1-396/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1995-1996

23 JUILLET 1996


Projet de loi portant assentiment à :

1. l'Accord entre le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord concernant la circulation des trains entre la Belgique et le Royaume-Uni empruntant la liaison fixe transmanche;

2. le Protocole concernant la circulation des trains sans arrêt entre la Belgique et le Royaume-Uni empruntant la liaison fixe transmanche;

3. l'Accord particulier entre le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif aux questions de sûreté concernant les trains empruntant la liaison fixe transmanche et circulant entre la Belgique et le Royaume-Uni;

4. le Protocole concernant la mise en place d'un comité intergouvenemental tripartite,

signés à Bruxelles le 15 décembre 1993


SOMMAIRE


EXPOSÉ DES MOTIFS


1. Historique

Le Traité de Cantorbéry du 12 février 1986 entre la France et le Royaume-Uni, qui a créé le cadre en vue de la construction du tunnel sous la Manche (ci-après dénommée « la liaison fixe transmanche ») par des entrepreneurs privés, stipule que les questions de police, d'immigration, de douanes, de contrôles sanitaire, phytosanitaire et vétérinaire (art. 4), ainsi que les problèmes de coopération judiciaire entre les deux pays (art. 8) résultant de la création d'une frontière terrestre entre la France et le Royaume-Uni, feront l'objet d'un protocole ultérieur.

Le protocole de Sangatte, signé le 25 novembre 1991, fixe les modalités de cette collaboration bilatérale franco-britannique.

Le programme d'utilisation de la liaison fixe transmanche prévoit quant à lui la mise en service de trains directs sans arrêt entre Bruxelles et Londres, ainsi que de trains, entre ces deux villes, qui ne feront qu'un court arrêt commercial à Lille.

Il s'avérait dès lors nécessaire, afin de préserver les intérêts belges dans la perspective d'une liaison directe Bruxelles-Londres, de parvenir à un accord avec la Grande-Bretagne et la France en vue de déterminer les modalités générales du trafic ferroviaire entre Bruxelles et Londres via le tunnel, donc via le territoire français ; les dispositions du traité bilatéral de Cantorbéry, qui fixent les modalités du trafic ferroviaire franco-britannique via le tunnel n'ont pas valeur légale en Belgique ; seul un cadre adéquat, c'est-à-dire un traité, pouvait garantir la sécurité juridique quant à la participation de notre pays au programme d'exploitation de la liaison fixe transmanche.

La première rencontre entre les trois parties eut lieu à Bruxelles, le 22 mai 1990, les Accords ont été signés, à Bruxelles également, le 15 décembre 1993.

2. Accords trilatéraux

Les négociations entre les trois parties ont débouché sur la signature des Accords suivants:

­ l'Accord entre le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord concernant la circulation des trains entre la Belgique et le Royaume-Uni empruntant la liaison fixe transmanche (ci-après dénommé « l'Accord ») ;

­ le Protocole concernant la circulation des trains sans arrêt entre la Belgique et le Royaume-Uni empruntant la liaison fixe transmanche (ci-après dénommé « le Protocole ») ;

­ l'Accord particulier entre le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif aux questions de sûreté concernant les trains empruntant la liaison fixe transmanche et circulant entre la Belgique et le Royaume-Uni (ci-après dénommé « l'Accord particulier ») ;

­ le Protocole concernant la mise en place d'un Comité Intergouvernemental Tripartite.

Il convient en outre de faire remarquer que, lors de la signature des Accords, le Gouvernement belge y a joint une Déclaration unilatérale se rapportant à l'Accord de Schengen et à l'article 7A du Traité sur l'Union européenne.

2.1. L'Accord

Cet Accord est l'accord de base conclu entre les trois parties, qui peut être considéré, dans un certain sens, comme le pendant du Traité bilatéral de Cantorbéry.

L'Accord vise à organiser la circulation des trains empruntant la liaison fixe transmanche entre la Grande-Bretagne et la Belgique et traversant sans arrêt commercial le territoire français.

L'Accord règle en outre les problèmes qui se posent au niveau de la sûreté, des différents contrôles, de la coopération judiciaire en matière pénale, de la sécurité civile et de l'assistance mutuelle sur le territoire des trois États concernés.

L'Accord introduit également les notions de « zone de contrôles « (c'est-à-dire une zone, dans les deux gares terminales et dans le train en marche, à l'intérieur de laquelle les agents de l'autre partie contractante sont habilités à effectuer les contrôles) et d'État de séjour » (l'État sur le territoire duquel peuvent s'effectuer les contrôles des autres États). Ces deux notions sont essentielles pour garantir la rapidité et la fluidité de la circulation des trains empruntant le tunnel sous la Manche, ces deux conditions étant quant à elles nécessaires au maintien de la compétitivité commerciale de la liaison ferroviaire Bruxelles-Londres par apport aux autres modes de transport.

L'Accord comprend six titres. Le titre I contient les définitions et prévoit le champ d'application de l'Accord, le titre II traite des principes de la coopération entre les autorités et plus particulièrement entre les autorités chargées des contrôles à bord des trains (articles 4 à 6).

Le titre III porte sur la coopération judiciaire en matière pénale. Le titre IV traite de la mise en place, des compétences, de la composition et du fonctionnement du Comité Intergouvernemental Tripartite.

La coopération entre les autorités compétentes et l'établissement de liaisons permanentes font l'objet du titre V.

Enfin, le titre VI contient les dispositions finales, relatives à l'entrée en vigueur de l'Accord, au règlement des différends et à la prééminence du droit communautaire sur les dispositions des Accords.

Cette prééminence est précisée dans l'article 27 qui a été ajouté à la demande de la Belgique ; cet article ouvre en effet la possibilité d'adapter en permanence les Accords à l'évolution du droit communautaire.

2.2. Le Protocole

Le Protocole s'applique à la circulation des trains sans arrêt entre la Belgique et le Royaume-Uni et fait partie intégrante de l'Accord de base.

Le Protocole organise les contrôles dans les zones prévues à cet effet entre la Belgique et la Grande-Bretagne, ainsi que la coopération entre les deux pays en ce qui concerne les questions juridiques et de police liées à la circulation des trains empruntant le tunnel sous la Manche.

Il y a lieu d'attirer l'attention sur l'article 3 du Protocole, objet de difficiles négociations avec les autres parties contractantes. En effet, il est stipulé dans le paragraphe 2 de l'article que nul ne peut être retenu plus de 24 heures dans les locaux réservés aux contrôles frontaliers dans l'État de séjour.

Les négociateurs français et britanniques souhaitaient conserver la possibilité de retenir une personne pendant 48 heures. Or, l'article 31, alinéa 3, de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police ne prévoit qu'une durée maximale de rétention de 12 heures pour les arrestations administratives. Ce n'est qu'après de longues négociations que nos partenaires ont pu être convaincus d'accepter une durée inférieure à 48 heures. Une durée de 12 heures, telle qu'elle est prévue en Belgique, leur paraissait par contre inacceptable tenant compte des circonstances dans lesquelles les contrôles doivent s'effectuer. La délégation belge a rejoint ces observations, entre autres du fait qu'une période de rétention d'une durée aussi brève risquerait de rendre impossible le renvoi, vers l'État de l'agent qui procède à l'arrestation, d'une personne arrêtée sur le territoire de l'autre partie contractante.

Le Conseil d'État, dans son avis du 6 juin 1994, estime que la dérogation apportée à l'article 31, alinéa 3, de la loi du 5 août 1992, sur la fonction de police en modifiant le délai maximal d'arrestation administrative de 12 à 24 heures, porte atteinte tant à la sécurité juridique qu'à la liberté individuelle.

Vu la spécificité de la liaison transmanche et les engagements pris par la Belgique à l'égard des deux autres États signataires, le Gouvernement ne peut pas suivre l'avis du Conseil d'État dans toute sa rigueur.

L'utilisation du tunnel sous la Manche postule un maximum de mesures de sécurité qui peuvent éventuellement aller jusqu'à une certaine limitation de la liberté individuelle pour autant qu'elle soit autorisée par la loi. Si le délai de détention est prolongé de 12 heures, c'est uniquement pour des raisons techniques et il ne faut pas perdre de vue que les autres obligations prévues par la loi du 5 août 1992 restent dans le cas d'espèce d'application.

La privation de liberté ne peut jamais durer plus longtemps que le temps requis par les circonstances. Par ailleurs, toute personne qui fait l'objet d'une arrestation administrative peut demander qu'une personne de sa confiance en soit avertie. Ces deux principes demeurent. Le souci du Gouvernement est d'assurer la sécurité et d'avoir quelques moyens pour lutter contre le terrorisme.

Le Gouvernement, convaincu qu'il faut maintenir la dérogation, partage l'avis du Conseil d'État que le libellé de l'article 2 du projet de loi d'assentiment tel qu'il lui a été soumis manquait de précision. Aussi, cet article 2 a été modifié dans le sens où il soumet à l'approbation du Parlement un amendement formel à la loi du 5 août 1992.

Il faut remarquer dès lors que l'article 3 du Protocole est dérogatoire aux dispositions de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police. C'est la raison pour laquelle la loi de ratification de l'Accord et du Protocole y afférent, pour laquelle l'approbation du Parlement est sollicitée, prévoit un article 2 qui introduit ce délai dérogatoire de 24 heures dans le droit belge.

2.3. L'Accord particulier et le Protocole concernant la mise en place d'un Comité intergouvernemental tripartite.

L'Accord particulier vise à créer un cadre à l'intérieur duquel les gouvernements élaborent et adaptent aux nécessités les règles techniques relatives aux questions de sûreté. Pour des raisons évidentes d'efficacité et de sécurité, les dispositions de l'Accord ont été rédigées en des termes généraux.

L'article 2 énonce le principe de la coopération en matière de sûreté des trains conformément au droit applicable dans chaque État. L'article 3 engage les autorités des trois États à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer cette sûreté. Les articles 5 et 6 fixent le principe des modalités d'application et de modification de l'Accord particulier ainsi que le principe de règlement des différends.

Le Comité intergouvernemental tripartite, instauré dans l'Accord de base, est chargé par l'article 4 de la coordination et de la mise au point des mesures spécifiques de sûreté et de la concertation entre autorités responsables.

La délégation belge au Comité intergouvernemental sera composée de représentants des ministères des Communications et de l'Infrastructure, des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération au Développement, de la Justice, des Finances et de l'Intérieur. La présidence de la délégation belge sera assurée par le représentant du ministère des Communications et de l'Infrastructure.

Du fait que les questions de sûreté mentionnées ci-dessus seront en grande partie coordonnées par le Comité tripartite et étant donné l'ouverture dans un avenir proche de la liaison fixe transmanche au trafic commercial, il est apparu souhaitable que les dispositions de l'Accord particulier puissent prendre cours à la date de la signature des Accords. Il en est de même pour l'entrée en vigueur du Protocole concernant la mise en place du Comité intergouvernemental tripartite.

2.4. Déclaration du Gouvernement belge

Les dispositions des Accords trilatéraux soulèvent aussi des questions quant à leur compatibilité avec l'Accord de Schengen et avec les dispositions du Traité sur l'Union européenne relatives à la libre circulation des personnes.

Ces difficultés proviennent du fait que, d'une part, un certain nombre de pays de l'Union européenne, dont la Belgique et la France, ont souscrit les Accords de Schengen et que, d'autre part, le Traité sur l'Union européenne, en son article 7A, instaure entre les Douze le marché unique en ce compris la libre circulation des personnes. À l'heure actuelle, l'état d'avancement de la mise en place de cette disposition du Traité sur l'Union européenne ne permet pas de régler la libre circulation des personnes. En effet, il faut noter à cet égard que, notamment, la Convention relative au franchissement des frontières extérieures des États membres de l'Union européenne n'a jusqu'à ce jour pas été finalisée.

La Belgique entend néanmoins respecter le plus fidèlement possible les dispositions de l'Accord de Schengen et du Traité sur l'Union européenne; les points suivants témoignent des efforts déployés par notre pays au cours des négociations pour faire valoir cette position :

­ Le préambule de l'Accord de base se réfère à l'Accord de Schengen.

­ À la demande de la délégation belge, un article (l'article 27 mentionné ci-dessus) a été ajouté à l'Accord, article qui stipule que le droit communautaire prévaut sur les dispositions de l'Accord de base et du Protocole.

­ L'article 25 de l'Accord permet quant à lui de demander des consultations à tout moment sur les questions qui font l'objet de l'Accord, donc aussi sur l'adaptation éventuelle des dispositions de ce dernier au droit communautaire.

­ La délégation belge a en outre fait une déclaration unilatérale dans laquelle il est clairement dit que l'Accord et le Protocole ne portent pas préjudice à la volonté de la Belgique d'appliquer l'Accord de Schengen. Cela signifie concrètement que toutes les mesures de contrôle prévues par l'Accord de Schengen en matière d'entrée et de sortie du territoire des pays de Schengen seront appliquées en gare terminale de Bruxelles.

­ La même déclaration précise en outre que la signature de l'Accord par la Belgique ne préjuge pas de son interpellation de l'article 7a du Traité sur l'Union européenne relatif à la libre circulation des personnes.

Le ministre des Affaires étrangères,

Erik DERYCKE.

Le ministre de l'Intérieur,

Johan VANDE LANOTTE.

Le ministre des Finances et du Commerce extérieur,

Philippe MAYSTADT.

Le ministre des Transports,

Michel DAERDEN.

Le ministre de la Justice,

Stefaan DE CLERCK.


Addendum


Commentaire sur le projet de loi soumis à l'approbation :

a) Principes des textes

Le principe directeur du projet qui vous est soumis consiste dans la reconnaissance de la compétence de contrôle des agents des trois parties et l'exercice par eux-mêmes des droits y rattachés sur le territoire des parties cosignataires.

Ainsi, en application des lois et règlements belges, les agents belges chargés du contrôle à bord des trains empruntant sans arrêt la liaison transmanche peuvent exercer leurs compétences dans les zones de contrôle situées sur les territoires français et britanique et réciproquement.

Le droit de l'une des parties est d'application sur le territoire de l'autre. Sur le territoire des parties cosignataires, les textes ont cependant limité l'exercice de certains droits nationaux.

Ainsi ceux-ci sont limités à la « zone de contrôle » et à une durée de 24 heures en ce qui concerne les arrestations.

b) Cas particulier à la Belgique

La Belgique limite la durée de l'arrestation judiciaire à 24 heures, ce qui dans le cadre de la présente ratification ne pose aucun problème. L'arrestation administrative est limitée à 12 heures.

Lors d'arrestations administratives effectuées sur le dernier train à destination de Londres, il sera difficile à la partie belge de se conformer au délai de 12 heures.

Initialement, les ministres cosignataires ont estimé nécessaire d'accorder plus de latitude aux agents chargés de ces contrôles. À cet effet le projet avait été complété par un article 2. Cet article prévoyait de déroger à l'article 31, alinéa 3 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police en portant la durée des arrestations administratives à 24 heures.

c) Avis du Conseil d'État

Dans son arrêt du 6 juin 1994 le Conseil d'État a combattu cette disposition au motif qu'elle :

« (1) double la durée de l'arrestation administrative autorisée, même dans le cas ou celle-ci intervient dans la zone de contrôles située au point de départ du voyage, sans qu'il y ait nécessité, en cette hypothèse, d'attendre un nouveau train en partance vers le pays de renvoi;

(2) ne subordonne pas l'intervention des agents français ou britaniques en territoire belge au respect des garanties inscrites aux articles 31 et 33 de la loi du 5 août 1992 et ne lie pas cette suppression des garanties offertes par le droit interne à l'existence des garanties équivalentes qui seraient assurées par le droit des autres États, à propos desquelles, ni l'exposé des motifs, ni les fonctionnaires délégués ne procurent d'éclaircissements;

(3) autorise le transfert vers l'étranger, par des agents étrangers au départ de zones de contrôles situées en Belgique, de voyageurs à l'égard desquels l'État belge ne dispose que de la prérogative qui lui est reconnue par l'article 15, § 2, deuxième phrase, de l'accord.

De telles atteintes tant à la sécurité juridique qu'à la liberté individuelle ne sont pas justifiées par des considérations de fait pertinentes. »

d) Arguments en réponse à l'avis du Conseil d'État

(1) Premier motif

Dans le cas de figure des autorités belges interceptant dans la zone de contrôle, en Belgique ou en Grande-Bretagne, une personne qu'il s'imposerait de renvoyer, la dérogation prévue par la première version de l'article 2 garde toute sa partinence et le problème de délais insuffisant risque de se poser. Ce premier motif ne peut donc être pris en considération.

(2) Les deuxième et troisième motifs

Ceux-ci manquent également de pertinence puisque l'esprit du texte qui est soumis à l'approbation des Chambres vise précisément à autoriser l'exercice des droits nationaux des deux autres parties, sur notre territoire et réciproquement.

(3) Nouvelle proposition d'article 2

Pour les motifs exposés ci-dessous les ministres cosignataires ont décidé d'insérer le nouvel article 2.

Étant donné que la Belgique, au contraire de la Grande-Bretagne, est signataire des accords de Schengen; les services de police belges doivent contrôler la circulation des personnes entrant et sortant de l'espace Schengen.

Le terminal « Eurostar » de Bruxelles-Midi doit être considéré comme une frontière extérieure de l'espace Schengen.

Bien qu'elle n'ait pas renoncé à sa faculté d'effectuer des contrôles à bord des trains,

­ la partie belge a cependant décidé que la majeure partie des contrôles de police aurait lieu au départ : c'est-à-dire à Bruxelles-midi.

Le cas d'espèce d'un délai d'attente de renvoi à Londres devient quasiment inexistant;

­ le contrôle belge s'effectuant avant l'embarquement, on peut estimer que la majorité des cas litigieux seront détectés lors du passage aux postes de contrôle;

­ invoquer l'article 31, alinéa 3, de la loi du 5 août 1992 était insuffisant et ne couvre de toute façon pas tous les cas d'arrestation;

­ il serait inopportun de prévoir une dérogation à une loi nationale notamment en prévoyant des délais différents pour un même fait selon le lieu où il se produit;

­ enfin il ne faut pas perdre de vue qu'une arrestation administrative n'a pas pour but de déférer la personne en question à une autorité et que la privation de liberté « ne peut jamais durer plus longtemps que le temps requis par les circonstances qui la justifient » (art. 31, al. 3, de la loi du 5 août 1992). Lorsque le trouble a disparu, la personne arrêtée doit être libérée au plus vite.

Le nouveau texte de l'article deux vise à lever toute équivoque sur les délais applicables.

Voilà les motifs pour lesquels nous avons estimé expliciter notre position par l'insertion du nouvel article 2.


PROJET DE LOI


ALBERT II,

Roi des Belges,

A tous, présents et à venir,
SALUT.

Sur la proposition de Notre ministre des Affaires étrangères, de Notre ministre de l'Intérieur, de Notre ministre des Finances et du Commerce extérieur, de Notre ministre des Transports et de Notre ministre de la Justice,

NOUS AVONS ARRÊTÉ ET ARRÊTONS :

Notre ministre des Affaires étrangères, Notre ministre de l'Intérieur, Notre ministre des Finances et du Commerce extérieur, Notre ministre des Transports et Notre ministre de la Justice sont chargés de présenter, en Notre nom, aux Chambres législatives et de déposer au Sénat le projet de loi dont la teneur suit :

Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

Les actes internationaux suivants sortiront leur plein et entier effet :

1. Accord entre le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord concernant la circulation des trains entre la Belgique et le Royaume-Uni empruntant la liaison fixe transmanche;

2. Protocole concernant la circulation des trains sans arrêt entre la Belgique et le Royaume-Uni empruntant la liaison fixe transmanche;

3. Accord particulier entre le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif aux questions de sûreté concernant les trains empruntant la liaison fixe transmanche et circulant entre la Belgique et le Royaume-Uni;

4. Protocole concernant la mise en place d'un comité intergouvenemental tripartite,

signés à Bruxelles le 15 décember 1993.

Art. 3

Il est ajouté à l'article 31 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, après le troisième alinéa, un alinéa nouveau qui est libellé de la manière suivante :

« Le délai maximal de rétention de douze heures est porté à vingt-quatre heures lorsque l'arrestation administrative a lieu dans les zones de contrôle définies à l'article 1er de l'Accord belgo, franco, britannique, signé à Bruxelles le 15 décembre 1993, concernant la circulation des trains entre la Belgique et le Royaume-Uni empruntant la liaison fixe transmanche. »

Donné à Bruxelles, le 13 juin 1996.

Par le Roi :

Le ministre des Affaires étrangères,

Erik DERYCKE.

Le ministre de l'Intérieur,

Johan VANDE LANOTTE.

Le ministre des Finances
et du Commerce extérieur,

Philippe MAYSTADT.

Le ministre des Transports,

Michel DAERDEN.

Le ministre de la Justice,

Stefaan DE CLERCK.


ACCORD

Entre le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord concernant la circulation des trains entre la Belgique et le Royaume-Uni empruntant la liaison fixe transmanche

LE GOUVERNEMENT DU ROYAUME DE BELGIQUE,

LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE

et

LE GOUVERNEMENT DU ROYAUME-UNI DE GRANDE-BRETAGNE ET D'IRLANDE DU NORD,

ci-après dénommés « les Parties contractantes »,

Considérant le Traité entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord concernant la construction et l'exploitation d'une liaison fixe transmanche par des sociétés privées concessionnaires, fait à Cantorbéry le 12 février 1986 et entré en vigueur le 29 juillet 1987 ;

Considérant le Protocole entre le Gouvernment de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif aux contrôles frontaliers et à la police, à la coopération judiciaire en matière pénale, à la sécurité civile et à l'assistance mutuelle, fait à Sangatte le 25 novembre 1991, entré en vigueur le 2 août 1993 ;

Considérant la Convention entre la République française et le Royaume de Belgique, relative aux contrôles à la frontière belgo-française et aux gares communes et d'échange, signée à Bruxelles le 30 mars 1962 ;

Considérant la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les Gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, faite à Schengen le 19 juin 1990 ;

Considérant les Traités institutant les Communautés européennes ;

Considérant qu'il y a lieu de faciliter la circulation des trains entre la Belgique et le Royaume-Uni empruntant la liaison fixe transmanche et traversant sans arrêt commercial le territoire français ;

Désireux de régler l'ensemble des problèmes qui se posent à cet égard en matière de sûreté, de contrôles frontaliers, de police, de coopération judiciaire en matière pénale, de sécurité civile et d'assistance mutuelle sur les territoires des trois États concernés ;

Sont convenus des dispositions suivantes :

TITRE I

Dispositions générales

Article 1er

Définitions

1. « Contrôles frontaliers » : désigne les contrôles de police, d'immigration, de douane, sanitaires, vétérinaires, phytosanitaires, relatifs à la protection des consommateurs, de transport ainsi que tous autres contrôles prévus par les lois et réglements nationaux ou communautaires.

2. « Liaison fixe » : désigne la liaison fixe transmanche définie à l'article premier du Traité fait à Cantorbéry le 12 février 1986.

3. « Trains » : désigne les trains internationaux circulant entre les territoires belge et britannique, empruntant la liaison fixe et traversant le territoire français.

4. « Trains sans arrêt » : désigne les trains internationaux circulant entre les territoires belge et britannique, empruntant la liaison fixe et traversant sans arrêt commercial le territoire français, à l'exclusion des arrêts techniques.

5. « Agents » : désigne les personnes chargées de la police et des contrôles frontaliers placées sous la responsabilité des personnes ou autorités désignées conformément à l'article 3.2.

6. « Zone de contrôles » : désigne la partie du territoire de l'État de séjour et les trains sans arrêt, zone à l'intérieure de laquelle les agents des autres États sont habilités à effectuer les contrôles. Chaque zone de contrôles est délimitée d'un commun accord entre l'État de séjour et l'État dont les agents opéreront dans ladite zone ; toutefois, pour les trains sans arrêt, la zone des contrôles sur le territoire français sera déterminée d'un commun accord entre les trois Gouvernements.

7. « État de séjour » : désigne l'État sur le territoire duquel s'effectuent les contrôles des autres États.

Article 2

Champ d'application

1. Le présent Accord s'applique à la circulation ferroviaire entre le Royaume-Uni et la Belgique via la liaison fixe et empruntant le territoire français.

2. Les questions de sûreté concernant la circulation ferroviaire à l'alinéa précédent font l'objet d'accords particuliers entre les trois Gouvernements, sans préjudice des dispositions du présent Accord.

3. Un Protocole relatif aux contrôles frontaliers et à la police sur les trains sans arrêt entre le Royaume-Uni et la Belgique via la liaison fixe est annexé au présent Accord et en fait partie intégrante.

TITRE II

Autorités et principes généraux de coopération

Article 3

1. Chacun des Gouvernements désigne les autorités ou les personnes qui, sur son territoire, ont pouvoir de prendre toute décision relative à la sûreté des trains.

2. Chacun des Gouvernements désigne les autorités ou les personnes responsables des services qui, sur son territoire, ont pour mission d'exercer les contrôles frontaliers et les fonctions de maintien de l'ordre.

3. Chacun des gouvernements notifie aux autres gouvernements ces désignations ainsi que toutes modifications s'y rapportant, et en informe le Comité gouvernementale tripartite.

Article 4

À bord des trains sans arrêt, les agents britanniques peuvent exercer des contrôles frontaliers sur les territoires belge et français, et les agents belges, sur les territoires britanniques et français.

Article 5

Il est convenu que les contrôles frontaliers concernant les trains sans arrêt seront en principe effectués sous la seule responsabilité des autorités britanniques et belges.

Article 6

Les agents français conservent la faculté d'effectuer occasionnellement des contrôles de police et de douane, lors du passage des trains sans arrêt sur le territoire français.

Article 7

En cas d'arrêt d'un train pour un motif imprévu sur le territoire français, les passagers qui descendent du train doivent faire l'objet d'un contrôle d'entrée par les autorités françaises.

Article 8

Chaque gouvernement est responsable du paiement ou du recouvrement des frais afférents aux contrôles qui lui incombent.

Article 9

Les agents des trois États sont autorisés à circuler librement sur l'ensemble du trajet entre Londres et Bruxelles pour les besoins du service, sur simple justification de leur identité et de leur qualité.

Article 10

Les autorités de l'État de séjour se réservent le droit de demander aux autorités des autres États le rappel de l'un quelconque de leurs agents.

TITRE III

Coopération judiciaire en matière pénale

Article 11

1. Sans préjudice de l'application des dispositions des articles 4 et 14 (2) du protocole annexé au présent accord, lorsqu'une infraction est commise sur le territoire de l'un des trois États, cet État est compétent.

2. Lorsque le lieu de commission de cette infraction ne peut être déterminé, l'État d'arrivée est compétent.

Article 12

Lorsqu'il est procédé à une arrestation à l'occasion d'une infraction pour laquelle un État a compétence en vertu de l'article 11, cette arrestation n'est pas affectée par le fait que celle-ci poursuit ses effets sur le territoire des autres États.

Article 13

Les personnes qui, pendant le trajet du train, ont commis un crime ou un délit flagrant et ont été appréhendées, sont remises le plus tôt possible aux agents habilités de l'État compétent en vertu de l'article 11.

Article 14

1. En cas de commission à bord des trains sur le territoire d'un État de l'une des infractions flagrantes suivantes : homicide volontaire, viol, incendie volontaire, vol sous la menace d'une arme à feu, enlèvement et prise d'otage, destruction par explosifs, le train devra être arrêté pour permettre aux autorités compétentes de cet État de prendre toutes mesures utiles à l'enquête, et le cas échéant d'interpeller l'auteur présumé de l'infraction.

2. Si le train ne peut être arrêté parce qu'il se trouve à l'intérieur de la liaison fixe ou qu'il est sur le point de quitter le territoire de l'État sur lequel l'une des infractions visées à l'alinéa précédent a été commise, les agents habilités qui sont présents devront prendre toutes mesures conservatoires utiles afin de permettre aux agents de l'État compétent en vertu de l'article 11, lors de l'arrivée du train, de recueillir les témoignages, les preuves ou les indices utiles à l'enquête, et le cas échéant de se faire remettre l'auteur présumé de l'infraction.

Article 15

1. Lorsqu'une personne est arrêtée en vertu des articles 6, 12, 13 et 14 (2) du présent Accord, son arrestation est notifiée sans délai aux autorités de l'État d'arrivée. La personne arrêtée peut être transférée sur le territoire de l'État compétent en vertu de l'article 11.

2. Toutefois, un tel transfert doit intervenir dans un délai de 24 heures au plus tard à compter de la notification prévue à l'alinéa précédent. En outre, chaque État se réserve le droit de ne pas autoriser le transfert de ses nationaux.

TITRE IV

Comité intergouvernemental tripartite

Article 16

1. Un comité intergouvernemental tripartite est mis en place pour traiter, au nom des trois Parties contractantes, de toutes les questions relatives à l'application du présent Accord.

2. Le Comité est formé de représentants des Gouvernements des Parties contractantes dûment mandatés.

Article 17

1. Dans le cadre des compétences définies à l'article précédent, le Comité examine toute question qui lui est soumise par les Parties contractantes concernant la liaison ferroviaire entre la Belgique et le Royaume-Uni.

2. Dans ce contexte, le Comité est notamment consulté sur tout projet d'accord ou d'arrangement bilatéral ou trilatéral entre les Parties contractantes.

3. En ce qui concerne les trains circulant entre le Royaume-Uni et la Belgique, le Comité s'assure que les autorités désignées conformément à l'article 3, paragraphe 1er se consultent et agissent d'un commun accord, sauf circonstances exceptionnelles.

4. Le Comité exerce sa mission sur toutes les questions qui lui sont soumises par les Parties contractantes et par les autorités et instances dépendant de celles-ci.

Article 18

Le Comité comporte au plus quinze membres. Chaque Gouvernement désigne le tiers des membres du Comité. La présidence est assurée pour une durée d'un an et successivement par le chef de chaque délégation. Aux fins de sa mission, le Comité peut faire appel à la collaboration des administrations de chaque Gouvernement et de tout organisme ou expert de son choix.

Article 19

Les réunions du Comité sont convoquées à la demande de l'une des trois délégations. Le règlement intérieur du Comité est établi d'un commun accord par les chefs des délégations française, britannique et belge.

TITRE V

Coopération entre les autorités compétentes

Article 20

Pour la mise en oeuvre du titre II, des liaisons permanentes sont établies entre les autorités compétentes des trois États qui comprennent :

a) la tenue régulière de réunions de coordination entre les autorités chargées de la sûreté et des contrôles frontaliers ;

b) l'installation de moyens de télécommunications permettant en toutes circonstances des liaisons entre les autorités nationales respectives ;

c) l'affectation éventuelle par chaque Partie contractante auprès des autorités des deux autres Parties, d'agents de liaison à des fins et selon des modalités à déterminer par des arrangements administratifs.

Article 21

Dans tous les cas de circonstances exceptionnelles telles que catastrophes naturelles, actes de terrorisme ou conflit armé, ou menaces de telles situations, chaque Partie contractante, après consultation des autres Parties contractantes, si la situation le permet, peut prendre des mesures dérogeant à ses obligations résultant de la présente Convention ou d'Accords additionnels.

Article 22

De telles mesures peuvent comprendre la fermeture de la ligne ferroviaire. Elles sont proportionnées aux exigences de la situation et immédiatement notifiées aux autres Parties contractantes.

Article 23

1. Chaque État renonce à toute action envers les autres États pour la réparation des dommages causés à ses agents ou à ses biens.

2. Les dispositions du présent article n'affectent en aucune manière les droits des tiers au regard du droit de chaque État.

TITRE VI

Dispositions finales

Article 24

Outre les arrangements prévus par l'article 20, les modalités d'application du présent Accord et de son Protocole pourront faire l'objet en tant que de besoin d'arrangements administratifs ou techniques entre les autorités compétentes des trois États.

Article 25

1. Chaque Partie contractante peut demander des consultations en vue de réviser les dispositions du présent Accord et de son Protocole pour les adapter à des circonstances ou à des besoins nouveaux. Elle peut faire parvenir au dépositaire une proposition de modification. Le dépositaire transmet cette proposition aux autres Parties contractantes.

2. Les Parties contractantes arrêtent d'un commun accord les modifications au présent Accord et à son Protocole, qui entreront en vigueur après avoir été ratifées ou approuvées par les trois Parties contractantes conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

Article 26

Tous les différends concernant l'interprétation ou l'application du présent Accord et de son Protocole sont réglés par négociation entre les trois Gouvernements.

Article 27

Les dispositions du présent Accord et de son Protocole ne sont applicables que dans la mesure où elles sont compatibles avec le droit communautaire.

Article 28

Le présent Accord et son Protocole seront soumis à ratification ou approbation. Les instruments de ratification ou d'approbation seront déposés dans les archives du Gouvernement du Royaume de Belgique. Celui-ci notifie le dépôt des instruments aux Parties contractantes. L'Accord et son Protocole entreront en vigueur le premier jour du deuxième mois qui suit le dépôt du dernier instrument de ratification ou d'approbation.

Le Gouvernement du Royaume de Belgique notifie la date d'entrée en vigueur aux Parties contractantes.

EN FOI DE QUOI, les plénipotentiaires respectifs, dûment autorisés par leurs Gouvernements, ont signé cet Accord.

FAIT à Bruxelles, le 15 décembre 1993, en trois exemplaires, en langues française, néerlandaise et anglaise, les trois textes faisant également foi.

Pour le Gouvernement du Royaume de Belgique :

Ministre des Communications,

Guy COEME.

Pour le Gouvernement de la République française :

Ambassadeur,

Jacques BERNIERE.

Pour le Gouvernement du Royaume-Uni
de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord :

Ambassadeur,

John Walton David GRAY C.M.G.


PROTOCOLE

concernant la circulation des trains sans arrêt entre la Belgique et le Royaume-Uni empruntant la liaison fixe transmanche

Article 1er

Ce protocole s'applique à la circulation des trains sans arrêt entre le Royaume-Uni et la Belgique via la liaison fixe et empruntant le territoire français.

Article 2

1. Les lois et règlements d'un État relatifs aux contrôles frontaliers sont applicables dans la zone de contrôles située dans les autres États et sont mis en oeuvre par les agents de cet État dans les mêmes conditions que sur leur propre territoire.

2. Les agents de chaque État sont soumis à la législation de cet État relative à la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel lors de l'utilisation de leurs fichiers et dispositifs de traitement automatisé dans la zone de contrôles située dans l'un des autres États.

Article 3

1. Les agents des autres États peuvent, dans l'exercice de leurs pouvoirs nationaux, procéder à des interpellations ou à des arrestations dans la zone de contrôles située dans l'État de séjour de personnes en application des lois et règlements de leur État relatifs aux contrôles frontaliers ou de personnes recherchées par les autorités de leur État. Ces agents sont également autorisés à conduire ces personnes sur le territoire de leur État.

2. Toutefois, nul ne peut être retenu plus de 24 heures dans les locaux réservés aux contrôles frontaliers, dans l'État de séjour. Cette rétention doit avoir lieu dans les conditions et selon les modalités prévues par la législation de l'État des agents ayant procédé aux interpellations ou arrestations.

Article 4

Les infractions aux lois et règlements des autres États relatifs aux contrôles frontaliers constatées dans la zone de contrôles située dans l'État de séjour sont soumises aux lois et règlements de ces autres États, comme si ces infractions avaient été commises sur le territoire de ces derniers.

Article 5

1. Les contrôles frontaliers de l'État de départ sont en principe effectués avant les contrôles frontaliers de l'État d'arrivée.

2. Les agents de l'État d'arrivée ne sont pas autorisés à commencer à procéder à de tels contrôles avant la fin des contrôles de l'État de départ. Toute forme de renonciation à de tels contrôles est assimilée à un contrôle.

3. Les agents de l'État de départ ne peuvent plus effectuer leurs contrôles lorsque les agents de l'État d'arrivée ont commencé leurs propres opérations, sauf si le consentement des agents compétents de l'État d'arrivée est accordé.

4. Si, exceptionnellement, au cours des contrôles frontaliers, l'ordre des opérations prévu au paragraphe 1er du présent article se trouve modifié, les agents de l'État d'arrivée ne peuvent procéder à des interpellations, à des arrestations ou à des saisies qu'une fois les contrôles frontaliers de l'État de départ achevés. Dans ce cas, ces agents conduisent les personnes, les véhicules, les marchandises, les animaux ou autres biens, pour lesquels les contrôles frontaliers de l'État de départ ne sont pas encore achevés, auprès des agents de cet État. Si ceux-ci veulent procéder à des interpellations, à des arrestations ou à des saisies, ils ont la priorité.

Article 6

Si l'État d'arrivée refuse l'admission de personnes, de véhicules, d'animaux ou de biens, ou si des personnes refusent de se soumettre aux contrôles frontaliers de l'État d'arrivée, renvoient ou reprennent les véhicules, les animaux ou les biens qui les accompagnent, les autorités de l'État de départ ne peuvent refuser de les recevoir. Toutefois, les autorités de l'État de départ peuvent prendre toutes les mesures à leur égard, conformément au droit applicable dans cet État et d'une manière n'imposant pas d'obligations ni à l'État de transit ni à l'État d'arrivée.

Article 7

1. Les dispositions du présent Protocole concernant les modalités de la juxtaposition des contrôles frontaliers, notamment l'extension ou la diminution de leur champ d'application, peuvent être modifiées d'un commun accord par les trois Gouvernements sous la forme d'arrangements confinés par échange de notes diplomatiques.

2. En cas d'urgence, les représentants locaux des autorités intéressés peuvent d'un commun accord apporter, à titre provisoire, les modifications qui se révèleraient nécessaires à la délimitation des zones de contrôles. L'arrangement ainsi intervenu entre immédiatement en vigueur.

Article 8

Les contrôles frontaliers de santé publique sur les personnes sont effectués dans la zone de contrôles située dans l'État de séjour par les autorités compétentes de l'État d'arrivée, en conformité avec la réglementation applicable dans cet État.

Article 9

Lorsque des éléments d'information permettent de présumer une infraction, des contrôles peuvent être effectués sur les animaux, sur les produits d'origine animale, les végétaux, les produits d'origine végétale et les denrées alimentaires destinées à la consommation humaine ou animale.

L'introduction dans l'État d'arrivée d'animaux familiers de compagnie qui accompagnent sans but lucratif les voyageurs peut être soumise à des contrôles en application de la réglementation en vigueur.

Article 10

1. Les contrôles mentionnés à l'article 9 comprennent :

a) l'examen des certificats ou des documents d'accompagnement, appelé contrôle documentaire;

b) le contrôle physique, y compris, le cas échéant, le prélèvement d'échantillons;

c) le contrôle des moyens de transport.

2. Ces contrôles peuvent être limités au seul contrôle documentaire, les contrôles physiques pouvant alors être entrepris en fonction des nécessités.

Article 11

L'inspection vétérinaire des animaux vivants n'empêche pas d'éventuelles mesures de quarantaine imposées par l'État importateur.

Article 12

Les agents des autres États peuvent porter dans l'État de séjour leurs uniformes nationaux ou des signes distinctifs apparents.

Article 13

1. Les autorités de l'État de séjour accordent aux agents des autres États, dans l'exercice de leurs fonctions, la même protection et assistance qu'à leurs propres agents.

3. Les dispositions pénales en vigueur dans l'État de séjour pour la protection des agents dans l'exercice de leurs fonctions sont également applicables pour réprimer les infractions commises contre les agents des autres États dans l'exercice de leurs fonctions.

Article 14

1. Sans préjudice de l'application des dispositions de l'article 23 de l'Accord, les demandes de réparation pour tous dommages causés ou subis par les agents des autres États dans l'exercice de leurs fonctions dans l'État de séjour sont soumises au droit et à la juridiction de l'État dont relève ces agents comme si l'origine du dommage se situait dans cet État.

2. Les agents des autres États ne peuvent pas être poursuivis par les autorités de l'État de séjour à raison d'actes accomplis dans la zone de contrôles dans l'exercice de leurs fonctions. Ils relèvent, dans ce cas, de la juridiction de leur État, comme si ces actes avaient eu lieu dans cet État.

3. Les autorités judiciaires ou de police de l'État de séjour qui procèdent à l'enregistrement des plaintes et à la constatation des faits relatifs à celles-ci doivent communiquer tous les éléments d'information et de preuve aux autorités compétentes de l'État dont relève l'agent mis en cause aux fins de poursuite éventuelle selon la législation en vigueur dans cet État.

Article 15

1. Les agents des autres États sont autorisés à transférer librement dans leur État les sommes perçues pour le compte de leur Gouvernement dans la zone de contrôles située dans l'État de séjour, ainsi que les marchandises et les autres biens saisis sur place.

2. Ils peuvent également vendre ces marchandises ou ces autres biens dans l'État de séjour conformément aux dispositions en vigueur dans l'État de séjour, et transférer leurs produits dans leur propre État.

Article 16

Les autorités compétentes du Royaume de Belgique et du Royaume-Uni déterminent, après consultations mutuelles, leurs besoins respectifs en locaux, installations et équipements. Lorsque ces besoins doivent être satisfaits par d'autres parties, ils leur sont notifiés, le cas échéant, par l'intermédiaire du Comité intergouvernemental tripartite.

Article 17

Les autorités du Royaume de Belgique et du Royaume-Uni font les meilleurs efforts pour que les autorités de l'autre partie disposent dans l'État de séjour des locaux, les installations et des équipements nécessaires à l'accomplissement de leurs missions.

Article 18

1. Les agents des autres États sont habilités à assurer le bon ordre dans les locaux affectés à leur usage exclusif dans l'État de séjour.

2. Les agents de l'État de séjour n'ont pas accès à ces locaux, sauf à la requête des agents de l'État concerné ou conformément à la réglementation de l'État de séjour régissant l'entrée et les investigations dans les lieux privés.

Article 19

Les biens nécessaires à l'accomplissement des missions des agents des autres États dans l'État de séjour sont exemptés de toutes redevances ou droits d'entrée et de sortie.

Article 20

1. Les agents des autres États exerçant leurs fonctions dans l'État de séjour sont autorisés à communiquer avec leurs autorités nationales.

2. À cette fin, les autorités de l'État de séjour s'attachent à répondre aux demandes des autorités des autres États relatives aux moyens de communications nécessaires à l'accomplissement de leurs fonctions, et en définissent les conditions d'usage.


ACCORD PARTICULIER

entre le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif aux questions de sûreté concernant les trains empruntant la liaison fixe transmanche et circulant entre la Belgique et
le Royaume-Uni

LE GOUVERNEMENT DU ROYAUME DE BELGIQUE,

LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

et

LE GOUVERNEMENT DU ROYAUME-UNI DE GRANDE-BRETAGNE ET D'IRLANDE DU NORD

Considérant le Traité entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord concernant la construction et l'exploitation par des sociétés privées concessionnaires d'une liaison fixe transmanche signé à Cantorbéry le 12 février 1986;

Considérant l'Accord entre le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord concernant la circulation des trains entre la Belgique et le Royaume-Uni empruntant la liaison fixe transmanche, ci-après dénommé l'Accord tripartite, et notamment son article 2, paragraphe 2;

Sont convenus des dispositions suivantes :

Article 1er

1. « Liaison fixe » désigne la liaison fixe transmanche définie à l'article premier du Traité du 12 février 1986.

2. « Trains » désigne les trains définis à l'article 1er , paragraphe 3, de l'Accord tripartite.

3. « Comité intergouvernemental tripartite » désigne le comité institué par l'article 16 de l'Accord tripartite.

Article 2

Sans préjudice de l'application d'autres Accords internationaux, et conformément au droit applicable dans chaque État, les autorités responsables et les agents des trois États se prêtent mutuellement assistance, coopèrent et, dans toute la mesure du possible, agissent de manière concertée dans l'exercice de leurs fonctions afférentes à la sûreté des trains.

Article 3

Dans le cadre de cette concertation, les autorités responsables des trois États :

a) veillent à ce que la sûreté des trains soit assurée et organisée de manière satisfaisante et que les responsabilités soient convenablement définies et exercées;

b) facilitent l'examen des projets, plans et dispositions concernant la sûreté des trains;

c) s'assurent que les autorités responsables échangent toutes les informations liées à la sûreté des trains.

Article 4

Le comité intergouvernemental tripartite établit les modalités complémentaires de la concertation entre les autorités responsables des trois Gouvernements.

Article 5

1. Les modalités d'application du présent Accord peuvent faire l'objet, en tant que de besoin, d'arrangements ultérieurs entre les trois Gouvernements.

2. Chaque Gouvernement peut à tout moment demander des consultations en vue de réviser les dispositions du présent Accord particulier pour l'adapter à des circonstances ou à des besoins nouveaux.

Article 6

Tous les différends concernant l'interprétation et l'application du présent Accord particulier sont réglés par négociation entre les trois Gouvernements.

Article 7

Le présent Accord particulier prend effet à la date de sa signature.

Les dispositions qui précèdent représentent l'Accord entre les trois Gouvernements concernant les questions auxquelles elles se réfèrent.

FAIT à Bruxelles, le 15 décembre 1993, en triple exemplaire, chacun en langue anglaise, française et néerlandaise, les trois textes faisant également foi.

Pour le Gouvernement du Royaume de Belgique :

Ministre des Communications

Guy COËME

Pour le Gouvernement de la République française :

Ambassadeur

Jacques BERNIERE

Pour le Gouvernement du Royaume-Uni
de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord :

Ambassadeur

John Walton David GRAY C.M.G.


PROTOCOLE

Concernant la mise en place d'un comité intergouvernemental tripartite

Les Gouvernements du Royaume de Belgique, de la République française et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord :

Considérant la signature, ce jour, à Bruxelles, entre le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, de l'Accord concernant la circulation des trains entre la Belgique et le Royaume-Uni, empruntant la liaison fixe transmanche (« Accord ») ;

Sont convenus des dispositions suivantes :

1) Nonobstant le fait que l'Accord n'entrera en vigueur que le premier jour du deuxième mois qui suit le dépôt du dernier instrument de ratification ou d'approbation, les trois Gouvernements, en attendant l'entrée en vigueur de l'Accord, mettront en place un Comité intergouvernemental tripartite. À cet effet, les trois Gouvernements mettront provisoirement en application les dispositions des articles 16, 17, 18 et 19 de l'Accord.

2) Le présent Protocole entrera en vigueur à la date de sa signature.

FAIT à Bruxelles, le 15 décembre 1993, en trois exemplaires en langue française, néerlandaise et anglaise, les trois textes faisant également foi.

Pour le Gouvernement du Royaume de Belgique :

Ministre des Communications,

Guy COËME.

Pour le Gouvernement de la République française :

Ambassadeur,

Jacques BERNIERE.

Pour le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord :

Ambassadeur,

John Walton David GRAY C.M.G.


DÉCLARATION

du Gouvernement du Royaume de Belgique

À l'occasion de la signature :

­ de l'Accord entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et le Gouvernement du Royaume de Belgique, concernant la circulation des trains entre la Belgique et le Royaume-Uni empruntant la liaison fixe transmanche (« l'Accord »),

­ du Protocole concernant la circulation des trains sans arrêt entre la Belgique et le Royaume-Uni empruntant la liaison fixe transmanche (« le Protocole »),

­ de l'Accord Particulier entre le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, le Gouvernement du Royaume de Belgique et le Gouvernement de la République française relatif aux questions de sûreté concernant les trains empruntant la liaison fixe transmanche et circulant entre la Belgique et le Royaume-Uni (« Accord particulier ») et

­ du Protocole concernant la mise en vigueur du Comité Intergouvernemental Tripartite,

Le Gouvernement du Royaume de Belgique se réserve de faire usage de l'article 25 de l'Accord et de demander la réunion d'une conférence diplomatique des trois Parties contractantes dans l'hypothèse où l'une des trois Parties modifierait son attitude quant à sa participation ou non-participation aux Accords de Schengen.

Cette conférence diplomatique aurait pour but d'évaluer les dispositions des actes diplomatiques signés ce jour au regard de la situation nouvelle créée dans les relations entre les trois Parties contractantes.

Dans la situation actuelle, le Gouvernement du Royaume de Belgique considèrera, pour les trains circulant sans arrêt entre le Royaume-Uni et la Belgique, la gare terminale de Bruxelles comme un point d'entrée et de sortie du territoire du groupe des pays de Schengen où seront appliquées les mesures frontalières de contrôle prévues par les accords d'application de Schengen.

Le Gouvernement du Royaume de Belgique souhaite, en outre, souligner que la signature des présents Accords ne préjuge pas de l'interprétation qu'il accorde à l'article 7A du Traité sur l'Union Européenne.


AVANT-PROJET DE LOI SOUMIS AU CONSEIL D'ÉTAT


Projet de loi portant assentiment à :

1. Accord entre le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord concernant la circulation des trains entre la Belgique et le Royaume-Uni empruntant la liaison fixe transmanche;

2. Protocole concernant la circulation des trains sans arrêt entre la Belgique et le Royaume-Uni empruntant la liaison fixe transmanche;

3. Accord particulier entre le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif aux questions de sûreté concernant les trains empruntant la liaison fixe transmanche et circulant entre la Belgique et le Royaume-Uni;

4. Protocole concernant la mise en place d'un comité intergouvenemental tripartite,

signés à Bruxelles le 15 décembre 1993.

Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

Les actes internationaux suivants sortiront leur plein et entier effet :

1. Accord entre le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord concernant la circulation des trains entre la Belgique et le Royaume-Uni empruntant la liaison fixe transmanche;

2. Protocole concernant la circulation des trains sans arrêt entre la Belgique et le Royaume-Uni empruntant la liaison fixe transmanche;

3. Accord particulier entre le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif aux questions de sûreté concernant les trains empruntant la liaison fixe transmanche et circulant entre la Belgique et le Royaume-Uni;

4. Protocole concernant la mise en place d'un comité intergouvenemental tripartite,

signés à Bruxelles le 15 décember 1993.

Art. 3

Il est ajouté à l'article 31 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, après le troisième alinéa, un alinéa nouveau qui est libellé de la manière suivante :

« Le délai maximal de rétention de douze heures est porté à vingt-quatre heures lorsque l'arrestation administrative a lieu dans les zones de contrôle définies à l'article 1er de l'Accord belgo, franco, britannique, signé à Bruxelles le 15 décembre 1993, concernant la circulation des trains entre la Belgique et le Royaume-Uni empruntant la liaison fixe transmanche. »


AVIS DU CONSEIL D'ÉTAT


Le CONSEIL D'ÉTAT, section de législation, neuvième chambre, saisi par le Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, le 2 juin 1994, d'une demande d'avis, dans un délai ne dépassant pas trois jours, sur un projet de loi « portant approbation des actes internationaux suivants :

1º accord entre le Gouvernement du Royaume de Belgique, du Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord concernant la circulation des trains entre la Belgique et le Royaume-Uni empruntant la liaison fixe transmanche;

2º protocole concernant la circulation des trains sans arrêt entre la Belgique et le Royaume-Uni empruntant la liaison fixe transmanche;

3º accord particulier entre le Gouvernement du Royaume de Belgique, du Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif aux questions de sûreté concernant les trains empruntant la liaison fixe transmanche et circulant entre la Belgique et le Royaume-Uni;

4º protocole concernant la mise en place d'un comité intergouvernemental tripartite ­ signés à Bruxelles le 15 décembre 1993 »,

a donné le 6 juin 199é l'avis suivant :

Suivant l'article 84, alinéa 2, introduit par la loi du 15 octobre 1991 dans les lois coordonnées sur le Conseil d'État, l'urgence qui permet au ministre de demander que l'avis de la section de législation soit donné dans un délai ne dépassant pas trois jours doit être spécialement motivée. En l'occurrence, elle l'est dans les termes suivants :

« ... vu la circulation dans un futur très proche des trains empruntant la liaison fixe transmanche, il serait utile de réserver l'extrême urgence à l'examen de ce projet de loi ».


La loi en projet tend à faire approuver par le législateur, notamment, le protocole « concernant la circulation des trains sans arrêt entre la Belgique et le Royaume-Uni empruntant la liaison fixe transmacnhe », fait à Bruxelles le 15 décembre 1993.

Aux termes de l'article 3 de ce protocole :

« 1. Les agents des autres États peuvent, dans l'exercice de leurs pouvoirs nationaux, procéder à des interpellations ou à des arrestations dans la zone de contrôle située dans l'État de séjour de personnes en application des lois et règlements de leur État relatifs aux contrôles frontaliers ou de personnes recherchées par les autorités de leur État. Ces agents sont également autorisés à conduire ces personnes sur le territoire de leur État.

2. Toutefois, nul ne peut être retenu plus de 24 heures dans les locaux réservés aux contrôles frontaliers, dans l'État de séjour. Cette rétention doit avoir lieu dans les conditions et selon les modalités prévues par la législation de l'État des agents ayant procédé aux interpellations ou arrestations «.

Comme le révèle l'exposé des motifs, cette disposition du protocole, particulièrement son paragraphe 2, a fait l'objet de difficiles négociations avec les autres parties contractantes :

« Les négociateurs français et britanniques souhaitaient conserver la possibilité de retenir une personne pendant 48 heures. Or, l'article 31, alinéa 3, de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police ne prévoit qu'une durée maximale de rétention de 12 heures pour les arrestations administratives. Ce n'est qu'après de longues négociations que nos partenaires ont pu être convaincus d'accepter une durée inférieure à 48 heures. Une durée de 12 heures, telle qu'elle est prévue en Belgique, leur paraissait par contre inacceptable tenant compte des circonstances dans lesquelles les contrôles doivent s'effectuer. La délégation belge a rejoint ces observations, entre autres du fait qu'une période de rétention d'une durée aussi brève risquerait de rendre impossible le renvoi, vers l'État de l'agent qui procède à l'arrestation, d'une personne arrêtée sur le territoire de l'autre partie contractante.

Il faut remarquer dès lors que l'article 3 du Protocole est dérogatoire aux dispositions de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police. C'est la raison pour laquelle la loi de ratification de l'Accord et de son Protocole, pour laquelle l'approbation du Parlement est sollicitée, prévoit un article 2 qui introduit ce délai dérogatoire de 24 heures dans le droit belge ».

En tant que la disposition précitée du protocole vise l'arrestation administrative et, comme le prévoit l'article 2 de la loi d'assentiment en projet, déroge à l'article 31, alinéa 3, de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, elle appelle l'observation ci-après.

Dans son avis donné le 19 mars 1956 à propos d'un projet de loi sur la gendarmerie, le Conseil d'État avait observé qu'en raison de la généralité des termes de l'article 12 de la Constitution, il convenait de vérifier la compatibilité avec de dernier des dispositions législatives autorisant des mesures privatives de liberté, pour administratives et essentiellement passagères qu'elles fussent1).

L'avis donné le 9 mai 1984 par le Conseil d'État à propos de la loi précité du 5 août 1992 sur la fonction de police alors en projet indique que la plupart des auteurs, constatant la pratique des arrestations administratives, observent, comme Paul Errera, qu'elle est « difficile à justifier en droit strict »2), Fr. Delperée remarquant que « force est de reconnaître que le fondement constitutionnel de ces décisions (...) n'est pas toujours explicite3),4).

Le même avis relevait encore qu'il y avait lieu de vérifier si l'arrestation administrative, telle qu'elle est connue en droit belge, est compatible avec l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, qui prévoit que « nul ne peut être privé de sa liberté » sauf dans les cas énumérés de manière exhaustive par la Convention.

L'arrestation administrative se situant aux confins de ce que permet la Constitution et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, il convient de l'entourer de garanties juridiques sérieuses, ce que fait l'article 31 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, réservant pareille modalité d'arrestation aux « cas d'absolue nécessité », en prévoyant que la privation de liberté ne peut jamais durer plus longtemps que le temps requis par les circonstances qui la justifient et ne peut en aucun cas dépasser douze heures, toute personne qui fait l'objet d'une arrestation administrative pouvant demander qu'une personne de sa confiance en soit avertie, tandis que l'article 33 de ladite loi organise un contrôle hiérarchique et la tenue de registres en vue d'éviter tout abus.

Force est de constater que l'article 3 du Protocole précité :

a) double la durée de l'arrestation administrative autorisée, même dans le cas où celle-ci intervient dans la zone de contrôles située au point de départ du voyage, sans qu'il y ait nécessité, en cette hypothèse, d'attendre un nouveau train en partance vers le pays de renvoi ;

b) ne subornne pas l'intervention des agents français ou britanniques en territoire belge au respect des garanties inscrites aux articles 31 et 33 de la loi du 5 août 1992 et ne lie pas cette suppression des garanties offertes par le droit interne à l'existence des garanties équivalentes qui seraient assurées par le droit des autres États, à propos desquelles, ni l'exposé des motifs, ni les fonctionnaires délégués ne procurent d'éclaircissements ;

c) autorise le transfert vers l'étranger, par des agents étrangers, au départ de zones de contrôles situées en Belgique, de voyageurs à l'égard desquels l'État belge ne dispose que de la prérogative qui lui est reconnue par l'article 15, paragraphe 2, deuxième phrase, de l'Accord.

De telles atteintes tant à la sécurité juridique qu'à la liberté individuelle ne sont pas justifiées par des considérations de fait pertinentes.

La chambre était composée de :

M. C.-L. CLOSSET, président de chambre;

MM. J. MESSINE eT Y. BOUCQUEY, conseillers d'État;

MM. P. GOTHOT et J. van COMPERNOLLE, assesseurs de la section de législation;

Mme M. PROOST, greffier.

La concordance entre la version française et la version néerlandaise a été vérifiée sous le contrôle de M. R. ANDERSEN, conseiller d'État.

Le rapport a été présenté par M. J. REGNIER, premier auditeur. La note du Bureau de coordination a été rédigée et exposée par M. R. QUINTIN, référendaire adjoint.

Le Greffier, Le Président,
M. PROOST. C.-L. CLOSSET.

(1) Doc. parl., Sénat, (1955-1956), 335, p. 30.

(2) Traité de droit public belge, deuxième édition, Giard et Briére, Paris, 1918, § 36. p. 52.

(3) Droit constitutionnel , t. I, Les données constitutionnelles , Larcier, Bruxelles, 1980, nº 116, pp. 205-206.

(4) Doc. parl., Chambre, 1009 (1984-1985) nº 1, pp. 21 et 23.