est moins pertinente pour d'autres groupements dans la société.

1.2. Les comportements qui donnent lieu à la responsabilité

En ce qui concerne les comportements qui donnent lieu à la responsabilité de la personne morale, la proposition prévoit que la personne morale est pénalement responsable pour tout type d'infraction, à la condition que celle-ci ait été commise soit en vue de la réalisation de l'objet de la personne morale, soit en vue de promouvoir son intérêt ou pour son compte.

On a préféré cette formulation plus précise à celle, plus large, adoptée par le Conseil de l'Europe dans sa recommandation 1988/18, qui vise tous les faits accomplis à l'occasion de l'exercice des activités de la personne morale. En effet, on estime que la responsabilité pénale de la personne morale ne doit être engagée que quand il existe un lien intrinsèque entre le fait infractionnel et la personne morale en tant que telle. Il ne paraît par contre pas approprié de rendre la personne morale pénalement responsable de faits commis par des personnes ayant un lien avec elle (employés, administrateurs,...), quand celles-ci n'auraient fait que profiter du cadre juridique ou matériel de la personne morale pour commettre des infractions dans leur propre intérêt ou pour leur compte. Il ne s'agit pas d'instaurer une responsabilité objective de la personne morale pour tout fait quelconque commis en son sein. Ce point sera développé au point 1.3 à propos de l'élément intentionnel requis de la personne morale.

À l'inverse, on a estimé ne pas devoir préciser les personnes physiques ou les organes par lesquels la responsabilité pénale de la personne morale pourrait être engagée. En effet, cette indication aurait pour conséquence une limitation de la responsabilité qui ne se justifie pas, dans la mesure où elle imposerait une double imputation des faits, à savoir à la personne morale et à des personnes physiques déterminées. En outre, dans l'hypothèse où l'intervention des organes serait requise pour engager la responsabilité de la personne morale, toute responsabilité pourrait être éludée par le simple fait pour l'organe de ne pas acter les décisions qui auraient un caractère illicite.

À titre d'exemple, le principe de la responsabilité pénale des personnes morales a été introduit dans le code pénal francais par une loi du 22 juillet 1992, qui prévoit que « les personnes morales sont responsables pénalement (...) des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. » Par contre, aux Pays-Bas, le code se limite à prévoir, dans son article 51, inséré par la loi du 23 juin 1976, que « les faits punissables peuvent être commis par des personnes physiques ou morales ». Dans ce dernier cas, « si le fait punissable est commis par une personne morale, la poursuite pénale peut être engagée et les peines ou mesures prononcées, soit à l'encontre de la personne morale, soit à l'encontre des commanditaires de l'infraction et de ceux qui ont conduit en fait à la réalisation de l'infraction, soit contre ces deux catégories de personnes en même temps ». Le principe contenu dans la présente proposition constitue un juste milieu entre ces deux approches et la solution la plus large si on veut éviter de tomber dans le travers de l'instauration d'une responsabilité objective.

1.3. L'élément intentionnel dans le chef de la personne morale

Le projet de loi n'explicite pas le mode d'imputation des faits à la personne morale. Il a été considéré qu'il s'agit d'une question de fait qui doit être laissée à l'appréciation du juge.

Cela étant, il doit être clair que le projet ne vise pas à instaurer une responsabilité objective dans le chef de la personne morale. Le principe général du droit pénal selon lequel l'élément intentionnel est un élément constitutif de tout crime et de tout délit s'applique également à la personne morale. Il va de soi cependant que cet élément intentionnel devra être apprécié en tenant compte des caractéristiques propres que présente une personne morale. Il devra être établi soit que la réalisation de l'infraction découle d'une décision intentionnelle prise au sein de la personne morale, soit qu'elle résulte, par un lien de causalité déterminé, d'une négligence au sein de la personne morale. On vise par exemple l'hypothèse où une organisation interne déficiente de la personne morale, des mesures de sécurité insuffisantes ou des restrictions budgétaires déraisonnables ont créé les conditions qui ont permis la réalisation de l'infraction.

Inscrire dans la loi la manière dont l'imputation de l'élément intentionnel doit être faite, comme le suggère le Conseil d'État, ne cadre pas avec la logique du projet de loi (voir plus haut). Afin d'apprécier la réalisation et la manifestation de l'élément fautif dans le chef de la personne morale, le juge se basera cependant sur l'attitude des organes au sein de la personne morale, y compris les organes de fait, qui ne peuvent pas nécessairement être identifiés comme des personnes physiques. L'intention n'est pas de limiter la responsabilité pénale de la personne morale aux infractions commises par ses organes légaux ou statutaires. La responsabilité pénale de la personne morale peut aussi être la conséquence de faits matériels commis par certains de ses préposés ou mandataires. Elles doivent alors au moins avoir eu connaissance de l'intention de commettre l'infraction et y avoir consenti ou bien avoir incité elles-mêmes à la commission de l'infraction. Dans le cas d'infractions non intentionnelles, il devra être démontré qu'elles ont eu connaissance du risque de réalisation de l'infraction et ont négligé de prendre les mesures pour éviter celle-ci. Si la loi requiert un dol général ou spécial comme élément constitutif, il sera nécessaire d'établir que celui-ci est également présent dans le chef des instances dirigeantes.

1.4. Le concours des responsabilités pénales des personnes morales et des personnes physiques

En outre, la proposition règle la relation entre la responsabilité pénale de la personne morale et celle des personnes physiques pour les mêmes faits. Cette question ne peut évidemment surgir que dans le cas où une personne physique peut être identifiée comme auteur de l'infraction. Le principe retenu est celui de l'exclusion du cumul des responsabilités, sauf dans le cas où il peut être établi que l'infraction peut être imputée personnellement à une personne physique, qui aurait agi de manière intentionnelle. Contrairement à ce que le Conseil d'État semble affirmer dans son avis, l'exclusion du cumul des responsabilités ne concerne que les délits commis avec la négligence comme élément intentionnel. Le point de départ est par conséquent la qualification légale de l'infraction.

La proposition entend ainsi revenir sur une certaine jurisprudence audacieuse dans l'imputation d'infractions aux personnes dirigeantes au sein de personnes morales en considérant que la preuve de l'infraction était présente sur la base de manquements de ces personnes, dans des cas où l'incrimination requiert clairement l'intention, ou même en arrivant à une responsabilité pénale quasi objective, seulement sur la base de la position de la personne concernée au sein de la personne morale.

Néanmoins, la proposition ne peut être interprétée comme donnant carte blanche aux personnes qui adoptent des comportements punissables dans le cadre d'une personne morale. Comme cela a été dit plus haut, la personne morale et la personne physique peuvent être poursuivies et condamnées ensemble comme coauteurs en cas de dol. Si l'élément moral chez la personne physique est la négligence ­ ce qui sera souvent le cas dans le droit pénal spécial où beaucoup d'incriminations ne requièrent pas le dol ­, il appartiendra au juge de vérifier au cas par cas laquelle de la responsabilité de la personne morale ou de la personne physique est déterminante. Ainsi on évite que soit la personne morale, soit la personne physique puisse évaluer le risque pénal à priori. Contrairement à ce que le Conseil d'État affirme, l'évaluation mentionnée ne concerne aucunement la question de savoir si le comportement est légalement punissable ou non, ni la question de savoir quelles peines peuvent être infligées, ni la question de savoir si et de quelle manière l'action publique peut être exercée. Il s'agit ici d'une exception légale aux dispositions relatives à la participation criminelle qui autrement obligeraient le juge à condamner dans tous les cas à la fois la personne physique et la personne morale, lorsque les éléments matériel et intentionnel de l'infraction ont été établis à leur charge.

2. Le système des peines applicables aux personnes morales

Relativement à la remarque du Conseil d'État concernant le sort des mécanismes de sanctions directes et indirectes qui, dans le passé, étaient utilisés pour remédier en partie à l'absence d'une responsabilité pénale propre des personnes morales, et notamment les sanctions administratives, il faut avant tout faire remarquer que l'existence et la multiplication des réglementations constituent une raison supplémentaire de la nécessité de la proposition de loi. L'instauration d'une responsabilité pénale à part entière pour les personnes morales sera cependant une occasion d'examiner, dans les divers domaines où des réglementations alternatives ont été créées, où il est indiqué que celles-ci soient supprimées.

2.1. La peine principale

La constatation de base qui s'impose en ce qui concerne la détermination de la sanction est que la première peine principale applicable aux personnes physiques, qui est la peine privative de liberté, n'est ni applicable ni transposable comme telle aux personnes morales. On a donc opté pour l'amende comme peine principale commune à toutes les infractions commises par les personnes morales.

Dans ce contexte, le point de départ pour la détermination de l'échelle légale des peines d'amende applicables aux personnes morales a été de maintenir le parallélisme le plus étroit possible avec les peines qui peuvent être appliquées à des personnes physiques pour les mêmes faits.

Un tel parallélisme implique l'existence d'un mécanisme de conversion entre les peines privatives de liberté prévues à l'encontre des personnes physiques et les peines d'amende applicables aux personnes morales. Un tel mécanisme ne peut toutefois être purement automatique, mais doit tenir compte de la multiplicité des choix faits par le législateur en matière de sanction. Il doit prendre en considération en particulier le fait que certaines infractions soient sanctionnées uniquement par une peine privative de liberté, d'autres par une peine privative de liberté et une amende, d'autres enfin uniquement par une amende. Il doit tenir compte également du fait que le niveau des amendes prévues varie fortement d'un domaine du droit pénal à l'autre.

Le principe général qui a été suivi dans la détermination de ce mécanisme de conversion est que des personnes physiques ne peuvent en aucun cas être punies plus sévèrement que des personnes morales.

Ces considérations ont mené à distinguer trois hypothèses. Tout d'abord, pour les crimes et délits punissables actuellement d'une peine privative de liberté et d'une amende, un mécanisme de conversion s'appliquera : le minimum sera forfaitaire par catégorie d'infraction (crime ou délit), sauf si ce forfait est inférieur au minimum d'amende prévu par la loi pour le fait, auquel cas ce dernier minimum vaudra également à l'égard de la personne morale; le maximum sera déterminé par rapport à la durée de la peine privative de liberté, sans pouvoir être inférieur au double de l'amende prévue par la loi pour le fait. Ensuite, pour les faits punis uniquement d'une amende par la loi, celle-ci s'appliquera également aux personnes morales, sans modification. Enfin, en matière de contravention, une fourchette d'amende applicable à toutes les contraventions est fixée.

Un problème particulier se pose pour la détermination de l'amende quand la peine prévue par la loi pour le fait est une peine de privation de liberté à perpétuité. La conversion a été faite sur la base d'une privation de liberté présumée effective pendant 20 à 60 ans, en tenant compte des possibilités d'une libération conditionnelle éventuelle. Il était nécessaire de tenir compte de cette éventualité ab initio parce que, par le paiement d'une amende, la peine est entièrement et immédiatement subie, tandis qu'une peine de prison n'est seulement subie que dans la mesure où le temps s'écoule jusqu'à une éventuelle libération conditionnelle.

Partant d'un souci de garder un parallélisme maximal entre les peines prévues pour les personnes morales et les personnes physiques, les dispositions du livre Ier sont rendues applicables aux personnes morales. Contrairement à ce que le Conseil d'État propose, il n'est pas nécessaire de préciser quelles dispositions du livre Ier seront applicables, le but étant justement qu'en principe toutes les dispositions du livre Ier qui sont pertinentes pour la détermination de la peine puissent être applicables.

2.2. Les peines accessoires

De la même manière que pour la peine principale, certaines peines accessoires prévues par le Code pénal sont spécifiques aux personnes physiques et sont difficilement transposables aux personnes morales. Il en va ainsi notamment de l'interdiction de certains droits civils et politiques (articles 31 à 34 du Code pénal), de même que de la destitution des titres, grades, fonctions, emplois et offices publics (article 19 du Code pénal).

Par contre, la confiscation spéciale prévue par les articles 42 à 43bis du Code pénal est quant à elle directement applicable, sans adaptation de la loi, aux personnes morales. Une telle peine sera particulièrement appropriée pour sanctionner des personnes morales, en particulier la confiscation des choses qui ont été produites par l'infraction et des avantages patrimoniaux tirés d'infractions (article 42, 3º), qui les privera des bénéfices qu'elles auraient faits directement ou indirectement par le moyen de l'infraction. Comme le Conseil d'État l'observe, ceci répond au souci traduit par la recommandation 1988/18 du Conseil de l'Europe de tenir compte, en infligeant des sanctions de nature financière, de l'avantage que la personne morale a tiré de ses activités illégales.

La proposition de loi prévoit pour les personnes morales, la possibilité pour le juge d'assortir la condamnation pour un crime ou pour un délit, dans les cas prévus par la loi, de la sanction de la publication ou de la diffusion de la décision.

La proposition prévoit en outre trois nouvelles peines spécifiques pour les personnes morales : la dissolution, l'interdiction d'exercer une activité relevant de l'objet social et la fermeture d'un ou plusieurs établissements. Il s'agit de peines qui, si elles sont accessoires par rapport à la peine principale d'amende, peuvent être d'une grande sévérité. Elles ne pourront par conséquent pas être prononcées par le juge dans tous les cas.

La dissolution ­ qui constitue la « mort » de la personne morale ­ ne pourra être prononcée que s'il est établi que la personne morale a été volontairement, à titre principal, créée dans le but de commettre les crimes ou délits sur lesquels porte la condamnation ou détournée de son objet dans ce but. Seules les personnes morales qui se sont placées dans l'illégalité dès leur création pourront donc être dissoutes en vertu de cette disposition. La proposition du Conseil d'État a été reprise.

L'interdiction d'exercer une activité relevant de l'objet social et la fermeture d'un ou plusieurs établissements ne pourront être prononcées que pour les crimes et délits spécifiques prévus par le législateur particulier. Les modalités spécifiques devront être prévues à cette occasion.

En ce qui concerne l'interdiction d'exercer une activité qui relève de l'objet social, le Conseil d'État ne peut être suivi dans sa proposition. Le texte projeté stipule en effet clairement qu'une activité déterminée est visée (ce seront normalement les activités à l'occasion ou dans le cadre desquelles l'infraction pour laquelle la personne morale a été condamnée, a été commise) et non la recherche de la réalisation de l'objet social en tant que telle. Il n'est dès lors pas utile de renvoyer dans le texte de la loi à une catégorie spécifique d'activités, comme le préconise le Conseil d'État.

2.3. Adaptation des règles relatives au taux de la peine

La proposition de loi adapte un certain nombre de principes du droit pénal général, pour tenir compte du fait que la peine principale à l'égard de la personne morale est une amende, distincte de celle prévue pour les personnes physiques, dont le montant est calculé à partir d'un mécanisme de conversion spécifique. L'objectif poursuivi par cette adaptation est ici aussi de garantir le parallélisme le plus étroit possible avec les peines qui peuvent être appliquées à des personnes physiques pour les mêmes faits.

3. Adaptation du droit de la procédure pénale

À côté des modifications qu'il faut apporter au droit matériel pour tenir compte des spécificités liées aux personnes morales, il convient également de prévoir certains aménagements du droit de la procédure pénale dans le même but. La proposition contient quatre types de dispositions dans cette perspective, qui concernent la représentation en justice de la personne morale poursuivie pénalement, la compétence territoriale des juridictions à l'égard de la personne morale, les mesures provisoires à l'encontre de la personne morale et, enfin, l'inscription de la condamnation au registre du greffe du tribunal.

II. DISCUSSION GÉNÉRALE

Un commissaire souligne l'importance de cette proposition de loi, attendue depuis longtemps. Les travaux de la commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée ont démontré la nécessité d'une législation instaurant la responsabilité pénale des personnes morales.

Un aperçu de la situation dans le contexte européen paraît également utile, compte tenu de la mobilité des sociétés de ce genre. Cela n'a aucun sens de fermer seulement une filiale en Belgique, tandis que la société mère peut poursuivre tranquillement ses activités dans un autre pays. Il faut donc examiner la portée des condamnations prononcées en Belgique.

L'intervenant considère qu'il y a lieu, dans le débat, d'être très attentif aux observations du Conseil d'État. En fait, ces observations rejoignent la discussion générale sur les conditions d'incrimination de la personne morale.

Comme l'a déjà relevé l'auteur de la proposition de loi, le Conseil d'État a formulé trois observations générales.

Une première concerne l'imputabilité d'une infraction à la personne morale (I.1. imputation matérielle ou légale).

Le deuxième point porte sur la façon dont l'existence de l'élément intentionnel ou moral sera reconnue dans le chef de la personne morale (I.2. élément intentionnel ou élément moral).

Une dernière critique concerne le concours de la responsabilité de la personne morale et de la responsabilité individuelle de l'administrateur ou du préposé (I.3. la question dite du concours des responsabilités).

En ce qui concerne l'imputation de certains faits à la personne morale, le Conseil d'État estime qu'il faudrait envisager deux hypothèses. Dans un certain nombre de cas, l'infraction est sans plus imputable à la personne morale de par la définition du délit (par exemple le fait de ne pas disposer d'une autorisation ou de ne pas respecter un certain nombre de règles de sécurité, avec pour conséquence un accident frappant le travailleur). Par contre, en cas d'infractions pures et simples, il faut pouvoir en retrouver l'auteur effectif. Dans le cas de faux en écritures, par exemple, on doit pouvoir retrouver l'auteur matériel pour pouvoir imputer l'acte à la personne morale. Le Conseil d'État renvoie à ce propos aux développements (doc. Sénat, nº 1-1217/1, point 1.2, deuxième alinéa), qui précisent qu'il doit exister un lien intrinsèque entre le fait infractionnel et la personne morale. Or, les critères d'imputation ou de plus ample identification du fait ne sont pas énoncés dans le texte en projet. D'après le Conseil d'État, l'article 5 proposé du Code pénal est rédigé d'une manière très imprécise et va à l'encontre du principe de légalité au sens des articles 12, deuxième alinéa, et 14 de la Constitution. Le Conseil d'État renvoie également à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en ce qui concerne la précision requise des normes pénales, de manière que celles-ci soient prévisibles dans leur application et puissent être établies avec une sécurité juridique suffisante.

L'exigence d'une définition légale du « lien intrinsèque » se retrouve également dans d'autres publications : le juge n'est en aucune manière lié par les développements.

Un deuxième élément important du débat est la question de savoir comment retrouver l'élément intentionnel ou moral dans le chef de la personne morale. Si l'on admet qu'il ne peut y avoir d'infraction sans faute, la question est de savoir comment établir la faute de la personne morale. Le Conseil d'État estime que le texte en projet et les développements laissent subsister des imprécisions sur la manière d'imputer une infraction à la personne morale.

Cette question nous conduit au troisième problème, celui du cumul des responsabilités [voir l'article 5 du Code pénal (article 2 de la proposition), alinéa 2]. Le problème a suscité toute une discussion dans la doctrine. Le principe non bis in idem ne pourrait pas jouer en l'espèce.

Un membre demande si l'on peut parler d'un certain parallélisme entre la problématique du cumul dans la présente proposition de loi (article 2) et le régime de l'article 18 de la loi relative aux contrats de travail. L'angle d'approche est certes différent puisque l'article 18 concerne la responsabilité civile, mais un point de repère serait utile.

Un membre confirme que cette problématique n'a pas été abordée dans les développements. Elle découle de la question de savoir à quelles conditions on impute un fait à une personne morale, quel rôle l'individu ­ personne physique ­ joue en l'espèce et quelles sont les conséquences en termes de cumul éventuel des responsabilités.

Les législations française et néerlandaise ont défini certains critères relatifs aux conditions dans lesquelles la responsabilité d'une personne morale est engagée. La loi française parle d'infractions commises pour le compte de personnes morales « par leurs organes ou leurs représentants (voir l'avis du Conseil d'État, p. 8); un contrat de travail ne semble donc pas suffire en soi pour engager la responsabilité de la personne morale.

La législation néerlandaise vise les « commanditaires de l'infraction et ceux qui ont conduit en fait à la réalisation de l'infraction ». Le texte de l'avant-projet du gouvernement parlait également des « organes ». Le texte de la présente proposition prévoit par contre que toute personne morale est responsable des infractions commises en vue de réaliser son objet, de promouvoir son intérêt ou pour son compte. Cette définition est à la fois très vaste et fort vague.

Un membre propose de délimiter la responsabilité pénale de la personne morale en fonction de la qualité des personnes qui commettent l'infraction ou font commettre l'infraction. Pourquoi ne pas stipuler que toute personne morale est pénalement responsable des infractions commises par ses organes ou de l'accord exprès ou tacite de ceux-ci ?

Cette disposition constituerait une limite, dans le sens où la responsabilité de la personne morale ne serait pas engagée si les organes n'étaient pas du tout au courant de l'infraction. Un accord tacite suffirait pour engager cette responsabilité (passivité ou ignorance coupable des organes).

Un critère destiné à délimiter la responsabilité pénale des personnes morales semble nécessaire afin d'éviter le risque d'une insécurité juridique. Il semble exclu d'imputer une responsabilité pénale à une personne morale par le simple fait qu'un membre de cette société commet une infraction.

Un membre fait une comparaison avec la responsabilité civile des personnes morales. La responsabilité civile des personnes morales peut être engagée de deux manières, soit dans le cadre de la théorie de l'organe, soit dans le cadre de la théorie du préposé. Lorsque les organes agissent dans les limites de leurs attributions, ils sont personnellement responsables et engagent également la responsabilité de la personne morale. Si l'organe abuse de sa fonction, la responsabilité de la personne morale n'est pas engagée, même si l'on a agi dans l'intérêt de la société ou en vue de réaliser son objet. L'abus de fonction annule en effet la théorie de l'organe. S'agissant des préposés, on applique l'article 1384, alinéa 3, du Code civil. Si l'abus de fonction est commis en vue de promouvoir l'intérêt d'une société ou pour le compte de celle-ci, la responsabilité pénale de la société peut être engagée. La responsabilité pénale emportera la responsabilité civile. Cette donnée va donc plus loin que la théorie de l'organe. De plus, la responsabilité du commettant est une responsabilité fort vaste. Il suffit d'un lien occasionnel entre l'acte du préposé et l'objet social, la tâche pour laquelle il intervient, pour que le commettant soit irrévocablement responsable de l'acte du préposé. Même en cas d'abus commis par le préposé dans le cadre de l'exercice de sa fonction, le commettant est responsable des actes de son préposé (par exemple un employé de banque qui vole la banque ou qui crée un circuit de prêt au noir sans que le client concerné le sache). La question est de savoir comment la responsabilité pénale se positionne par rapport à ce modèle civil. L'on devrait cerner mieux le champ d'application et les critères à utiliser pour déclarer la personne morale pénalement responsable.

Le ministre attire l'attention sur l'importance de cette proposition qui mettra fin au paradoxe actuel qui veut que la personne morale puisse être déclarée pénalement responsable sans que cette responsabilité ne soit assortie d'aucune sanction.

Cette situation est intenable et commande qu'on légifère.

De plus, il est clair que la responsabilité pénale des personnes morales constitue un instrument essentiel dans la lutte contre la criminalité organisée.

Le ministre renvoie à la discussion du projet de loi relatif aux organisations criminelles et aux travaux de la commission d'enquête, qui ont démontré la nécessité et le caractère urgent de cet instrument.

Le ministre souligne également que cette proposition permet d'éviter le développement d'un droit pénal fonctionnel où une personne physique est sanctionnée en raison de la fonction qu'elle occupe, sans avoir suffisamment égard à l'élément moral dans son chef. Par ailleurs, il est important d'avoir un instrument qui permet d'abandonner la voie du recours systématique à la responsabilité civile pour la faute pénale d'une autre personne. L'exigence de l'élément moral et les garanties offertes par le droit pénal seront ainsi mieux respectés.

Il n'est pas évident que l'on doive chaque fois passer par la responsabilité civile pour atteindre en fait un objectif autre que celui qu'on poursuit réellement. On utilise le détour de la responsabilité civile pour sanctionner en fait la responsabilité pénale. La méthode qui tient compte du fait que l'élément moral de la faute est requis, emporte évidement la préférence.

L'avis du Conseil d'État, dans lequel ce dernier formule trois observations fondamentales qui sont réfutées dans les développements, a été, à juste titre, l'élément déclencheur de la discussion. La proposition se base sur la personne morale en tant que réalité sociale. On répond ainsi à la principale critique formulée par le Conseil d'État. Ce n'est plus le modèle-fiction qui joue puisque c'est la personne morale comme telle, en tant que réalité sociale, qui peut devenir auteur des faits.

Le ministre précise que deux philosophies de base différentes existent. La première consiste à dire que la personne morale est une fiction et que sa responsabilité ne peut être engagée que par des personnes physiques; dans un second temps, la faute de ces personnes physiques identifiées peut être imputée à la personne morale. Il s'agit d'un système de responsabilité dérivée. La proposition à l'examen est animée par une autre philosophie qui considère la personne morale comme une réalité en tant que telle. La personne morale peut donc directement commettre une faute, avoir un comportement repréhensible pouvant être sanctionné, sans qu'il soit nécessaire d'identifier les personnes physiques, dont on attribuerait la responsabilité à la personne morale. En ce sens, la personne morale est assimilée à une personne physique.

Ce second modèle permet d'éviter une technique de responsabilité en cascade, où il appartient d'abord de vérifier si certaines personnes physiques ont commis une faute pénale, pour ensuite se poser la question de savoir si cette faute pénale peut être attribuée à la personne morale, sans doute à des conditions différentes. La description de l'élément moral dans le chef de la personne morale pourrait dans ce cas être différente de celle de l'élément moral dans le chef de la personne physique. On s'éloigne alors du modèle de l'assimilation. En outre, cette technique impose nécessairement d'identifier les personnes physiques avant de pouvoir engager la responsabilité de la personne morale. Si un comportement inadéquat est constaté au sein d'une société, le juge ne pourra pas imputer la faute à la personne morale, même s'il a la conviction que le comportement est dû à la faute de la personne morale. Le modèle de l'assimilation au contraire permet d'imputer directement cette situation à la personne morale. Tout comme le juge doit être convaincu que les circonstances de fait indiquent que la personne physique connaissait la situation, il devra l'être pour la personne morale sans devoir s'arrêter nécessairement aux procès-verbaux du conseil d'administration.

En ce qui concerne le droit comparé, le ministre fait remarquer que l'avis du Conseil d'État n'est pas complet sur ce point. Il est vrai que la théorie de l'organe est appliquée en France. Il convient de relever également que la catégorie des représentants est ajoutée. En outre, aux Pays-Bas, aucune règle d'imputabilité n'est précisée dans le texte : il y existe un système de responsabilité des personnes morales, sans que la loi n'impose une façon d'imputer la faute d'une personne physique à la personne morale. La loi se contente d'énoncer que les personnes morales peuvent être responsables pénalement. Ce système fonctionne depuis plus de vingt ans.

Le système proposé se trouve entre les deux, dans la mesure où certaines règles d'imputabilité matérielle sont précisées dans le texte (pour le compte de la personne morale, dans son intérêt ou afin de réaliser son objectif). Certaines hypothèses sont dès lors exclues (voir l'employé de banque qui détourne l'instrument bancaire à son propre profit). Par contre, en ce qui concerne l'imputabilité morale, le texte n'impose pas de règles au juge, qui devra vérifier si l'élément moral est présent dans le chef de la personne morale sans avoir nécessairement à passer par les personnes physiques.

La responsabilité pénale des personnes morales ne peut pas être un système de responsabilité objective, où il suffit de constater qu'une infraction a été commise pour automatiquement l'imputer à la personne morale. L'élément moral doit être recherché, mais on ne s'arrête pas à l'organe ou à des personnes physiques identifiées.

L'auteur de la proposition de loi confirme que telle est bien la philosophie de base. Le Conseil d'État ne dit d'ailleurs pas non plus textuellement qu'il faut un système en cascade. Au contraire, il ne faut pas que les auteurs puissent être identifiées individuellement dans un système d'imputation légale. Pour ce qui est des faits matériels (par exemple un faux en écritures) se pose cependant le problème de la preuve du dol spécial à charge de la personne morale.

Comment prouve-t-on le dol spécial sans aboutir matériellement chez une personne physique ?

Le ministre affirme que, dans la plupart des cas, les personnes physiques seront identifiées. On peut cependant imaginer, au sein d'une organisation, un recours systématique à des faux, sans pouvoir identifier la personne qui a matériellement écrit le document. Par les circonstances de fait (multiplication des faux dans le temps et le nombre), le juge peut être convaincu qu'il s'agit d'une pratique de la personne morale même. Il n'est pas nécessaire de constater que telle personne identifiée a matériellement établi le document en question, ce qui constitue un avantage supplémentaire par rapport au système de la responsabilité dérivée. Dans ce système de responsabilité dérivée, même en cas d'extension à des préposés, il est toujours nécessaire d'identifier la personne physique avant de pouvoir passer à la responsabilité de la personne morale.

Un membre est également d'avis que la responsabilité de la personne morale peut être retenue, en dehors de la responsabilité de ses organes. Il faut bien entendu établir un intérêt pour la société.

La troisième critique du Conseil d'État porte sur le cumul des responsabilité. La proposition limite en réalité les possibilités de cumul de la responsabilité des personnes morales et des personnes physiques. À défaut de cette disposition, la personne physique et la personne morale seraient considérées comme des personnes autonomes et pourraient être co-auteurs dans tous les cas. La proposition vise à décumuler leur responsabilité, s'il s'agit d'une infraction de négligence. Dans ce cas, le juge devra finalement choisir de condamner soit la personne morale, soit la personne physique. Il appartiendra de vérifier dans la situation concrète quelle est la personne la plus opportune à sanctionner. L'avantage de ne pas toujours devoir sanctionner la personne morale plutôt que la personne physique (voir article 18 de la loi sur les contrats de travail) est de ne pas exempter a priori certaines personnes de toute responsabilité pénale, ce qui risquerait d'entraîner une déresponsabilisation des personnes concernées. Le parallélisme avec l'article 18 de la loi sur les contrats de travail, qui ne permet pas de choisir le responsable, n'est donc pas pertinent. En revanche, il est vrai que le texte proposé allège indirectement la responsabilité du préposé. En effet, à ce jour, si le préposé commet une faute, il peut être sanctionné. Comme la responsabilité pénale de la personne morale n'existe pas à l'heure actuelle, le risque d'être sanctionné est très réel. Par contre, dès lors que cette possibilité serait offerte, le préposé pourra voir sa responsabilité dégagée, lorsque celle de la personne morale serait engagée. En ce sens, la proposition allège la responsabilité des préposés.

Un membre attire l'attention sur le fait que le ministère public et le juge doivent faire un choix en fonction de l'opportunité. Le texte satisfait-il au principe de légalité dans les matière pénales, s'il affirme qu'il n'y a pas de cumul en cas de délit non intentionnel, alors qu'il ne définit pas clairement les critères applicables ? Suffit-il d'affirmer qu'il s'agit d'une question d'interprétation de fait ? Cela répond-il à la définition légale de la politique en matière de poursuites ?

Le ministre précise que la proposition vise à limiter la possibilité du juge de condamner deux personnes pour leur concours à une même infraction. Par ce système, la situation du justiciable est allégée, sans créer un risque de condamnation arbitraire.

Un membre est d'avis que l'argument du ministre doit être peaufiné. Il faut éviter un transfert de responsabilité sur la personne morale, ce qui constituerait une situation idéale pour les sociétés maffieuses, où les personnes physiques échapperaient à la condamnation.

Le ministre explique que le choix est laissé au juge. Dans l'exemple d'une société maffieuse, il s'agit plutôt d'une criminalité intentionnelle. Dans ce cas, le juge peut condamner à la fois la personne morale et la personne physique. Ce n'est que dans la criminalité de « négligence » que le juge doit faire un choix (criminalité économique).

Un membre souligne qu'il peut y avoir un conflit d'intérêt entre la procédure pénale et l'action au civil. Il se peut que l'on ait intérêt à faire condamner la personne morale dans le cadre de l'action civile, à moins que l'action pénale ne soit plus indiquée pour sanctionner l'auteur physique. L'importance des dommages-intérêts et des assurances peut être telle que la partie civile a intérêt à faire condamner la personne morale. L'opportunité de l'action au civil peut être radicalement différente de celle de l'action publique.

Le ministre répond que la situation qui résulterait de l'adoption de la proposition serait ent tout cas plus avantageuse que la situation actuelle. Pour l'heure, la responsabilité pénale de la personne morale n'existe pas. Le texte offre une possibilité supplémentaire.

Un membre attire l'attention sur le fait que l'on peut aujourd'hui former une action au civil contre la personne morale dont l'organe commet un délit.

Le ministre est d'avis que le fait que la personne morale ne soit pas condamnée au pénal n'empêche pas de la poursuivre au civil. Le nouveau système ne limite pas les possibilités, mais offre une possibilité supplémentaire.

La possibilité existe déjà d'engager une action au civil contre la personne morale, même si l'on ne sait pas si elle est ou non pénalement responsable, et elle existerait a fortiori dans le régime qui serait mis en place au cas où la proposition aurait été adoptée.

Un sénateur estime qu'actuellement, l'on ne peut engager qu'une action civile contre une personne qui n'est pas poursuivie pénalement, et ce, dans les cas que la loi prévoit expressément. La législation en matière de circulation routière dispose, par exemple, que l'employeur peut également être cité au civil. L'on trouve pareille disposition dans la plupart des lois sociales.

Il n'est pas de règle que le juge pénal soit compétent pour se prononcer sur la responsabilité civile de l'employeur ou d'un mandataire.

L'instauration de la responsabilité pénale des personnes morales offre effectivement une possibilité supplémentaire et, chaque fois que la personne morale sera poursuivie, il sera possible d'engager aussi directement l'action civile devant le juge pénal.

Le ministre confirme que la seule possibilité actuellement est de poursuivre la personne physique; la responsabilité civile de la personne morale pourrait être engagée devant le juge pénal dans les conditions prévues explicitement par la loi. Désormais, cette possibilité est maintenue, avec la possibilité supplémentaire de poursuivre directement au pénal la personne morale.

Plusieurs membres soulignent que la personne physique ne sera bien souvent pas poursuivie. Qu'adviendra-t-il dès lors de sa responsabilité civile? Dans certains cas, la personne morale aura déjà été vidée de sa substance. Voilà pourquoi un intervenant propose d'instaurer la responsabilité pénale de la personne morale sans préjudice de celle des personnes physiques. Dans ce cas aussi, le principe d'opportunité est applicable. Il est singulier que la proposition de loi mentionne la notion de « délit commis avec la négligence comme élément intentionnel ». La négligence peut certes participer d'un élément moral mais peut difficilement être intentionnelle. On créé en l'occurrence toutes sortes de discussions qui pourront causer de graves problèmes même aux personnes lésées ou au ministère public pour ce qui est de la politique en matière de poursuites. Pourquoi ne pas s'en tenir aux règles ordinaires dans le cadre de l'application desquelles l'on fait jouer le principe d'opportunité?

Un membre estime que l'on est face à un dilemme. Ou bien on permet le cumul, ou bien on en limite la possibilité, auquel cas il faut définir certains critères dans la loi.

La loi de 1978 relative aux contrats de travail dispose que le travailleur n'est pas personnellement responsable d'une faute légère à moins que celle-ci présente dans son chef un caractère habituel. La sécurité juridique gagnerait à ce que l'on prévoie un élément matériel pour justifier le non-cumul. Laisser jouer purement et simplement le principe d'opportunité et le choix de fait revient à donner un large blanc-seing au ministère public et au juge.

Le ministre déclare que l'on part du principe que la personne morale n'est pas toujours touchée par une condamnation de la personne physique. Le ministre cite l'exemple d'une infraction commise lors du déversement d'eaux usées, dont le responsable dans l'entreprise est condamné plusieurs fois correctionnellement. L'entreprise n'en éprouvera que peu d'inconvénients si l'intéressé est licencié ou se voit confier une autre fonction au bout d'un certain temps. Dans un tel cas, il est particulièrement intéressant pour le ministère public de pouvoir faire lui-même un choix et de pouvoir poursuivre lui-même pénalement la personne morale. Lorsque le caractère intentionnel est avéré, l'on peut poursuivre et condamner tant la personne morale que la personne physique. Lorsque le caractère non intentionnel est établi, le ministère public doit examiner et apprécier les circonstances de fait. L'équilibre de la proposition repose précisément sur la possibilité qui est donnée de juger, selon les circonstances, s'il est opportun de poursuivre la société ou la personne physique.

Sur la base des observations qui ont été faites, un membre propose de préciser, dans le texte de l'article 5 proposé, dans le souci de mieux assurer la sécurité juridique, que « toute personne morale est pénalement responsable de toutes les infractions qui sont intrinsèquement liées à la réalisation de son objet ou à la défense de ses intérêts, ou dont des faits concrets démontrent qu'elles ont été commises pour son compte ». (cf. infra , amendement nº 12). Ce texte tient compte des objections du Conseil d'État et permet de cerner les critères.

Le ministre marque son accord sur cette précision.

Un membre souligne que le texte proposé constitue une évolution importante, dans la mesure où la responsabilité pénale de la personne morale peut être engagée, même si la responsabilité pénale des organes n'est pas engagée. Un tiers à la société peut engager la responsabilité pénale de la société dans certaines conditions.

Le ministre fait référence au modèle néerlandais, qui va encore plus loin et qui fonctionne depuis 1976. Il est absolument nécessaire de disposer d'un instrument permettant de sanctionner la personne morale.

Un membre souscrit à la nécessité de sanctionner des personnes morales, ce qui relève clairement des activités de la commission d'enquête sur la criminalité organisée. La responsabilité pénale de la société peut être engagée, même si les actes posés par un membre de la société ne découlent pas nécessairement d'un mandat décerné par les instances de la personne morale. Si un « pseudo-mandataire » pose un acte, peut-il engager la responsabilité pénale de l'ensemble de la structure ?

Un autre membre estime que cette problématique est résumée de manière assez correcte dans les développements et, plus exactement, au point 1.3., « l'élément intentionnel dans le chef de la personne morale » (doc. Sénat, nº 1-1217/1, p. 5). C'est à juste titre que ce texte affirme qu'il appartient au juge du fond d'apprécier si la personne morale a été associée intentionnellement au délit. La plupart des délits organisés ne se décident évidemment pas en conseil d'administration. Il est absolument nécessaire d'accorder un pouvoir d'appréciation au juge du fond. La jurisprudence fixera ensuite plusieurs critères. L'intervenant estime toutefois que l'on peut difficilement envisager d'inscrire une série de critères dans la loi. En effet, si l'on définit expressément des critères dans la loi, d'aucuns tenteront de les contourner.

Un membre est d'avis que la problématique se concentre sur le rapport avec les organes. La passivité, l'inertie, l'absence de réaction des organes suffit pour qu'il y ait une infraction de la société. La question est de savoir s'il ne faut pas maintenir un minimum de lien avec les organes. Que se passe-t-il si les organes s'opposent aux actes commis, si les actes sont accomplis au mépris des instructions données par le conseil d'administration ?

Un membre renvoie à sa proposition précitée de modification de texte (amendement nº 12). Il est clair que les organes statutaires ne peuvent s'opposer légalement qu'à l'accomplissement d'un acte qui ne peut pas être considéré comme un acte visant à réaliser l'objet social ou à servir l'intérêt de la société, ou comme un acte qui serait accompli pour le compte de celle-ci.

Un membre estime qu'il se pose un problème. Les actes d'un organe d'une société ne peuvent se déduire que des procès-verbaux des réunions. Nul n'ignore que bon nombre d'accords sont conclus sans jamais être couchés sur le papier. L'intervenant estime que lorsqu'un mandataire a posé un acte lié de manière intrinsèque à l'objet social de la société, l'appréciation de la responsabilité pénale de la société doit être laissée à la diligence du juge du fond. Ce dernier se basera principalement sur le critère classique du délit « Cui prodest, à qui profite-t-il » ? L'on peut dire que, s'il ressort de l'acte du préposé qu'il a agi uniquement dans son intérêt personnel, il y a une présomption que la société y est étrangère. S'il s'avère par contre que l'acte s'inscrit dans un ensemble de stratégies de la société, cet acte devra être imputé à celle-ci même si le conseil d'administration proteste après coup. L'on ne dispose d'aucun critère tangible permettant de constater les actes d'une société, hormis les procès-verbaux des réunions du conseil d'administration. La plupart des actes fautifs n'apparaîtront pas dans les procès-verbaux.

Le ministre souligne que le point de départ de la proposition est la réalité sociale de la personne morale. En effet, par exemple, le procès-verbal du conseil d'administration ne mentionnera jamais que les administrateurs ont décidé de procéder au blanchiment de certaines sommes. Dès qu'un tel acte peut être constaté sur la base d'éléments de fait (tant matériels que moraux), il n'est plus nécessaire de démontrer qu'une personne quelconque ou que cet organe en sont responsables à titre individuel ou personnel. C'est cela qui fait l'essence de la proposition.

Le ministre revient sur la remarque concernant une opposition formulée par les organes de la société par rapport à certains comportements délictuels. Si les organes ont mis tout en oeuvre pour éviter que l'infraction soit commise ou s'ils peuvent prouver que les actes du préposé ne sont pas liés à la réalisation de l'objet de la société ou à la promotion de l'intérêt de celle-ci, le problème ne se pose pas.

Dans l'hypothèse contraire, il faut attirer l'attention sur la nécessité et d'établir et l'imputabilité matérielle à la société de l'acte posé ét l'imputabilité morale. Il reste à vérifier que l'acte a été posé dans le cadre d'une faute de la personne morale. Si on ne peut pas trouver, dans les circonstances de fait, d'autres éléments qui démontrent que l'acte isolé posé par cette personne s'appuie en fait sur une faute de la société, la responsabilité pénale de la personne morale ne peut pas être engagée. Il ne s'agit pas d'une responsabilité automatique ou objective.

Un membre demande si la faute de la société ne peut pas être déduite du fait qu'elle n'a pas empêché l'acte.

Le ministre répond que la situation doit être évaluée à l'instar de ce qui aurait valu pour une personne physique. Il faut donc se demander si l'élément moral aurait été considéré comme réalisé dans le chef d'une personne physique.

Un membre renvoie à un exemple pratique qui a été cité dans le cadre de la commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée, et qui concernait une firme anversoise spécialisée dans l'exploitation et la réparation des bateaux transportant de la drogue et des armes. Dans ce cas, la société est-elle responsable ou non ? En faisant la comparaison avec une personne physique, l'on doit faire quelque part un procès d'intention. L'on aura besoin de critères permettant d'établir l'intention. Le juge devra apprécier si l'opposition du conseil d'administration d'une personne morale fait disparaître l'intention. Tout dépendra de la réponse à la question de savoir si l'opposition a été exprimée avant ou après le début des poursuites. Il s'agit d'un élément qui échappe à toute réglementation légale. Les termes « sciemment » et « dol spécial » ne sont pas non plus définis dans le Code pénal.

Un membre souhaite préciser que le ministre est d'avis que le refus des dirigeants officiels de l'entreprise, à l'égard d'une pratique délictueuse dont profite la société, n'est pas nécessairement suffisant en soi pour faire échapper la société à sa responsabilité pénale. Le refus des dirigeants n'est donc pas un élément constitutif de l'innocence de la société. L'organe de la société reste un élément essentiel. S'il a vraiment refusé de façon explicite et manifesté une volonté indiscutable d'empêcher les actes, la responsabilité de la société ne devrait pas être engagée.

Un autre membre pose la question de savoir si le non-respect de la législation du travail de la part du directeur peut engager la responsabilité morale de la société. Comment savoir si c'est à l'insu ou non des instances qui dirigent la personne morale ?

L'intervenant renvoie à la situation dans les ASBL, où les administrateurs ont le devoir de suivre de manière correcte la gestion de leur ASBL. Ils sont financièrement responsables s'ils n'ont pas fait correctement leur travail. Une différence est faite suivant que le conseil d'administratrion et les administrateurs ont travaillé correctement ou non.

Le ministre rappelle que la responsabilité de la personne morale n'est pas engagée automatiquement. La présence de l'élément intentionnel requis par l'infraction, même dans la législation sociale pénale, doit être vérifiée dans le chef de la personne morale. Dans la plupart des cas, la présence de cet élément moral sera vérifiée au niveau des organes. Ceci ne constitue cependant pas une exigence légale.

Il faudra rechercher dans les faits l'élément le plus pertinent. Dans certains cas, le travail des organes est une illusion ou peut résulter en des textes non sincères, etc. Le juge pénal essayera donc de vérifier la réalité. Est-ce la personne morale qui a agi, peu importe que ce soit l'administrateur délégué, un préposé ou le conseil d'administration dans son ensemble ?

Le ministre revient à l'exemple d'une interdiction émanant du conseil d'administration. On peut imaginer que le conseil d'administration établisse une circulaire stipulant que le blanchiment n'est pas autorisé, et organise également des cours pour le personnel afin de prévenir le blanchiment. Dans les faits, toutefois, il apparaît qu'une culture s'est développée qui, en réalité, encourage le blanchiment. Il faut abandonner la fiction des organes. Les faits sont importants.

Un membre souligne l'assimilation de la personne morale à la personne physique. La personne morale sera responsable au même titre que la personne physique. La personne physique est punissable dès qu'elle a connaissance du fait accompli. La question se pose au niveau des personnes morales. Comment la personne morale peut-elle avoir conscience de la commission de l'acte en l'absence de toute conscience de ses organes et de ses mandataires ? La personne morale serait donc coupable même si ses organes ne sont pas au courant.

Un membre estime que la question relève moins du fait d'avoir connaissance que du problème de la charge de la preuve.

Si l'on postule qu'une personne doit poser « sciemment et volontairement » un acte déterminé pour avoir un élément constitutif d'une infraction, il est beaucoup plus difficile de prouver que cet élément est présent dans le cas d'un ensemble idéel de personnes. De plus, la personne morale ne pose pas d'actes. Ceux qui prennent sciemment et volontairement part à la criminalité organisée n'n laisseront jamais de trace sur papier.

Il est plus facile de définir les critères permettant de vérifier si un acte a été posé « sciemment et volontairement » dans le cas de personnes physiques que dans le cas de sociétés. Il n'est pas judicieux de prévoir expressément ces critères dans la loi, car les personnes de mauvaise foi parviendront à les contourner. Le juge du fond doit établir à partir des faits (par exemple, le laisser-faire dont a bénéficié le système, ou la perception des bénéfices) si les actes posés l'ont été « sciemment et volontairement ». C'est donc au juge pénal qu'il appartient de fixer les critères.

Le ministre souligne que la présence de l'élément moral doit être avérée et prouvée en ce qui concerne la personne morale. Il n'est pas question d'engager des poursuites et de condamner arbitrairement. L'élément moral reste un élément essentiel de l'infraction. L'appréciation de cet élément doit se faire à la lumière des circonstances factuelles du dossier. Tout comme pour la personne physique, l'élément matériel et l'élément moral doivent être présents.

Un membre attire l'attention sur la liberté de la preuve en droit pénal. Le juge choisit les éléments qui lui paraissent décisifs. Il n'est pas tenu, comme le juge civil, par une certaine hiérarchie de la preuve.

Un membre met en avant que par ailleurs, le juge pénal devra répondre aux arguments qui seront soulevés par la défense. L'intime conviction du juge pénal prévaut, même s'il existe un certain contrôle par la motivation des arguments qui ont été avancés par la défense.

Un membre renvoie à sa proposition de modification du texte (voir amendement nº 12) qui introduit le critère du lien intrinsèque avec la réalisation de l'objet de la société ou avec la défense de ses intérêts par la société même, ou celui de l'infraction commise pour le compte de celle-ci.

Dans l'optique du ministre, l'action accomplie pour le compte de la société, pour défendre ses intérêts ou pour réaliser son objet statutaire ne pourrait pas, à elle seule, conduire à l'incrimination de la société; il faut en effet qu'il y ait eu une faute de la part de la société et que cette faute soit différente de la faute individuelle du préposé ou des organes.

La question se pose de savoir s'il ne serait pas préférable de définir clairement cette optique dans le texte. « Toute personne morale est pénalement responsable de toutes les infractions qu'on peut lui imputer qui sont ... » L'on tient compte ainsi de toutes les critiques du Conseil d'État et l'on évite toute méprise. Il devient évident ainsi qu'il doit y avoir une faute propre à la personne morale.

Le ministre n'émet aucune objection de principe à cet égard, mais souligne qu'on ne l'a pas fait non plus pour ce qui est des personnes physiques.

Il faut éviter les raisonnements a contrario . Si le mécanisme d'imputabilité est décrit pour les personnes morales, et non pour les personnes physiques, il pourrait s'en déduire que ces mécanismes sont différents. La philosophie consiste cependant en la promotion de l'assimilation.

Il faut peser les risques.

Un membre souligne que les juges pénaux consultent rarement les documents des travaux préparatoires du Parlement. L'on a dès lors tout intérêt à ce que le texte de loi soit clair.

Un membre estime qu'il convient de revenir quelque peu en arrière. La responsabilité pénale de la personne morale est un élément fondamental dans la lutte contre la criminalité organisée.

L'intervenant se réfère au point 1.3 des développements (doc. Sénat, nº 1-1217/1, p. 5, 1.3, deuxième alinéa). La « négligence » n'implique pas nécessairement un « élément intentionnel ». On vise par exemple l'hypothèse d'une organisation interne déficiente de la personne morale, de mesures de sécurité insuffisantes ou de restrictions budgétaires déraisonnables. Les deux premiers exemples ne comportent aucun élément intentionnel.

Un membre renvoie à sa proposition d'insérer la notion de lien intrinsèque, qui répond aux observations du préopinant. La faute individuelle ne suffit pas pour attester la faute de la personne morale. Pour que l'on puisse parler d'une faute de la personne morale, il faut un critère de « disposition » et un critère d'« acceptation » (cf. la jurisprudence néerlandaise).

Il ne peut y avoir d'imputation si on est confronté par surprise à l'infraction d'un préposé sans qu'une telle pratique n'existe chez la personne morale et si la personne morale réprouve la conduite de son préposé.

Il y a acceptation si des pratiques du type susvisé (par exemple, du blanchiment) sont présentes au sein de la personne morale.

La formulation de l'amendement nº 12 fait clairement ressortir les différentes hypothèses (voir, ci-après, l'article 2).

En ce qui concerne le problème de l'élément intentionnel chez la personne morale et le cumul de la responsabilité pénale, on peut renvoyer à la discussion des articles (article 2).

Un membre demande si l'on envisage de modifier également la législation douanière.

L'auteur de la proposition de loi répond que cette législation pose effectivement un problème par rapport aux articles 10 et 11 de la Constitution. En effet, l'élément intentionnel n'est pas requis dans le cas d'une infraction à la législation douanière. Le caractère illicite suffit à établir l'infraction.

On peut se demander si, dans leur définition actuelle, les délits douanières répondent aux exigences.

L'article 5 proposé (non-discrimination) impliquera que l'expéditeur ne pourra plus être poursuivi pour les droits de douane éludés par le simple fait d'être expéditeur.

Un membre souligne que l'article 36 proposé et les conséquences sociales de la dissolution et de l'interdiction d'exercer l'activité soulèvent aussi une question fondamentale. L'article 36 mentionne la possibilité d'interdire l'exercice d'une activité mais ne dit pas que la fermeture peut être prononcée pour une durée déterminée. L'interdiction d'exercer l'activité est-elle définitive ? Une interdiction définitive peut d'ailleurs équivaloir à une dissolution. Qu'advient-il alors du passif social ? Comment faire face au passif social résultant d'une dissolution et d'une interdiction d'exercer l'activité prononcées dans le cadre d'une condamnation pénale ? Dans le cas d'une société-écran, l'interdiction d'exercer l'activité est-elle considérée comme une fin du contrat, une résiliation ou une dissolution ? Quelles sont les conséquences pour les travailleurs qui n'ont en soi aucune responsabilité ?

La fermeture d'un ou de plusieurs établissements aura une incidence sur d'autres. On peut imaginer que si un établissement prête des machines à un autre et que le premier est dissous et fermé, cela a pour effet de priver de matériel une autre société formant ou non une entité économique avec l'établissement concerné. Il est parfaitement possible que l'on touche ainsi l'entité économique (cf. l'extension de la faillite).

Le membre a une dernière question au sujet de l'article 10 de la proposition. La perte de la personnalité juridique de la personne morale condamnée n'éteint pas la peine. Comment concilier cela avec l'article 12, où il s'agit aussi d'une perte de la personnalité juridique ? Une coordination sera nécessaire (mort civile, etc.).

Un membre souligne que les articles de la CEDH sont applicables à la personne morale. L'article 7, qui dispose que la loi pénale ne peut avoir d'effet rétroactif, s'applique à l'incrimination des personnes morales.

III. DISCUSSION DES ARTICLES ET VOTES

Intitulé

Un commissaire propose la correction formelle suivante :

Remplacer les mots néerlandais « strafrechtelijke aansprakelijkheid » par les mots « strafrechtelijke verantwoordelijkheid » .

Justification

Le mot français « responsabilité » couve deux notions distrinctes.

Est responsable (aansprakelijk) la personne qui peut être mise en cause, celle qui est susceptible d'un recours, entre autres dans le cadre de l'application de l'article 1382 du Code civil.

Est responsable (verantwoordelijk) la personne qui doit se justifier de ses actes, qui peut être appelée à rendre des comptes. Lorsque sa justification n'est pas satisfaisante, cette personne peut se voir infliger une peine.

La responsabilité (aansprakelijkheid) relève donc en premier lieu du droit civil; la responsabilité (verantwoordelijkheid) relève en premier lieu du droit pénal.

Par conséquent, on doit en l'occurence utiliser le terme « verantwoordelijkheid », avec à la clé une éventuelle culpabilité pour désigner la responsabilité des personnes morales.

Le Conseil d'État a lui aussi utilisé, tout au long de son avis, les mots « strafrechtelijk(e) verantwoordelijk(heid) ». En dernière page de son avis (p. 86), le Conseil d'État propose par ailleurs quelques corrections d'ordre linguistique, entre autres, le remplacement des mots « strafrechtelijke aansprakelijkheid » par les mots « strafrechtelijke verantwoordelijkheid » dans l'ensemble du projet.

On peut aussi faire référence à deux lois récentes du 25 juin 1998 : la loi réglant la responsabilité (verantwoordelijkheid) pénale des ministres et la loi spéciale réglant la responsabilité (verantwoordelijkheid) pénale des membres du gouvernements de communauté ou de région (Moniteur belge du 27 juin 1998).

Enfin, il y a encore le projet de loi relatif à la responsabilité civile (aansprakelijkheid) et pénale (verantwoordelijkheid) des bourgmestres, échevins et membres de la députation permanente, que la Chambre a renvoyé au Sénat (doc. Sénat, nº 1-987/8 ­ doc. Chambre nº 1686-9, 97/98). La commission décide à l'unanimité d'apporter cette correction formelle.

Article 1er

L'article est adopté à l'unanimité des huit membres présents.

Article 2

Du principe de la responsabilité pénale des personnes morales.

A. Discussion

De l'imputation et du concours de responsabilités.

MM. Vandenberghe et Bourgeois déposent un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/2, amendement nº 12), qui est rédigé comme suit :

« Remplacer l'alinéa 1er de l'article 5 proposé par la disposition suivante :

« Art. 5. ­ Toute personne morale est pénalement responsable de toutes les infractions qui sont intrinsèquement liées à la réalisation de son objet ou à la défense de ses intérêts, ou dont des faits concrets démontrent qu'elles ont été commises pour son compte. »

Justification

Cette nouvelle proposition de texte traduit mieux encore la philosophie de base de la proposition telle qu'elle est exposée dans les développements et répond aussi de manière plus précise encore aux observations du Conseil d'État.

Le champ d'application de la loi est ainsi délimité avec précision.

L'un des auteurs précise que cet amendement est le fruit de la discussion circonstanciée qui a été consacrée à cette disposition (cf. supra - discussion générale). L'amendement tient compte des objections du Conseil d'État. Le délit y est défini plus clairement. Les infractions peuvent être commises soit par des personnes physiques, lorsqu'il y a un lien suffisant avec la personne morale, soit par la personne morale elle-même, lorsque l'infraction est liée à la réalisation de son objet ou à la défense de ses intérêts.

Il faut toutefois déduire de la manière dont les choses sont formulées que l'élément moral doit être présent, mais cela n'a pas été mentionné explicitement en tant que condition parce qu'un problème pourrait se poser à propos des délits dont on impute simplement la responsabilité à la personne morale (imputation légale).

Concernant le concours de responsabilités de la personne morale et de la personne physique, M. Boutmans dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/2, amendement nº 11), qui est rédigé comme suit :

« Remplacer le deuxième alinéa de l'article 5 proposé du Code pénal par la disposition suivante :

« La responsabilité pénale de la personne morale est applicable sans préjudice de la responsabilité pénale de personnes physiques. »

Justification

La proposition semble aller dangereusement dans le sens d'une levée de la responsabilité des personnes physiques ou semble à tout le moins équivoque (surtout pour ce qui est des développements). L'amendement permet d'appliquer normalement le droit pénal aux personnes physiques. On répond ainsi par la même occasion à la critique formulée par le Conseil d'État. La modération résulte à notre avis des éléments suivants :

1º Comme la personne morale est elle-même tenue pour responsable, la tendance à accroître excessivement la responsabilité fonctionnelle disparaîtra.

2º Le principe d'opportunité permet toujours de poursuivre une ou plusieurs personnes et de ne pas en poursuivre d'autres.

Par ailleurs, il semble pour le moins difficile de mettre le texte de l'article 5, tel qu'il figure dans la proposition de loi, en conformité avec les règles générales en matière de participation et de complicité. De plus, le ministère public et/ou la partie civile n'auront pas toujours la certitude que le tribunal reconnaîtra la culpabilité de la personne morale.

Il semble utile à l'auteur que la personne physique puisse être poursuivie en même temps que la personne morale. En effet, l'on ne sait jamais quelle sera la décision finale que le ministère public prendra lorsqu'il devra choisir qui il va poursuivre. Il propose donc de maintenir une responsabilité parallèle.

La pratique actuelle montre que l'on poursuit parfois des personnes physiques qui n'ont en fait qu'un lieu fonctionnel assez faible avec le délit. Si on le fait, c'est parce qu'on n'a pas le choix. Ces poursuites inappropriées ne seront toutefois plus nécessaires, une fois que l'on aura introduit le principe de la responsabilité pénale de la personne morale.

Le ministre répond que la personne physique et la personne morale ne peuvent être condamnées l'une et l'autre qu'en cas de dol. Cela ne signifie pas que l'on ne peut pas les poursuivre toutes deux. Au moment de la condamnation, le juge doit toutefois choisir, sauf en cas de dol. Le texte de la proposition lui semble mieux répondre aux nécessités réelles. Le texte initial est plus proche de la thèse de départ, selon laquelle la personne morale est une réalite autonome différente de la personne physique.

Un membre évoque une observation du Conseil d'État. L'article 5, deuxième alinéa (article 2 de la proposition) dispose que l'on ne peut pas condamner et la personne morale, et la personne physique, sauf si cette dernière a commis sciemment et volontairement l'infraction en question. Le Conseil d'État a estimé qu'il faut dès lors que la loi indique dans quelle mesure l'application des règles en matière de participation punissable et de complicité est compromise par ce principe.

Un commissaire estime que l'on ne peut être puni en tant que complice ou coauteur que dans la mesure où l'on agit intentionnellement. L'acte de collaboration objective non intentionnel ne peut pas entraîner de poursuites pour participation. Des précisions s'imposent sur ce point.

Un membre s'interroge sur la portée de la disposition de l'alinéa 2 de l'article 5. Pourquoi a-t-on voulu séparer la responsabilité pénale de celui qui commet l'acte et celle de la société pour compte de laquelle cet acte est accompli ? Pourquoi ne pas laisser la possibilité de condamner les deux, même si l'intéressé a agi de manière légère ? Quels sont les cas visés où seule la société sera condamnée ? Le champ d'application doit être bien déterminé.

Le ministre rappelle l'exemple du responsable de l'environnement dans l'entreprise. Le dépassement de la norme en cas d'évacuation des eaux usées peut donner lieu à une condamnation. Il est souhaitable que le juge puisse poursuivre la personne morale dans la mesure où le responsable n'accomplit pas un acte intentionnel et exécute simplement les décisions des oraganes. Jusqu'à ce jour, on poursuit la personne physique et celle-ci peut encourir diverses condamnations. La personne morale rend ensuite quelqu'un d'autre responsable en matière d'environnement.

Un membre pose la question de savoir s'il existe des infractions non intentionnelles qui peuvent être criminelles. Existe-t-il un crime non intentionnel ? Peut-être en matière nucléaire ?

Un commissaire renvoie également aux observations du Consil d'État (p. 23). Celui-ci s'interroge sur la manière dont vont pouvoir se concilier la loi en projet et les mécanismes existants de sanctions directes et indirectes que le législateur a instaurés dans le but notamment de combler l'absence d'une responsabilité pénale des personnes morales. Il existe un éventail de lois spéciales permettant d'infliger des amendes à la personne morale et, donc, de la toucher indirectement. Qu'adviendra-t-til de ces dispositions quand la personne morale sera devenue punissable ?

En ce qui concerne l'articulation des articles 65 et 66 du Code pénal avec la règle du décumul partiel, le ministre précise que la portée du décumul partiel est précisément de faire exception aux règles relatives à la participation.

Si l'on constate la coréité ou la complicité entre une personne morale et une personne physique par rapport à des faits déterminés, la règle du décumul imposera de choisir l'une ou l'autre.

Un membre déclare qu'il peut se rallier à cette explication, en ce qui concerne la coréité, mais il n'en va pas de même pour la complicité.

Le ministre déclare que la réponse est la même dans les deux cas. Il s'agit toujours des mêmes faits, qu'il y ait coréité ou complicité.

Lorsque les mêmes faits sont commis par une personne morale et une personne physique, et qu'il n'y a pas, dans le chef de cette dernière, de faute personnelle commise sciemment et volontairement, le juge doit choisir qui des deux il condamne.

Un membre estime qu'un problème subsiste à cet égard. En effet, si un travailleur est coauteur ou complice avec son employeur, il est susceptible d'être traité différemment, selon que l'employeur est ou non une personne morale.

Si l'employeur n'est pas une personne morale, le travailleur est punissable, conformément au droit commun.

Si l'employeur est une personne morale, celui-ci peut être condamné, à l'exclusion du travailleur, ou l'inverse.

On retrouve ici l'objection du Conseil d'État, selon laquelle on ne répond pas au principe de légalité.

Un membre demande si, dans l'hypothèse en question, le juge peut choisir, ou s'il doit le faire.

Le ministre répond que si la faute est involontaire dans le chef de la personne physique, le juge doit choisir.

Un membre fait observer qu'au second alinéa de l'article 5 proposé, les termes « omwille van de tussenkomst » doivent être remplacés par les mots « omwille van de handelingen ».

On pourrait poser comme principe premier que, lorsqu'une faute personnelle est commise sciemment et volontairement par la personne physique, faute sur base de laquelle la personne morale peut être responsable, elles pourront être poursuivies toutes les deux.

Par contre, s'il ne s'agit, dans le chef de la personne physique, que d'une négligence, seule la personne morale pourrait être poursuivie.

On opérerait ainsi un parallèle avec l'article 18 de la loi sur le contrat de travail.

L'intervenant fait observer que l'on parle de laisser le choix au juge, alors qu'en fait, c'est celui qui initie la procédure, c'est-à-dire le parquet, qui opère ce choix.

Dans la première hypothèse, les articles 65 et 66 du Code pénal joueront; par contre, ils ne s'appliquent pas en cas de simple négligence dans le chef de la personne physique, puisque, dans ce cas, le dol spécial requis pour la coréité ou la complicité n'existera pas.

Le ministre demande sur quelle base le précédent intervenant exclut la responsabilité pénale de la personne physique, en cas de négligence, lorsqu'il n'y a pas d'intention spéciale. Il ne peut se rallier à cette solution.

Le préopinant répond qu'on le fait déjà, à l'heure actuelle, pour toutes les infractions graves en matière de roulage, telles que surcharge des camions, camions ne répondant pas aux normes prescrites, etc. Dans ce cas, on poursuit, non le chauffeur, mais l'administrateur-délégué.

Un sénateur souligne que les textes français et néerlandais de l'article 2 ne sont pas parfaitement concordants : l'expression « Wanneer de rechtspersoon aansprakelijk gesteld wordt » n'est pas équivalente aux termes français « lorsque la responsabilité de la personne morale est engagée », qui sont plus objectifs.

L'intervenant craint en outre que le système proposé ne donne lieu à un recours à la Cour d'arbitrage, de la part d'un travailleur condamné, dont l'employeur n'est pas une personne morale, et qui s'estimerait l'objet d'une discrimination par rapport au travailleur dont l'employeur est une personne morale et qui, dans les mêmes circonstances, ne serait pas condamné.

En effet, en cas de coréité ou de complicité du travailleur avec l'employeur personne morale, le juge opère une sorte de jugement en opportunité, ce qu'il ne fait pas lorsque l'employeur n'est pas une personne morale.

L'intervenant est partisan de laisser jouer dans tous les cas le principe d'opportunité.

Le ministre souligne que la plupart des questions soulevées relèvent de choix politiques à faire, et non de problèmes techniques.

Un membre ne peut se rallier à l'observation formulée par un sénateur.

L'option de départ est de prévoir la responsabilité pénale des personnes morales.

Il faut cependant régler le problème du concours d'actes commis par des personnes physiques, et d'actes commis en vue de réaliser l'objet de la personne morale, en vue de promouvoir son intérêt, ou pour son compte.

L'intervenant se demande si, dans l'hypothèse d'une simple négligence dans le chef de la personne physique, il ne vaudrait pas mieux exclure des poursuites pour les mêmes faits, plutôt que d'exclure une condamnation pour les mêmes faits, comme le prévoit le texte actuel de l'article 2.

Un sénateur fait observer que, dans ce cas, un problème risque de se poser, si le juge ne s'accorde pas avec le choix opéré par le ministère public.

Un membre propose la formule suivante : « Wanneer de aansprakelijke rechtspersoon en de geidentificeerde natuurlijke persoon die de handeling heeft gepleegd vervolgd worden voor dezelfde feiten dient de rechter ... »

Le but est que les divers responsables potentiels soient attraits devant le juge, auquel il appartiendra de trancher.

Le ministre souligne que, selon cette formule, le ministère public a le choix de poursuivre ou non la personne physique et la personne morale.

Un membre fait observer qu'il faut ajouter la condition prévue à l'article 2, selon laquelle il faut que la responsabilité de la personne morale soit engagée en raison de l'intervention d'une personne physique identifiée, ce qui ne sera pas vrai dans tous les cas.

Ainsi, il n'y a aucune responsabilité de la personne morale pour les agissements de l'administrateur qui a agi pour son propre compte, à l'encontre des instructions reçues, etc.

Le ministre déclare qu'en ce qui concerne l'existence possible d'une discrimination, le problème est de savoir si l'on compare la situation d'aujourd'hui avec la loi de demain ­ en constatant qu'on ne fait qu'améliorer les choses ­ ou si l'on se place uniquement dans la loi de demain, où, selon que l'employeur est une personne physique ou une personne morale, il pourrait y avoir discrimination.

C'est la première approche qui est à la base du système proposé.

Un membre renvoie à la jurisprudence de la Cour d'arbitrage relative à la différence entre l'article 18 de la loi sur le contrat de travail et le recours de l'État contre ses organes. Ce dernier recours est illimité, alors que celui de l'employeur dans le cadre de l'article 18 est modulé en fonction de la gravité de la faute.

La Cour d'arbitrage a dit, dans un arrêt de 1996, que cette différence de traitement entre les personnes se trouvant dans les liens d'un contrat, et celles se trouvant sous régime statutaire, n'était pas justifiée.

L'existence d'une personne morale, ou la nature du statut, ne constituent pas une justification suffisante pour appliquer des règles juridiques différentes.

La Cour d'arbitrage s'est aussi prononcée sur la différence de traitement entre les enseignants du secteur officiel et ceux du secteur privé.

Un membre demande quelle est la justification fondamentale de la règle du non-cumul prévue à l'article 2.

Le ministre répond que, si rien n'avait été prévu en matière de coréité et de complicité, le droit commun en matière de cumul aurait joué.

Mais on a voulu avoir égard à la situation spécifique des personnes morales, puisque celles-ci agissent via des personnes physiques.

Par conséquent, les cas de coréité et de complicité risquaient d'être quasiment automatiques dans bon nombre de situations.

C'est pourquoi la discrimination n'est pas aussi évidente qu'on pourrait le croire. Il ne s'agit pas de situations où il y a, à chaque fois, responsabilité de l'employé envers l'employeur mais de cas où la responsabilité de l'employeur est engagée à cause des actes de l'employé.

Un membre déclare qu'après réflexion, il semble en effet qu'il n'y ait pas discrimination. Quand on poursuit un préposé et son employeur personne physique pour le même fait, ils ont tous deux agi, car sinon, l'employeur ne serait pas civilement responsable.

Or, la personne morale n'agit jamais que par l'entremise de personnes physiques.

Par conséquent, et sous les conditions définies à l'alinéa premier de l'article, on fait un choix, parce que la personne morale en tant que telle ne pourra jamais être poursuivie.

Un membre rappelle que le principe a précisément été admis que la personne morale était punissable pénalement, même si l'acte n'était pas imputable à une personne physique. Elle peut être rendue pénalement responsable soit en raison d'un acte identifiable, posé par celui qui agit pour son compte, soit en raison d'autres circonstances, où un acte a été posé dans le but défini à l'alinéa premier.

Aux Pays-Bas, on poursuit la personne morale selon les règles suivantes :

1. Les faits punissables peuvent être commis par des personnes physiques ou morales.

2. Si le fait punissable est commis par une personne morale, la poursuite pénale peut être engagée et les peines ou mesures prévues par la loi prononcées, si elles entrent en considération :

1º soit à l'encontre de la personne morale

2º soit à l'encontre des commanditaires de l'infraction et de ceux qui ont conduit en fait à la réalisation de l'infraction

3º soit contre ces deux catégories de personnes en même temps.

Le cumul est donc possible.

En France, il l'est également, puisque l'article 121-2 du nouveau Code pénal prévoit, en son troisième alinéa : « La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits. »

Un membre observe que le système hollandais risque d'aboutir à la situation que l'on déplore actuellement en droit belge, à savoir que le préposé est punissable, alors qu'il a agi en vue de la réalisation des buts de la personne morale.

Dans le système hollandais, il resterait punissable, et la personne morale pourrait être condamnée en même temps que lui.

Un commissaire déclare que l'on aurait pu inverser la formule de l'alinéa 2 de l'article 5, proposé à l'article 2 de la proposition, en disant : « La personne morale et la personne physique seront condamnées ensemble pour les mêmes faits, sauf lorsque la personne physique a agi de façon non volontaire et non consciente. »

L'intervenant demande quels sont les cas concrets dans lesquels il n'y aurait pas de condamnation de la personne morale, et du préposé ou de celui qui travaille pour compte de la société.

Un membre cite l'exemple de la manipulation d'une grue à l'encontre du règlement général.

Un membre répond que dans ce cas, il y a obligation de résultat, de sorte que l'on n'apprécie pas l'élément moral.

Le critère de l'acte volontaire ou involontaire n'est donc pas décisif en l'occurrence, puisqu'il existe une série d'obligations de résultat (par exemple : les normes en matière de sécurité sur le lieu de travail).

L'intervenant renvoie, en ce qui concerne les termes « sciemment et volontairement », à la doctrine du professeur Van den Wijngaert : « Selon Legros, la notion de dol général est d'ailleurs dépourvue de substance. Pour lui, « sciemment » veut simplement dire que l'auteur ne se trompe pas et « volontairement » signifie qu'il n'agit pas sous la contrainte, rien de plus. C'est souvent de cette manière que le dol général est traité dans la jurisprudence. »

Un sénateur revient à l'exemple précité du grutier. Celui-ci n'a pas dans tous les cas une obligation de résultat. Supposons qu'un grutier provoque sans le vouloir un accident grave sur un chantier.

Selon le texte proposé, si son employeur est une personne morale, le grutier ne pourra être poursuivi. Par contre, si l'employeur n'est pas une personne morale, le grutier pourra être poursuivi, et même être seul poursuivi, puisque son employeur ne lui a évidemment pas donné pour mandat de causer un accident.

Un membre répond que la question n'est pas de savoir s'il s'agit d'un acte volontaire ou involontaire. Il s'agit de savoir quelle est la nature de l'infraction à la norme.

Un commissaire rappelle la conclusion suivante du Conseil d'État :

« La loi en projet s'expose à trois critiques auxquelles il convient de remédier :

1º Elle omet de préciser les conditions d'imputabilité matérielle des infractions commises par les personnes morales tout autant que les conditions de détermination de l'élément moral de ces infractions. Conformément à la Constitution et aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, il appartient au législateur et à lui seul de prendre position sur cette double question.

2º L'alinéa 2 de l'article 5 en projet est totalement ambigu en ce qu'il ne permet en rien de déterminer les hypothèses dans lesquelles il pourrait y avoir ou non une responsabilité pénale, d'une part, de la personne morale et de la personne physique, d'autre part. Le texte doit être fondamentalement revu.

3º (...). »

L'intervenant rappelle qu'il propose de procéder comme suit :

1. commencer par affirmer le principe sur lequel chacun paraît s'accorder, à savoir que lorsqu'une faute personnelle a été commise sciemment et volontairement par la personne physique, celle-ci et la personne morale pourront être poursuivies toutes deux; le juge appréciera si l'une des deux ou les deux doivent être condamnées.

2. en cas de faute involontaire, toutes deux pourraient être poursuivies, mais l'intervenant n'est pas favorable au cumul automatique dans cette hypothèse car, sinon, on retomberait dans la situation actuelle que l'on veut résoudre.

Le ministre précise qu'il peut s'accorder avec ce système, pour autant que, dans la seconde hypothèse, le juge ne puisse condamner à la fois la personne physique et la personne morale.

Un membre constate qu'il ne reste plus alors qu'à préciser les cas dans lesquels la personne physique et la personne morale doivent être toutes deux poursuivies.

En ce qui concerne la différence de traitement pénal du travailleur, selon que son employeur est ou non une personne morale, le ministre souligne que l'on n'a pas suffisamment égard aux conditions de la responsabilité pénale de la personne morale. Dans l'exemple donné ci-dessus, il est très possible que cette responsabilité n'existe pas. Celle-ci suppose en effet que la personne morale ait commis une faute. Il ne suffit pas de constater que, dans l'exercice des activités de la personne morale, un employé a commis une erreur pour qu'automatiquement, la responsabilité pénale de la personne morale soit engagée.

Il faudra examiner dans les faits si la personne morale a commis une faute propre (ex. : les grues n'étaient pas entretenues, de manière générale, dans l'entreprise, à cause d'une politique laxiste ...).

Il s'agit de circonstances concrètes qui font qu'indépendamment de l'acte posé par la personne physique concernée, il y a une faute propre de la personne morale.

Un membre cite l'exemple suivant : une firme d'autocars agit en sorte que tous ses cars roulent à une vitesse excessive. Dans ce cas, le juge condamnerait donc la personne morale, mais devrait acquitter le chauffeur.

Un autre membre attire l'attention sur le fait qu'il faut faire un choix, sur le plan des conditions d'imputabilité de la responsabilité pénale aux personnes morales, entre les agissements propres à la personne morale et ceux de ses préposés.

Un membre répond que la personne morale est, en réalité, traitée un peu comme une personne physique : elle a une politique, une façon d'agir, un style, une tradition et, en quelque sorte, des manières, comme une personne physique.

Un membre reprend l'exemple suivant : supposons qu'un accident survienne, par suite du défaut d'entretien d'une grue. Un grutier doit en principe entretenir sa grue.

En même temps, la politique générale de la société personne morale est peut-être de ne pas entretenir son matériel.

Qui fera la part des choses entre la culpabilité du grutier, et celle de la personne morale, ce qui suppose qu'ils soient attraits tous deux devant un tribunal ?

Il est parfaitement possible que tant l'un que l'autre soient en faute.

Or, selon le texte proposé, cela doit être l'un ou l'autre. L'intervenant déclare ne pas comprendre pourquoi.

Le ministre déclare que l'exemple cité par le précédent intervenant est excellent, parce que la société et le grutier ont tous deux participé au défaut d'entretien de la grue.

L'option du texte est que l'on ne puisse les condamner tous les deux dans ce cas, parce qu'il y a une convergence telle entre leurs interventions respectives qu'admettre systématiquement le cumul dans ce genre d'hypothèse conduirait inévitablement à des doubles condamnations, là où, aujourd'hui, il n'y en a qu'une.

Or, le but est de rechercher, dans ce genre d'hypothèse, le véritable responsable.

Un membre est également partisan de laisser ouverte la possibilité d'un cumul de responsabilités : dans l'exemple du chauffeur de camion qui dépasse la vitesse autorisée, il est possible que la société qui l'emploie mène une politique par laquelle elle incite ses chauffeurs à agir de la sorte. Cela pourrait, le cas échéant, être prouvé par témoins.

Dans ce cas, une condamnation de la société et de son chauffeur devrait être possible.

Un membre déclare ne pas comprendre la logique qui sous-tend l'attitude du gouvernement. Le but du texte proposé est de permettre à l'avenir la condamnation pénale d'une personne morale, et non d'éluder celle des personnes physiques.

Or, il semble que dans certains cas où une personne physique pouvait, jusqu'à présent, être poursuivie pénalement, elle ne pourrait plus l'être à l'avenir.

Un membre souligne que deux questions politiques se posent :

­ quel est le sort des délits pour lesquels la loi pénale ne mentionne pas l'intention ? Quel est le champ d'application des deux hypothèses prévues par le texte?

­ si l'on distingue deux catégories, l'une où personne physique et personne morale peuvent être condamnées ensemble, et l'autre où l'on ne peut en condamner qu'une des deux, comment applique-t-on le critère de façon concrète ?

Un sénateur estime que le problème se situe essentiellement dans le droit pénal non classique, par exemple en matière d'environnement.

Actuellement, soit on aboutit à un acquittement parce que l'on ne trouve pas la personne responsable, soit on condamne le responsable de l'environnement dans la société, ou encore quelqu'un qui n'a qu'un lien très vague avec l'infraction. Les dispositions nouvelles permettront, dans de tels cas, au parquet de mettre en cause la société elle-même et d'éviter de fastidieuses recherches pour trouver une personne qui pourrait avoir un lien avec l'infraction.

Dans les autres cas, comme celui, par exemple, du chauffeur de camion qui commet un excès de vitesse, il n'y a pas de réel problème.

Il est clair que celui qui dépasse la vitesse autorisée le fait sciemment et volontairement.

Le cas échéant, la société pourra, elle aussi, être poursuivie, soit pénalement, soit civilement.

Dans de tels cas, l'intervenant suggère d'appliquer le droit commun : quiconque commet un délit ou y participe peut être poursuivi. Le parquet apprécie l'opportunité des poursuites et le juge tranche.

Revenant à l'argument du ministre, selon lequel la possibilité du cumul risque d'aboutir à des condamnations doubles systématiques, un membre rappelle que celles-ci existent déjà à l'heure actuelle : l'on voit bien des procès où l'on condamne, outre l'auteur matériel de l'acte, des personnes physiques exerçant une responsabilité au sein de l'entreprise (chef du personnel ou d'entretien, administrateur délégué et président du conseil d'administration), à défaut de pouvoir condamner l'entreprise elle-même.

Un commissaire observe que plusieurs hypothèses sont possibles :

­ soit les faits sont identifiables, et il s'agit de faits imputables à la personne morale;

­ soit les faits sont identifiables, mais le fait imputable à la personne morale est différent de celui imputable à la personne physique (cf. l'exemple du défaut d'entretien de la grue, cumulé à un usage maladroit de celle-ci) : dans ce cas, tant la personne morale que la personne physique.

Par conséquent, l'exclusion de cumul ne peut s'envisager que pour des faits de la personne physique qui sont de nature à entraîner la responsabilité de la personne morale.

Le ministre se rallie à cette observation.

Il s'agit d'hypothèses où la personne morale et la personne physique agissent ensemble en raison même de la fonction de la personne physique.

C'est pour cette raison que l'on ne peut parler de véritable discrimination.

Dans ce genre d'hypothèses, il y a une telle convergence de l'action de la personne morale, et de celle de la personne physique, que l'on estime qu'il faut faire un choix, pour éviter une multiplication des condamnations.

Il doit en tout cas s'agir des mêmes faits (et non, par exemple, d'une négligence de la personne morale avec, en outre, un excès de vitesse commis par une personne physique déterminée).

Un membre déclare que, dans ce cas, on opère une discrimination entre le personnel dirigeant, qui bénéficiera d'une exemption, et le personnel de base, qui n'en bénéficiera pas.

Un autre membre observe que la question demeure de savoir ce que l'on entend par « les mêmes faits ».

L'intervenant en revient à sa suggestion d'insérer, à l'alinéa premier de l'article 5, les mots « voor alle misdrijven die aan zijn schuld te wijten zijn ».

Ainsi, un excès de vitesse commis par un chauffeur est une faute de celui-ci. Pour qu'il y ait infraction de la société qui l'emploie, il faut pouvoir démontrer dans le chef de celle-ci l'existence d'une faute propre, distincte de l'excès de vitesse (ex. donner pour instruction systématique de dépasser les vitesses autorisées).

Un sénateur revient à l'idée selon laquelle toutes les personnes impliquées dans le fait incriminé doivent être citées devant le juge. On court alors le risque qu'à l'audience, si le parquet n'a pas trouvé de personne physique responsable, la défense de la personne morale objectera que l'on aurait dû poursuivre telle ou telle personne. On risque ainsi de retomber dans les inconvénients du système actuel.

Quant aux objections formulées par le Conseil d'État à propos du cumul de la responsabilité civile relative à la faute pénale d'une personne physique avec la responsabilité pénale de la personne morale (pp. 23 et suivantes du texte français; pp. 65 et suivantes du texte néerlandais), et à la question de savoir s'il ne faudrait pas revoir toutes les situations où, pour pallier l'absence de la responsabilité pénale des personnes morales, on à imaginé, notamment, des systèmes de responsabilité civile pour l'amende, ou de sanctions alternatives, comme les sanctions administratives, l'idée était qu'il fallait d'abord faire la réforme de principe, avant d'examiner les conséquences que celle-ci pourrait avoir pour une série de législations.

Toutefois, on peut essayer, dans une disposition générale, d'exclure la possibilité de cumuler les divers systèmes, en prévoyant par exemple que, lorsqu'il y a responsabilité civile de la personne morale pour le paiement d'une amende infligée à la personne physique, il ne peut plus y avoir responsabilité pénale de cette personne morale, ou inversément.

Sinon, on risquerait effectivement d'aboutir à une double sanction dans le chef de la personne morale.

Pour ce qui est des amendes administratives, lorsqu'elles ont un caractère pénal, le principe « non bis in idem » devrait jouer.

Mais ce principe jouera plus difficilement pour la responsabilité civile du chef d'une amende infligée à la personne physique.

Un membre demande quel est le sort des amendes, parfois très élevées, infligées du chef de contravention à la législation douanière. Les considère-t-on comme de simples amendes administratives qui peuvent être cumulées avec d'autres ?

Une membre déclare qu'elle ne comprend pas bien pourquoi on introduit l'élément intentionnel dans le chef de la personne morale.

Pourquoi prévoir la culpabilité de l'entreprise, plutôt que prévoir des sanctions ? Quel est l'avantage de cette option ?

Elle renvoie au projet suisse. Quel est l'intérêt d'avoir recours au droit pénal pour infliger ces sanctions, dont on aurait pu faire des mesures de sûreté, qui ne supposent pas qu'un élément moral soit identifié.

Un membre explique que l'intérêt est symbolique; il est de frapper des sociétés en raison d'un comportement dont elles sont responsables. La responsabilité pénale est le principe de base de la proposition. Ce principe tient compte de l'évolution de la société, de la multiplication des personnes morales, de la subtilité avec laquelle les personnes morales contournent les sanctions. D'autre part, la responsabilité pénale affirmée implique des sanctions particulières.

Le ministre explique que le fait d'avoir recours au système du droit pénal constitue un choix fondamental du projet. Il n'est pas question d'avoir une responsabilité objective des personnes morales. Il faut que la personne morale ait commis une faute. Les personnes morales doivent être traitées de la même façon que les personnes physiques, avec les mêmes garanties.

M. Vandenberghe dépose un amendement dans ce sens (doc. Sénat, nº 1-1217/4, amendement nº 19). Il est libellé comme suit :

« Remplacer le deuxième alinéa de l'article 5 proposé par ce qui suit :

« Lorsque la responsabilité de la personne morale est engagée exclusivement en raison de l'intervention d'une personne physique identifiée, seule la personne qui a commis la faute la plus grave peut être condamnée, sauf en cas de faute commise sciemment et volontairement par cette personne physique. »

Cet article introduit comme nouvel élément l'implication de la responsabilité de la personne morale due exclusivement à l'intervention d'une personne physique identifiée. Ce n'est que dans ce cas précis que le juge doit faire un choix, en se basant sur le critère de la faute la plus grave. On peut donc poursuivre les deux personnes, mais le juge ne peut condamner que celle qui a commis la faute la plus grave, et uniquement si la responsabilité de la personne morale est engagée, exclusivement en raison de l'intervention de la personne physique identifiée.

On délimite ainsi le cas où la responsabilité de la personne morale est engagée ­ exclusivement en raison de l'intervention d'une personne physique ­ et on définit le critère, qui est que le juge doit déterminer qui a commis la faute la plus grave.

Un membre rappelle que la proposition a pris l'option du non cumul des responsabilités. Lorsque l'acteur a agi involontairement, il ne peut être condamné en même temps que la personne morale.

Un autre commissaire souligne la difficulté de la matière. Il est d'avis que le nouveau concept introduit dans notre droit pénal n'est pas suffisamment défini. Il est important de déterminer si la personne morale pénalement responsable est considérée soit comme une fiction juridique soit comme une entité autonome; dans ce dernier cas, les problèmes sont simplifiés.

Si le principe de l'entité distincte est admis, le problème de la possibilité de poursuivre pour un même délit en même temps la personne morale et les personnes physiques ne se pose pas. Le parquet est maître de l'opportunité des poursuites et de ses réquisitions et le tribunal appréciera librement les véritables imputations et la culpabilité individuelle des personnes physiques, même si on poursuit la personne morale en même temps. L'amendement lui semble compliquer inutilement les choses.

Il faut également se rendre compte que la responsabilité pénale des personnes morales est introduite pour lutter contre les sociétés-écrans en matière de grande criminalité.

L'intervenant est d'avis que l'alinéa 2 pourrait être supprimé. Pourquoi ne pas laisser au parquet et aux tribunaux le soin d'apprécier quelle est la responsabilité pénale de chacun ?

Un membre souligne l'intérêt d'avoir l'affirmation que la responsabilité de la personne morale n'engage pas nécessairement celle de la personne physique qui est à l'origine de l'action pénale en cause. La personne morale dispose d'une responsabilité propre, qui n'engage pas nécessairement la responsabilité des acteurs physiques.

Le ministre souligne que le deuxième alinéa proposé permet de poursuivre les deux personnes, mais si la responsabilité de la personne morale est engagée exclusivement en raison de l'intervention d'une personne physique identifiée, le juge devra faire un choix sur la base du critère de la faute la plus grave, à moins que la faute n'ait été commise sciemment et volontairement par la personne physique en question.

Un membre attire l'attention sur ce problème : le juge aura à choisir entre la définition vague et catégorielle de la qualification de la personne morale, visée au premier alinéa de cet article, et la qualification précise qu'on a en droit pénal de la personne physique qui a commis l'acte.

L'intervenant juge que le cumul doit en tout cas être possible lorsque la personne physique a agi sciemment et volontairement. Il y a aussi le cas où la personne physique a simplement contrevenu à un règlement (le fait de ne pas porter de casque, par exemple). On peut également être confronté à une situation où il y a eu absence totale de prudence. L'acte est alors commis par une personne agissant de manière autonome et non en vue de rechercher l'intérêt de la société.

L'auteur de l'amendement souligne que celui-ci tient compte en tout cas des observations du Conseil d'État, qui a souligné la nécessité de critères. L'amendement donne un contenu à ceux-ci en posant comme principe qu'il y a lieu de tenir compte de la faute la plus grave. Il est vrai qu'il n'est pas facile de définir les critères en question.

Cependant, dans l'éventualité où l'on autoriserait le cumul, on risquerait d'aboutir à une situation où les deux personnes seront condamnées automatiquement.

Un membre suggère d'insérer, au premier alinéa, les mots « sur ses instructions ». Si la personne morale donne effectivement l'ordre à la personne physique de commettre le délit, on ne saurait imputer ce fait à cette dernière.

L'intervenant cite l'exemple du chauffeur qui transporte de la drogue dans la roue d'un camion.

Le ministre signale que la responsabilité pénale de la personne morale implique l'existence chez celle-ci de l'élément intentionnel. C'est là un élément substantiel.

Un membre se réfère à l'amendement nº 12. La personne morale n'ordonne pas de transporter des drogues. L'élément moral fait défaut dans son chef. Mais s'il s'avère que la personne morale se rend coupable d'activités criminelles, sans que l'on puisse identifier avec précision la personne qui a donné les instructions, tant la personne morale que le chauffeur seront (sciemment et volontairement) responsables.

Si la personne physique n'agit pas sciemment et volontairement, c'est la gravité de la faute qui jouera. Le fait de ne pas porter un casque constitue en principe une faute dans le chef du travailleur, sauf s'il s'agit d'une pratique généralisée et qu'aucun contrôle n'est exercé.

Il est important que dans certains cas, seule la personne morale puisse être condamnée. Le juge appréciera si l'élément intentionnel est présent dans le chef de la personne morale. Il pourra le déduire dans l'ensemble des actes et pratiques de la personne morale.

Il faut faire une distinction entre l'hypothèse dans laquelle l'entreprise organise des activités criminelles et se sert pour cela de personnes physiques, et la criminalité occasionnelle dans une entreprise poursuivant un objet et un intérêt licites. Dans la criminalité occasionnelle, si la personne physique a agi sciemment et volontairement et que la personne morale est impliquée dans cette criminalité occasionnelle (élément moral), elles seront toutes deux responsables. Autrement, c'est la gravité de la faute qui sera déterminante. Le critère de la gravité de la faute n'est pas un critère mathématique mais il répond à la volonté d'avoir un critère de choix, d'une part, et de ne pas avoir automatiquement deux prévenus au lieu d'un, d'autre part.

Le droit étranger est lui aussi fort vague. La loi néerlandaise est encore plus vague que la présente proposition.

Mme Merchiers dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/4, amendement nº 20), qui est libellé comme suit :

« Compléter l'article 5 proposé par un deuxième et un troisième alinéas nouveaux, libellés comme suit :

« Lorsqu'on constate que l'infraction résulte d'une faute personnelle commise sciemment et volontairement par une personne physique identifiée, la personne morale et la personne physique peuvent toutes deux être poursuivies et condamnées.

Lorsqu'on constate que l'infraction résulte d'une faute personnelle commise involontairement par une personne physique identifiée, la personne morale et la personne physique peuvent toutes deux être poursuivies, mais le juge devra, dans son jugement, apprécier la gravité de l'infraction pour chacune d'elles. »

Un membre préfère les termes « sciemment et volontairement » au termes « volontairement ou involontairement ». Les termes « sciemment et volontairement » apparaissent à plusieurs reprises dans le droit pénal. On ne connaît par contre pas la portée exacte des mots « volontairement et involontairement ».

En deuxième lecture, M. Erdman dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/5, amendement nº 37), qui est libellé comme suit :

« À l'article 5, remplacer les mots « sauf en cas ... personne physique » par les mots « Si la personne physique identifiée a commis la faute sciemment et volontairement, elle peut être condamnée en même temps que la personne morale responsable ».

Justification

Les choses sont plus claires si l'on fait une distinction, comme on l'a suggéré au cours de la discussion, entre la situation dans laquelle la personne physique identifiée a commis une faute et celle dans laquelle elle a commis cette faute sciemment et volontairement. Dans le second cas, une condamnation collective peut être prononcée. Dans le premier cas, le juge devra choisir.

Des personnes morales qui ne peuvent être réputées responsables pénalement.

M. Erdman dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/2, amendement nº 1), libellé comme suit :

« À l'article 5 proposé du Code pénal, alinéa 4, insérer, entre les mots « les communes » et les mots « la Commission communautaire française », les mots « les organes territoriaux intracommunaux. »

Justification

L'article 41 de la Constitution prévoit la possibilité de créer des organes territoriaux intracommunaux. Puisque le texte exclut les communes et les centres publics d'aide sociale, il faut aussi exclure les organes en question.

M. Boutmans dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/2, amendement nº 2), libellé comme suit :

« Au dernier alinéa de l'article 5 proposé du Code pénal, ajouter les mots « visés à l'article 17bis de la loi organique du 8 juillet 1976 » après les mots « aide sociale. »

Justification

Il n'est pas nécessaire d'exclure tous les CPAS de la réglementation légale parce que quelques rares communes ont un organe élu directement. L'amendement vise à limiter l'exclusion à ces communes exceptionnelles.

Un membre déclare ne pas pouvoir marquer son accord sur cet amendement. Il ne lui paraît pas indiqué qu'un CPAS soit poursuivi au pénal. De plus, huit CPAS belges sont élus au suffrage direct, de telle sorte qu'ils échapperaient à cette règle. Il lui paraît préférable de maintenir le texte de la proposition et d'exclure tous les CPAS du champ d'application de la proposition.

L'auteur de l'amendement ne distingue aucun argument justifiant d'exclure les CPAS, dès lors qu'ils ne sont pas non plus à l'abri d'éventuels mécanismes de fraude.

M. Erdman dépose, en deuxième lecture, l'amendement suivant (doc. Sénat, nº 1-1217/5, amendement nº 36) :

« À l'article 5, dernier alinéa, remplacer les mots « Ne sont pas considérées comme des personnes morales pour l'application du présent article » par les mots « Ne peuvent pas être considérées comme des personnes morales responsables pénalement pour l'application du présent article. »

Justification

L'on ne saurait soutenir que les personnes morales énumérées ne peuvent pas être considérées comme des personnes morales. Le but est clairement que l'on ne puisse pas leur appliquer la responsabilité pénale des personnes morales et, par conséquent, qu'elles fassent exception à l'application de cet article. La formulation contenue dans le présent amendement est préférable.

B. Votes

L'amendement nº 12 de MM. Vandenberghe et Bourgeois est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

L'amendement nº 11 de M. Boutmans est rejeté par 7 voix contre 1.

L'amendement nº 1 de M. Erdman est adopté par 7 voix et 1 abstention.

L'amendement nº 2 de M. Boutmans est rejeté à l'unanimité des 8 membres présents.

L'amendement nº 19 de MM. Vandenberghe et Bourgeois est adopté par 4 voix et 4 abstentions.

Par suite de l'adoption de l'amendement nº 19, l'amendement nº 20 de Mme Merchiers devient sans objet.

En seconde lecture, les amendements nºs 36 et 37 de M. Erdman sont adoptés à l'unanimité des 8 membres présents.

L'article amendé est adopté en première et en seconde lecture à l'unanimité des 8 membres présents.

C. Corrections formelles

Article 2

Un membre propose les corrections formelles suivantes :

« Remplacer le texte néerlandais de l'alinéa 1er de l'article 5 proposé par le texte suivant :

« Een rechtspersoon is stafrechtelijk verantwoordelijk voor misdrijven die in wezen verbonden zijn met de verwezenlijking van zijn doel of de behartiging van zin belangen, of die, naar uit concrete omstandigheden blijkt, voor zijn rekening zijn gepleegd. »

La commission estime que les mots « intrinsèquement liées » sont suffisamment clairs. En outre, cette expression est déjà utilisée dans le Code civil en matière de responsabilité civile. Par conséquent, cette correction formelle n'est pas apportée.

La commission décide toutefois d'apporter les corrections formelles suivantes :

­ Au premier alinéa du texte néerlandais, il y a lieu de supprimer le mot « iedere ».

En effet, ce mot donne à penser que la règle est applicable à tous sans exception alors qu'il veut dire « als er een is die » (s'il y en a un qui). Le mot « iedere » ou « elke » ont un connotation de distribution « chacun individuellement), et non pas une connotation de globalité (tous).

­ Dans le texte français, on supprime également le mot « toutes ».

­ Dans le texte néerlandais, les mots « werden gepleegd » sont remplacés par les mots « zijn gepleegd ». Le verbe doit être conjugués au parfait, car, d'après le texte, l'incrimination naît apres que la personne morale a commis l'infraction pour son compte; d'où le temps présent.

­ Dans le texte néerlandais des 1º, 2º et 3º, l'on supprime la plupart des articles définis qui viennent d'une traduction littérale du français.

­ Au deuxième alinéa du texte néerlandais, les mots « wordt de persoon die » sont remplacés par les mots « degene die ». En néerlandais, l'on n'utilise le mot « personen » que lorsque le sens l'exige.

­ Au dernier alinéa, les mots « personnes morales » sont remplacés par les mots « personne morale ». Ce n'est pas le groupe, mais chacun des éléments énumérés, que l'on considère comme n'étant pas des personnes morales.

Article 3

Cet article est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

Article 4

Des peines applicables aux infractions commises par les personnes morales

A. Discussion

Un membre demande s'il est opportun, sur le plan légistique, de faire une distinction entre, d'une part, les peines en matière criminelle, en matière correctionnelle et en matière de police et, d'autre part, les peines en matière criminelle et en matière correctionnelle.

L'auteur de la proposition de loi estime que cette formulation est adéquate. En matière de police, on ne peut encourir qu'une amende et une confiscation.

M. Vandenberghe dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/3, amendement nº 13), libellé comme suit :

« Apporter à l'article 7bis proposé les modifications suivantes :

A. Remplacer le 1º par ce qui suit :

« 1º la dissolution.

Celle-ci ne peut être prononcée à l'égard des personnes morales de droit public; »

B. Supprimer le derniér alinéa. »

L'auteur de l'amendement demande si le champ d'application des mots « personnes morales de droit public » figurant à l'article 7bis , 1º, est suffisamment clair. L'article signifie qu'il ne peut y avoir confiscation pour les biens qui appartiennent au domaine public des personnes morales de droit public.

L'intervenant souligne que le dernier alinéa de l'article 5, proposé, du Code pénal (article 2 de la proposition) exclut un certain nombre de personnes morales de droit public. Une confiscation n'est jamais possible à leur encontre. Quelles personnes morales de droit public l'article 7bis vise-t-il ?

Le ministre explique que l'article 7bis concerne toutes les personnes morales autres que celles visées à l'article 5, à savoir donc les personnes morales dont les membres ne sont pas élus.

En ce qui concerne les biens, on renvoie implicitement à l'article 1412bis du Code judiciaire. Une confiscation spéciale de ces biens n'est pas possible.

Un membre soulève le risque de traiter de manière inégale les personnes morales de droit privé qui exercent des missions de service public et les personnes morales de droit public. Un certain nombre d'ASBL exercent des missions de service public (voir p. 31 de l'avis du Conseil d'État), et peuvent être agréées ou subventionnées.

Elle dépose un amendement en ce sens (Doc. Sénat, nº 1-1217/3, amendement nº 18), libellé comme suit :

« À l'article 7bis proposé, remplacer les avant-dernier et dernier alinéas par ce qui suit :

« En matière criminelle et correctionnelle :

1º la dissolution; celle-ci ne peut être prononcée à l'égard de personnes morales de droit public et de personnes de droit privé ayant une mission de service public;

2º l'interdiction d'exercer une activité relevant de l'objet social, à l'exception des activités qui relèvent d'une mission de service public;

3º la fermeture d'un ou plusieurs établissements, à l'exception d'établissements où sont exercées des activités qui relèvent d'une mission de service public. »

Justification

La proposition de loi prévoit en son article 4 que la dissolution ne peut être prononcée à l'égard des personnes morales de droit public. Cette exception se justifie par le fait que les personnes morales de droit sont en principe investies de la gestion d'un service public. Mais notre droit connaît également le concept de « service public fonctionnel ». En d'autres termes, les pouvoirs publics confient régulièrement la gestion d'un service public à des personnes morales de droit privé par les procédés de la concession et de l'agrément. Il faut dès lors éviter que ces personnes morales de droit privé (souvent des ASBL) qui exercent une mission de service public puissent être dissoutes, et ce au détriment de la collectivité. Ces personnes morales sont d'ailleurs soumises au principe de continuité du service public.

Les personnes morales de droit privé investies d'une mission de service public doivent être mises sur le même pied que les personnes morales de droit public.

Un commissaire se réfère à l'article 2 de la proposition, in fine . L'exception n'englobe pas toutes les personnes morales de droit public. L'exception proposée par la préopinante va trop loin et ouvrirait la voie à des abus.

Un autre membre renvoie aux abus en France du secteur non marchand (aide à la vieillesse, etc.). Il appartient au juge d'apprécier dans quelle mesure l'infraction commise est de nature à justifier une responsabilité pénale de la personne morale.

L'objectif de la loi est de viser les sociétés maffieuses, qui sont maintenues, après la condamnation des individus. Le risque existe que ces sociétés maffieuses constituent des ASBL.

L'auteur de l'amendement se demande si, dans le cas d'ASBL remplissant des missions de service public (ex : un service d'accueil d'enfants), lorsque la faute a été commise par une personne physique, la sanction doit aller jusqu'à la dissolution prévue à l'article 4 de la proposition. Dans ce cas, en effet, la sanction a des graves répercussions sur les utilisateurs des services en question, et la continuité du service public n'est pas assurée.

S'il est certes difficile de définir les ASBL à caractère privé qui remplissent des missions de service public, on peut cependant se référer à la jurisprudence, et avoir égard à l'objet de l'institution, à la manière dont elle est agréée et subsidiée, etc.

Le ministre renvoie à l'article 35 (article 6 de la proposition), qui ne vise manifestement pas le type de cas auxquels se réfère la précédente intervenante.

La dissolution ne peut être décidée que lorsque la personne morale a été intentionnellement créée afin d'exercer les activités punissables pour lesquelles elle est condamnée, ou lorsque son objet a été intentionnellement détourné afin d'exercer de telles activités.

L'article 4 de la proposition ne fait qu'énumérer l'éventail de toutes les sanctions possibles.

L'auteur de l'amendement observe que l'article 4 in fine précise bien que la dissolution ne peut être prononcée à l'égard des personnes morales de droit public.

Le sens de son amendement est d'exclure également du champ de la dissolution les personnes morales de droit privé qui exercent des missions de service public, lorsque ces missions sont précisées.

Le ministre estime que lorsque de telles institutions ont été créées pour exercer des activités punissables, il faut pouvoir les dissoudre. Sinon, les abus seraient trop aisés.

Un autre membre rappelle que certaines ASBL, tels les centres culturels, sont créées sur base décrétale, notamment au niveau des communautés. Des agréations, une représentation des pouvoirs publics y sont prévues.

Ce type d'ASBL est même visé par la loi sur les marchés publics.

Une assimilation du même genre ne serait-elle pas envisageable ici ?

Le ministre fait remarquer que l'amendement de Mme Delcourt-Pêtre vise une autre hypothèse.

Un membre est d'avis que l'amendement nº 18 de Mme Delcourt-Pêtre introduit une question de principe assez importante. Il est clair que l'exception prévue constitue une extention considérable.

On peut exercer des missions de service public, sans avoir été reconnu officiellement.

Un membre répond que la notion de service public a été définie par la jurisprudence.

Un commissaire estime qu'il y a toute une discussion sur la portée de la notion de service public et de ce qui peut y être assimilé.

En second lieu, l'exception proposée couvre énormément de choses. Tous les hôpitaux, toutes les écoles, toutes les initiatives à caractère social organisées sous forme d'ASBL sont considérés par une certaine doctrine comme relevant du service public. Les ASBL assurant un service public sont beaucoup plus importantes que les personnes morales publiques. Elles couvrent un terrain considérable.

Le ministre n'est pas davantage partisan de l'amendement, car des abus sont possibles. Une organisation criminelle peut prendre la forme d'une ASBL ayant un objet social légitime (service public) pour éviter ainsi la dissolution.

Un membre est d'avis que l'amendement suscite des questions sur sa portée exacte et sur la nature de l'agrément que devraient obtenir les organisations visées.

L'auteur de l'amendement renvoie à la jurisprudence existante. D'autre part, l'amendement ne vise que l'impossibilité de la dissolution.

Un membre souligne que la dissolution fait l'objet d'une appréciation.

Un autre membre souligne que l'adoption de l'amendement entraînerait forcément une révision des votes antérieurs. Les personnes morales de droit public dont les membres sont élus directement sont exclues par l'article 2 de la proposition. Si l'amendement de Mme Delcourt-Pêtre est adopté, il faudra également étendre la catégorie des personnes morales de droit public exclues, car il est impensable de prévoir que seule une partie des personnes morales de droit public est exclue, alors que toutes les personnes morales de droit privé assurant un service public le seraient. La loi instituerait de la sorte non pas l'incrimination de la personne morale, mais celle de la personne morale privée.

B. Votes

L'amendement nº 13 de M. Vandenberghe est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

L'amendement nº 18 de Mme Delcourt-Pêtre est rejeté par 6 voix contre 2.

L'article ainsi amendé est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

C. Corrections formelles

La commission décide d'apporter la correction formelle suivante :

Dans le texte néerlandais de l'article 7bis , les mots « activiteit » et « activiteiten » sont remplacés respectivement par les mots « werkzaamheid » et « werkzaamheden ».

« Werkzaamheid » correspond au mot français « activité » dans le sens des articles 115, § 2, 4º, 123ter et 135bis du Code pénal et au sens du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe (« beroepswerkzaamheid » = activité professionnelle »).

Le mot « activiteit » exprime le contraire du mot « inactiviteit » et correspond plutôt au sens du mot « bedrijvigheid ». Exemple : « 's zondags is er er weinig activiteit »

Article 5

Cet article est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

La commission décide d'apporter la correction formelle suivante :

« Rédiger le texte néerlandais de l'intitulé de la sous-section de la manière suivante :

« Straffen aan misdaden en wanbedrijven gemeen, toepasselijk op natuurlijke personen. »

Justification

Il est souhaitable d'éviter, comme il est d'usage, les phrases dans un intitulé (et, partant, de ne pas écrire : « die toepasselijk zijn ...).

Article 6

De la dissolution de l'interdiction d'exercer une activité, de la fermeture et de la publication de la décision.

A. Discussion

Article 36 (interdiction d'exercer une activité)

M. Boutmans dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/2, amendement nº 3), libellé comme suit :

« Compléter l'article 36 proposé du Code pénal par une deuxième phrase, rédigée comme suit :

« L'interdiction pourra toujours être prononcée si la personne commet à nouveau un crime après avoir été condamnée antérieurement pour un crime, ou qu'elle commet à nouveau un délit dans les dix années qui suivent une condamnation pour cause de délit, pour autant que le fait nouveau constitue une infraction au même chapitre du livre II du présent Code ou à la même loi particulière. »

Justification

La proposition fait référence aux lois particulières, mais pour l'heure, il n'existe évidemment pas encore de lois portant des peines pour les personnes morales.

Il semble opportun de prévoir une possibilité d'exclusion générale en cas de récidive.

Pour les infractions commises par des personnes physiques aussi, le Code pénal lui-même règle de manière générale la récidive.

Nous proposons concrètement de rendre possible (et pas obligatoire, donc) l'interdiction d'exercer une activité déterminée en cas de récidive d'un crime ou d'infractions similaires (par exemple, une infraction ayant trait à la drogue après avoir été condamné précédemment pour recel ou fabrication de stupéfiants, ou une escroquerie après condamnation antérieure pour recel, abus de confiance, etc. (Il s'agit grosso modo de la même catégorie d'infractions). L'interdiction est toujours facultative.

L'instauration de cette disposition générale offre deux avantages, selon son auteur :

­ il se passera encore pas mal de temps avant qu'il n'existe des lois permettant d'interdire l'exercice d'une activité;

­ de plus, il serait sage de prévoir une faculté générale de fermeture en cas de récidive.

L'interdiction d'exercer une activité resterait cependant facultative.

Le ministre souligne que l'interdiction d'exercer une activité est une sanction très lourde de conséquences, qui entraîne la cessation de l'entreprise ou d'une activité de l'entreprise.

La proposition considère qu'une loi spécifique est nécessaire pour pouvoir prononcer une telle sanction. Il est nécessaire que le Parlement se prononce spécifiquement sur cette question.

Le ministre se rallie à la vision adoptée dans la proposition.

Un membre est d'accord avec le ministre. L'énumération est en outre incomplète.

Reste à savoir s'il n'y a pas lieu d'insérer les termes « temporaire ou définitive ». Telle que la disposition est formulée actuellement, elle semble signifier que l'interdiction est toujours définitive.

L'intervenant dépose un amendement dans ce sens (doc. Sénat, nº 1-1217/3, amendement nº 14), qui est libellé comme suit :

« À l'article 36 proposé, remplacer les mots « L'interdiction » par les mots « L'interdiction temporaire ou définitive. »

Il convient d'adapter l'article 37 dans le même sens.

En ce qui concerne l'amendement nº 10 de M. Boutmans, voir infra , l'article 37ter .

Article 37 (fermeture)

MM. Vandenberghe et Lallemand déposent un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/3, amendement nº 15), libellé comme suit :

« À l'article 37 proposé, remplacer les mots « La fermeture » par les mots « La fermeture temporaire ou définitive. »

Le ministre peut se rallier à cet amendement. L'éventail des possibilités d'action dont dispose le juge doit rester le plus vaste possible. Il est bon d'étendre les possibilités en fonction des situations spécifiques.

M. Boutmans dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/2, amendement nº 4), libellé comme suit :

« Compléter l'article 37 proposé du Code pénal par une deuxième phrase, libellée comme suit :

« La fermeture pourra toujours être prononcée si la personne morale commet à nouveau un crime après avoir été condamnée antérieurement pour un crime ou qu'elle commet à nouveau un délit dans les dix années qui suivent une condamnation pour cause de délit, pour autant que le fait nouveau constitue une infraction au même chapitre du livre II du présent Code ou à la même loi particulière. »

Justification

Voir la justification de l'amendement précédent.

L'auteur renvoie à l'amendement nº 3 (cf. supra) .

Article 37bis (publication ou diffusion)

M. Boutmans dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/2, amendement nº 5), libéllé comme suit :

« Remplacer l'article 37bis proposé du Code pénal par la disposition suivante :

« Art. 37bis. ­ Le juge pourra toujours, dans la mesure où il s'agit de la personne morale, ordonner la publication de la décision aux frais du condamné, comme peine unique ou comme peine accessoire.

Dans ce cas, le juge déterminera la manière dont cette publication doit être effectuée. »

Justification

Dans bien des cas, la publication de la condamnation sera, pour la personne morale, la peine la plus appropriée, et tout à fait indiquée pour remplacer une peine d'emprisonnement. Nous estimons donc qu'elle doit être possible dans tous les cas, en plus ou en lieu et place d'une autre condamnation.

Toutefois, la décision est toujours laissée à l'appréciation du juge.

L'auteur souligne que l'article 37bis contient un terme nouveau, à savoir la « diffusion » du jugement. Quelle est la portée de ce terme ?

Un membre demande si la publication n'est pas déjà prévue à l'article 4, qui ne prévoit cette peine qu'en matière correctionnelle et criminelle.

L'auteur de l'amendement répond à cette question que l'article 4 ne fait qu'énumérer les sanctions possibles. Les articles suivants fixent ensuite les modalités d'application.

Un membre souligne que l'article 37bis dispose « dans les cas déterminés par la loi ». La loi devra donc apporter des précisions. Il faut en outre examiner quand la sanction sera effectivement appliquée.

Un membre fait remarquer qu'il est difficile de procéder à une publication lorsqu'aucune amende ou peine n'a été prononcée.

L'amendement de M. Boutmans prévoit que le juge pourra toujours ordonner la publication, alors que le texte initial dispose que la publication ne peut être prononcée que dans les cas déterminés par la loi. Le texte de la proposition emporte sa préférence en raison de la sécurité juridique qu'il offre. Une publication peut porter gravement atteinte à une entreprise, si bien qu'une certaine protection juridique s'impose.

Le ministre explique que l'on part de l'idée que la publication peut être une peine principale, qui revêt un caractère autonome et qui ne peut être prononcée que dans les cas prévus par la loi. La vision qui préside à la proposition lui paraît correcte et correspondre à la réalité sociale. Il s'agit d'une sanction spécifique.

Interrogé par un membre, le ministre confirme que la déclaration de culpabilité n'est pas prévue comme telle. L'article 4, 4º, revient cependant au même.

Faut-il prévoir la possibilité de publier une déclaration de culpabilité en tant que telle ?

Un membre attire l'attention sur les effets sociaux potentiels de la publication d'une déclaration de culpabilité.

Le ministre répète que l'exécution de la déclaration de culpabilité en tant que peine pose problème; elle n'est pas prévue non plus pour les personnes physiques.

Un membre fait référence à l'adage « nulla poena sine lege ». Si le juge décide de prononcer la culpabilité d'une personne sans l'assortir d'une peine en raison de l'expiration du délai raisonnable, un problème se pose par rapport au principe de légalité.

Dès lors que la « déclaration de culpabilité » n'est pas considérée comme une peine dans le cadre de la loi, elle ne peut pas servir de sanction. La jurisprudence n'aurait donc pas le pouvoir de nuancer la peine en fonction de la notion de délai raisonnable. Ce ne serait possible que si le législateur laissait une ouverture.

Il faut édicter une règle générale pour trancher la question de savoir si la « déclaration de culpabilité » doit être définie comme une peine à part entière. Si on instituait cette peine pour les personnes morales et non pour les personnes physiques, des problèmes surgiraient immédiatement.

Plusieurs membres partagent cet avis.

Amendement visant à insérer un article 37ter (désignation d'un administrateur provisoire)

M. Boutmans dépose les amendements suivants (doc. Sénat, nº 1-1217/2, amendements nºs 6 et 10) :

Amendement nº 6

« In fine de la sous-section proposée, ajouter un article 37ter, rédigé comme suit :

« Art. 37ter. ­ S'il est à craindre que la personne morale condamnée n'exécute pas le jugement ou qu'elle continue à enfreindre les dispositions légales transgressées, le juge peut commettre, aux frais de la personne morale condamnée, un administrateur spécial ayant pour mission de prendre ou de faire prendre, au sein de la personne morale, toutes les mesures voulues en vue de faire respecter la législation transgressée et de faire exécuter les peines infligées. Cette mesure peut être ordonnée dans le jugement de condamnation ou par la suite, à la requête du ministère public ou d'une partie intéressée, s'il apparaît que la personne morale condamnée laisse subsister la situation illégale ou qu'elle n'exécute pas la condamnation.

La commission est donnée pour un terme fixé par le juge, qui ne peut excéder deux ans, ou pour une durée indéterminée. La personne morale condamnée ou l'administrateur peut toutefois demander la levée de la mesure, s'il n'y a plus de raison de la maintenir.

Cette peine ne peut pas être prononcée à l'égard d'une personne morale de droit public. »

Justification

Dans certains cas, il sera nécessaire de forcer l'exécution pratique du jugement au sein de la société; par exemple en fermant un établissement déterminé ou en mettant à l'arrêt une vanne par laquelle s'effectuent des déversements, etc. La mise sous administration est une peine bien connue aux Pays-Bas. Le juge peut lever la mesure, par exemple, si l'entreprise est cédée de bonne foi ou si l'on apporte la preuve que l'on a pris les mesures nécessaires pour éviter une récidive ou pour neutraliser les effets du délit.

Amendement nº 10

« Compléter l'article 36 proposé du Code pénal par un deuxième alinéa, rédigé comme suit :

« Les infractions à cette interdiction seront punies d'un emprisonnement de 3 mois à 2 ans et d'une amende de 1 000 à 100 000 francs ou d'une de ces peines seulement. »

Justification

Si l'interdiction d'exercer une activité déterminée n'est assortie d'aucune sanction, elle sera inopérante. Nous proposons dès lors d'insérer un article 37ter (administrateur), mais aussi l'amendement ci-dessus, qui s'inscrit davantage dans la ligne du droit pénal classique. Il va de soi que pour les personnes morales, la peine de prison que nous instituons ici est remplacée par l'amende prévue à l'article 41bis.

L'auteur déclare que l'on se trouve, en l'espèce, devant une forme atténuée du système néerlandais qui est applicable en ce qui concerne les délits économiques, à savoir celui de la mise sous administration. L'intervenant donne l'exemple suivant : un dancing, propriété d'une SA, est condamné pour violation systématique de la loi relative aux nuisances sonores. Ce dancing est conçu de manière telle qu'il est impossible d'y diffuser de la musique sans violer la loi. L'on pourrait dans ce cas identifier un administrateur responsable des travaux d'isolation, etc., dans la mesure où l'on pourrait craindre que la personne morale condamnée ne respecte pas le jugement ou continue à enfreindre la disposition de loi violée.

Un membre estime que, dans l'exemple cité par l'auteur de l'amendement, il est question d'une sanction civile. La victime de nuisances sonores peut se constituer partie civile et demander l'exécution, en guise de réparation, de travaux visant à éliminer la nuisance sonore. La jurisprudence le permet, sans qu'il ne faille poursuivre la fermeture de l'entreprise. En effet, la fermeture ne peut pas être poursuivie devant le juge civil lorsque l'entreprise dispose d'une autorisation et qu'elle exerce son activité dans les limites de celle-ci. Le problème visé dans l'exemple précité pourrait donc être résolu par une action au civil.

Le ministre partage cet avis. De plus, l'éventail des sanctions possibles (voir aussi la possibilité de fermeture temporaire) est suffisamment large pour que l'on puisse trouver une solution aux phénomènes criminels. L'amendement pose également le problème de l'opérationnalité. Le système proposé n'est pas simple. L'on introduit dans le droit pénal un phénomène relevant du droit des sociétés.

Un membre soulève le problème de la responsabilité de cet administrateur. Qui assumera par exemple la responsabilité de l'échec commercial éventuel de la société ?

B. Votes

Les amendements nºs 3, 4, 5, 6 et 10 de M. Boutmans sont rejetés à l'unanimité des 8 membres présents.

Les amendements nºs 14 et 15 de M. Vandenberghe sont adoptés à l'unanimité des 8 membres présents.

L'article ainsi amendé est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

C. Corrections formelles

La commission décide d'apporter les corrections formelles suivantes :

­ Rédiger le texte néerlandais de l'intitulé de la sous-section II de la manière suivante : « Straffen aan misdaden en wanbedrijven gemeen, toepasselijk op rechtspersonen. »

­ Dans le texte néerlandais des articles 35 et 36, remplacer les mots « activiteit » et « activiteiten » respectivement par les mots « werkzaamheid » et « werkzaamheden » et remplacer le mot « uitoefenen » par le mot « verrichten ».

­ Pour « activiteit », voir supra . « Verrrichten » est utilisé dans l'article 1122bis du Code pénal.

­ Dans le texte néerlandais des articles 35, 36, 37 et 37bis , supprimer l'article devant les mots « ontbinding », « tijdelijk », « tijdelijke » et « bekendmaking ».

Un article défini renvoie à un élément connu ou à un élément qui a déjà été mentionné. Or, il n'a encore été question, ni de dissolution, ni d'interdiction, ni de fermeture, ni de publication, choses auxquelles l'article renvoie apparemment (cette remarque vaut mutatis mutandis pour ce qui est des articles 35, 36, 37 et 37bis ). Voir loi sur les faillites, passim.

Article 7

Cet article est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

Article 8

De l'amende pouvant être infligée aux personnes morales

A. Discussion

Un membre attire l'attention sur la mauvaise formulation du § 2 de l'article 41bis proposé.

La « détermination de la peine en vertu des dispositions du livre Ier de ce Code » dépasse très largement en sévérité l'amende prévue à l'article 41bis .

L'intervenant renvoie aux observations du Conseil d'État. Le but poursuivi est de rendre les dispositions du livre Ier du Code pénal applicables à la personne morale, en particulier pour ce qui est de la tentative d'infraction ou de délit, le concours de délits et les circonstances atténuantes.

Il convient donc de revoir la formulation du § 2.

M. Vandenberghe dépose à cet effet un amendement (doc. Senat, nº 1-1217/3, amendement nº 16) rédigé comme suit :

« Remplacer le § 2 de l'article 41bis proposé par ce qui suit :

« § 2. Pour la détermination de la peine prévue au § 1er , les dispositions du livre Ier du présent Code sont applicables. »

Le ministre souscrit à cette formulation.

Un sénateur rappelle l'objectif du texte et estime que l'on devrait préciser quelles sont les dispositions applicables en ce qui concerne les peines visées au § 1er (récidive, en cas de tentative et en cas de circonstances atténuantes). La conversion prévue au § 1er doit être appliquée aux peines visées au livre Ier .

M. Boutmans estime qu'il faut formuler le texte plus clairement et dépose à cette fin un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/3, amendement nº 17), rédigé comme suit :

« Remplacer le § 2 de l'article 41bis proposé par le texte suivant :

« § 2. Lorsque la peine prévue par la loi pour le fait est majorée ou réduite en application des règles en matière de tentative, de récidive, de concours, de participation, de causes de justification ou d'excuse ou de circonstances atténuantes, elle est d'abord convertie en amende à l'égard de la personne morale, conformément aux dispositions du § 1er , et la majoration ou la réduction est appliquée à l'amende ainsi obtenue. Toutefois, l'amende prononcée en remplacement d'une peine privative de liberté ne peut jamais être inférieure à 500 francs en matière correctionnelle et criminelle et à 50 francs en matière de police. »

Justification

Le Conseil d'État a objecté, à juste titre, que la formulation du § 2 était insuffisamment précise. La disposition que nous proposons apporte la précision requise.

Il s'agit de majorer ou de réduire des peines d'emprisonnement qui n'existent pas pour les personnes morales et sont donc converties en amende. L'amende « de base » doit dès lors être calculée avant que la majoration ou la réduction puisse intervenir.

Si la peine de base est elle-même une amende, il va de soi que la règle de la majoration ou de la réduction s'applique directement, comme prévu aux articles 52, 54, 60, 62, etc.

Un membre renvoie une nouvelle fois aux observations du Conseil d'État (p. 37). Les dispositions du livre Ier qui sont applicables en ce qui concerne les peines visées au § 1er sont celles relatives à la tentative (article 51 et suivants), à la récidive (article 54 et suivants) ou encore aux circonstances atténuantes (article 79 et suivants). L'amendement nº 16 paraît suffisamment clair.

Un membre demande si les amendes définies au § 1er font l'objet de décimes additionnels.

Le ministre répond par l'affirmative.

Ensuite, un membre attire l'attention sur le fait que l'article 85 (circonstances atténuantes) fait également partie des dispositions du livre Ier . Peut-on prendre compte ces circonstances atténuantes, malgré le fait que les peines aient déjà été converties en application du § 1er , car, dans l'affirmative, l'on procèderait à une double atténuation ?

Un membre attire l'attention sur l'article 100. Cet article n'est pas applicable en l'espèce. La loi en question n'est pas une loi spéciale. Par contre, les articles 79 et suivants sont bel et bien applicables quant à eux.

L'amende peut être ramené jusqu'à un minimum de 26 francs dans les affaires criminelles et de 1 franc dans les affaires correctionnelles.

Un membre souligne que l'article 41bis fait partie du livre Ier . Il lui semble dès lors peu logique d'affirmer que les dispositions du livre Ier sont d'application.

Un membre souligne que le Conseil d'État a jugé cette disposition nécessaire.

Plusieurs membres disent donner la préférence à l'amendement nº 16. Comme l'amendement de M. Boutmans contient une énumération, l'on risque toujours d'oublier certains points.

Un sénateur précise que l'objectif de l'amendement nº 17 est double. Il vise tout d'abord à faire la clarté en ce qui concerne le moment où la conversion doit avoir lieu en cas de tentative, de récidive, de concours, de participation et de causes de justification ou d'excuse. L'amendement précise que la conversion doit avoir lieu et que l'amende de base doit être calculée avant que l'on puisse y appliquer la majoration ou la réduction.

En cas d'application des règles concernant les circonstances atténuantes, par exemple, la peine minimum pourrait être ridiculement légère. L'amendement prévoit dès lors une peine minimum. Un choix s'impose.

En ce qui concerne le premier argument avancé par l'intervenant précédent, un membre propose de placer le texte du § 2 plus avant, de manière que la règle concernant la récidive précède la disposition relative à la peine.

Un membre souscrit à cette proposition; la récidive est antérieure à la répression.

Un membre soulève la question de l'instauration d'un régime dans lequel la déclaration de culpabilité serait la peine unique (voir aussi article 6, cf. ci-avant).

Le ministre n'est pas favorable à l'instauration de cette peine sans qu'il y ait eu au préalable une discussion générale.

Un membre estime qu'il faudra clairement préciser en l'espèce que la loi relative à la suspension des personnes physiques ne vaut pas pour les personnes morales.

Un autre membre renvoie à la discussion précédente. Il croyait, quant à lui, pouvoir en déduire au contraire que le droit pénal commun est applicable à moins que la nature des choses s'y oppose. Il renvoie à la discussion relative aux conditions de probation.

Un membre rappelle qu'une mesure probatoire pourrait consister à charger un expert de contrôler la comptabilité de la société.

Le ministre répète qu'il ne tient pas à ce que l'application des règles du droit pénal commun soit exclue. Le juge doit pouvoir décider en l'espèce. Le droit commun doit être pleinement applicable, à moins qu'il soit vraiment incompatible avec la situation spécifique de la personne morale.

Un membre trouve logique que le droit pénal puisse être appliqué mutatis mutandis à la personne morale. Le juge doit conserver sa liberté en l'espèce.

B. Votes

Amendement nº 16 de M. Vandenberghe est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

Amendement nº 17 de M. Boutmans devient sans objet à la suite de l'adoption de l'amendement nº 16.

L'article amendé est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

C. Corrections formelles

Un membre est d'avis que la construction des phrases du texte de l'article 41bis , § 1er , est plutôt complexe. Il serait préférable de rédiger ce texte comme suit :

« ­ Lorsque la loi prévoit pour le fait une peine privative de liberté et une amende, ou l'une de ces peines seulement, une amende dont le minimum s'élève à autant de fois cinq cents francs que le nombre de mois du minimum de la peine privative de liberté, sans pouvoir être inférieure au minimum de l'amende prévue pour le fait, et dont le maximum s'élève à autant de fois deux mille francs que le nombre de mois du maximum de la peine privative de liberté, sans pouvoir être inférieure au double du maximum de l'amende prévue pour le fait;

­ Lorsque la loi prévoit pour le fait une peine privative de liberté à perpétuité, une amende de deux dent quarante mille francs à sept cent vingt mille francs;

­ Lorsque la loi ne prévoit pour le fait qu'une amende, le minimum et le maximum sont ceux prévus par la loi pour le fait.

En matière de police : une amende de vingt-cinq francs à deux cent cinquante francs.

­ L'on espère améliorer ainsi la lisibilité du texte. Après les subdivisions des premier et deuxième tirets, on met également les deux points, comme c'est déjà le cas au dernier tiret; l'on supprime également les articles comme c'est le cas pour l'amende et l'emprisonnement dans le Code pénal; il s'agit en quelque sorte de noms de matière, pour lesquels on n'utilise un article que dans certains cas; voir également l'énumération des peines à l'article 7 du code précité, sans article; pour le reste, voir ci-dessus.

­ Répétition de « franc » dans le montant de l'amende, comme il est d'usage dans la législation.

­ Le terme « getal » au lieu de « aantal » : « nombre » est souvent traduit mécaniquement par « aantal »; en l'occurrence, on veut dire « getal », car il s'agit d'un calcul, qui se fait avec des chiffres et, en néerlandais, des « getallen » et non des « aantallen ».

La peine est « gesteld » (prévue) par la loi. La formulation complexe, due à la difficulté de traduire le terme, « prévoir », devient inutile si on utilise le mot juste.

La commission juge que le texte proposé est encore trop lourd, et elle opte à l'unanimité pour la formulation suivante :

« En matière criminelle et correctionnelle :

­ lorsque la loi prévoit pour le fait une peine privative de liberté et une amende, ou d'une de ces peines seulement : une amende minimale de cinq cent francs multipliés par le nombre de mois correspondant au minimum de la peine privative de liberté, et sans pouvoir être inférieure au minimum de l'amende prévue pour le fait; le maximum s'élève à deux mille francs multipliés par le nombre de mois correspondant au maximum de la peine privative de liberté, et sans pouvoir être inférieure au double du maximum de l'amende prévue pour le fait; »

Article 9

De la confiscation spéciale

L'article est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

Correction formelle

La commission decide d'apporter les corrections formelles suivantes :

Dans l'intitulé de la sous-section III, il convient, comme de coutume, de supprimer l'article (français) comme suit : « Bijzondere verbeurdverklaring ».

On obtient ainsi l'uniformité.

En effet, le Code modifié ne comporte pas d'articles dans les intitulés néerlandais, alors qu'en français on écrit « de la... » ou « du », comme ici.

Article 9bis (article 10 du texte adopté)

Du cumul de la responsabilité civile et de la responsabilité pénale

A. Discussion

Pour répondre aux observations du Conseil d'État, le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/4, amendement nº 22), qui est rédigé comme suit :

« Insérer un article 9bis (nouveau), libellé comme suit :

« Art. 9 bis. ­ Il est inséré dans le même Code un article 50bis rédigé comme suit :

« Art. 50bis. ­ Lorsqu'une personne peut être tenue civilement responsable du paiement d'une amende pénale à laquelle une autre personne est condamnée, elle ne sera pas civilement responsable si elle est condamnée pénalement pour les mêmes faits. Dans ce cas, le minimum de l'amende prévue par la loi pour l'infraction est supprimé. »

Le ministre précise que l'amendement part du principe que l'amende minimum que prévoient les lois particulières qui définissent la responsabilité civile des personnes morales est assez élevée. L'on sait en effet que la personne morale paiera quoi qu'il en soit. Il faut prévoir une suppression du minimum pour éviter que l'on inflige, à un individu de très lourdes amendes qu'il devrait payer lui-même. Le juge peut alors tenir compte du fait que ce n'est pas la personne morale mais la personne physique qui paiera.

Un sénateur estime que ce problème peut être résolu grâce à l'application de circonstances atténuantes.

Le gouvernement concède que le texte de cet amendement est fort strict. Voilà pourquoi il dépose le sous-amendement suivant (doc. Sénat, nº 1-1217/4, amendement nº 32) :

« Remplacer l'article 50bis proposé par ce qui suit :

« Art. 50bis. ­ Lorsqu'une personne peut être tenue civilement responsable du paiement d'une amende pénale à laquelle une autre personne est condamnée, elle ne sera pas civilement responsable si elle est condamnée pénalement pour les mêmes faits. Dans ce cas, le minimum de l'amende prévue par la loi pour l'infraction est supprimé à l'égard de la personne qui a été condamnée au paiement de l'amende dont l'autre personne peut être tenue civilement responsable. »

Un membre estime que le libellé de la dernière phrase et, en particulier, expression « dans ce cas » manquent de clarté. Les mots « dans ce cas » visent l'hypothèse dans laquelle une personne peut être tenue civilement responsable du paiement de l'amende pénale infligée à une tierce personne. L'intervenant cite l'exemple de la législation en matière de douanes qui impute à la société les infractions commises par le chauffeur. Dans ce cas, l'entreprise n'est pas civilement responsable, lorsque l'employeur, l'entreprise ou la personne physique sont condamnés pénalement pour les mêmes faits, et étant donné l'imputation de l'amende administrative (non bis in idem ) il n'y a pas non plus de doublement de la peine infligée à l'entreprise. L'intervenant ne comprend pas pourquoi l'on supprime, en ce qui concerne ce cas, l'amende minimum prévue par la loi. Les amendes administratives ne sont en effet plus imputées lorsque l'entreprise est condamnée pénalement. Quelle est alors la véritable intention?

Un membre souligne que la personne morale obtient ainsi une mesure de faveur.

Le ministre souligne qu'il s'agit en l'occurrence d'une amende pénale et non pas d'une amende administrative.

Un membre répond que la distinction n'est pas évidente (voir les avis du Conseil d'État). Par ailleurs, nombres de loi prévoient une condamnation solidaire. De plus, il faut savoir qu'il y a discrimination. Le juge pénal pourrait en effet infliger à la personne morale qui est poursuivie au pénal une peine moins lourde que celle qu'il infligerait à la personne morale qui n'est que civilement responsable et qui n'est pas poursuivie au pénal. La personne morale qui a commis une infraction se verrait donc infliger une peine moins lourde que celle qui est infligée à la personne qui n'est que civilement responsable du paiement des amendes.

Le législateur doit prendre ses responsabilités pour ce qui est de la fixation des amendes. Si l'on estime que les amendes en question sont trop lourdes, il faut prévoir des amendes moins lourdes dans les lois en question. Pareil régime crée cependant une discrimination. L'amende infligée à une personne physique peut être ramenée à un niveau inférieur à l'amende minimum, lorsque la peronne morale a commis un délit. Lorsque la personne physique a commis une infraction et que la personne morale est tenue de payer entièrement les amendes, l'on ne pourra pas diminuer le montant de l'amende en cas de condamnation solidaire.

Le principe de la proportionalité n'est plus respecté.

Le champ d'application est en outre large.

Le ministre dit être conscient que la deuxième phrase sème la confusion et cherche dès lors une autre formulation.

Un sénateur trouve que cette phrase peut être supprimée. La prise en compte de circonstances atténuantes pourrait en effet offrir une solution.

Le gouvernement dépose un amendement qui vise à supprimer cette phrase (doc. Sénat, nº 1-1217/4, amendement nº 33 et qui est rédigé comme suit :

« À l'article 50bis proposé, supprimer la dernière phrase. »

Justification

L'article 50bis proposé vise à empêcher que la personne qui, en vertu de la loi, du décret ou de l'ordonnance, peut être tenue civilement responsable du paiement de l'amende infligée à une autre personne, ne soit sanctionnée deux fois pour les mêmes faits au cas où elle aurait également été condamnée pénalement pour ces mêmes faits. Dans ce cas, sa responsabilité pénale l'emporte.

Les lois particulières qui prévoient un système de responsabilité civile pour le paiement des amendes pénales se caractérisent souvent par la hauteur des amendes prévues. Dans certains cas, le juge pourra condamner à une amende inférieure au minimum en se basant sur les circonstances atténuantes. En outre, le juge peut tenir compte, pour la détermination du montant de l'amende, des éléments invoqués par le prévenu eu égard à sa situation sociale.

Un membre fait observer que l'amendement est libellé de façon générale, et ne vise pas spécifiquement la personne morale. Le texte proposé n'est pas dépourvu d'ambiguïté à cet égard.

Le ministre rappelle qu'il s'agit d'éviter le cumul de la responsabilité civile pour une peine, avec la peine elle-même.

Cette responsabilité civile peut exister dans le chef de la personne morale mais aussi, parfois, dans celui d'une personne physique. L'on avait songé à limiter le champ d'application de l'amendement aux employeurs personnes morales, mais on aurait créé ainsi une discrimination.

Par contre, lorsque deux peines sont appliquées à des personnes pour les mêmes faits, cet article ne s'appliquerait pas. Les coauteurs et complices ne sont pas visés par cette disposition.

B. Votes

L'amendement nº 9 est retiré.

L'amendement nº 32, sous-amendé par l'amendement nº 33, est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

C. Corrections formelles

Un membre propose d'apporter les corrections formelles suivantes :

­ À l'article 50bis proposé, remplacer, dans le texte néerlandais, le mot « burgerlijk » par le mot « burgerrechtelijk ».

Le terme qui correspond dans notre législation au français « civil » et « civilement » employés en combinaison avec « responsabilité » ou « responsable » est le mot « burgerrechtelijk ». Voir la Constitution, article 74, le Code civil, les articles 19 ancien, 51 et 145 ancien, le Code pénal lui-même, article 123decies , ainsi que le Code judiciaire, article 672.

En ce qui concerne la traduction des mots « est condamné ».

Il y a une certaine inconséquence dans le texte : l'on traduit d'abord « est condamné » par « is veroordeeld » et ensuite par « wordt veroordeeld ». Si l'on part du principe que les deux personnes sont condamnées simultanément pour les mêmes faits, c'est la construction avec « wordt » qui doit être utilisée dans les deux cas. Il faut en tout cas, une correspondance grammaticale correcte entre les deux textes. Le contenu et la forme sont étroitement liés en l'occurrence.

Le membre propose de réécrire le texte de la manière suivante :

« Quand une personne peut être tenue civilement responsable du paiement d'une amende à laquelle une autre personne est condamnée, elle ne sera pas civilement responsable, si elle est condamnée pénalement pour les mêmes faits. »

« Geldboete » est le terme utilisé pour désigner la sanction financière en matière pénale. L'adjectif « pénal » (« strafrechtelijk ») est superflu dès lors que cette idée est déjà présente.

« Boete », par contre, désigne la sanction financière imposée autrement qu'au pénal; on parle ainsi par exemple de « fiscale boete » (amende fiscale).

Cette distinction est confirmée par l'emploi de ces termes dans le Code pénal, notamment aux articles 7 et 38, ainsi que dans le Code civil, aux articles 53, 57bis , 68, 79, 12, 253 et 413. La logique de la langue française se flatte de pouvoir faire la distinction entre « l'amende pénale » et « l'amende administrative », comme entre la « responsabilité pénale » et la « responsabilité civile ». Ces distinctions n'ont aucune raison d'être en néerlandais, qui dispose de termes appropriés sans qu'il soit nécessaire d'imiter la logique propre au français.

Un membre propose un autre texte :

« Nul ne peut être tenu civilement responsable du paiement d'une amende à laquelle une autre personne est condamnée, s'il est condamné pour les mêmes faits. »

La commission approuve cette proposition à l'unanimité.

Article 10 (article 11 du texte adopté)

De la perte de la personnalité juridique

A. Discussion

Un commissaire demande quelles sont les conséquences de la dissolution de la personne morale. Par qui la peine prévue par l'article 10 pourra-t-elle alors être exécutée ?

Le ministre répond que dans ce cas, la personne morale continuera d'exister en tant qu'entité juridique. La sanction subsiste à l'égard de la personne morale. Il en va de même en droit des sociétés. On empêchera la dissolution de la personne morale si elle a pour but de contourner l'exécution de la peine.

La perte de la personnalité juridique n'éteint pas la peine, ni les conséquences de celle-ci.

Le préopinant fait observer que dans la pratique, l'entreprise fera généralement faillite, en présentant un actif nettement déficitaire. Qui paiera alors l'amende infligée ?

Le ministre répond qu'en cas de faillite, l'amende sera incorporée dans le passif de la faillite. Il n'existe aucune autre possibilité.

Le membre suggère qu'une société pourrait être fondée dans le but de frauder. Il n'y a alors, le plus souvent, pas d'actif. Les administrateurs mettront tout en oeuvre pour ne pas être rendus responsables personnellement. Le texte ouvre des possibilités pour les administrateurs véreux, qui se déroberont.

Le ministre souligne que l'on peut choisir de condamner soit les administrateurs, soit la société, sauf en cas de dol. S'il d'agit de manoeuvres, on peut parfaitement les poursuivre conjointement et le juge peut décider de sanctionner la personne physique. En outre, dans un tel cas, il y aura le plus souvent dol, si bien qu'il pourront tous deux être condamnés. Le fait de ne pas cumuler est un choix explicite.

L'article 10 doit être lu avec l'article 12, qui dispose que l'action publique ne s'éteint pas par la simple dissolution de la société.

Imaginons qu'une personne morale soit condamnée. Il ne suffit pas que l'on décide la dissolution de la société, suivie éventuellement de sa liquidation, pour qu'elle échappe à la peine.

Si l'on ne précisait rien, on pourrait raisonner par analogie avec les personnes physiques, dont le décès entraîne l'extinction de la peine.

B. Votes

L'article est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

C. Corrections formelles

Un membre propose d'apporter les corrections suivantes :

­ Dans le texte néerlandais, remplacer le mot « van » par le mot « door ».

C'est bien la personne morale qui perd la personnalité juridique et personne d'autre. Tel qu'il est rédigé actuellement, le texte suppose implicitement qu'un tiers pourrait perdre la personnalité juridique de la personne morale. La préposition « door » lève cette ambiguïté.

­ Dans le texte néerlandais, remplacer le mot « tenietgaan » par le mot « vervallen ».

L'expression « doen vervallen » est une variante de l'expression « doen tenietgaan ». Elle offre l'avantage stylistique d'éviter la répétition d'un même son ­ « niet tenietgaan ». Le législateur utilise ces deux termes comme pendant néerlandais du verbe français « éteindre », au lieu du verbe « uitdoven » qui s'employait précédemment. Pour « tenietgaan », voir l'article 86 du Code pénal, et pour « vervallen », voir le Code de procédure judiciaire, articles 20 et 166, ou le Code judiciaire, article 730, § 3.

La commission approuve cette dernière modification. Pour ce qui est du remplacement du mot « van », elle estime, par contre, qu'il n'y a pas de confusion possible.

Article 11 (article 12 du texte adopté)

De la représentation de la personne morale/désignation d'un mandataire

A. Discussion

Pour la discussion de cet article, on peut également renvoyer aux articles 15bis et 15ter (cf. infra ­ articles 17 et 18 du texte adopté).

L'article 2bis proposé du titre préliminaire du Code d'instruction criminelle propose une réglementation en cas de conflit d'intérêts entre la personne morale et l'organe.

Ce conflit surgit lorsque l'organe, l'administrateur délégué, est lui-même poursuivi.

Il y a donc bel et bien une différence entre l'article 11 et l'article 15ter proposé. L'article 11 porte sur la représentation en cas de conflit d'intérêts, l'article 15ter concerne la comparution.

Un sénateur considère qu'en fait, la proposition ne règle pas intégralement la procédure. Il lui semble donc nécessaire de régler également le mode de citation et le mode de comparution (voir infra ).

Un commissaire souligne que le Conseil d'État n'a émis aucune critique concernant le texte de l'article 11.

Il conviendrait pourtant de préciser quel tribunal est compétent pour la désignation du mandataire et quelle procédure doit être suivie. La désignation se fait-elle toujours d'office ? N'est-il pas préférable d'arrêter une procédure selon laquelle la société peut toujours demander au préalable par voie de requête la désignation d'un mandataire, de sorte que l'on puisse préparer le procès et que l'affaire ait été mise en état pour le début de celui-ci ?

M. Vandenberghe dépose à cet effet un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/4, amendement nº 28), libellé comme suit :

« À l'article 2bis proposé, remplacer les mots « le tribunal désigne » par les mots « le tribunal compétent désigne, d'office ou sur requête, ».

La requête ne peut être introduite que par la personne morale, car il faut justifier d'un intérêt.

Un membre considère que les mots « mandataire de justice » devraient être remplacés par les mots « mandataire ad hoc ». Sinon, une confusion est possible du fait que l'avocat pourrait, lui aussi, être considéré comme un mandataire de justice.

Un autre membre souligne qu'un mandataire de justice est désigné dans le cadre d'un acte judiciaire. Cela ne relève pas de la compétence d'un avocat.

Mmes Jeanmoye et Delcourt-Pêtre déposent un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/4, amendement nº 27), libellé comme suit :

« À l'article 2bis proposé, remplacer les mots « un mandataire de justice » par les mots « un mandataire ad hoc. »

Un commissaire demande si la disposition relative à la situation que règle l'article 11 de la proposition, ne peut pas être insérée à l'article 185 du Code d'instruction criminelle.

Le ministre répond par la négative. Si l'on introduisait cette hypothèse à l'article 185, cela ne vaudrait que pour le tribunal correctionnel.

Le ministre signale que l'article 11, c'est-à-dire le règlement du conflit d'intérêts, s'applique à toutes les procédures.

B. Votes

Les amendements nºs 27 de Mmes Jeanmoye et Delcourt-Pêtre, et 28 de M. Vandenberghe sont adoptés à l'unanimité des 8 membres présents.

L'article 11 ainsi amendé est adopté suivant le même vote.

C. Corrections formelles

Un membre propose d'apporter les corrections formelles :

« Rédiger le texte de l'article 2bis comme suit :

« Lorsque l'action publique est exercée pour les mêmes faits ou pour des faits connexes à l'encontre d'une personne morale et de la personne appelée à représenter la personne morale, le tribunal compétent désigne, d'office ou sur requête, un mandataire ad hoc pour représenter la personne morale. »

On espère que cette nouvelle construction de phrase sera plus claire que celle du texte adopté, qui risque de manquer de clarté pour le lecteur non averti par suite de l'insertion de la surbordonnée commençant par « lorsque ... ».

­ Dans le texte néerlandais, remplacer le mot « moet » par « dient te », qui est moins catégorique.

La commission juge préférable de remplacer le mot « moet » par les mots « bevoegd om ... te », qui correspondent mieux au texte français.

Article 12 (article 13 du texte adopté)

Extinction de l'action publique

A. Discussion

Un membre demande quel rapport il y a entre cet article et l'article 10 de la proposition.

Le ministre répond que les deux articles concernent des hypothèses différentes.

Un membre objecte que l'article 12 n'est pas tout à fait au point sur le plan légistique.

Le gouvernement propose de récrire intégralement l'article 20 proposé et il dépose à cet effet un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/4, amendement nº 23) qui est rédigé comme suit :

« Remplacer l'article 12 de la proposition par ce qui suit :

« Art. 12. ­ L'article 20 du titre préliminaire du même Code est remplacé par la disposition suivante :

« Art. 20. ­ L'action publique s'éteint par la mort de l'inculpé ou par la clôture de la liquidation, la dissolution judiciaire ou la dissolution sans liquidation lorsqu'il s'agit d'une personne morale.

L'action publique pourra encore être exercée ultérieurement, si la mise en liquidation, la dissolution judiciaire ou la dissolution sans liquidation a eu pour but d'échapper aux poursuites ou si la personne morale a été inculpée par le juge d'instruction conformément à l'article 61bis avant la perte de la personnalité juridique.

L'action civile peut être exercée contre l'inculpé et contre ses représentants. »

Justification

Amélioration d'ordre légistique.

Un membre souligne qu'il serait préférable de traduire « rechtsopvolgers » par « ayants droit ».

B. Votes

L'amendement et l'article ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des neuf membres présents.

C. Corrections formelles

La commission décide d'apporter les corrections formelles suivantes :

­ Dans le texte néerlandais du premier alinéa de l'article 20, omettre les articles définis superflus devant les mots « afsluiting », « gerechtelijke » et « ontbinding ».

Au deuxième alinéa, les articles se justifient par contre, parce qu'ils font référence à l'alinéa premier.

Articles 13 et 14 (articles 14 et 15 du texte adopté)

Ces articles sont adoptés à l'unanimité des neuf membres présents.

Corrections formelles

Un membre propose d'apporter les corrections formelles suivantes :

« Dans le texte néerlandais des articles 23, 24, 62bis et 139, remplacer les mots « maatschappelijke zetel » par le mot « vennootschapszetel » et le mot « exploitatiezetel » par le mot « bedrijfszetel ». Le mot composé néerlandais « vennootschapszetel » est un néologisme, mais sa signification coule de source; le sens est évident.

Le législateur évite manifestement de traduire partout littéralement le mot « social » par « maatschappelijk ». Il préfère utiliser les mots « van de vennootschap »; il en est ainsi dans la source naturelle dont s'inspire cette catégorie de termes, le Code de commerce, voir le livre 1er , IX, articles 9, 3º, 81, 3º, 101quater et 190, ainsi que le livre 1er , V, art. 107 et livre 3, I, article 530.

Le législateur a également choisi à juste titre le mot « bedrijf » comme équivalent néerlandais du mot « exploitation ». Voir l'article 314 du Code pénal ainsi que le Code civil, articles 823, 171bis , 1766, 1774 et le Code judiciaire, article 637.

Le mot « exploitation » véhicule une nuance différente, comme le montre une comparaison en divers points du Code civil (entre autres les articles 524, 1824), du Code pénal (cf . article 123sexies ) et du Code judiciaire (cf . article 627).

La commission approuve le choix du mot « bedrijfszetel », mais elle préfère les mots « maatschappelijke zetel » au mot « vennootschapszetel », qui pourrait créer la confusion; en effet, la responsabilité pénale ne vise pas uniquement les sociétés « vennootschappen », mais toutes les personnes morales.

Article 15 (article 16 du texte adopté)

Des mesures provisoires à l'égard des personnes morales

A. Discussion

Un membre demande ce que l'on entend exactement par « l'interdiction de transactions patrimoniales spécifiques ».

Un membre estime que cette mesure convient en ce qui concerne les personnes morales. L'on peut, en effet, arrêter une personne physique et la mettre en détention provisoire.

En outre, il y a au niveau de la doctrine, des divergences de vues à propos de la question de savoir quelles mesures un juge d'instruction peut prendre, notamment en ce qui concerne la saisie immobilière, lorsque certains faits criminels ont été commis à l'aide de biens immobiliers.

Faut-il, lorsque le juge d'instruction pose que la personne morale ne peut pas aliéner ou hypothéquer des biens immobiliers, prévoir la publicité en marge de la transcription pour que les mesures soient opposables aux tiers ? La transaction opérée par la personne morale condamnée est, certes, frauduleuse, mais qu'en est-il en ce qui concerne la personne morale qui a acquis de bonne foi les biens en question ? Comme il ne peut pas y avoir d'action paulienne, à moins que l'on établisse la mauvaise foi du cocontractant, les biens ne font plus partie du patrimoine. L'intervenant renvoie à l'article 3 de la loi hypothécaire. Il faudrait l'appliquer pour ce qui est des biens immobiliers.

Un membre estime que l'on pourrait aussi imposer une inscription au registre de commerce, auquel cas la publication conformément à la loi hypothécaire serait nécessaire en ce qui concerne les biens immobiliers, et l'on pourrait imposer une inscription au registre de commerce en ce qui concerne les biens mobiliers.

Le ministre dit pouvoir admettre une forme de publicité, mais il souligne qu'il faut pouvoir prendre les mesures très rapidement.

Un membre déclare que le juge d'instruction doit signifier sa décision par envoi recommandé au conservateur des hypothèques et que celui-ci doit immédiatement porter une inscription en marge.

Un autre membre est d'avis qu'il n'y a pas lieu, vu la matière, de faire de distinction entre les personnes morales et les personnes physiques. Il demande si le mot « spécifique » n'est pas superflu.

Le ministre souligne que l'on ne peut pas bloquer l'activité globale de la société. Le faire équivaudrait à infliger anticipativement une sanction.

Un membre suggère les termes « l'interdiction motivée ».

Un autre membre pose la question de savoir si les recours contre les mesures du juge d'instruction prévus par la loi Franchimont sont applicables.

Le ministre répond par l'affirmative.

Un membre estime qu'il faut prévoir une possibilité de recours, étant donné que lesdites mesures peuvent être des mesures de longue durée.

Un membre évoque un autre problème et demande s'il n'y a pas aussi des mesures publicitaires en ce qui concerne la suspension de toute procédure de dissolution ou de liquidation de la personne morale (article 91, 1º). En ce qui concerne les acquis en copropriété, ce type de procédure doit être mentionné en marge. L'exigence de la dissolution de la société doit-elle être rendue publique ?

Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1217/4, amendement nº 24), qui est rédigé comme suit :

« Compléter l'article 91 proposé par un deuxième alinéa, rédigé comme suit :

« Si les mesures visées à l'alinéa précédent concernent des biens immeubles, il est procédé conformément à l'article 35bis du présent Code. »

B. Votes

L'amendement nº 24 du gouvernement et l'article ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des neuf membres présents.

C. Corrections formelles

Un membre propose les corrections suivantes :

­ Remplacer la phrase introductive par ce qui suit :

« Dans le livre premier du même Code, le chapitre VII contenant l'article 91, est renuméroté en VIIbis contenant les articles 91 et 91bis , et il est inséré un nouveau chapitre VII contenant un article 91, libellé comme suit: »

­ Remplacer l'article 91, alinéa premier, du texte néerlandais par ce qui suit:

« Wanneer gedurende een gerechtelijk onderzoek de onderzoeksrechter ernstige aanwijzingen van schuld bij een rechtspersoon vaststelt, kan hij de volgende maatregelen gelasten, indien bijzondere omstandigheden dat vergen:

1º schorsing van de procedure van ontbinding of vereffening van de rechtspersoon;

2º verbod van specifieke vermogensrechtelijke transacties die tot het onvermogen van de rechtspersoon kunnen leiden;

3º neerlegging van een borgsom tot een door hem bepaald bedrag, als waarborg voor de inachtneming van de maatregelen die hij gelast.

(...) »

Justification

La structure proposée apporte plus de clarté.

Selon l'article dans la première phrase ce juge d'instruction est connu, soit sur la base d'articles antérieurs, soit autrement ce qui n'est pas le cas. Si nous faisons commencer la disposition « bij een gerechtelijk onderzoek » par un article indéfini, nous pouvons poursuivre par « de onderzoeksrechter », parce que nous savons qu'une instruction (gerechtelijk onderzoek) implique toujours un juge d'instruction.

L'on propose d'utiliser les mots « bij een gerechtelijk onderzoek » d'abord que la dénomination néerlandais de l'instruction que réalise le juge d'instruction est « gerechtelijk onderzoek ». Le législateur est formel à ce sujet voir le Code d'instruction criminelle, passim.

La préposition « bij »paraît être le terme introductif adéquat. Le mot français « cours » ne doit pas toujours être traduit par « loop », « au cours de » peut se traduire par « bij », « in de loop van ».

Un article indéfini remplace également l'article défini « het » qui précède le mot « onderzoek ». C'est l'instruction du juge d'instruction (pourquoi n'a-t-on pas écrit « zijn onderzoek »?).

« Schorsing » au lieu de « opschorsing ». On utilisera l'un on l'autre suivant que la procédure est en cours (schorsing) ou qu'elle n'a pas encore été interogée (opschorsing).

« Inachtneming » au lieu de « respecteren » parce que la signification du verbe « respecteren » est tout à fait différente de celle que l'on vise en l'espèce. C'est ainsi que l'on peut « respecteren » certaines prescriptions (c'est-à-dire les respecter sans en tenir compte; elles s'appliquent en effet à d'autres.

Le mot français « respect » a le sens du mot néerlandais « naleving » il s'agit du fait de tenir compte de la prescription dans son action. C'est pourquoi il serait erroné de traduire dans le texte en question littéralement le dit mot par le verbe « eerbiedigen ».

La commission décide d'apporter ces corrections formelles.

Un membre fait remarquer que les articles 91 à 112 ont été abrogés par l'article 48 de la loi du 20 juillet 1990.

Le ministre répond que l'article 91 a été rétabli par la loi du 13 avril 1995.

Articles 15bis (nouveau) et 15ter (nouveau) (articles 17 et 18 du texte adopté)

Comparution de la personne morale

A. Discussion

M. Boutmans dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/2, amendement nº 7), qui est rédigé comme suit :

« Insérer un article 15bis (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 15bis. ­ L'article 180bis du même Code est rétabli dans la version suivante :

« Art. 180bis. ­ La citation et les notifications à une personne morale sont faites dans le respect des articles 34 et 35 du Code judiciaire. »

Justification

Notre Code d'instruction criminelle ne connaît pas de mode de signification à des personnes morales qui sont des prévenus. Un renvoi au droit ordinaire est souhaitable pour exclure toute contestation.

Le ministre estime que l'amendement nº 7 se borne à reprendre les règles du droit commun. Par conséquent, un renvoi ne s'impose pas et cette disposition est superflue.

En ce qui concerne la comparution personnelle, M. Boutmans dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/2, amendement nº 8), qui est rédigé comme suit :

« Insérer un article 15ter, rédigé comme suit :

« Art. 15ter. ­ À l'article 185, § 2, du même code sont apportées les modifications suivantes :

1º Les mots « S'il est une personne physique, » sont insérés devant les mots « le prévenu comparaîtra en personne ».

2º Il est inséré un troisième alinéa, rédigé comme suit :

« Lorsque le prévenu est une personne morale, il comparaît par le ministère d'un avocat. Le juge peut toutefois ordonner la comparution personnelle et il désigne, dans ce cas, la personne ou l'organe qui doit représenter la personne morale. »

L'auteur déclare que l'article 11 de la proposition ne prévoit nullement comment la personne morale comparaît au pénal. L'ensemble du conseil d'administration doit-il être présent ? Il semble en tout cas opportun de préciser ce qu'il en est.

La loi prévoit qu'en cas d'infraction, on doit comparaître en personne.

Un membre est d'avis que la personne morale comparaît par l'intermédiaire de la personne habilitée par la loi ou les statuts à ester en justice. La loi ou les statuts déterminent qui a le droit de représenter l'entreprise en justice.

Quant à savoir si les personnes désignées par la loi ou les statuts sont tenues de comparaître en personne, c'est une autre question, qui nécessite une solution.

Le ministre renvoie aux règles applicables aux personnes physiques. En principe, on comparaît en personne, à moins que le juge n'autorise que l'on se fasse représenter par son avocat.

L'article 11 dispose que le tribunal peut désigner un mandataire de justice qui représentera éventuellement la personne morale lorsque la personne physique comme la personne morale doivent comparaître.

Un sénateur réitère sa question de savoir si l'ensemble du conseil d'administration doit comparaître.

Le ministre précise que l'amendement nº 8 de M. Boutmans vise à organiser une représentation d'office par avocat de la personne morale, tandis que le système de la proposition est de ne prévoir aucune disposition particulière, et de laisser jouer les règles générales de la représentation des sociétés.

Généralement, dans les SA, cette représentation se fait par deux administrateurs si les statuts le prévoient, et éventuellement par le conseil d'administration dans son ensemble, si les statuts ne prévoient rien.

La commission appréciera s'il y a lieu d'imposer la représentation par avocat, compte tenu des formes particulières des statuts que l'on peut rencontrer.

Un sénateur objecte que le système consistant à faire exercer les droits de la défense par plusieurs administrateurs risque d'aboutir, d'une part, à des manoeuvres dilatoires et, d'autre part, à une certaine confusion, si ces différents administrateurs se contredisent.

Un membre ajoute que les administrateurs peuvent, en outre, être mis personnellement en cause.

Le ministre déclare que, dans ce cas, la représentation s'adresse conformément à l'article 11.

Un membre souligne qu'il convient de faire une distinction entre le pouvoir d'intenter une procédure judiciaire et celui de représenter une personne morale en justice (en général, l'administrateur délégué ou deux administrateurs).

L'intervenant renvoie à un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, qui prévoit que le prévenu ne doit plus comparaître personnellement pour que l'affaire puisse être instruite.

La règle selon laquelle, en cas d'opposition, après avoir fait défaut, le prévenu doit comparaître personnellement pour que cette opposition soit recevable, est contraire à l'article 6 de la CEDH. En principe, l'article 6 exige que l'avocat soit autorisé à représenter le prévenu.

Un membre estime qu'il faut en tout cas accepter qu'une personne morale puisse se faire représenter en justice par un avocat.

Un membre convient qu'il y a lieu de régler ici la comparution de la personne morale. Pourquoi ne pas faire référence aux règles prévues à l'article 728 du Code judiciaire.

Un membre estime que c'est plutôt difficile.

En matière civile, l'usage consiste en la représentation par un avocat. Au contraire, la représentation ne constitue pas l'usage en matière pénale. L'idée reste que le président doit avoir la possibilité d'interroger les personnes en matière pénale.

Un intervenant précédent estime que les règles proposées par lui n'empêchent pas le président d'exiger la comparution personnelle.

Un membre est d'avis qu'en droit, l'hypothèse envisagée dans l'amendement n'est pas tout à fait correcte. On ne peut en effet exiger que la comparution personnelle du prévenu. Or, la personne physique dont il est question ici n'est pas, par hypothèse, prévenue, sans quoi elle devrait comparaître en personne.

En quelle qualité le représentant de la personne morale doit-il donc comparaître personnellement en l'occurrence ? En tant que témoin ?

Un membre est d'avis que l'organe ne comparaît pas comme témoin. Il comparaît comme organe de la société.

Un membre souligne que la personne physique doit en tout cas savoir en quelle qualité elle est appelée à comparaître (article 6 CEDH). Cette qualité ne peut être que celle de témoin ou de prévenu; une troisième voie est exclue.

La personne doit-elle prêter serment ? Peut-elle refuser de le faire dans la mesure où elle pourrait tout aussi bien être poursuivie ?

Si l'on veut entendre les organes comme prévenus potentiels, il faudrait qu'ils soient inculpés. Il y a lieu de délimiter la portée exacte des mots « ordonner la comparution personnelle ».

Un membre explique l'idée de cette disposition. Lorsqu'on ordonne la comparution personnelle d'une personne morale selon le droit commun, l'organe qui a cette compétence doit comparaître.

Ceci peut être le conseil d'administration dans son ensemble. Ces personnes ne sont pas entendues comme témoins ni comme inculpées. Il pourrait être effectivement plus sage d'imposer la comparution par avocat pour éviter cette ambiguité.

Le ministre plaide en faveur de l'amendement nº 8. En le combinant avec le contenu de l'article 11, on couvrirait tous les cas.

L'amendement nº 8 concerne la comparution et l'article 11 traite de la représentation.

Il y a lieu cependant de régler la comparution devant le tribunal de police. L'article 185 du Code d'instruction criminelle s'applique au tribunal correctionnel.

Le gouvernement dépose à cet effet un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/4, amendement nº 31), qui est libellé comme suit :

« Après l'article 15 de la proposition, ajouter un article nouveau, rédigé comme suit :

« À l'article 152 du même Code sont apportées les modifications suivantes :

1º Au deuxième paragraphe, les mots « s'il est une personne physique et » sont insérés après les mots « en personne ».

2º Au deuxième paragraphe, il est ajouté un troisième alinéa, rédigé comme suit :

« Lorsque, dans les cas visés au premier alinéa, le juge ordonne la comparution personnelle de la personne morale, il désigne à cet effet l'organe ou une personne de la personne morale. »

On aborde ensuite la question de savoir s'il y a lieu de prendre des dispositions pour la cour d'assises.

Le ministre ne le pense pas. S'agissant de la cour d'assises, la comparution personnelle est indiquée et la règle actuelle peut donc continuer à s'appliquer. La comparution personnelle est inhérente à la procédure de la cour d'assises.

Un membre est d'avis que les difficultés rencontrées déroulent surtout du fait qu'on ne tranche pas clairement le problème de savoir si la personne morale n'est qu'une fiction ou si elle a une autonomie totale par rapport à ses composants ?

Les problèmes ne se posent pas en cas d'assignation d'une personne morale devant le tribunal de commerce ou le tribunal civil. Dans ce cas, la personne morale se fait, à son choix, représenter soit par un avocat, soit par ses organes habilités légalement ou par les statuts.

L'amendement de M. Boutmans, qui oblige la représentation par avocat, va plus loin.

Si la personne morale a son existence propre, il ne lui semble pas nécessaire qu'elle se fasse représenter par une personne physique.

Le ministre est d'accord pour que l'obligation pour la société de se faire représenter par un avocat, telle qu'elle est prévue par l'amendement de M. Boutmans soit atténuée en une possibilité de se faire représenter.

Il faut cependant encore résoudre le problème de la procédure d'assises. La comparution personnelle est-elle encore nécessaire en l'occurrence ou peut-on appliquer la même règle que pour le tribunal correctionnel ou le tribunal de police ?

M. Vandenberghe pense que l'amendement nº 8 de M. Boutmans n'est pas tout à fait correct sur le plan juridique. Il faut savoir exactement qui devra comparaître lorsque la personne morale est assignée personnellement. C'est pourquoi il dépose les sous-amendements suivants à l'amendement nº 8 (doc. Senat, nº 1-1217/4, amendements nºs 29 et 30) :

« Remplacer le 2º proposé par ce qui suit :

« Il est inséré un troisième alinéa, rédigé comme suit :

« Lorsque le prévenu est une personne morale, il peut comparaître par le ministère d'un avocat. »

Remplacer la dernière phrase du deuxième alinéa proposé par ce qui suit :

« Le juge peut toutefois ordonner la comparution personnelle de la personne morale et désigne à cet effet l'organe ou une personne de la société. »

L'auteur souligne que la même règle s'applique à l'article 152, c'est-à-dire pour le tribunal de police.

À propos de l'amendement nº 31 du gouvernement (doc. Sénat, nº 1-1217/4), un membre demande s'il faut désigner un organe ou une personne appartenant à un organe de la société, ou si le juge peut désigner quelqu'un d'autre.

Le ministre répond que l'on pourrait limiter la possibilité de choix, en libellant le texte comme suit : « Il désigne à cet effet un organe, ou un membre d'un organe. »

Un membre observe que l'on peut se demander quel est l'intérêt de la disposition proposée puisque, par hypothèse, la personne qui comparaît n'est pas pénalement impliquée dans les faits.

Le ministre confirme que l'on se situe bien ici dans l'hypothèse d'une comparution personnelle de la personne morale. Comme on ne peut la faire comparaître physiquement, il faut bien qu'une personne physique assume cette responsabilité, mais elle n'est que le canal de représentation de la personne morale. Il n'est pas du tout nécessaire qu'elle ait été impliquée dans les faits pour représenter la personne morale qui, elle, l'a été.

La personne physique en question devra bien entendu s'informer quant à la position de la personne morale par rapport aux poursuites dont elle fait l'objet. Cela relèvera de sa responsabilité interne au sein de l'organisation.

A priori, un organe ou un membre d'un organe est sans doute la personne la mieux placée pour assurer la responsabilité. La question est de savoir s'il faut laisser au juge la faculté de demander, le cas échéant, à un employée qui assume une fonction importante (directeur financier ou administratif par ex.) de représenter la société pour les besoins de la procédure.

Sous peine d'engager sa responsabilité personnelle, cette personne ne pourra néanmoins pas faire l'économie d'une concertation au sein de la société.

Un membre souligne que cette personne pourra aussi être entendue comme témoin. Mais elle ne peut comparaître à ces deux titres en même temps.

Un membre rappelle qu'il a été admis que la personne morale pouvait être représentée de deux façons, à savoir par avocat ou par ses organes statutaires. Mais, dans ce cas, quel est l'intérêt d'ordonner une comparution personnelle de la personne morale ?

Un autre commissaire observe que si l'organe est cité à comparaître, la personne qui se présentera comparaîtra en cette qualité. La légitimité de sa représentation est liée au fait qu'elle a été désignée pour ce faire par les instances de la personne morale.

Quelle serait, par rapport à la personne morale, la légitimité d'une personne qui serait désignée directement par le juge pour la représenter ?

Un membre fait remarquer que la désignation d'une personne par le juge suppose que celui-ci préjuge en quelque sorte de la (non)-implication pénale de cette personne dans l'affaire.

Le ministre déclare que, pour voir ce qu'est la comparution personnelle d'une personne morale, il faut examiner ce qui est son contraire, c'est-à-dire la comparution par avocat, ou par un mandataire de justice.

Il se peut comme pour une personne physique, que le juge estime utile de faire comparaître la personne morale elle-même. Dans ce cas se pose la question de sa représentation.

Initialement, on avait opté pour l'application du droit commun des sociétés. Des observations ont cependant été formulées sur la difficulté, dans certains cas, de désigner des organes pléthoriques, lorsqu'on dépasse le cadre de la gestion journalière. D'où l'idée de laisser au juge le soin de désigner, parmi un groupe de personnes, lesquelles pourraient assumer cette fonction de représentation. Peut-être la responsabilité de ce choix peut-elle finalement revenir à la personne morale, qui pourrait désigner elle-même, parmi les administrateurs, celui ou ceux qui la représenteront.

Un membre observe qu'en matière pénale, lorsque le juge ordonne la comparution personnelle d'un prévenu, c'est pour pouvoir l'interroger, précisément par ce qu'il est impliqué dans l'affaire.

Un autre commissaire ajoute que le juge pénal peut toujours ordonner la comparution personnelle de telle personne. En quoi un système spécifique est-il nécessaire en l'occurrence ?

Un membre réplique que la comparution personnelle ne peut être ordonnée qu'à l'égard du prévenu, c'est-à-dire, en l'occurrence, de la personne morale. Par conséquent, seule la comparution personnelle de l'organe légalement ou statutairement habilité à représenter la société en droit peut être ordonnée. Si le juge veut entendre d'autres personnes, il devra les citer comme témoins.

Un membre souligne que le système envisagé risque de susciter des difficultés, en ce qui concerne la prestation de serment. Quid, par exemple, si la personne désignée par la société pour la représenter, et qui a prêté serment en tant que telle, s'avère, au cours du procès, être personnellement impliquée dans les faits ?

Un commissaire répond que l'on ne prête pas serment lorsqu'on est cité à comparaître personnellement. Si l'on est cité comme témoin, et que l'on est potentiellement inculpé, on n'est pas obligé de répondre. Le droit commun s'applique.

Un membre déclare que, s'il s'avère que l'administrateur délégué, habilité à représenter la société en droit, est impliqué dans les faits, sa déclaration sera actée. On se situera dans l'hypothèse de l'article 5, al. 2 (art. 2 du projet).

S'il est poursuivi ou cité, il y a conflit d'intérêts dans son chef et conformément à l'article 11, un représentant ad hoc devra être désigné.

Le ministre conclut que le 2º de l'amendement nº 31 doit être supprimé. Il dépose un sous-amendement en ce sens (doc. Sénat, nº 1-1217/4, amendement nº 34), libellé comme suit :

Supprimer le 2º.

Une correction similaire doit être apportée à l'amendement nº 8 de M. Boutmans, qui concerne la procédure devant le tribunal correctionnel.

Ici, la présentation des textes est différente de celle des textes relatifs aux tribunaux de police. Un alinéa est exclusivement consacré aux personnes physiques (comparution personnelle, sauf dans les cas prévus).

Un autre alinéa est consacré spécifiquement aux personnes morales, pour lesquelles il s'agit toujours d'une alternative.

M. Erdman dépose un amendement tendant à améliorer la formulation de l'amendement nº 8 de M. Boutmans, tel que sous-amendé par l'amendement nº 29 de M. Vandenberghe (doc. Sénat, nº 1-1217/4, amendement nº 35).

Cet amendement est libellé comme suit :

Remplacer cet article par ce qui suit :

« Les §§ 1er et 2 de l'article 185 sont remplacés par ce qui suit :

« § 1er . Le prévenu, personne morale, la partie civile et la partie civilement responsable comparaîtront en personne ou par un avocat.

§ 2. Le prévenu, personne physique, comparaîtra en personne. Il pourra cependant se faire représenter par un avocat dans les affaires relatives à des délits qui n'entraînent pas la peine d'emprisonnement à titre principal ou dans les débats qui ne portent que sur une exception, sur un incident étranger au fond ou sur les intérêts civils.

Le tribunal pourra toujours autoriser la représentation du prévenu qui justifie de l'impossibilité de comparaître en personne. »

B. Votes

L'amendement nº 7 de M. Boutmans est rejeté par 8 voix et 2 abstentions.

L'amendement nº 31 du gouvernement, sous-amendé par l'amendement nº 34, est adopté par les huits membres présents.

L'amendement nº 8 de M. Boutmans, sous-amendé par l'amendement nº 35 de M. Erdman, est adopté à l'unanimité des huit membres présents.

Les sous-amendements nºs 29 et 30 de M. Vandenberghe sont retirés.

C. Corrections formelles

La commission décide d'adopter la correction formelle suivante et rédiger le texte néerlandais de l'article 185 de la manière suivante :

« § 1er . Een beklaagde die rechtspersoon is, de burgerlijke partij en de burgerrechtelijk aansprakelijke partij verschijnen in persoon of bij advocaat.

§ 2. Een beklaagde die natuurlijk persoon is, verschijnt in persoon. »

En effet, l'adaptation qui est faite au § 1er pourrait induire en erreur; c'est pourquoi il est préférable d'utiliser une construction subordonnée. Il en va de même pour le § 2, premier alinéa.

« In persoon of bij advocaat » est une locution utilisée dans le Code judiciaire [par exemple à l'article 728 (in persoon of bij advocaat) et aux articles 992, 1001, 1006 et 1694].

Au § 1er , on évite de confondre la partie civile avec la partie civilement responsable; elles sont mentionnées séparément dans l'énumération. En effet, ces deux parties occupent une position différente.

Article 16 (article 19 du texte adopté)

Registre notice des jugements

A. Discussion

Un membre propose d'insérer les mots « et ses sièges d'exploitation » après le mot « siège ».

Le ministre attire l'attention sur le fait que ces mots ne figurent pas dans le texte actuel. Le siège d'exploitation est un élément factuel.

Un membre souligne qu'il se peut qu'un siège d'exploitation situé en Belgique fasse l'objet d'une condamnation, alors que le siège est à l'étranger.

Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/4, amendement nº 25), qui est rédigé comme suit :

« Au dernier alinéa de l'article 600 proposé, insérer les mots « ses sièges d'exploitation » entre les mots « siège » et « et. »

B. Votes

L'amendement et l'article ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 9 membres présents.

C. Correction formelle « bedrijfszetel » (cf. supra ) au lieu de « exploitatiezetel »

Article 17 (article 20 du texte adopté)

A. Discussion

Un membre attire l'attention sur l'actuel article 601, qui prévoit qu'une copie du registre est envoyée au ministre de la Justice.

L'intervenant déclare qu'il y a lieu de préciser en l'occurrence qu'il s'agit d'un extrait.

Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/4, amendement nº 26), qui est rédigé comme suit :

« Au deuxième alinéa de l'article 601 proposé, remplacer le mot « copie » par les mots « un extrait. »

B. Votes

L'amendement et l'article ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 9 membres présents.

C. Corrections formelles

Dans le texte néerlandais, remplacer le mot « sturen » par le mot « zenden ». Le législateur accorde la préférence à « zenden », qui est peut-être considéré comme moins académique; voir les articles 60, 82, 97, 98 et 118 du Code civil.

À ce sujet, la préposition qui doit introduire le complément de destination est « aan » et non pas « naar ». La préposition « naar » fait référence à une direction (« naar huis », « naar de moon », etc.).

La préposition « aan » fait référence à une destination (au Roi, au bourgmestre, à un ami).

Article 18 (nouveau)

Loi concernant la suspension, le sursis et la probation

M. Boutmans dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/2, amendement nº 9), qui est libellé comme suit :

« Insérer un article 18 (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 18. ­ La loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation n'est pas applicable aux peines prononcées contre des personnes morales. »

Justification

Si rien n'est prévu, on pourrait, en principe, appliquer la loi en question. Cela signifie qu'une peine peut être prononcée avec sursis ou qu'une suspension peut être accordée ­ assortie ou non de mesures spéciales de probation. En effet, la loi de 1964 n'exclut pas l'application à des personnes morales.

Cette option ne serait pas indéfendable, mais le texte actuel de la loi sur la probation est impropre à une série d'égards, à l'application à des personnes morales (par exemple référence à une peine de prison dans les conditions d'application ou pour ce qui est de la révocation du sursis ou de la suspension; la réglementation en matière de probation et de prestations de services ...).

Il y a donc deux possibilités : ou bien l'on met en place un système propre, ou bien l'on renonce à l'applicabilité. Mais il y a lieu de préciser explicitement le choix opéré. Tel est l'objet de notre proposition.

A. Discussion

L'auteur de l'amendement déclare qu'il s'agit de la question de l'applicabilité ou de la non-applicabilité de la suspension, du sursis et de la probation. Si on ne prévoit rien, on pourrait soutenir que la loi de 1964 est applicable. Or, cette loi n'est pas adaptée aux personnes morales.

Si la suspension poserait peu de problèmes, dans le cas du sursis, il faudrait convertir un emprisonnement d'au moins deux mois, par exemple, entraînant la déchéance du sursis.

En ce qui concerne la probation, l'assistant de probation paraît peu indiqué pour s'occuper de personnes morales.

Le ministre souligne que la probation est une option dont le juge dispose. Dans le cas de personnes morales, il est peu vraisemblable qu'un assistant de probation, sous sa forme actuelle, soit désigné pour prendre des mesures d'accompagnement. Le juge est maître de l'affaire. Il n'imposera pas la mesure s'il n'estime pas opportun de le faire. Mais ce n'est pas une raison pour exclure a priori des mesures alternatives. En cas de délits touchant à l'environnement, les services à la communauté pourraient fort bien s'avérer utile comme peine alternative.

Par ailleurs, il convient d'insister sur le fait que les mesures de 1964 sont facultatives. C'est peut-être moins évident pour la probation, mais le sursis et la suspension peuvent tout aussi bien s'appliquer aux personnes morales.

Un membre attire l'attention sur le fait que la suspension ne serait plus nécesssaire si l'on admettait le principe de la simple déclaration de culpabilité (avec ou sans la publication).

La simple déclaration de culpabilité sans publicité équivaut à la suspension.

Le ministre souligne que la suspension ne doit pas nécessairement être liée à la déclaration de culpabilité. On peut ordonner une fermeture temporaire de la division avec une suspension de cinq ans.

Un membre estime que la proposition est claire. Toute confusion paraît exclue et il n'y a donc pas lieu de préciser davantage.

L'auteur de l'amendement reste d'avis que le texte proposé ne règle pas la question de la révocation. La loi prévoit que la suspension peut être révoquée si une peine de prison de plus d'un mois est prononcée et le sursis révoqué lorsqu'une peine de prison de plus de deux mois suit. Il y a lieu ici également de prévoir une conversion. L'article qui règle la conversion dans le texte proposé renvoie seul au livre Ier et ne règle donc pas cette question.

M. Boutmans dépose un sous-amendement (doc. Sénat, nº 1-1217/4, amendement nº 21), qui est libellé comme suit :

« Formuler l'article 18 proposé comme suit :

« Art. 18. ­ § 1er . À l'article 13, § 1er , de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation, il est inséré un deuxième alinéa, libellé comme suit :

« La suspension peut être révoquée à l'égard d'une personne morale si l'amende infligée pour l'infraction nouvelle est d'au moins cinq cents francs. »

§ 2. Le sursis est révoqué à l'égard d'une personne morale si l'amende infligée pour l'infraction nouvelle dépasse 1 000 francs sans sursis. »

B. Votes

L'amendement nº 9 de M. Boutmans est rejeté par 9 voix contre 1.

Le sous-amendement nº 21 de M. Boutmans est rejeté par 8 voix et 1 abstention.

IV. VOTE FINAL

L'ensemble de la proposition de la loi amendée a été adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 8 membres présents.

La rapporteuse, Le président,
Dominique JEANMOYE. Roger LALLEMAND.

COMPARAISON

DES TEXTES


VERGELIJKING VAN

DE TEKSTEN

Texte de la proposition Texte adopté par la Commission
de la Justice
Proposition de loi instaurant la responsabilité pénale des personnes morales Proposition de loi instaurant la responsabilité pénale des personnes morales
CHAPITRE Ier CHAPITRE Ier
Disposition générale Disposition générale
Article 1er Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution. La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
CHAPITRE II CHAPITRE II
Dispositions modifiant le Code pénal Dispositions modifiant le Code pénal
Art. 2 Art. 2
L'article 5 du Code pénal, abrogé par l'article 2 de la loi du 28 juillet 1934, est rétabli dans la rédaction suivante : L'article 5 du Code pénal, abrogé par l'article 2 de la loi du 28 juillet 1934, est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 5. ­ Toute personne morale est pénalement responsable des infractions commises en vue de réaliser de son objet, de promouvoir son intérêt ou pour son compte. « Art. 5. ­ Toute personne morale est pénalement responsable des infractions qui sont intrinsèquement liées à la réalisation de son objet ou à la défense de ses intérêts, ou de celles dont les faits concrets démontrent qu'elles ont été commises pour son compte.
Lorsque la responsabilité de la personne morale est engagée en raison de l'intervention d'une personne physique identifiée, la personne physique et la personne morale ne pourront être condamnées pour les mêmes faits, sauf en cas de faute personnelle commise sciemment et volontairement par la personne physique. Lorsque la responsabilité de la personne morale est engagée exclusivement en raison de l'intervention d'une personne physique identifiée, seule la personne qui a commis la faute la plus grave peut être condamnée. Si la personne physique identifiée a commis la faute sciemment et volontairement, elle peut être condamnée en même temps que la personne morale responsable.
Sont assimilées à des personnes morales : Sont assimilées à des personnes morales :
1º les associations momentanées et les associations en participation; 1º les associations momentanées et les associations en participation;
2º les sociétés visées à l'article 2, alinéa 3, des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, ainsi que les sociétés commerciales en formation; 2º les sociétés visées à l'article 2, alinéa 3, des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, ainsi que les sociétés commerciales en formation;
3º les sociétés civiles qui n'ont pas pris la forme d'une société commerciale. 3º les sociétés civiles qui n'ont pas pris la forme d'une société commerciale.
Ne sont pas considérées comme personnes morales pour l'application du présent article : l'État fédéral, les régions, les communautés, les provinces, l'Agglomération bruxelloise, les communes, la Commission communautaire française, la Commission communautaire flamande, la commission communautaire commune et les centres public d'aide sociale. » Ne peuvent pas être considérées comme des personnes morales responsables pénalement pour l'application du présent article : l'État fédéral, les régions, les communautés, les provinces, l'Agglomération bruxelloise, les communes, les organes territoriaux intracommunaux, la Commission communautaire française, la Commission communautaire flamande, la commission communautaire commune et les centres publics d'aide sociale. »
Art. 3 Art. 3
À l'article 7 du même code, les mots « commises par des personnes physiques » sont insérés entre les mots « infractions » et « sont ». À l'article 7 du même Code, les mots « commises par des personnes physiques » sont insérés entre les mots « infractions » et « sont ».
Art. 4 Art. 4
Il est inséré dans le même code un article 7bis , rédigé comme suit : Il est inséré dans le même Code un article 7bis , rédigé comme suit :
« Art. 7bis. ­ Les peines applicables aux infractions commises par les personnes morales sont : « Art. 7bis. ­ Les peines applicables aux infractions commises par les personnes morales sont :
En matière criminelle, correctionnelle et de police : En matière criminelle, correctionnelle et de police :
1º l'amende; 1º l'amende;
2º la confiscation spéciale; la confiscation spéciale prévue à l'article 42, 1º, du présent Code, prononcée à l'égard des personnes morales de droit public, ne peut porter que sur des biens civilement saisissables; 2º la confiscation spéciale; la confiscation spéciale prévue à l'article 42, 1º, du présent Code, prononcée à l'égard des personnes morales de droit public, ne peut porter que sur des biens civilement saisissables;
en matière criminelle et correctionnelle : En matière criminelle et correctionnelle :
1º la dissolution; 1º la dissolution; celle-ci ne peut être prononcée à l'égard des personnes morales de droit public;
2º l'interdiction d'exercer une activité relevant de l'objet social, à l'exception des activités qui relèvent d'une mission de service public; 2º l'interdiction d'exercer une activité relevant de l'objet social, à l'exception des activités qui relèvent d'une mission de service public;
3º la fermeture d'un ou plusieurs établissements, à l'exception d'établissements où sont exercées des activités qui relèvent d'une mission de service public; 3º la fermeture d'un ou plusieurs établissements, à l'exception d'établissements où sont exercées des activités qui relèvent d'une mission de service public;
4º la publication ou la diffusion de la décision. 4º la publication ou la diffusion de la décision. »
La dissolution ne peut être prononcée à l'égard de personnes morales de droit public. » [...]
Art. 5 Art. 5
Il est inséré dans la section V, livre 1er , chapitre II, du même code une sous-section I, comprenant les articles 31 à 34, intitulée comme suit : Il est inséré dans la section V, livre Ier , chapitre II, du même Code une sous-section Ier , comprenant les articles 31 à 34, intitulée comme suit :
« Sous-section I ­ Des peines communes aux crimes et aux délits applicables aux personnes physiques » « Sous-section Ier ­ Des peines communes aux crimes et aux délits applicables aux personnes physiques »
Art. 6 Art. 6
Il est inséré dans la section V, livre 1er , chapitre II, du même Code une sous-section II, comprenant les articles 35 à 37bis , rédigée comme suit : Il est inséré dans la section V, livre Ier , chapitre II, du même Code une sous-section II, comprenant les articles 35 à 37bis , rédigée comme suit :
« Sous-section II ­ Des peines communes aux crimes et aux délits applicables aux personnes morales « Sous-section II ­ Des peines communes aux crimes et aux délits applicables aux personnes morales
Art. 35. ­ La dissolution peut être décidée par le juge lorsque la personne morale a été intentionnellement créée afin d'exercer les activités punissables pour lesquelles elle est condamnée ou lorsque son objet a été intentionnellement détourné afin d'exercer de telles activités. Art. 35. ­ La dissolution peut être décidée par le juge lorsque la personne morale a été intentionnellement créée afin d'exercer les activités punissables pour lesquelles elle est condamnée ou lorsque son objet a été intentionnellement détourné afin d'exercer de telles activités.
Lorsqu'il décide la dissolution, le juge renvoie la cause devant la juridiction compétente pour connaître de la liquidation de la personne morale. Lorsqu'il décide la dissolution, le juge renvoie la cause devant la juridiction compétente pour connaître de la liquidation de la personne morale.
Art. 36. ­ L'interdiction d'exercer une activité relevant de l'objet social de la personne morale pourra être prononcée par le juge dans les cas prévus par la loi. Art. 36. ­ L'interdiction temporaire ou définitive d'exercer une activité relevant de l'objet social de la personne morale pourra être prononcée par le juge dans les cas prévus par la loi.
Art. 37. ­ La fermeture d'un ou plusieurs établissements de la personne morale pourra être prononcée par le juge dans les cas prévus par la loi. Art. 37. ­ La fermeture temporaire ou définitive d'un ou plusieurs établissements de la personne morale pourra être prononcée par le juge dans les cas prévus par la loi.
Art. 37bis. ­ La publication ou la diffusion de la décision aux frais du condamné pourra être prononcée par le juge dans les cas déterminés par la loi. » Art. 37bis. ­ La publication ou la diffusion de la décision aux frais du condamné pourra être prononcée par le juge dans les cas déterminés par la loi. »
Art. 7 Art. 7
Il est inséré dans la section VI, livre 1er , chapitre II, du même code une sous-section I, comprenant les articles 38 à 41, intitulée comme suit : Il est inséré dans la section VI, livre Ier , chapitre II, du même Code une sous-section Ier , comprenant les articles 38 à 41, intitulée comme suit :
« Sous-section I ­ De l'amende applicable aux personnes physiques » « Sous-section Ier ­ De l'amende applicable aux personnes physiques »
Art. 8 Art. 8
Il est inséré dans la section VI, livre 1er , chapitre II, du même Code une sous-section II comprenant un article 41bis , rédigée comme suit : Il est inséré dans la section VI, livre Ier , chapitre II, du même Code une sous-section II comprenant un article 41bis , rédigée comme suit :
« Sous-section II ­ De l'amende applicable aux personnes morales « Sous-section II ­ De l'amende applicable aux personnes morales
Art. 41bis . ­ § 1. Les amendes applicables aux infractions commises par les personnes morales sont : Art. 41bis . ­ § 1er . Les amendes applicables aux infractions commises par les personnes morales sont :
En matière criminelle et correctionnelle : En matière criminelle et correctionnelle :
­ lorsque la peine prévue par la loi pour le fait est une peine privative de liberté et une amende ou l'une de ces peines, une amende dont le minimum sera d'autant de fois 500 francs que le nombre de mois du minimum de la peine privative de liberté, sans pouvoir être inférieur au minimum de l'amende prévu par la loi pour le fait, et dont le maximum sera d'autant de fois 2 000 francs que le nombre de mois du maximum de la peine privative de liberté, celui-ci ne pouvant toutefois être inférieur au double du maximum de l'amende prévu par la loi pour le fait; ­ lorsque la loi prévoit pour le fait une peine privative de liberté à perpétuité : une amende de deux cent quarante mille francs à sept cent vingt mille francs;
­ lorsque la peine prévue par la loi pour le fait est une peine privative de liberté à perpétuité, une amende de 240 000 à 720 000 francs; ­ lorsque la loi prévoit pour le fait une peine privative de liberté et une amende, ou l'une de ces peines seulement : une amende minimale de cinq cents francs multipliés par le nombre de mois correspondant au minimum de la peine privative de liberté, et sans pouvoir être inférieure au minimum de l'amende prévue pour le fait; le maximum s'élève à deux mille francs multipliés par le nombre de mois correspondant au maximum de la peine privative de liberté, et sans pouvoir être inférieure au double du maximum de l'amende prévue [...] pour le fait;
­ lorsque la peine prévue par la loi pour le fait est seulement l'amende, une amende dont le minimum et le maximum sont ceux prévus par la loi pour le fait. ­ lorsque la loi ne prévoit pour le fait qu'une amende : le minimum et le maximum sont ceux prévus par la loi pour le fait.
En matière de police : En matière de police :
une amende de 25 à 250 francs. ­ une amende de vingt-cinq francs à deux cent cinquante francs.
§ 2. Pour la détermination de la peine en vertu de dispositions du livre Ier de ce Code, la disposition du § 1er de cet article est applicable. » § 2. Pour la détermination de la peine prévue au § Ier , les dispositions du livre 1er du présent Code sont applicables . »
Art. 9 Art. 9
Il est inséré dans la section VI, livre 1er , chapitre II, du même code, une sous-section III, comprenant les articles 42 à 43ter , intitulée comme suit : Il est inséré dans la section VI, livre Ier , chapitre II, du même Code, une sous-section III, comprenant les articles 42 à 43ter , intitulée comme suit :
« Sous-section III ­ De la confiscation spéciale » « Sous-section III ­ De la confiscation spéciale »
Art. 10 (nouveau)
Au même Code, il est inséré un article 50 bis , libellé comme suit :
« Art. 50 bis . ­ Nul ne peut être tenu civilement responsable du paiement d'une amende à laquelle une autre personne est condamnée, s'il est condamné pour les mêmes faits. »
Art. 10 Art. 11
L'article 86 du même Code est complété comme suit : L'article 86 du même Code est complété comme suit :
« La perte de la personnalité juridique de la personne morale condamnée n'éteint pas la peine. » « La perte de la personnalité juridique de la personne morale condamnée n'éteint pas la peine. »
CHAPITRE III CHAPITRE III
Dispositions modifiant la loi du 17 avril 1878
contenant le titre préliminaire
du Code de procédure pénale
Dispositions modifiant la loi du 17 avril 1878
contenant le titre préliminaire
du Code de procédure pénale
Art. 11 Art. 12
Il est inséré un article 2bis , rédigé comme suit, dans le titre préliminaire du Code d'instruction criminelle : Il est inséré un article 2bis , rédigé comme suit, dans le titre préliminaire du Code d'instruction criminelle :
Art. 2bis. ­ Pour l'exercice de l'action publique à l'encontre d'une personne morale, lorsque des poursuites pour les mêmes faits ou pour des faits connexes sont engagées à l'encontre de la personne appelée à représenter la personne morale, le tribunal désigne un mandataire de justice pour représenter la personne morale. » Art. 2bis. ­ Lorsque les poursuites contre une personne morale et contre la personne habilitée à la représenter sont engagées pour des mêmes faits ou des faits connexes, le tribunal compétent pour exercer l'action publique contre la personne morale désigne, d'office ou sur requête, un mandataire ad hoc pour la représenter. »
Art. 12 Art. 13
Dans l'article 20 du titre préliminaire du même Code, la première phrase est remplacée par deux phrases formant un premier alinéa, rédigé comme suit : [...] L'article 20 du titre préliminaire du même Code [...] est remplacée par la disposition suivante :
« L'action publique s'éteint par la mort de l'inculpé ou par la clôture de la liquidation, la dissolution judiciaire ou la dissolution sans liquidation lorsqu'il s'agit d'une personne morale. L'action publique pourra encore être exercée ultérieurement, si la mise en liquidation, la dissolution judiciaire ou la dissolution sans liquidation a eu pour but d'échapper aux poursuites ou si la personne morale a été inculpée par le juge d'instruction conformément à l'article 61bis avant la perte de la personnalité juridique. » « L'action publique s'éteint par la mort de l'inculpé ou par la clôture de la liquidation, la dissolution judiciaire ou la dissolution sans liquidation lorsqu'il s'agit d'une personne morale.
L'action publique pourra encore être exercée ultérieurement, si la mise en liquidation, la dissolution judiciaire ou la dissolution sans liquidation a eu pour but d'échapper aux poursuites ou si la personne morale a été inculpée par le juge d'instruction conformément à l'article 61bis avant la perte de la personnalité juridique.
L'action civile peut être exercée contre l'inculpé et contre ses ayants droit. »
CHAPITRE IV CHAPITRE IV
Dispositions modifiant
le Code d'instruction criminelle
Dispositions modifiant
le Code d'instruction criminelle
Art. 13 Art. 14
Aux articles 23, 24, 62bis et 139 du Code d'instruction criminelle, les mots « celui du siège social de la personne morale, celui du siège d'exploitation de la personne morale » sont insérés après les mots « celui de la résidence de l'inculpé ». Aux articles 23, 24, 62bis et 139 du Code d'instruction criminelle, les mots « celui du siège social de la personne morale, celui du siège d'exploitation de la personne morale » sont insérés après les mots « celui de la résidence de l'inculpé ».
Art. 14 Art. 15
À l'article 69 du même Code, les mots « ni celui du siège social de la personne morale, ni celui du siège d'exploitation de la personne morale » sont insérés après les mots « ni celui du lieu où il pourra être trouvé ». À l'article 69 du même Code, les mots « ni celui du siège social de la personne morale, ni celui du siège d'exploitation de la personne morale » sont insérés après les mots « ni celui du lieu où il pourra être trouvé ».
Art. 15 Art. 16
Il est inséré, à la place du chapitre VII, livre premier, du même Code, contenant un article 91, qui devient le chapitre VIIbis , contenant un article 92, un chapitre VII nouveau, contenant un article 91 nouveau, libellé comme suit : Dans le livre premier du même Code, le chapitre VII contenant l'article 91, est renuméroté en VII bis contenant les articles 91 et 91 bis , et il est inséré un nouveau chapitre VII contenant un article 91, libellé comme suit :
« Chapitre VII ­ Des mesures provisoires à l'égard des personnes morales « Chapitre VII ­ Des mesures provisoires à l'égard des personnes morales
Article 91 Article 91
Lorsqu'au cours de l'instruction, le juge d'instruction constate des indices sérieux de culpabilité chez une personne morale, il peut, si des circonstances particulières le requièrent, ordonner : Lorsqu'au cours d'une instruction, le juge d'instruction constate de sérieux indices de culpabilité chez une personne morale, il peut, si des circonstances particulières le requièrent, ordonner les mesures suivantes :
1º la suspension de toute procédure de dissolution ou de liquidation de la personne morale; 1º la suspension de la procédure de dissolution ou de liquidation de la personne morale;
2º l'interdiction de transactions patrimoniales spécifiques susceptibles d'entraîner l'insolvabilité de la personne morale; 2º l'interdiction de transactions patrimoniales spécifiques susceptibles d'entraîner l'insolvabilité de la personne morale;
3º le dépôt d'un cautionnement, dont il fixe le montant et qui est destiné à garantir le respect des mesures qu'il ordonne. » 3º le dépôt d'un cautionnement dont il fixe le montant, et en vue de garantir le respect des mesures qu'il ordonne.
Si les mesures visées à l'alinéa précédent concernent des biens immeubles, il est procédé conformément à l'article 35 bis du présent Code. »
Art. 17 (nouveau)
Au deuxième paragraphe de l'article 152 du même Code, les mots « s'il est une personne physique et » sont insérés après les mots « en personne ».
Art. 18 (nouveau)
L'article 185, §§ 1er et 2, du même Code sont remplacés par ce qui suit :
« § 1er . Le prévenu, personne morale, la partie civile et la partie civilement responsable comparaîtront en personne ou se feront représenter par un avocat.
§ 2. Le prévenu, personne physique, comparaîtra en personne. Il pourra cependant se faire représenter par un avocat dans les affaires relatives à des délits qui n'entraînent pas une peine de prison à titre principal, ou dans les débats qui ne portent que sur une exception, sur un incident étranger au fond ou sur les intérêts civils.
Le tribunal pourra toujours autoriser la représentation du prévenu qui justifie de l'impossibilité de comparaître en personne. »
Art. 16 Art. 19
L'article 600 du même Code est complété par l'alinéa suivant : L'article 600 du même Code est complété par l'alinéa suivant :
« Le registre contiendra en outre la raison sociale ou la dénomination de la personne morale, son siège et, le cas échéant, le numéro de registre de commerce. » « Le registre contiendra en outre la raison sociale ou la dénomination de la personne morale, son siège social, ses sièges d'exploitation et, le cas échéant, le numéro de registre de commerce. »
Art. 17 Art. 20
L'article 601 du même Code est complété par l'alinéa suivant : L'article 601 du même Code est complété par les alinéas suivants :
« Lorsque la condamnation concerne une personne morale, les greffiers enverront copie de ces registres au greffe de la juridiction où les statuts de celle-ci ont été déposés. « Lorsque la condamnation concerne une personne morale, les greffiers enverront un extrait de ces registres au greffe de la juridiction où les statuts de celle-ci ont été déposés.
Si la personne morale n'a pas déposé de statuts en Belgique ou s'il s'agit d'une personne morale de droit public, cet envoi se fera au greffe du tribunal de première instance de Bruxelles. » Si la personne morale n'a pas déposé de statuts en Belgique ou s'il s'agit d'une personne morale de droit public, cet envoi se fera au greffe du tribunal de première instance de Bruxelles. »

V. ANNEXE


AVIS DU CONSEIL D'ÉTAT

Le CONSEIL D'ÉTAT, section de législation, deuxième chambre, saisi par le ministre de la Justice, le 31 juillet 1998, d'une demande d'avis sur un projet de loi « instaurant la responsabilité pénale des personnes morales », a donné le 5 octobre 1998 l'avis suivant :

EXAMEN DU PROJET

I. Observations générales

Le projet a été élaboré notamment pour donner suite aux recommandations nºs R (81)12 et (88)18 du Comité des ministres aux États membres du Conseil de l'Europe sur la criminalité des affaires et la responsabilité des entreprises personnes morales pour les infractions commises dans l'exercice de leurs activités. Aussi établit-il, d'une part, le principe de la responsabilité pénale des personnes morales et, d'autre part, un système de peines spéciales susceptibles de leur être infligées.

Le défaut d'un tel principe n'a cependant pas empêché certaines lois de frapper, dès aujourd'hui, les personnes morales d'amendes dites administratives; d'autres lois, dans divers cas, contraignent les personnes morales à payer les amendes pénales auxquelles certains de leurs organes, mandataires, représentants ou préposés ont été personnellement condamnés. Les personnes morales sont dans ce dernier cas, indirectement condamnées.

La Cour de cassation a, pour sa part, joué dans l'évolution de la question proprement pénale un rôle important (1).

Après avoir longtemps décidé qu'une personne morale ne pouvait pas commettre d'infraction, elle a abandonné cette position pour en adopter une autre selon laquelle une personne morale peut commettre une infraction mais ne peut cependant pas être punie pour l'avoir fait. Après s'être conformée à l'adage « societas delinquere non potest », la Cour en a donc suivi un autre : « societas delinquere potest sed non puniri ». Une société peut commettre une infraction mais c'est la personne physique par le truchement de laquelle elle a agi qui subira la peine que l'infraction commise mérite.

Cette jurisprudence est loin d'être unanimement approuvée. Les critiques ne font pas seulement valoir le fait que sa mise en oeuvre est souvent malaisée, ils lui opposent aussi des objections théoriques assez sévères.

En effet, le juge ne peut pas toujours identifier la personne physique qu'il doit punir en raison de la complexité de l'organisation actuelle des entreprises, de la diversification des pouvoirs qui y agissent, des délégations que ces pouvoirs s'accordent les uns aux autres et enfin, en raison du caractère collégial de la décision.

Ainsi par exemple, M. Yvon Hannequart a pu écrire :

« Les faits punissables dérivent souvent d'une politique générale définie par des organes collectifs (conseils d'administration, assemblées générales, conseils de direction) ou d'un manque général de discipline de tout le personnel ou de celui affecté à tel service. C'est au niveau de la collectivité qu'il faut rechercher l'intention, la négligence, la faute puisque l'infraction a puisé à ce niveau son énergie (2). »

À quoi M. de Nauw faisait écho en écrivant à son tour :

« Il devient, dès lors, difficile de déchiffrer une intention, une négligence ou une faute individuelle nettement caractérisée (3). »

D'autre part, certains auteurs ont souligné le caractère paradoxal d'une telle jurisprudence. C'est notamment ce qu'a fait le professeur Lucien François.

« Il paraît malaisé, écrit-il, de concilier l'opinion que la personne morale est elle-même titulaire de l'obligation enfreinte, et l'opinion que ce n'est pas elle que la peine frappe »;

« ... on nie que ce soit la personne morale que l'on punit, parce qu'on voit sanctionner un intermédiaire, alors que d'autre part on affirme que c'est bien elle qui enfreint la loi, bien qu'il y ait là aussi un intermédiaire, sans le truchement de qui la personne morale n'eût pu « delinquere ». On dit du représentant ou de l'organe de la personne morale qu'il est celui par qui elle a agi, et c'est donc elle alors qui est censée agir; mais on ne dit pas, lorsqu'une peine le frappe, qu'il est celui par qui elle est punie.

Au stade de l'action, il n'était plus lui-même; mais il le redevient au moment de la punition ». (4)

La loi en projet entend surmonter ces difficultés et incohérences en établissant, d'une part, une responsabilité pénale propre de la personne morale et en prévoyant, d'autre part, des peines nouvelles et spécifiques auxquelles la personne morale peut, elle-même, être condamnée lorsqu'elle a commis une infraction. Les auteurs du projet entendent toutefois éviter de consacrer un régime de responsabilité pénale objective qui conduirait à permettre de punir la personne morale pour tout fait quelconque commis en son sein. Ils n'entendent donc pas remettre en cause à propos des personnes morales le principe de notre droit pénal, que l'arrêt du 31 janvier 1989 de la Cour de cassation a encore rappelé, selon lequel :

« La responsabilité pénale au sens strict du terme subordonne l'imputation du fait illicite à l'existence d'une faute subjective, intentionnelle ou non, dans le chef de son auteur (5). »

Or, c'est la présence nécessaire de cet élément moral dans toute infraction qui constitue, pour certains auteurs, l'obstacle insurmontable qui se dresse devant une règle qui consacrerait la responsabilité pénale des personnes juridiques et leur punition. Ces auteurs pensent, en effet, que les êtres collectifs n'ayant ni volonté, ni conscience, aucune infraction ne peut jamais leur être imputée puisque cette imputation suppose de vérifier un élément moral inévitablement introuvable.

Ces mêmes auteurs craignent que si la législation s'engageait dans la voie d'une responsabilité objective une responsabilité pénale collective ne finisse par émerger alors qu'une responsabilité pénale stricto sensu ne saurait être que personnelle.

« Elle ne saurait sans une injustice manifeste se communiquer de l'un à l'autre inculpé. De même qu'il n'est ni sensé ni juste de tenter de conclure à l'état d'esprit d'un inculpé à partir de l'intention ou de la répréhensible négligence de son voisin, ainsi n'est-il ni sensé ni juste de prétendre découvrir au sein d'un groupe une quelconque culpabilité subjective permettant d'imputer pénalement les infractions de certains de ses membres à l'ensemble du groupe et aux membres qui n'auraient pris aucune part à l'infraction ou ne pourraient se voir personnellement reprocher à son égard aucune intention coupable, aucune répréhensible négligence ... C'est une telle responsabilité pénale « collective » qui se profilera dangeureusement derrière toute condamnation pénale stricto sensu d'une entreprise chaque fois que cette condamnation aura pour effet de faire peser sur l'ensemble du groupe le caractère réprobateur de la peine prononcée, chaque fois que sera refusée aux membres innocents la possibilité de s'y soustraire en excipant de leur erreur invincible ou de toute autre cause de non-imputabilité subjective (6) ».

Les auteurs du projet ont néanmoins pensé pouvoir surmonter ces difficultés. Ils y ont été encouragés non seulement par les recommandations du Conseil de l'Europe déjà évoquées mais aussi par certaines analyses doctrinales récentes et des exemples significatifs de législation étrangère.

Ainsi Mme Valérie Simonart a écrit dans une thèse soutenue, il y a peu, devant la Faculté de droit de l'Université libre de Bruxelles (7) qu' :

« Une personne morale peut manifester une volonté collective. Cette volonté est certes différente de celle des individus, mais elle ne peut être niée : il suffit de penser aux « monstres » que constituent certaines sociétés anonymes; les résolutions des assemblées générales n'émanent pas de tel ou tel actionnaire, mais de la somme des volontés individuelles et divergentes qui ont subi une alchimie synergétique qui n'a rien de magique(8).

Cette volonté peut se diriger « vers le bien comme vers le mal (9) » et accomplir des actes avec une composante morale. »

Il ne faut d'ailleurs pas, à cet égard, négliger le fait que la plus récente opinion de la Cour de cassation est qu'une personne morale peut commettre une infraction quand bien même elle ne peut pas être punie pour l'avoir commise.

À quoi s'ajoute le fait que certains États proches de la Belgique ont plus ou moins récemment modifié leur législation en ce sens.

Il en est ainsi de la France dont l'article 121-2 du nouveau Code pénal de 1992 dispose que :

« ...les personnes morales, à l'exclusion de l'État, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7 et dans les cas prévus par la loi ou le règlement, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ».

De même, les Pays-Bas ont introduit en 1976 dans leur Code pénal un article 51 qui prévoit que :

« ... les faits punissables peuvent être commis par des personnes physiques ou morales »

et,

« ... si le fait punissable est commis par une personne morale, la poursuite pénale peut être engagée et les peines ou mesures prononcées, soit à l'encontre de la personne morale, soit à l'encontre des commanditaires de l'infraction et de ceux qui ont conduit en fait à la réalisation de l'infraction, soit contre ces deux catégories de personnes en même temps. »

Le droit pénal du Royaume Uni et des États-Unis d'Amérique connaît, lui aussi, le principe de la responsabilité pénale des personnes morales.

L'idée à laquelle le projet emprunte son inspiration est celle selon laquelle la personne morale étant une collectivité d'individus agissant à travers elle ou pour elle, et qui, au regard de très nombreuses règles juridiques, est le titulaire d'importantes obligations en matière administrative, sociale, fiscale ou économique, doit, comme les autres personnes juridiques, assumer ces obligations sous le contrôle et la contrainte que font peser sur ses comportements les règles du droit pénal.

Toutefois, l'intention des auteurs du projet n'est, à coup sûr, pas de bouleverser les constantes du droit pénal lorsqu'il s'applique aux personnes morales. Les premières lignes du premier point de l'exposé des motifs le précisent soigneusement. On y lit que :

« L'article 2 inscrit en droit belge le principe de la responsabilité pénale des personnes morales. La philosophie qui a été suivie dans ce contexte consiste à assimiler, dans la plus large mesure, les personnes morales aux personnes physiques. »

Cette position implique que le raisonnement pénal qui conduit à l'imputabilité de l'infraction à son auteur ne soit pas fondamentalement transformé. La responsabilité pénale doit, selon les auteurs du projet, rester, pour les personnes morales, ce qu'elle est pour les personnes physiques, une responsabilité subjective. Le raisonnement suivi par un tribunal pour condamner une personne morale devra donc, en principe, partir de l'acte incriminé par la loi pour en identifier l'auteur, et pouvoir, en raison de l'état de la conscience de ce dernier, le déclarer pénalement responsable de son acte et, enfin, lui infliger une peine.

Du point de vue matériel comme du point de vue dit « moral », il est cependant impossible de négliger le fait que la personne morale n'a pas de réalité matérielle et que ses activités, quelles qu'elles soient, supposent nécessairement l'intervention d'un ou plusieurs individus. C'est pourquoi, il est inévitable que le principe établi par le projet soit assorti des précisions rendues nécessaires par cette intervention inévitable d'une personne physique dans un raisonnement qui doit conduire à la condamnation d'une personne qui ne l'est pas.

I.1. L'imputation matérielle ou légale

L'article 2 du projet indique que les infractions qui peuvent entraîner la condamnation d'une personne morale sont celles qui ont été commises « en vue de la réalisation de son objet, de promouvoir son intérêt ou pour son compte »; mais le même texte ne précise rien sur la question de savoir par qui l'acte matériel incriminé doit avoir été accompli pour que la responsabilité pénale de la personne morale soit engagée. Cette lacune doit être comblée.

En effet, il convient de garder à l'esprit qu'une infraction pénale est, en principe, imputable à l'auteur du fait matériel créateur de l'état d'infraction. Le fait, comme l'écrit le professeur Legros, désigne l'agent. Il existe toutefois des exceptions à ce principe de l'imputabilité matérielle car la loi pénale peut, dans l'énoncé même de l'incrimination qu'elle porte, imputer le fait, non à celui qui réalise matériellement le fait infractionnel, mais à une autre personne que la loi considère comme étant en faute. Ce n'est alors plus le fait qui désigne l'agent, c'est la loi même qui détache la faute punissable du comportement qui la révèle matériellement.

S'agissant de régler le raisonnement pénal lorsqu'il doit pouvoir aboutir à punir une personne morale, il faut l'envisager distinctement selon qu'il s'agit d'infractions matériellement ou, au contraire, légalement imputables.

Même si ce second cas constitue théoriquement l'exception, il convient de l'examiner car le législateur procède souvent à des imputations légales lorsqu'il organise une répression, craignant qu'une règle soit dépourvue de tout effet s'il n'oblige pas une personne précise à veiller à son application. Cette personne, vu la qualité qui est la sienne (propriétaire, employeur, chef d'entreprise, etc.) et donc le rôle qu'elle joue, est ainsi chargée d'un devoir important puisqu'il est pénalement sanctionné. Cette personne se trouve souvent être aujourd'hui une personne morale, c'est donc elle que la loi rend personnellement et pénalement responsable de l'exécution du devoir dont elle a la charge. Le juge appliquera facilement une telle loi; il constatera directement que l'auteur légal que le texte désigne abstraitement se trouve être, dans le cas d'espèce, une personne morale et il la tiendra pour coupable de l'infraction qui lui est reprochée. Cette personne étant celle que la loi désigne comme l'agent ne pourra échapper aux poursuites que par la justification.

En revanche, lorsqu'il s'agit d'infractions pénales pures, c'est-à-dire celles où, conformément au principe, la responsabilité pénale pèse sur la personne qui a accompli matériellement un acte que la loi incrimine, le tribunal devra nécessairement, après avoir constaté le fait de la commission de l'acte interdit, chercher à identifier l'auteur de l'infraction à partir du fait de l'accomplissement de cet acte. Cette recherche le mènera inévitablement vers une personne physique, car seule une personne physique peut accomplir matériellement un acte, la nature immatérielle de la personne morale l'empêchant fatalement de faire quelqu'acte matériel que ce soit.

Pour imputer cet acte à une personne morale il faut donc que le juge ajoute un raisonnement de plus à celui qu'il fait ordinairement. Il devra, après avoir constaté que telle personne physique a bien effectivement accompli l'acte matériel incriminé, vérifier que cette personne a accompli son acte alors qu'elle incarnait une personne morale ou, pour être plus précis, que cette personne physique s'était faite, au moment de son action, l'instrument de celle d'une personne morale. À cette condition, l'acte accompli par la personne physique peut être considéré comme n'étant plus ­ ou n'étant plus seulement ­ le sien mais celui de la personne morale même.

Les conditions dans lesquelles le juge devra considérer que cette instrumentalisation de la personne physique a eu lieu forment, on le voit, un élément essentiel de l'imputabilité matérielle d'une infraction pénale pure à une personne morale. Elles constituent l'essentiel de ce que l'exposé des motifs (point 1.2, alinéa 2) de la loi en projet appelle « le lien intrinsèque » entre le fait infractionnel et la personne morale.

Le texte de l'article 5, alinéa 1er , du Code pénal, en projet (article 2 du projet), ne fournit au juge aucune indication sur la façon dont il devra raisonner sur ce lien. Cette épineuse question se trouve ainsi entièrement abandonnée par l'auteur du projet, qui la considère comme une question de fait, à l'appréciation du juge du fond. Il appartient donc au juge d'affirmer ou de nier, cas par cas, le « lien intrinsèque » qui constitue le pivot du système consistant à affirmer la responsabilité pénale des personnes morales pour toutes les infractions sans les distinguer entre elles, notamment, sans avoir égard au type d'imputabilité, matérielle ou légale, que la loi pénale établit.

Le même exposé des motifs laisse penser que l'intention des auteurs du projet est d'étendre aussi loin que possible le cercle des personnes physiques dont l'activité peut être imputée à la personne morale. Il cite non seulement les administrateurs mais aussi les employés. Les délégués du ministre confirment cette intention d'étendre largement la responsabilité pénale des personnes morales; ils ont déclaré à l'auditeur rapporteur qu'il fallait envisager des hypothèses (par exemple des cas de corruption, d'escroquerie ou d'abus de confiance) où pourraient être imputées à une personne morale des actes accomplis par des « tiers », entendant sans doute par là des personnes qui ne sont ni ses organes, ni ses représentants, ni ses mandataires, ni ses préposés. Une personne morale serait ainsi tenue pour l'auteur d'une infraction grave par le seul fait qu'elle a été « commise en vue de promouvoir son intérêt ou pour son compte ». C'est le profit tiré par la personne morale de l'infraction « commise » qui pourrait la désigner comme l'auteur auquel elle peut être matériellement imputée. La personne morale serait ainsi mise hors d'état d'apprécier à tout moment quelles sont exactement les personnes physiques par les actes desquelles elle pourrait se trouver engagée pénalement.

Une telle imprécision de l'article 5, alinéa 1er , ne peut être admise. S'il n'y était pas remédié, la loi en projet contreviendrait aussi bien à la Constitution qu'aux engagements internationaux de la Belgique.

En effet, les articles 23, alinéa 2 et 14 de la Constitution selon lesquels, d'une part,

« nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi »

et, d'autre part,

« nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la loi »,

donnent pour base au droit pénal belge le principe dit de « la légalité ».

Ce principe est écrit pour le pouvoir qui fait la loi autant que pour celui qui l'applique car il trace les domaines respectifs d'action de l'un et de l'autre en matière pénale. Le pouvoir législatif est tenu de faire des règles que le pouvoir judiciaire doit, pour sa part, appliquer en respectant les termes. Le seul moyen de garantir cette rigoureuse répartition des pouvoirs ­ et, par suite, de conjurer tout risque d'arbitraire de la part des juges ­, est de rédiger les lois pénales de la façon la plus précise. Le pouvoir législatif viderait de sa substance le principe constitutionnel de légalité s'il se bornait à poser des règles pénales ne donnant aux juges que de vagues directives, car il les obligerait ainsi du même coup à compléter les règles applicables pour les rendre susceptibles d'être effectivement appliquées. Une peine décidée par un juge dans ces conditions ne serait plus seulement infligée en vertu de la loi mais en vertu de la loi et aussi d'une autre règle que le juge aurait dû y ajouter pour arriver à l'appliquer.

Le principe de légalité emporte qu'en matière pénale, c'est, pour le pouvoir législatif, une obligation constitutionnelle, et non une simple obligation générale de prudence, de disposer par des règles précises.

La Cour européenne des droits de l'homme a, pour sa part, jugé que la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales établit implicitement par son article 7, un principe identique à celui de la Constitution belge, et lui a attribué la même conséquence quant à la nécessaire précision de l'énoncé légal en matière pénale. Il s'agit pour la Cour de protéger l'individu contre les surprises que l'application de la loi pourrait lui réserver. Elle a, en effet, considéré dans son arrêt Kokkinakis contre Grèce, du 25 mai 1993 que cet article 7 :

« ...consacre aussi, de manière plus générale, le principe de la légalité des délits et des peines et celui qui commande de ne pas appliquer la loi pénale de manière extensive au détriment de l'accusé, notamment par analogie; il en résulte, ajoute le même arrêt, qu'une infraction doit être clairement définie par la loi ».

Un arrêt antérieur de la même Cour, l'arrêt Malone contre Royaume Uni, du 2 août 1984 avait déjà précisé pour sa part « ...qu'on ne peut considérer comme une loi qu'une norme énoncée avec sufisamment de précision pour permettre à un citoyen de régler sa conduite; en s'entourant au besoin de conseils éclairés, il doit être à même de prévoir à un degré raisonnable, dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d'un acte déterminé ».

C'est donc autant pour respecter le principe constitutionnel des articles 12 et 14 que pour satisfaire aux engagements internationaux de la Belgique que le texte de l'article 5, alinéa 1er , du Code pénal, en projet doit être revu et complété.

Le texte en projet ne s'exposerait pas à la même critique, s'il précisait, d'une part, quelles sont les infractions à propos desquelles les personnes morales peuvent être condamnées, et d'autre part, quelles sont les personnes qui, agissant seules ou collégialement, peuvent engager la responsabilité d'une personne morale.

Le législateur pourrait ainsi choisir parmi les lois pénales et les infractions qu'elles créent, celles où il estime que la responsabilité pénale d'une personne morale doit pouvoir être engagée. Il est sans doute particulièrement judicieux de le prévoir pour les infractions où la loi procède elle-même à l'imputation et repousse donc l'imputabilité matérielle. L'un des domaines privilégiés de telles imputations légales est celui de la législation préventive des accidents du travail ou encore celui de la législation anti-pollution. En imposant aux entreprises qui sont souvent des personnes morales, de veiller au respect de prescriptions précises, elles leur imposent un devoir d'organisation. Les rendre pénalement responsables de l'exécution de ce devoir est le moyen le plus adéquat de parvenir à l'organisation espérée. Or, comme il a été dit ci-dessus, c'est dans les cas de telles imputations que le raisonnement du juge est le plus simple parce qu'il peut se passer de l'examen des circonstances concrètes de la commission de l'acte incriminé et des liens existants entre l'auteur de cet acte et l'auteur légal de l'infraction.

Pour les autres cas, ceux où l'imputabilité est matérielle, la loi en projet doit préciser les personnes dont l'action engage la responsabilité pénale de la personne morale. En les désignant, il ne faut pas perdre de vue que des organes, par exemple, peuvent être soit des individus, soit des collèges et qu'il est même relativement courant de parler d'organes de fait.

I.2. L'élément intentionnel ou moral

C'est d'ailleurs en considération de personnes occupant dans l'organisation de la personne morale une position précisée a priori que l'exposé des motifs envisage l'imputabilité de l'infraction du point de vue de l'élément intentionnel ou encore moral.

Il ne le fait toutefois pas sans une telle ambiguïté que le sens du texte du projet en devient gravement incertain.

En effet, on lit à l'alinéa 2 du point 1.3. de cet exposé des motifs que :

« Le principe général du droit pénal selon lequel l'élément intentionnel est un élément constitutif de tout crime et de tout délit s'applique également à la personne morale. Il va de soi cependant que cet élément intentionnel devra être apprécié en tenant compte notamment des caractéristiques propres que présente une personne morale. Il devra être établi soit que la réalisation de l'infraction découle d'une décision intentionnelle prise au sein de la personne morale, soit qu'elle résulte, par un lien de causalité déterminé, d'une négligence au sein de la personne morale. On vise par exemple l'hypothèse où une organisation interne déficiente de la personne morale, des mesures de sécurité insuffisantes ou des restrictions budgétaires déraisonnables ont créé les conditions qui ont permis la réalisation de l'infraction. »

Néanmoins, à l'alinéa suivant du même point 1.3., l'exposé des motifs poursuit en affirmant que :

« Pour apprécier l'élément moral dans le chef de la personne morale, le juge doit se baser sur le comportement des personnes ayant une fonction dirigeante au sein de la personne morale. Ces personnes doivent au moins avoir eu connaissance de l'intention de commettre l'infraction et y avoir consenti ou bien avoir incité elles-mêmes à la commission de l'infraction. Dans le cas d'infractions non intentionnelles, elles doivent avoir eu connaissance du risque de la réalisation de l'infraction et avoir négligé de prendre les mesures pour éviter celles-ci. Si la loi requiert un dol spécial comme élément constitutif, il sera nécessaire d'établir que celui-ci est également présent dans le chef des personnes ayant des fonctions dirigeantes. »

Ces deux explications ne sont évidemment pas en harmonie; elles contrastent même dangereusement. Alors que dans le premier passage cité, il est affirmé que l'élément moral doit être envisagé globalement en considérant l'ensemble de la personne morale en tant que représentation unitaire de l'ensemble des volontés individuelles, dans le second passage, au contraire, il est affirmé que l'élément moral doit être vérifié sur une catégorie particulière de personnes physiques, celles occupant une place assez élevée dans l'organigramme de la personne morale.

Une telle antinomie jette sur le sens du texte en projet un trouble d'autant plus profond que la concision en est extrême et que, comme il a déjà été signalé ci-dessus, l'exposé des motifs au point 1.2. laisse penser que l'intention est d'étendre loin le cercle des personnes dont le comportement peut donner lieu à la responsabilité de la personne morale.

L'importance des enjeux de la réforme autant que le respect du principe de la légalité des incriminations et des peines impose au législateur de déterminer clairement dans le texte de la loi les conditions d'imputabilité des infractions aux personnes morales sous tous ses aspects. Il ne peut être question de considérer que ce sont là des questions de fait qui peuvent être laissées à l'appréciation des juges du fond. Les axes du raisonnement du juge doivent être tracés par le texte.

Le flou que le texte et l'exposé des motifs laissent planer sur la façon d'imputer une infraction à une personne morale s'étend ­ comme il est fatal ­ à la question dite du concours des responsabilités.

I.3. La question dite du concours des responsabilités

Cette question est celle de savoir si la responsabilité pénale de la personne morale exclut ou non celle de la personne physique dont le comportement a causé l'état infractionnel reproché à la personne morale. Elle ne se pose évidemment pas si la personne physique n'est pas indentifiée, hypothèse qui peut se présenter notamment dans les infractions d'omissions, de négligence ou purement matérielles dans lesquelles la loi recourt souvent au système de l'imputation légale. Il faut aussi penser que l'organe qui a agi pour le compte de la personne morale peut être un organe collégial; ce qui ne permet pas non plus d'identifier la personne à cause de laquelle la responsabilité pénale de la personne morale est engagée.

Cette question du cumul engage le fondement même du mécanisme sur lequel la loi en projet a établi le principe de la responsabilité pénale de la personne morale. Exclure toute condamnation de la personne physique pour les mêmes faits que ceux à raison desquels la personne morale est condamnée, c'est considérer que la première n'agit plus elle-même lorsqu'elle agit comme instrument de la personne morale. Au contraire, prévoir que la condamnation de l'une n'exclut pas la condamnation de l'autre, c'est concevoir que la responsabilité pénale de la personne morale est une responsabilité, non pour autrui, mais « par ricochet ».

Il appartient évidemment au législateur de prendre parti clairement sur ce point. Il ne le fait actuellement ni dans le texte, ni dans l'exposé des motifs.

En effet, ce dernier affirme que :

« le principe retenu est celui de l'exclusion du cumul des responsabilités »,

tandis que le texte n'exclut pas la condamnation de la personne physique dans l'hypothèse où, étant bien sûr identifiée, elle se trouve avoir commmis « sciemment et volontairement » une « faute personnelle ». Ici encore, l'exposé des motifs, loin d'éclairer le sens du texte en projet, l'obscurcit.

L'interprète pourra, en effet, s'interroger sur la question de savoir s'il faut avoir égard à l'état d'esprit concret de la personne physique au moment où elle a agi comme instrument ou s'il faut au contraire s'arrêter à la qualification légale de l'infraction commise et reprochée à la personne morale, la personne physique ne pouvant être condamnée que si cette infraction est l'une de celles qui exigent ce que l'on appelle un dol spécial ou tout à fait spécial.

Le principe de la légalité des incriminations et des peines ne permet pas de rédiger, d'une part, le texte de l'article 5, alinéa 2, en projet, et, d'autre part, l'exposé de ses motifs en écrivant que :

« ... si l'élément moral dans le chef de la personne physique est la négligence ­ ce qui sera souvent le cas dans le droit pénal spécial où beaucoup d'incriminations ne requièrent pas le dol ­ il appartiendra au juge de vérifier au cas par cas laquelle de la responsabilité de la personne morale ou de celle de la personne physique est déterminante. Ainsi, on évite que, soit la personne morale, soit la personne physique, puisse évaluer le risque pénal a priori. »

Cette dernière phrase, en particulier, heurte frontalement le principe de la légalité dont la raison d'être est précisément de permettre à toute personne d'évaluer ce risque.

La précision textuelle est d'autant plus nécessaire que l'article 5, alinéa 2, du Code pénal en projet, doit se concilier avec le chapitre VII du même Code et, notamment, l'article 66 qui prévoit que :

« ... seront punis comme auteurs ... ceux qui, par un fait quelconque, auront prêté pour l'exécution une aide telle que, sans leur assistance, le crime ou le délit n'eût pu être commis. »

Si ce que l'exposé des motifs appelle « l'exclusion du cumul » doit être retenue comme principe, il convient de préciser la mesure dans laquelle les règles sur la corréité et la complicité sont atteintes par ce principe.

II. Le Conseil d'État s'interroge sur la manière dont vont pouvoir se concilier la loi en projet et les mécanismes existants de sanctions directes et indirectes que le législateur a instaurés dans le but notamment de combler l'absence d'une responsabilité pénale des personnes morales mais aussi sur une remise en cause des systèmes d'imputabilités légale et conventionnelle (10).

Certaines lois ont explicitement désigné la personne physique responsable pénalement pour les infractions commises par la personne morale. Il en est ainsi des lois coordonnées sur les sociétés commerciales où il s'agit généralement des gérants, des administrateurs, des commissaires et des liquidateurs ou encore des lois pénales sociales où sont fréquemment désignés l'employeur, ses préposés ou mandataires. D'autres lois ont imposé aux personnes morales qu'elles désignent une personne physique responsable pour certaines obligations légales incombant à ces personnes morales.

À partir du moment où la loi en projet instaure une responsabilité pénale propre à la personne morale, les imputabilités légales et conventionnelles (11) risquent d'être à l'origine de contradictions.

Une autre question est de savoir quel sera encore l'avenir des sanctions directes et indirectes touchant actuellement les personnes morales.

Dans un article paru au Journal des tribunaux (12), M. F. Deruyck établit un inventaire de ces remèdes.

Ainsi, qu'adviendra-t-il de la responsabilité civile de la personne morale du chef de peines pécuniaires infligées à des personnes physiques relevant de la personne morale ? Plusieurs lois ont instauré un tel mécanisme comme la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, la loi du 14 juillet sur les pratiques du commerce et sur l'information et la proctection du consommateur ou encore la loi du 17 juillet 1975 relative à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises.

Ces mécanismes ne paraissent guère compatibles avec l'instauration d'une responsabilité pénale de la personne morale elle-même.

La même question se pose pour les sanctions administratives qui, dans bien des cas, ont été consacrées pour combler le vide juridique résultant de l'absence de responsabilité pénale des personnes morales. C'est ce qui a fait dire à la doctrine que :

« ...le rejet de la responsabilité pénale des personnes morales est une cause importante des métamorphoses administratives du droit pénal de l'entreprise (13). »

Si les sanctions administratives ne doivent pas disparaître de l'arsenal juridique, il convient cependant de s'interroger sur le maintien de certaines d'entre-elles, compte tenu du fait que la loi en projet assimile la personne morale à la personne physique et considère donc qu'un personne morale peut être rendue coupable de toutes les infractions visées par les lois pénales.

Il pourrait, dès lors, être possible qu'un même comportement puisse faire l'objet d'une amende administrative, prononcée par une autorité administrative et d'une amende pénale, prononcéé cette fois par un juge pénal.

Par ailleurs, certaines amendes administratives applicables aux personnes morales revêtent le caractère d'une véritable peine, le but réellement poursuivi étant de punir (14).

On se demande, dès lors, quelles seront les finalités respectives de l'amende administrative et de l'amende pénale ou encore ce qu'il adviendra du principe général « non bis in idem ».


CONCLUSION

La loi en projet s'expose à trois critiques auxquelles il convient de remédier :

1º elle omet de préciser les conditions d'imputabilité matérielle des infractions commises par les personnes morales tout autant que les conditions de détermination de l'élément moral de ces infractions. Conformément à la Constitution et aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, il appartient au législateur et à lui seul de prendre position sur cette double question.

2º L'alinéa 2 de l'article 5 en projet est totalement ambigu en ce qu'il ne permet en rien de déterminer les hypothèses dans lesquelles il pourrait y avoir ou non une responsabilité pénale, d'une part, de la personne morale et de la personne physique d'autre part. Le texte doit être fondamentalement revu.

3º Le projet est lacunaire et doit être complété en vue d'aménager les législations existantes et spécialement celles qui concernent les amendes administratives mises à charge de la personne morale.

Compte tenu de cette conclusion, c'est de matière subsidiaire que le Conseil d' État examine les dispositions du projet.

DISPOSITIF

Article 2

1. En ce qui concerne les alinéas 1er et 2 de l'article 5 en projet, il est renvoyé à l'observation générale nº I.1., I.2. et I.3.

2. L'alinéa 3 en projet assimile aux personnes morales des groupements qui sont dépourvus de la personnalité juridique.

Ceci a pour conséquence que :

« ... même non impliqués dans l'infraction, les membres de ces groupements risquent a fortiori d'être directement atteints par les effets d'une condamnation pénale prononcée contre le groupement, sans plus pouvoir exercer au civil le moindre recours en indemnisation contre les vrais « coupables » éventuellement identifiés et non bénéficiaires d'une immunité personnelle (15). »

Les délégués du ministre ont expliqué qu'au nom de l'autonomie du droit pénal, il est permis d'accorder une « personnalité juridique pénale » à des personnes morales qui n'en disposent pas au plan civil.

L'assimilation de la personne morale à des groupements est très contestable. Cette assimilation aura pour effet de faire exister pour le droit pénal des entités qui n'ont, par ailleurs, aucune existence dans les autres domaines du droit.

Cette assimilation aura, en outre, pour effet de punir directement les personnes physiques qui composent le groupement alors que dans l'hypothèse d'une personne morale dotée de la personnalité juridique, son patrimoine sera, en principe, directement atteint si sa responsabilité pénale est retenue.

Par ailleurs, au regard des principes constitutionnels de l'égalité et de non-discrimination, il appartient à l'auteur du projet de justifier objectivement cette différence de traitement.

Enfin, le Conseil d'État constate également que ne sont pas concernées par cette assimilation, les associations sans but lucratif en formation et d'autres associations de fait comme les syndicats, les partis politiques...

Ici aussi, il appartient à l'auteur du projet de justifier par rapport aux principes constitutionnels précités, la raison objective pour laquelle l'assimilation vise certaines entités dépourvues de la personnalité juridique plutôt que d'autres.

Article 3

Le commentaire de cette disposition semble indiquer que la modification en projet a notamment pour objet de consacrer en tant que sanction pénale dans le Code pénal, la publication et la diffusion de la décision judiciaire.

Or, le dispositif ne contient pas une telle modification.

Cette contradiction doit être levée.

Article 4

L'article 7bis du Code pénal en projet énumère les peines applicables aux infractions commises par les personnes morales.

1. Interrogés sur le sens de l'alinéa 1er , 2º, en projet, les délégués du ministre ont expliqué que toutes les hypothèses de la confiscation spéciale consacrée à l'article 42 du Code pénal, sont applicables aux personnes morales.

Toutefois, une réserve a été faite pour les personnes morales de droit public. Lorsque la confiscation se rapporte :

« aux choses formant l'objet de l'infraction et à celles qui ont servi ou qui ont été destinées à la commettre » (article 42, 1º, du Code pénal),

il est exigé que ces biens soient civilement saisissables et qu'ils ne servent pas à une activité qui relève d'une mission de service public.

Le Conseil d'État n'aperçoit pas l'utilité des termes « à l'exception des activités qui relèvent d'une mission de service public ». En faisant référence aux « biens civilement saisisables », le Conseil d'État suppose, en effet, que l'auteur du projet entend mettre en oeuvre les règles consacrées à l'article 1412bis du Code judiciaire.

Si tel ne devait pas être l'intention de l'auteur du projet, il y a lieu de rédiger plus clairement la disposition en projet et de justifier la raison pour laquelle le régime pénal de la confiscation s'écarte du régime de la saisissabilité consacré à l'article 1412bis précité.

Le Conseil d'État constate également une différence d'approche entre cette disposition et l'alinéa 2, 3º, en projet qui prévoit qu'en matière criminelle et correctionnelle l'une des peines applicables sera :

« la fermeture d'un ou de plusieurs établissements, à l'exception d'établissements où sont exercées des activités qui relèvent d'une mission de service public ».

Le concept de personne morale de droit public n'est pas utilisé dans ce dernier cas.

Doit-on, dès lors, en conclure qu'une confiscation spéciale prévue à l'article 42, 1º, du Code pénal pourra être infligée sans aucune réserve lorsque la personne morale est une personne morale de droit privé et qu'elle assume une mission de service public, alors que s'agissant de la fermeture d'un établissement, celle-ci ne pourra pas intervenir si la personne morale de droit privé assume une mission de service public ?

Il appartient à l'auteur du projet de clarifier cette différence de conception dans l'application des peines précitées.

Le Conseil d'État attire également l'attention sur la difficulté qu'il y a pour certaines personnes morales de droit public de faire la distinction entre les biens qui sont affectés au service public et les autres...Il en est notamment ainsi pour les entreprises publiques autonomes.

2. À l'article 7bis , alinéa 2, 2º, en projet le texte est ambigu en ce qu'il donne à penser que serait interdite non pas une activité déterminée mais la poursuite de l'objet social.

Le texte doit être revu pour éliminer cette ambiguïté en s'inspirant de la recommandation nº R (88) 18 :

« ­ l'interdiction d'exercer certaines activités, notamment l'exclusion des marchés publics; ».

Articles 5 et 9

Sur un plan légistique, les articles 5 et 9 du projet sont incompatibles. En effet, ils insèrent tous deux dans le livre premier, chapitre II, section V, du Code pénal, une nouvelle sous-section I, intitulée tantôt « Des peines communes aux crimes et aux délits applicables aux personnes physiques », tantôt « De l'interdiction ». L'auteur du projet doit en conséquence revoir la présentation formelle de ces deux dispositions.

Articles 6 et 10

L'observation qui est formulée sous les articles 5 et 9 du projet peut être transposée aux articles 6 et 10 du projet.

En effet, ils insèrent tous deux dans le Livre premier, Chapitre II, section V, du Code pénal, une nouvelle sous-section II, intitulée tantôt « Des peines communes aux crimes et aux délits applicables aux personnes morales », tantôt « De la publication et de la diffusion de la condamnation ».

L'auteur du projet doit, en conséquence, revoir également la présentation formelle de ces deux dispositions.

Article 35 (en projet)

L'exposé des motifs indique à propos de l'article 35 du Code pénal en projet que :

« La dissolution ­ qui constitue « la mort » de la personne morale ­ ne pourra être prononcée que s'il est établi que la personne morale a été, à titre principal, créée dans le but de commettre les crimes ou délits sur lesquels porte la condamnation ou détournée de son objet dans ce but. Seules les personnes morales qui se sont placées dans l'illégalité dès leur création pourront donc être dissoutes en vertu de cette disposition. »

La formulation de l'article 35 en projet risque de donner lieu à des difficultés d'interprétation. Quand conviendra-t-il de dire que la personne morale a été créée « à titre principal » dans le but de commettre les faits qui lui sont reprochés ?

Il est proposé de rédiger l'alinéa 1er de cette disposition de la manière suivante :

« Art. 35. La dissolution peut être décidée par le juge lorsque la personne morale a été intentionnellement créée afin d'exercer les activités punissables pour lesquelles elle est condamnée ou lorsque son objet a été intentionnellement détourné afin d'exercer de telles activités. »

Articles 36 et 37 (en projet)

Le Conseil d'État constate que ces peines ne pourront être prononcées par le juge que lorsque le législateur aura déterminé les cas dans lesquels elles trouveront à s'appliquer.

Le renvoi à une autre loi a pour conséquence que le régime pénal applicable aux personnes morales est incomplet et qu'au moment de l'entrée en vigueur de la loi en projet, le juge ne pourra pas mettre en oeuvre l'ensemble des peines consacrées par la loi en projet.

En outre, le Conseil d'État attire l'attention des auteurs du projet sur la circonstance que le texte en projet donne aux communautés et régions, conformément à l'article 11 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, le pouvoir de prévoir les cas dans lesquels pourra être appliquée une interdiction d'une activité relevant de l'objet social ou une fermeture d'un ou plusieurs établissements de la personne morale.

Article 8

1. Aux termes de la recommandation nº R (88) 18, précitée,

« dans la détermination des sanctions ou des mesures applicables dans un cas déterminé, notamment celles de nature pécuniaire, il conviendrait de prendre en compte le gain que l'entreprise a tiré de ses activités illicites, ce gain pouvant être évalué, le cas échéant, par estimation ».

Selon les délégués du ministre, la loi en projet rencontre ce souci par le biais de la confiscation spéciale prévue à l'article 42 du Code pénal et plus particulièrement les 2º et 3º qui permettent la confiscation des choses qui ont été produites par l'infraction ainsi que des avantages patrimoniaux tirés directement de l'infraction, ou encore des biens et valeurs qui leur ont été substitués ainsi que les revenus de ces avantages investis.

Il convient que cette précision soit exprimée dans l'exposé des motifs.

2. Si l'exposé des motifs met principalement en évidence la volonté de l'auteur du projet de maintenir un parallélisme étroit entre les peines qui peuvent être appliquées à des personnes physiques et celles qui pourront être appliquées aux personnes morales, pour les mêmes faits, il reste cependant silencieux sur les paramètres qui ont été pris en considération pour établir le mécanisme de conversion des peines privatives de liberté en peines d'amende.

En outre, certaines peines privatives de liberté s'expriment en nombre de jours et non en nombre de mois.

Il y a, dès lors, lieu d'aménager la règle de conversion pour tenir compte de cette particularité.

La disposition en projet dispose également que

« Lorsque la peine prévue par la loi pour le fait est une peine privative de liberté à perpétuité, une amende de 240 000 à 720 000 francs »

sera d'application.

Interrogés sur les paramètres qui ont été pris en considération pour établir cette fourchette, les délégués du ministre ont expliqué que cela correspondait plus ou moins à une fourchette de 20 à 60 ans de peine privative de liberté. Toutefois, sachant que ces peines sont rarement accomplies jusqu'à leur terme, parce qu'une libération conditionnelle est généralement décidée, l'auteur du projet a voulu tenir compte de cette situation en établissant les amendes pénales précitées.

Afin d'éviter tout reproche arbitraire, il est préférable que le commentaire de cette disposition fasse apparaître clairement le raisonnement qui justifie cette nouvelle règle.

3. Aux termes du paragraphe 2 en projet, il est prévu que

« pour la détermination de la peine en vertu des dispositions du Livre Ier de ce Code, la disposition du paragraphe 1er de cet article est applicable. »

Interrogés sur le sens de cette disposition, les délégués du ministre ont expliqué qu'il s'agissait de rendre applicable aux personnes morales les dispositions du Livre Ier du Code pénal dont notamment celles relatives à la tentative (articles 51 et suivants), à la récidive (articles 54 et suivants), au concours de plusieurs infractions (articles 58 et suivants) ou encore aux circonstances atténuantes (articles 79 et suivants).

Compte tenu de ces explications, la formulation du paragraphe 2 doit être revue complètement et indiquer quelles dispositions particulières du Livre Ier , précité, sont applicables aux peines visées au paragraphe 1er en projet.

Pour le surplus, il est renvoyé à l'observation générale nº I.3. faite sur le cumul de responsabilités.

Articles 9 et 10

Il est renvoyé à l'observation formulée sous les articles 5 et 6 du projet, à propos de la présentation formelle de ces dispositions.

Article 35 (en projet)

Il est renvoyé à l'observation formulée sous les articles 36 et 37 en projet.

Article 11

Le projet doit préciser les conséquences de la règle telle qu'elle est consacrée. Ainsi, en cas de dissolution de la personne morale après une condamnation pénale, doit-on considérer que la peine sera désormais supportée par les anciens associés ou si elle s'est transformée juridiquement (16) ou a perdu sa personnalité juridique au profit d'une nouvelle personne morale (par absorption ou scission d'une société commerciale), sera-t-il possible de réclamer l'amende pénale pour cette dernière ?

Ces questions doivent être traitées avec toute la rigueur qu'impose leur importance.

Article 13

Cet article soulève les trois questions suivantes :

1. Comment est-il possible de faire renaître une personne morale qui a été dissoute et liquidée ?

2. Comment cette personne morale pourra-t-elle répondre des condamnations qui sont prononcées à son égard alors qu'elle n'a plus de patrimoine ?

3. Comment le mandataire de justice, désigné en vertu de l'article 12 du projet, pourrait-il assurer utilement la défense de cette personne morale dépourvue, par ailleurs, de tout autre organe d'expression ?

Le Conseil d'État ne voit pas comment ces questions pourraient être adéquatement résolues et en conclut que cette disposition doit être abandonnée.

Article 16

Afin de sauvegarder l'effectivité d'une procédure pénale à l'égard d'une personne morale, la disposition en projet autorise le juge d'instruction à prendre des mesures provisoires à condition qu'une instruction soit ouverte, qu'il y ait des indices sérieux de culpabilité et des circonstances particulières qui doivent rendre la mesure nécessaire.

Certaines mesures provisoires peuvent avoir des conséquenses sur le patrimoine d'une autre personne morale ou d'une personne physique. Il en est notamment ainsi de « l'interdiction de transactions patrimoniales spécifiques ».

Parmi les dispositions de la loi du 12 mars 1998 relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction, les articles 28sexies et 61quater du Code d'instruction criminelle organisent une possibilité de recours contre les actes d'information ou d'instruction lorsque ceux-ci concernent des biens et lèsent des personnes.

Ne s'agissant pas à proprement parler de mesures d'information ou d'instruction, il serait souhaitable de prévoir que les mesures provisoires décidées par le juge d'instruction puissent également faire l'objet d'un recours similaire à celui organisé par les articles 28sexies et 61quater , précités.

Il y a lieu enfin de préciser ce que l'on vise exactement par les termes « transactions patrimoniales spécifiques ».

Articles 17 et 18

Comme en ont convenu les délégués du ministre, le but poursuivi par de telles dispositions est de créer un casier judiciaire pour les personnes morales.

Le Conseil d'État constate cependant que les articles 600 et 601 du Code d'instruction criminelle ont été modifiés dans le cadre d'une vaste réforme concernant la création d'un casier judiciaire central (17). Or, à ce jour, bien que cette loi ait été adoptée au Parlement en 1997, elle n'a pas encore fait l'objet d'une publication au Moniteur belge .

Il convient de tenir compte de cette loi pour créer un casier judiciaire propre aux personnes morales.

OBSERVATIONS DE LÉGISTIQUE

Lors de la rédaction du texte nouveau, il faudrait tenir compte des règles de légistiques suivantes :

1. Lorsqu'un même texte modifie plusieurs textes antérieurs, il convient de diviser le texte modificatif en autant de chapitres qu'il y a de textes à modifier. Il est donc proposé du rédiger un chapitre premier consacré aux modifications du Code pénal, un chapitre II aux modifications du titre préliminaire du Code d'instruction criminelle et un chapitre III aux modifications apportées au Code d'instruction criminelle.

2. L'usage des tirets est à éviter (article 5, alinéa 3 nouveau; 7bis , nouveau, article 41bis nouveau).

3. Le caractère obligatoire d'une disposition se marque par le recours à l'indicatif présent et non au futur.

4. La rédaction de pratiquement tous les liminaires ne correspond pas aux règles établies par le traité de légistique formelle.

5. Pour des raisons évidentes de sécurité juridique, il faut éviter qu'un texte modificatif n'ait pour objet de déplacer des articles ou d'en changer le numérotage. Ces modifications peuvent entraîner de grande difficultés eu égard aux références qui seraient faites à ces articles dans d'autres textes. Cette observation concerne en particulier l'article 16.

OBSERVATION FINALE RELATIVE AU TEXTE
NÉERLANDAIS DU PROJET

Le texte néerlandais devrait être rédigé en tenant compte des observations faites dans la version néerlandaise du présent avis.
« Vanwege de voorgaande inhoudelijke opmerkingen worden in dit verband met het oog op een correct taalgebruik geen verdere tekstvoorstellen gedaan, maar wordt bij wijze van voorbeeld wel de aandacht gevestigd op taal- en andere fouten, dikwijls klakkeloze vertalingen uit het Frans, die bij een eventuele herschrijving van de tekst vermeden zouden moeten worden. Zo bijvoorbeeld zou in heel het ontwerp « strafrechtelijke verantwoordelijkheid » geschreven moeten worden in plaats van « strafrechtelijke aansprakelijkheid ». In heel het ontwerp wordt ook misbruik gemaakt van de lijdende vorm van de onvoltooid verleden tijd, hoewel de voltooid tegenwoordige tijd van die lijdende vorm gebezigd zou moeten worden, bijvoorbeeld « ... zijn gepleegd » in plaats van « ... werden gepleegd » (o.m. artikel 2, het ontworpen artikel 5, eerste lid). De hierna volgende termen en formuleringen worden als niet correct aangemerkt of als niet-gebruikelijk : « omwille van de tussenkomst » lees : « wegens de betrokkenheid », (artikel 2, het ontworpen artikel 5, tweede lid), « wetens en willens » lees : « willens en wetens », (zelfde vindplaats), « Worden voor de toepassing ... niet als rechtspersonen beschouwd » lees : « Voor de toepassing van deze wet worden niet als ... beschouwd, (artikel 2, het ontworpen artikel 5, vierde lid), « maatschappelijk doel » lees : « doel van de rechtspersoon », (o.m. artikel 4, het ontworpen artikel 7bis ), « vrijheidsberovende straf » lees : « vrijheidsstraf », (o.m. artikel 8, het ontworpen artikel 41bis ), « de uitoefening van de strafvordering ... ingeval ... » lees : « het instellen van de strafvordering ... als », (artikel 12, het ontworpen artikel 2bis ), « gerechtelijke lasthebber » lees : « procesgemachtigde, (zelfde vindplaats), « maatschappelijke zetel » lees : « zetel », (o.m. artikel 4), « in hoofde van » lees : « ten aanzien van », (artikel 16), « dan gebeurt die verzending » lees : « dan geschiedt die verzending » (artikel 18).

La chambre était composée de :

M. J.-J. STRYCKMANS, président;

MM. Y. KREINS et P. QUERTAINMONT, conseillers d'État;

MM. P. GOTHOT et J. VAN COMPERNOLLE, assesseurs de la section de législation;

Mme B. VIGNERON, greffier assumé.

Le rapport a été présenté par Mme P. VANDERNACHT, auditeur. La note du Bureau de coordination a été rédigée et exposée par Mme F. CARLIER, référendaire adjoint.

La concordance entre la version française et la version néerlandaise a été vérifiée sous le contrôle de M. J.-J. STRYCKMANS.

Le greffier, Le premier président,
B. VIGNERON. J.-J. STRYCKMANS.

(1) Pour une analyse de la jurisprudence de la Cour de cassation, voir notamment : A. De Nauw, « La délinquance des personnes morales et l'attribution de l'infraction à une personne physique par le juge », note sous l'arrêt de la Cour de cassation du 23 mai 1990, RCJB, 1992, pp. 552 et suiv.; O. Ralet, « Responsabilité des dirigeants de sociétés », éd. Larcier, Bruxelles, 1996, pp. 267 et suiv.; F. Deruyck, « Pour quand la responsabilité des personnes morales en droit pénal belge ? », JT, 1997, pp. 697 et suiv.

(2) Y. Hannequart, « Imputabilité pénale et dommages survenus aux personnes et aux biens à l'occasion des activités de l'entreprise », RDP, 1968-1969, p. 487.

(3) A. De Nauw, op. cit. , p. 570.

(4) « Implications du delinquere sed non puniri potest », in « Mélanges offerts à Robert Legros », Bruxelles, éd. de l'ULB, 1985, pp. 204-205.

(5) Chr. Hennau, Gen. Schamps et J. Verhaegen, « Indispensable responsabilité de l'entreprise, inacceptable culpabilité collective » ­ à propos de l'avant-projet de loi belge relative à la responsabilité pénale des personnes morales, JT 1998, pp. 561 à 570.

(6) Chr. Hennau, Gen. Schamps et J. Verhaegen, op. cit .

(7) « La personnalité morale en droit privé comparé », éd. Bruylant, Bruxelles, 1995, p. 249, nº 291.

(8) Voir Delmas-Marty, « Droit pénal des affaires », t. I, p. 109; J. Pradel, chr. XV, nº 4, p. 117; G. Levasseur, « La responsabilité pénale des sociétés commerciales en droit positif français actuel, et dans les projets de réformes envisagés », Rev. int. dr. pén., 1987, nº 1, p. 21, D'Haenens, « Sanctions pénales et personnes morales », RDP, 1975-1976, p. 5; G. Venandet, « La responsabilité pénale des personnes morales dans l'avant-projet du Code pénal », Rev. trim. dr. comm., 1978, p. 735, nº 9; A. Foerschler, « Corporate Criminal, Intent : Toward a better understanding of corporate misconduct », 78 Calif. L. Rev. 1287, 1291 (1990).

(9) Pradel, op. cit. ; Venandet, op. cit. , p. 735, nº 9.

(10) R. Legros, « La responsabilité pénale des dirigeants des sociétés et le droit pénal général », RDP, 1963-1964, pp. 13 et suivantes; « Imputabilité pénale et entreprise économique », RDP, 1968-1969, pp. 372 et suivantes.

(11) « L'imputabilité est conventionnelle lorsque la personne morale est, de par la loi, tenue de désigner une personne physique responsable pour certaines obligations légales de ladite personne morale », M. F. Deruyck, op. cit. , p. 699.

(12) Op. cit. , pp. 702-703.

(13)A. De Nauw, « Les métamorphoses administratives du droit pénal de l'entreprise », éd. Mys & Breesch, Gand, 1994, p. 112.

(14) Voir en ce sens l'analyse des avis de la section de législation du Conseil d'État faite par MM. R. Andersen et P. Nihoul, « Le Conseil d'État ­ Chronique de jurisprudence 1995, RBDC, 1996-2, pp. 240-241; « Le Conseil d'État ­ Chronique de jurisprudence 1996 », RBDC, 1997-2, pp. 211-212.

(15) Chr. Hennau, Gen. Schamps et J. Verhaegen, op. cit.

(16) L'adoption d'une autre forme juridique par une société constituée sous l'une des formes visées à l'article 2 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales n'entraîne aucun changement dans la personnalité juridique de la société qui subsiste sous la nouvelle forme (article 165 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales).

(17) Voir doc. Sénat, nº 1-663/1 à 6, 1996-1997.