Questions et Réponses

Sénat de Belgique


Bulletin 1-84

SESSION DE 1998-1999

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Secrétaire d'État à la Sécurité, adjoint au ministre de l'Intérieur, et secrétaire d'État à l'Intégration sociale et à l'Environnement, adjoint au ministre de la Santé publique (Intégration sociale)

Question nº 1187/1 de M. Destexhe du 3 juillet 1998 (Fr.) :
Contribution des débiteurs d'aliments dans les frais de séjour d'une personne admise dans une maison de repos d'un CPAS.

En vertu de l'article 6 de l'arrêté royal du 9 mai 1984, pris en exécution de l'article 100bis de la loi du 8 juillet 1976 organique des CPAS, la personne admise dans une maison de repos pour personnes âgées d'un CPAS intervient pour la part que le CPAS fixe compte tenu de ses possibilités.

L'article 14, § 1er , de cet arrêté royal, tel que modifié par l'article 1er de l'arrêté royal du 18 février 1985, fixe un seuil de revenus au-dessous duquel aucun remboursement des frais de séjour ne peut être réclamé par le CPAS au débiteur d'aliments du pensionnaire, sous réserve de la mise en oeuvre de l'article 10 de cet arrêté royal.

L'article 16, alinéa 1er , de l'arrêté royal du 9 mai 1984, tel que modifié par l'article 7, 1º, de l'arrêté royal du 8 avril 1987, impose aux CPAS l'application d'une échelle de recouvrement arrêtée par le conseil de l'aide sociale, pour déterminer la part contributive du débiteur d'aliments, lorsque les revenus imposables de ce dernier dépassent le seuil de revenus « exonéré ».

Dans le rapport au Roi précédant l'arrêté royal du 8 avril 1987, il est précisé que l'échelle de recouvrement que le conseil de l'aide sociale est tenu d'établir doit être soumise à l'autorité administrative générale prévue à l'article 111 de la loi organique des CPAS du 8 juillet 1976 et qu'elle peut être communiquée aux débiteurs d'aliments et à toute personne qui en fait la demande, dès sa transmission aux autorités de tutelle.

Les deux obligations réglementaires susvisées (seuil minimum de revenus et échelle de recouvrement) ont été rappelées aux CPAS par M. Aerts, à l'époque secrétaire d'État à la Santé publique et à l'Environnement, dans une circulaire datée du 6 septembre 1984 qui a été reproduite intégralement dans le mouvement communal d'octobre 1984, organe de l'Union des villes et communes.

Dans un document adressé aux CPAS par l'Union des villes et communes (Mouvement communal, 1984, pp. 237-242), il était écrit notamment qu'il n'est nullement question de solliciter l'entièreté des revenus dépassant le seuil fixé par l'article 14 de l'arrêté royal du 9 mai 1984 et que les charges réelles du débiteur d'aliments doivent être prises en compte pour déterminer son intervention. L'auteur rappelait dans cette note le barème d'intervention suivant préconisé dans le cas de la prise en charge de placements en maison de repos : 1) montant A : 80 % du revenu net; 2) montant B : différence entre le montant A et les charges familiales établies forfaitairement et dont le montant varie selon qu'il s'agit du chef de famille, du conjoint, d'enfants de moins ou de plus de dix-huit ans ou d'enfants handicapés; 3) montant de la récupération sollicitée : 20 % du montant B, soit 7 % du revenu mensuel net, avant déduction fiscale de cette obligation alimentaire.

Vous avez rappelé l'obligation d'établir une échelle de recouvrement, dans votre réponse à la question écrite nº 132 posée le 23 octobre 1997 par M. Brouns (bulletin des Questions et Réponses , Chambre, nº 108, pp. 14677-14680).

L'honorable ministre pourrait-il me répondre aux questions suivantes à cet égard :

1. À quelle autorité supérieure le conseil de l'aide sociale d'un CPAS doit-il soumettre l'échelle de récupération qu'il est tenu d'établir en vertu de l'article 16, § 1er , de l'arrêté royal du 9 mai 1984, lorsque le CPAS est établi en Région wallonne : le secrétaire d'État à l'Intégration sociale et à l'Environnement, le ministre de l'Action sociale, du Logement et de la Santé du gouvernement wallon, le gouverneur de province ou une autre autorité de tutelle ?

La réponse à cette question est-elle identique, lorsque le CPAS est établi en Région wallonne, mais dans une commune de la frontière linguistique visée à l'article 8 des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966 ?

Pour que l'échelle de recouvrement puisse être appliquée, suffit-il au conseil de l'aide sociale de la transmettre à l'autorité de tutelle ou celle-ci doit-elle approuver préalablement l'échelle qui lui est transmise ?

2. Quelle est la valeur légale d'une échelle de recouvrement qui n'a pas été transmise ou soumise aux autorités de tutelle ou, le cas échéant, approuvée par l'autorité de tutelle ? Peut-elle être appliquée par le CPAS ?

3. Que fait l'autorité de tutelle, lorsqu'elle constate qu'un CPAS ne lui a pas transmis ou soumis son échelle de recouvrement ou n'a pas établi pareille échelle ?

4. À quelle autorité le débiteur d'aliments peut-il s'adresser pour obtenir l'échelle de recouvrement du CPAS qui lui a adressé une décision d'intervention dans les frais de séjour d'une personne admise dans une maison de repos, lorsqu'il lui est impossible d'obtenir une copie de cette échelle auprès de ce CPAS (refus de communication ou absence de réponse aux demandes de communication) ?

5. Lorsqu'un CPAS n'a pas établi d'échelle de recouvrement, le débiteur d'aliments concerné peut-il revendiquer la prise en compte par le CPAS des charges réelles de son ménage ?

Même en présence d'une échelle de recouvrement, un débiteur alimentaire peut-il demander au CPAS la prise en compte des charges réelles de son ménage ? Je rappelle ici que l'article 16, § 1er , de l'arrêté royal du 9 mai 1984 prévoit qu'il peut être dérogé à l'échelle de recouvrement en fonction de circonstances particulières.

En présence d'une échelle de recouvrement, un débiteur d'aliments peut-il demander la prise en compte des charges réelles de son ménage, lorsque leur montant total est supérieur à la « réduction » totale fixée par application de l'échelle de recouvrement ?

6. La circulaire du 6 septembre 1984 susvisée a-t-elle été rapportée ?

7. L'obligation prévue à l'article 16, § 1er , de l'arrêté royal du 9 mai 1984 a-t-elle été rappelée aux CPAS par une circulaire postérieure à la circulaire du 6 septembre 1984 susvisée ?

Dans l'affirmative, puis-je connaître la publication officielle où cette circulaire aurait été publiée et en obtenir une copie ?

8. À votre connaissance, est-ce que le barème d'intervention suggéré par l'Union des villes et communes, tel qu'il est décrit ci-avant, est appliqué, dans ses principes (pourcentages de récupération et forfaits distincts), par la plupart des CPAS (pourcentage de récupération égal à environ 7 % du revenu mensuel net du ménage) ? Est-ce que ce barème a été adapté depuis lors ? Est-ce qu'un barème d'intervention a été officiellement suggéré aux CPAS par vous-même, par votre administration ou par un de vos prédécesseurs ?

Est-ce qu'une enquête a déjà été réalisée pour comparer les échelles de récupération et les modes de calcul utilisés pour la récupération par les CPAS des frais de séjour auprès des débiteurs d'aliments de personnes admises dans des maisons de repos ? Dans l'affirmative, quels en sont les résultats ?

9. Est-ce qu'un CPAS peut fixer d'office la contribution des débiteurs d'aliments des personnes admises dans une maison de repos à la totalité des revenus de ces débiteurs qui dépassent le seuil minimum établi sur la base de l'article 14, § 1er , de l'arrêté royal du 9 mai 1984 ?

Est-ce qu'un CPAS peut légalement soutenir qu'il a établi une échelle de recouvrement, lorsqu'il n'applique que l'article 14, § 1er , de cet arrêté royal (seuil minimum) et qu'il fixe la participation du débiteur d'aliments à l'ensemble de ses revenus qui dépassent le seuil minimum ?

10. L'obligation contenue sous l'article 16, alinéa 2, de l'arrêté royal du 9 mai 1984, selon laquelle toute décision individuelle de détermination de l'intervention d'un débiteur d'aliments doit comporter les éléments sur la base desquels le montant de la récupération a été fixé et, qui selon la volonté ministérielle, a pour objectif d'accroître la sécurité juridique des débiteurs d'aliments en obligeant les CPAS à motiver leurs décisions en reprenant tous les éléments du calcul de leur contribution, est-elle respectée, lorsque la notification de la décision individuelle de détermination de l'intervention d'un débiteur d'aliments d'un pensionnaire d'une maison de repos n'indique que le calcul de la participation du débiteur d'aliments dans les frais de séjour, avec la mention du seuil de recouvrement appliqué, mais sans indiquer, ni appliquer une échelle de recouvrement, imposée par l'article 16, alinéa 1er , de cet arrêté royal, et sans aucun renvoi aux dispositions légales et réglementaires appliquées ?

Réponse : J'ai l'honneur de communiquer les réponses suivantes aux questions de l'honorable membre.

1. Comme il a déjà été précisé dans le rapport au Roi de l'arrêté royal du 8 avril 1987 modifiant l'arrêté royal du 9 mai 1984 pris en exécution de l'article 13, alinéa 2, 1º, de la loi du 7 août 1974 instituant le droit à un minimum de moyens d'existence et de l'article 100bis , § 1er , de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'aide sociale (Moniteur belge du 15 avril 1987, p. 5524), l'échelle de recouvrement est soumise à la tutelle générale conformément à l'article 111 de la loi organique. Je rappelle par ailleurs à l'honorable membre que, suite à la modification de l'article 5, § 1er , II, 2º, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelle, apportée par la loi du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'État, le chapitre IX ­ « De la tutelle administrative » ­ de la loi organique du 8 juillet 1976, dont fait partie l'article 111 précité, n'est plus du ressort de l'autorité fédérale. Cette matière relève dès lors de la compétence des communautés respectives.

2 et 3. Étant donné que ces questions constituent une interprétation de l'article 111 précité de la loi organique des CPAS, je renvoie l'honorable membre à la réponse donnée à la question 1.

4 et 10. Comme le signale l'honorable membre, le centre public d'aide sociale doit, conformément à l'article 16, alinéa 2, de l'arrêté royal précité du 9 mai 1984, mentionner dans la décision individuelle qui détermine l'intervention, les éléments sur la base desquels le montant de la récupération est fixé. L'objectif est d'accroître la sécurité juridique des débiteurs d'aliments, en leur donnant la possibilité de contrôler le calcul de leur intervention individuelle, effectué par le CPAS, en fonction de l'échelle utilisée par le centre. Dès lors, toute personne qui en fait la demande doit pouvoir connaître le contenu de l'échelle de recouvrement.

Je voudrais encore faire remarquer que la valeur du recouvrement à l'égard du débiteur d'aliments n'est que celle d'une créance fixée unilatéralement. Si le CPAS n'arrive pas à un accord avec le débiteur d'aliments concerné, il doit, le cas échéant, saisir la juridiction compétente de l'affaire, laquelle prendra une décision sur la base des motifs invoqués par les deux parties.

5. Afin de déterminer si l'obligation alimentaire peut être appliquée, il faut tenir compte du revenu imposable de l'intéressé de l'année civile précédant celle au cours de laquelle la poursuite du recouvrement est décidée (article 14 de l'arrêté royal précité).

Cependant, ces limites fixées sont des montants minimums qui constituent un seuil pour le recouvrement, dont on ne peut déduire que le recouvrement doit être opéré lorsque ces minima sont atteints. Le CPAS reste compétent en toute autonomie pour renoncer en tout ou en partie au recouvrement pour des raisons d'équité. Ainsi, les charges financières réelles et effectives que doivent supporter le débiteur d'aliments et sa famille peuvent éventuellement constituer une raison d'équité.

6 et 7. La circulaire du 6 septembre 1984, laquelle précise tout comme le rapport au Roi de l'arrêté royal du 9 mai 1984, l'esprit dans lequel cette législation doit être comprise, n'est pas rapportée.

Aucune circulaire n'a précisé ultérieurement l'obligation au sujet de l'article 16 de l'arrêté royal précité.

8. Je ne peux communiquer à l'honorable membre la mesure dans laquelle l'échelle d'interventions proposée par l'Union des villes et communes belges est appliquée par les centres publics d'aide sociale. En effet, l'article 16 de l'arrêté royal précité dispose que la fixation des barèmes relève de la compétence autonome du conseil de l'aide sociale. Le législateur a uniquement voulu créer un cadre général concernant l'obligation alimentaire au sein duquel celle-ci peut être appliquée, sans porter fondamentalement atteinte à l'autonomie des centres.

J'ai néanmoins connaissance de différences qui peuvent exister entre les centres. Ce constat ne se limite pas uniquement aux différences entre les échelles de recouvrement utilisées par les CPAS mais il peut également s'expliquer par le fait que les centres fixent l'intervention du débiteur d'aliments sur la base de décisions motivées distinctement. En effet, le CPAS peut déroger à l'échelle de recouvrement dans des cas particuliers et renoncer en tout ou en partie au recouvrement pour des raisons d'équité.

En ce qui concerne sa question relative à la réalisation d'une enquête, je suis en mesure de donner une réponse affirmative à l'honorable membre. En effet, j'ai demandé en 1996 à l'Union des villes et communes de réaliser une étude au sujet de la récupération des frais du minimum de moyens d'existence et de l'aide sociale auprès des débiteurs d'aliments et de formuler des propositions en la matière. Il est ressorti des résultats de cette étude que des différences peuvent se produire pour les motifs énoncés ci-dessus. Les centres ont réagi de manière partagée à la demande d'échelles de récupération plus uniformes.

9. Ma réponse à cette question est négative. En effet, les centres sont obligés de se conformer à l'échelle fixée par leur conseil de l'aide sociale. De même, il n'est pas possible de tenir compte de l'ensemble de la partie du revenu du débiteur d'aliments qui dépasse le seuil minimum en vue du calcul de l'obligation alimentaire, car dans ce cas l'obligation d'utiliser l'échelle de recouvrement n'est pas respectée.