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SÉANCES DU JEUDI 5 FÉVRIER 1998 |
VERGADERINGEN VAN DONDERDAG 5 FEBRUARI 1998 |
M. le président. L'ordre du jour appelle la demande d'explications de M. Philippe Charlier au ministre de la Santé publique.
La parole est à M. Philippe Charlier.
M. Ph. Charlier (PSC). Monsieur le président, la problématique des kinésithérapeutes revient régulièrement sous les feux de l'actualité et nous sommes souvent interpellés sur l'avenir de cette profession, qui, au sein du secteur paramédical, occupe une place importante.
On se souviendra que depuis la loi du 6 avril 1995, la kinésithérapie se trouve inscrite dans l'art de guérir. Cette profession a ainsi obtenu une reconnaissance qu'elle méritait et ses acteurs, un statut tout autant mérité.
Le texte législatif qui a fait l'objet de nombreuses discussions pendant plusieurs années, a également porté les études de kinésithérapie à quatre ans. Vous savez que cette décision est le résultat d'un consensus entre ceux qui défendaient l'idée du tout à l'université et ceux qui n'imaginaient pas la suppression des études de kinésithérapie en dehors du cadre universitaire. En fixant à quatre années la durée des études, on pouvait imaginer tant du type long de niveau universitaire que des études universitaires.
Les rivalités entre universités et hautes écoles restent aujourd'hui d'actualité d'autant plus que la loi en question prise à l'échelon fédéral indiquait clairement l'année à laquelle les études devaient passer à quatre ans. Pour des raisons que je ne partage pas, la date d'application a été reportée d'un an, et puisque nous sommes dans cette année où les études passeront à quatre ans, je souhaite vous interroger sur les relations entre le niveau de formation et l'accès à la profession de kinésithérapeute.
Si la formation est de niveau communautaire, on peut effectivement la dissocier de l'accès à la profession. Dans ce sens d'ailleurs, il serait dommage que les deux communautés qui organisent des études de kinésithérapie ne choisissent pas le même niveau de formation.
Prétextant une pléthore de kinésithérapeutes en Belgique, le gouvernement fédéral a étendu la Commission de planification l'offre médicale qui avait déjà fixé le quota pour les médecins et les dentistes à la profession de kinésithérapeute.
Si on observe l'évolution du nombre d'étudiants en kinésithérapie en Communauté française, on constate que le nombre d'étudiants est non pas en diminution, mais bien en augmentation. Ainsi, dans les hautes écoles, en 1992, 1 784 élèves étaient inscrits en cycle de trois ans. Ils sont aujourd'hui 2 877. À l'université, leur nombre est passé de 593 en 1992-1993 à 974 cette année. On ne peut donc pas dire que le nombre de candidats à la profession de kinésithérapeute soit en diminution, et ce malgré le fait que l'on répète fréquemment que le nombre de kinésithérapeutes est trop important sur le marché.
Cela se traduit bien évidemment par un impact budgétaire : ainsi, en 1995, les dépenses pour la kinésithérapie étaient de 12 631,9 millions; pour 1996, l'objectif, qui était de 13 025,4 millions, a été dépassé de 469,2 millions. Pour 1997, la hausse autorisée était de 0,1 %, ce qui fixait l'objectif budgétaire à 13 514 millions. Il serait intéressant de savoir si cet objectif a été atteint.
Si l'on imagine une limitation à l'accès à la profession des kinés, il est évident qu'une telle décision que j'aimerais que vous me confirmiez, monsieur le ministre a un impact considérable sur la réorganisation des études de kinésithérapeute. L'idée est effectivement illusoire d'imaginer une véritable réorganisation des études, c'est-à-dire non seulement de la durée mais aussi des programmes, sans disposer des informations relatives au nombre maximum de diplômés qui auront accès à la profession.
Je sais qu'en ce qui concerne la Communauté française, le ministre compétent vous a déjà adressé, à deux reprises au moins, un courrier dans lequel il vous faisait part de sa préoccupation à la suite du report d'un an du passage des études à quatre ans. Vous devez effectivement comprendre que l'inquiétude des étudiants inscrits lors de l'année académique 1997-1998 est grande. Ils devaient entrer dans un cycle de quatre ans; ils sont, en fait, dans un cycle de trois ans, sans finalement savoir ce qu'il adviendra de leur accès à la profession.
À ce sujet, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir si le quota relatif aux affectations I.N.A.M.I. a été fixé ou le sera prochainement. Il y a effectivement urgence à solutionner cette question, non seulement pour les communautés mais, surtout, pour les étudiants, car je pense que si l'on avait voulu prendre réellement le problème en main, il y avait un temps suffisant entre le vote de la loi d'avril 1995 et le début des études en quatre ans prévu en septembre 1997.
Plus grave, le texte qui reporte le début des études en quatre années en 1998 a été voté par la Chambre le 9 juillet 1997 seulement. Soumis au principe d'évocation du Sénat, le délai légal se terminait le 20 octobre 1997. Cela signifie que lors de la rentrée scolaire de septembre 1997, le texte de la loi du 6 avril 1995 était toujours d'application.
Pire encore, les hautes écoles qui disposent d'une section paramédicale en kinésithérapie avaient adapté leur programme et avaient prévenu leurs étudiants. Elles étaient prêtes à s'engager dans des études de quatre années.
J'aimerais savoir ce qui vous a poussé, monsieur le ministre, à prendre une telle mesure dans la précipitation. Quoi qu'il en soit, la situation de la kinésithérapie doit être réglée rapidement, d'autant plus que, depuis la rentrée scolaire, d'autres signes me donnent à penser que les conflits entre les universités et les hautes écoles ne sont pas prêts de s'estomper. J'en veux pour preuve la nouvelle constitution du Conseil de la kinésithérapie qui fait une part belle aux représentants des licenciés huit sur quatorze alors que, dans les faits, c'est-à-dire sur le terrain, les licenciés représentent actuellement plus ou moins 20 % du nombre des kinés actifs dans notre pays.
J'ai également eu écho de la position des recteurs des universités néerlandophones. Ceux-ci défendent encore l'idée de deux niveaux de formation : un graduat en trois ans et une licence en quatre ans à l'université. Vous comprendrez l'opposition des principales associations de kinés car il n'y a pas deux professions. Il n'existe, d'ailleurs, qu'un seul profil et j'aimerais que, cela aussi, vous me le confirmiez. Les universités se montrent agressives. Est-ce par crainte de perdre certains avantages qui, en fait, sont essentiellement des doubles emplois ? De telles attitudes entraîneront-elles un retour en arrière ? J'ose espérer que non, dans l'intérêt de la profession.
M. le président. La parole est à M. Colla, ministre.
M. Colla, ministre de la Santé publique et des Pensions. Monsieur le président, M. Charlier a rappelé à juste titre que la loi du 6 avril 1965 constitue la référence en la matière. À l'époque, cette loi d'initiative parlementaire avait suscité un vaste débat, notamment en ce qui concerne la durée de la formation, fixée à quatre ans.
Par ailleurs, j'ai proposé au Parlement, conformément aux souhaits exprimés par les communautés, de postposer d'une année l'entrée en vigueur de la loi du 13 novembre 1997. En fait, les ministres communautaires compétents ont marqué leur accord quant à cette proposition à l'issue d'une concertation organisée à mon cabinet.
Je précise, en outre, qu'une des deux communautés s'était faite plus pressante que l'autre à ce sujet. C'est pourquoi un projet de loi a été élaboré en la matière. Celui-ci a été soumis au Parlement où il a fait l'objet d'un vote.
Jusqu'à présent, je n'ai reçu aucune autre demande visant à postposer une nouvelle fois l'application de cette loi, même si, dans certaines communautés, on s'interroge sur l'opportunité de prévoir deux types de formation. Cependant, cette question ne relève pas de ma compétence.
La nécessité d'une formation étalée sur quatre ans est établie depuis 1995. Les communautés sont parfaitement en droit d'opter pour deux formations différentes et dès lors que celles-ci ont une durée de quatre ans, je n'ai aucune objection à formuler. Par ailleurs, le fait qu'elles soient organisées dans l'enseignement universitaire ou dans l'enseignement de type supérieur ne dépend pas du ministre fédéral. Depuis 1995, les communautés doivent prendre une décision à cet égard. Un délai supplémentaire d'un an leur a été accordé par le Parlement fédéral. Mais il est tout à fait possible qu'elles demandent une prorogation de celui-ci. En effet, de très vives discussions ont lieu actuellement à l'échelon de la Communauté flamande en ce qui concerne les deux types de formations.
Par ailleurs, monsieur Charlier, les chiffres que vous avez mentionnés semblent indiquer à l'opposé de ce qu'affirment la plupart des organisations professionnelles qu'il n'y a pas pléthore de kinésithérapeutes. Personnellement, je suis persuadé du contraire et les chiffres dont je dispose, qui comparent notre situation à celle des autres pays de l'Union européenne, confirment mon sentiment. C'est ainsi qu'un arrêté royal a été pris en vue d'attribuer à la commission de planning certaines compétences en ce qui concerne les kinésithérapeutes. Celle-ci a d'ailleurs accompli un travail efficace en ce qui concerne la pléthore des médecins et elle a proposé un certain nombre de chiffres en vue d'un planning futur.
La commission va se pencher sur la situation des kinésithérapeutes. Sa composition a été fixée et elle a entamé ses travaux sur un plan informel. Le 5 mars au plus tard, elle devrait me transmettre un avis final. Je comprends que vous attendiez le résultat avec impatience. Cependant, les deux arrêtés royaux étaient nécessaires. Ils ont fait l'objet d'une très longue procédure et ont été soumis à l'avis de différentes instances et organisations. Selon moi, il est encore tout à fait possible de procéder aux deux types de réformes en la matière.
En ce qui concerne la composition du Conseil national de la kinésithérapie, les chiffres dont je dispose sont différents de ceux mentionnés par M. Charlier. En effet, le conseil compte quatorze membres dont trois seulement M. Charlier a avancé un chiffre supérieur sont licenciés en kinésithérapie et sont proposés par leur organisation professionnelle.
En ce qui concerne les étudiants, mes chiffres sont quelque peu différents également. Cependant, ceux-ci peuvent varier au fil du temps.
Le chiffre le plus récent en ce qui concerne le nombre total de kinésithérapeutes travaillant actuellement dans notre pays est de 24 309 au niveau fédéral et de 8 298 pour la Région wallonne.
M. le président. La parole est à M. Philippe Charlier.
M. Ph. Charlier (PSC). Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Effectivement, il s'agissait à l'origine d'une initiative parlementaire et notre position était très arrêtée quant à la date car cela a fait l'objet de nombreuses discussions. Même si je le regrette, les communautés ont accepté, je vous entends bien, une modification, l'une insistant plus que l'autre.
Cela étant, je me réjouis que la date du 5 mars soit avancée pour disposer d'un avis parce qu'il est dès lors encore possible d'aboutir à une réforme tant sur le plan de l'organisation des études que sur le plan du nombre de kinésithérapeutes avant la prochaine année scolaire. Je pense comme vous que la notion de pléthore existe bien en Belgique et qu'il est dramatique pour de jeunes kinésithérapeutes commençant des études de n'avoir aucune garantie en matière de débouchés.
Vous rendriez service au secteur, monsieur le ministre, en limitant l'accès à cette profession. Nous sommes en effet dans une situation où les gens, ne pratiquant plus suffisamment l'acte paramédical, ne sont plus à même de le pratiquer correctement. C'est un peu ce qui se passe en médecine.
Quant aux chiffres que j'ai cités, ils me parvenaient de la Communauté française elle-même, ce qui explique sans doute les quelques différences. Quoi qu'il en soit, les chiffres globaux que vous avez mentionnés en dernier lieu montrent bien qu'il s'impose d'agir dans les mois à venir, sous peine de nous retrouver dans une impasse.
M. le président. L'incident est clos.
Het incident is gesloten.