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5 SEPTEMBRE 1995
La Commission des Affaires étrangères a examiné la présente proposition de résolution au cours de ses réunions des 24 juillet, 31 août et 5 septembre 1995.
L'auteur de la proposition, M. Anciaux, estime qu'il importe d'envoyer un message politique au Gouvernement et à l'opinion publique. À ce jour, aucune autre institution parlementaire belge et pas davantage le Gouvernement n'ont réagi suffisamment à la décision française.
Sans doute est-il vrai que le Sénat ne se réunit qu'en octobre, mais un vote en commission des Affaires étrangères du Sénat peut également inciter le Gouvernement à adopter une attitude plus résolue.
M. Anciaux comprend les amendements, plus particulièrement ceux de Mmes Dardenne et Dua et de MM. Ceder et Verreycken, mais il craint qu'ils ne rendent le texte de la résolution trop diffus. Le message que veut être sa résolution doit être clair et simple.
Par ailleurs, M. Anciaux ne comprend pas bien l'initiative du groupe P.S., laquelle consiste à déposer un texte entièrement neuf (amendement nº 3 de M. Urbain et consorts, doc. nº 1-32/3), bien que celui-ci ait la même portée que le texte qu'il a déposé.
Le ministre répond que le Gouvernement belge fut le premier à réagir dans les 24 heures de la déclaration du président Chirac et après avoir consulté ses partenaires du Benelux. Les trois gouvernements du Benelux ont publié le même texte (diffusé par l'agence Belga). Ensuite, une question écrite a été posée, tant à la Chambre qu'au Sénat, à laquelle il a été répondu.
Pour ce qui est du texte de la résolution, le ministre fait observer que la décision française n'est pas une violation de la lettre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Toutefois, elle va à l'encontre de l'esprit de ce traité, parce qu'il a été décidé dans celui-ci que, jusqu'en 1996, les partis s'abstiendraient d'effectuer des essais nucléaires.
Il est exact que la situation internationale ne justifie pas une escalade aux armements atomiques; la décision française est un mauvais signal à l'égard de pays non liés comme la Malaisie, la Tunisie et d'autres.
Quant aux essais en laboratoire, le ministre estime qu'il n'est pas souhaitable de les interdire. En effet, ils enlèvent un argument aux pays qui veulent encore effectuer des essais « dans la nature ».
Enfin, le ministre fait observer que le Gouvernement belge est partisan d'un désarmement nucléaire total à long terme.
Un membre ne partage pas le point de vue du ministre ni celui de l'auteur de la résolution sur les essais décidés par la France, bien qu'il comprenne l'émotion qui existe de par le monde au moment où la décision a été prise.
Le membre se réfère à un rapport qu'il a établi dans le cadre de l'U.E.O. sur le rôle et l'avenir des armes nucléaires (doc. U.E.O. 1820 - session de 1994). Ce rapport a été voté en Commission de la Défense de l'U.E.O. à l'unanimité, tous les groupes politiques étant présents, et en séance publique à l'unanimité moins la voix d'un député communiste portugais.
Depuis la fin de la crise des euro-missiles, la question de l'armement nucléaire est passée à l'arrière-plan. Tout le monde est persuadé, même au plus haut niveau politique européen, que cette question n'a plus beaucoup d'importance.
Pourtant, cette question est présente en Europe dans la mise en oeuvre d'une politique étrangère et de sécurité commune européenne. Une telle politique nécessite une décision relative à la dissuasion nucléaire européenne. Une telle décision sera la base de toute politique de sécurité.
On constate que dans le domaine nucléaire, les choses vont dans le même sens. Après l'escalade nucléaire folle dans les années 60 les États-Unis et l'U.R.S.S. disposaient chacun d'environ 30 000 têtes nucléaires a commencé le processus START. L'accord START II a pour objectif de ramener le nombre de têtes nucléaires de part et d'autre à 3 000.
Les États-Unis, à l'heure actuelle, sont même désireux d'aller vers START III, mais la Russie, qui se sent de plus en plus affaiblie dans son armement conventionnel, hésite à entrer dans une logique d'escalade complémentaire.
Quelle est la situation de la France dans le domaine nucléaire ?
Le membre ne comprend pas que, face à la décision du président Chirac, qui était prévisible, les gouvernements européens ne soient pas beaucoup plus prudents à l'égard de la décision française.
La politique française a toujours été basée sur deux principes fondamentaux : l'indépendance et la suffisance. La France n'a jamais accepté la logique de l'escalade nucléaire; elle a toujours considéré qu'avec une centaine de têtes nucléaires, elle pouvait avoir une politique de dissuasion envers les grandes puissances.
Les deux principes précités vont peut-être permettre un jour à l'Union européenne, face à un problème de prolifération nucléaire, d'avoir une dissuasion européenne minimale.
Il faudrait donc plutôt être reconnaissant à la France.
C'est la raison pour laquelle le membre s'oppose à la philosophie qui anime les auteurs de la résolution et qui est il faut le reconnaître très répandue dans l'opinion publique.
Pour ce qui est du texte proposé, il formule les observations suivantes :
Premier considérant : les essais nucléaires français ne violent en rien le T.N.P. qui a été signé par la France et que ce pays respecte à la lettre.
Deuxième considérant : il est inexact que la France souhaite une escalade aux armements atomiques. La France achève une série d'essais pour pouvoir atteindre la technologie de la simulation des essais.
Le troisième considérant est pertinent : il n'y a pas eu de concertation, mais il y a eu, à tout le moins, information.
Quatrième considérant : peut-on croire que le renoncement aux huit essais annoncés par la France entraînerait une même attitude de la part d'Israël, du Pakistan, de l'Inde, de la Corée du Nord et de la Chine ?
Premier dispositif : accord avec la première partie. Pour ce qui est de la deuxième partie de la phrase, les essais sont exécutés à 100 mètres sous terre; il ne s'agit pas d'essais en mer.
Le deuxième dispositif est ahurissant. Il y a eu en France un très grand consensus sur la politique nucléaire.
Dans le but de voter une résolution qui tient compte de la réalité, un membre propose de prendre comme document de base le texte déposé par M. Urbain et consorts qu'il souhaite, cependant, sous-amender.
Une sénatrice trouve qu'il est important que le Sénat puisse formuler un avis au sujet de la reprise des essais nucléaires; il faut mettre le maximum de pression sur l'État français.
Elle souligne aussi que, même si les essais se passent à 100 mètres sous terre, des problèmes ont été signalés sur la géologie de l'atoll de Mururoa; la moitié de cet atoll pourrait se séparer du reste de l'atoll à la suite de nouveaux essais. À ce moment-là, on aurait une libération d'éléments radioactifs dans l'environnement marin. D'autre part, on constitue au niveau européen une commission d'enquête sur les conséquences en termes de santé publique des essais nucléaires en Polynésie. C'est une raison supplémentaire pour exiger l'arrêt des essais.
Un membre est en grande partie d'accord sur le texte déposé par M. Anciaux; il a néanmoins du mal à accepter le texte proposé par M. Urbain et consorts.
Le membre estime qu'il ne serait pas tactiquement raisonnable de laisser la France seule poursuivre les choses auxquelles elle est occupée. Il note ensuite que le Sénat ne peut rien exiger de l'Europe, bien qu'il soit fondamentalement d'accord sur le texte.
Selon le membre, les sous-amendements de M. Hatry et consorts partent de l'idée que la France est partie prenante dans une position européenne, alors que la France tient à décider de façon complètement autonome sur ce point précis. En tout état de cause, il n'y a pas eu de consultations.
L'argument selon lequel l'Europe tirerait profit de la politique française ne rime à rien, parce que la France ne s'inspire nullement dans cette affaire de l'une ou l'autre attitude européenne commune.
D'après une sénatrice, il importe que le Sénat adopte un point de vue concernant les essais nucléaires français.
Il s'agit là d'une affaire mettant en cause l'environnement et la santé publique. Par conséquent, c'est un devoir que de réagir aux projets de la France.
À propos de la réaction du Gouvernement, la sénatrice fait observer qu'il est facile de publier un communiqué de presse; elle s'attend à ce que des protestations formelles aient lieu auprès de la France.
Les amendements qu'elle a déposés sont d'ailleurs inspirés par la constatation que le président français ne se laisse guère influencer par les réactions de l'étranger. Elle demande de remettre en question la collaboration militaire avec la France ainsi que de mettre fin progressivement à la coopération dans le domaine nucléaire.
Un membre se rallie au texte proposé par M. Urbain et consorts.
Compte tenu des observations faites, l'auteur de la proposition de résolution propose de remplacer, dans le premier considérant, les mots « de la lettre et » par le mot « assurément », ainsi que de supprimer, dans le dispositif, au premier tiret, le membre de phrase « afin que l'on y mette fin immédiatement, tant en mer qu'en laboratoire ».
Un sénateur pense que même si l'on prend pour base le texte de M. Urbain et consorts, l'amendement de Mmes Dardenne et Dua n'a rien perdu de son actualité, vu les développements récents dans l'attitude tant des gouvernements que de l'opinion publique à l'égard des essais nucléaires, qu'ils soient de la Chine ou de la France.
Concernant le premier volet de cet amendement au dispositif de la proposition originelle, à savoir l'appel à la remise en question de la collaboration militaire avec la France, à l'instauration d'un moratoire sur l'achat de matériel militaire français et à l'interdiction de navires militaires français dans les ports belges, il relève les protestations de Greenpeace contre la visite d'un tel navire au port militaire de Zeebrugge, après que, selon lui, il eut été chassé à bon droit du port maritime de Gand, ainsi que la réaction projetée par Greenpeace dans le port de Zeebrugge au cas où la visite aurait quand même lieu.
Étant donné l'ampleur imprévue des protestations de divers gouvernements étrangers et l'opposition persistante de l'opinion publique aux essais nucléaires français, il trouve que le Gouvernement belge ne peut rester à la traîne et qu'une simple protestation ne suffit pas.
Concernant le second volet, à savoir la mise en question de la coopération sur le plan nucléaire, il relève que Greenpeace a demandé des garanties quant à la non-fabrication de plutonium à partir des déchets radioactifs belges.
Au vu de quoi, il approuve la dénonciation des contrats de retraitement.
Un membre met en avant le fait que l'information récente selon laquelle les États-Unis mettraient leurs simulations par ordinateur à la disposition des Français constitue un argument supplémentaire en faveur de la cessation des essais.
Le membre souhaite que notre Gouvernement élève une protestation diplomatique formelle plutôt que de communiquer simplement sa désapprobation.
Ensuite, il soutient pleinement l'amendement de Mmes Dardenne et Dua, là où elles demandent la mise en place d'une commission d'enquête européenne visant à évaluer les conséquences des essais nucléaires.
Un autre membre attire l'attention sur le fait que, tout comme la France, la Chine entreprend des essais nucléaires et qu'il ne serait pas honnête de traiter les alliés plus durement que ces pays étrangers.
Il marque ensuite son accord complet sur le rejet de n'importe quel essai nucléaire.
De même, il désire ajouter, par voie d'amendement, deux points aux considérants, à savoir :
1. que, dans tout le débat, il n'est nulle part question du droit des Polynésiens, ce qui est contraire au droit à l'autodétermination de ce peuple conformément à l'article 1er de la Charte des Nations unies;
2. qu'il faut établir une interdiction mondiale des essais nucléaires, laquelle s'applique notamment aussi à la Chine.
Il propose de parler, dans le dispositif de la résolution, de la désapprobation de la reprise des essais nucléaires non seulement par les autorités françaises mais aussi par les autorités chinoises.
Une autre membre, tout en se déclarant d'accord, au nom de son parti, sur l'amendement de M. Urbain et consorts, souhaite qu'on prête davantage attention à la nature et à l'homme :
1. plus d'attention à la nature en ce sens que l'on a déjà constaté des fissures dans l'atoll de Mururoa et que l'on doit examiner si celles-ci s'aggraveront par suite des nouveaux essais;
2. plus d'attention à l'homme lorsqu'on songe qu'il ressort d'une enquête récente que la mortalité par cancer des Polynésiens est de 20 p.c. supérieure à ce qu'elle est en France et de 50 p.c. supérieure à ce qu'elle est au Japon.
Aussi déposera-t-elle un sous-amendement à l'amendement de M. Urbain et consorts, en vue d'attirer l'attention de la France sur ses obligations éthiques ainsi qu'en vue d'éviter que l'on continue à gêner des chercheurs comme Taziëff, Cousteau et Atkinson.
Une membre intervient ensuite pour défendre l'idée d'une commission d'enquête internationale.
En outre, elle relève une erreur matérielle dans le document 1-32/4 où la version française de l'amendement nº 5 parle à tort de « coopération militaire » alors qu'il s'agit manifestement de « coopération nucléaire ».
Un membre met en question les explications de la France à propos de la nécessité des essais nucléaires :
1. Concernant la thèse selon laquelle les essais contribuent à l'indépendance de l'Europe par rapport aux États-Unis, il se demande pourquoi, dans ce cas, les autorités européennes n'ont pas été consultées ni même informées.
2. Concernant l'affirmation selon laquelle les essais ne présentent pas de risque pour la santé publique, il se demande pourquoi, dans ce cas, les essais n'ont pas lieu en France métropolitaine.
3. S'il est vrai que les États-Unis sont disposés à communiquer à la France leurs simulations par ordinateur, il trouve, dans ce cas, particulièrement faible l'argument des Français selon lequel les essais nucléaires sont nécessaires à la vérification de leurs essais en laboratoire.
Néanmoins, il pense que certains amendements vont trop loin.
C'est ainsi qu'il refuse l'interdiction de navires militaires français dans les ports belges et qu'il est convaincu que le plutonium belge recyclé n'est pas suffisamment pur pour servir aux essais nucléaires français.
Aussi ne désire-t-il pas une dénonciation de la coopération avec la France et marque-t-il son accord sur l'amendement de M. Urbain et consorts.
Un membre prend ensuite la parole pour faire observer l'illogisme qu'il y a, d'une part, à se plaindre du fait que l'Europe dépend des États-Unis et, d'autre part, à présenter sous un jour défavorable toute initiative d'une nation européenne tendant à encourager l'indépendance de l'Europe.
Et le membre de déplorer le fait que l'on s'en prend surtout à un allié et de rappeler à cet égard que la Belgique peut de toute façon faire appel à la protection de la France, puisque les deux pays font partie de l'U.E.O. et que l'article 51 de la charte de cette organisation prévoit que chaque pays s'engage à l'égard des autres parties contractantes à se porter à leur secours en cas d'agression.
Depuis que la Conférence de Maastricht a reconnu l'U.E.O. comme bras armé de l'Union européenne, il importe certes de souligner cet aspect.
D'un point de vue technique, il faut comprendre qu'à partir de 2015, le matériel français ne sera plus adéquat et que, par conséquent, des essais sont nécessaires.
En résumé, il y a lieu de conclure que la Belgique fait une bonne affaire avec la puissance atomique française, puisqu'ainsi elle assure son indépendance aux moindres frais.
Un membre dit tirer les conclusions suivantes des multiples débats qui ont eu lieu à la télévision française.
La problématique présente deux aspects : l'un est technique et l'autre politique.
Il estime que dans un débat comme celui-ci, il faut privilégier l'aspect politique, ne fût-ce que parce que l'aspect technique nous échappe.
En effet, si l'on veut être réaliste, il faut partir de l'idée que les essais nucléaires auront quand même lieu et que, pour cette raison, il vaut sans doute mieux prêter attention surtout à leurs conséquences.
On doit veiller principalement à ce que ces essais ne soient pas le début d'une nouvelle escalade, même si les Français prouvaient qu'ils n'entraînent pas la moindre répercussion négative sur le plan écologique.
Le membre rappelle une émission où le Premier ministre français, M. Jupé, était présent et d'où il ressortait clairement que les essais auront de toute façon lieu.
En outre, il est évident que, même si les essais n'avaient pas d'utilité technique, ils auraient néanmoins lieu, parce qu'il s'agit d'une décision politique, prise par le nouveau président Chirac, qui voulait rompre avec la politique voilée qu'avait menée son prédécesseur dans ce domaine.
Même si les Français mettent l'accent sur les aspects techniques, il s'agit manifestement d'un acte politique. C'est d'ailleurs ainsi que les Chinois l'ont compris, puisqu'ils se sont engouffrés dans la voie prise par la France.
Si la commission peut partager cette analyse, il est inutile de déposer un amendement tendant à la création d'une commission d'enquête, qui apporte de l'eau au moulin des Français, lesquels veulent faire primer les explications techniques et réussiront peut-être à prouver que les essais ne présentent pas de risque.
Un membre déclare être d'accord sur les critiques de ses collègues concernant le caractère trop sévère de la proposition Anciaux, et il se range derrière l'amendement de M. Urbain et consorts.
Le plus gros problème pour un autre membre est la perception des menaces qui pèsent sur la sécurité dans le monde, davantage que les essais nucléaires proprement dits. En effet, il y a un amalgame complet entre les divers risques liés aux essais nucléaires, lesquels sont purement virtuels pour la sauvegarde de la paix mondiale, et d'autres risques, tels ceux liés à un régime qui, en ex-Yougoslavie, a déjà sur la conscience 200 000 morts et 4 000 000 de personnes déplacées.
Aujourd'hui que les Européens entreprennent enfin quelque chose contre ce dernier danger bien réel , il trouve particulièrement négatif le fait que notre Parlement critique le président Chirac, alors qu'en réalité c'est lui qui a fait pencher la balance pour que l'on intervienne contre les situations intolérables existant en Bosnie.
Un membre estime que, plutôt que d'exprimer sa solidarité avec la France, lorsqu'il s'agit d'actions où celle-ci s'inscrit dans la ligne européenne en s'abstenant de protester contre les essais nucléaires, l'on ferait mieux de manifester sa solidarité envers la population de la Polynésie, parce qu'il est certain qu'un accident est toujours possible et que, même en l'absence de celui-ci, les conséquences dommageables des essais précédents sont en général plus importantes que celles entraînées par la catastrophe de Tchernobyl.
Un membre y oppose un démenti en disant préférer une politique nucléaire bien maîtrisée d'un pays comme la France à ce qui se passe actuellement dans l'ex-Union soviétique, avec des arsenaux échappant à tout contrôle et dispersés sur le territoire de différentes républiques.
Ainsi des armes vieillies lui inspirent-elles davantage de crainte, parce qu'elles sont susceptibles d'être vendues au marché noir, surtout lorsqu'elles sont aux mains de pays qui ne les manient pas bien plutôt qu'en la possession de la France.
C'est pourquoi il est impossible de trouver un consensus si l'on évite les arguments techniques.
Un autre membre répète une fois de plus que l'on doit évidemment s'opposer à tous les essais nucléaires, tant ceux de la Chine que ceux de la France, et il constate que le P.R.L. est le seul à s'opposer à cette option. À cet égard, il se réfère aux manifestations de Greenpeace tant en Chine qu'à Mururoa. Pourtant, il importe que la commission du Sénat concentre ses efforts contre la France.
Un membre se prononce pour une défense européenne indépendante, parce qu'une indépendance sans capacité de se défendre conduit à de nouvelles guerres.
Cela signifie qu'il ne faut pas se rendre tributaire du parapluie atomique américain et qu'il ne faut pas trop viser l'allié français.
Il ne comprend pourtant pas pourquoi alors ces essais ont lieu en Polynésie, en totale méconnaissance de l'article 1er de la Charte des Nations Unies.
Aussi insiste-t-il pour que l'on modifie l'amendement de M. Urbain et consorts dans ce sens et pour que l'on mentionne expressément la Chine comme partie visée à côté de la France.
Un autre membre affirme appuyer l'amendement de M. Urbain et consorts, à condition que l'opposition à la Chine soit placée sur le même pied que celle à la France et qu'une commission d'enquête soit instituée pour étudier les conséquences sur l'environnement.
De même, il propose un amendement soutenant le Gouvernement belge dans ses démarches tendant à la condamnation des essais nucléaires, bien qu'il n'y ait pas eu de protestation formelle dès le début comme dans d'autres pays européens.
1. Un amendement de M. Urbain et consorts (nº 3 doc. 1-32/3) vise à remplacer le texte de la proposition de M. Urbain par les dispositions suivantes :
« A. Remplacer les considérants par ce qui suit :
Reconnaissant que des progrès importants ont été accomplis récemment dans la réduction de l'armement nucléaire;
Constatant que la conférence de révision et de prolongation du Traité de non-prolifération nucléaire qui s'est déroulée en avril et en mai 1995, a décidé par consensus de prolonger le Traité indéfiniment et sans condition;
Considérant que des négociations sont en cours à Genève dans le but de conclure un Traité interdisant complètement les essais nucléaires;
Considérant en outre que la décision du gouvernement français représente un renversement de position mettant en péril l'avenir des négociations en cours;
Relayant le désir de nombreux dirigeants européens, exprimé vigoureusement lors de leur récente réunion à Cannes, de voir le président Chirac reconsidérer de toute urgence sa décision de reprendre un programme d'essais nucléaires;
B. Remplacer le dispositif par ce qui suit :
de tout entreprendre, tant dans le cadre des relations bilatérales que dans le cadre de l'Union européenne et de la Conférence du désarmement de Genève, afin que soit strictement respecté le Traité de non-prolifération nucléaire, et afin que les États qui possèdent déjà l'arme nucléaire renoncent définitivement à procéder à des essais;
de réaffirmer au gouvernement français sa désapprobation de la décision de reprise des essais nucléaires. »
Plusieurs membres expriment leur préférence pour cet amendement, qui réécrit la proposition de résolution de M. Anciaux.
La commission décide par conséquent de prendre comme base le texte de M. Urbain (amendement nº 3).
2. Ensuite, la commission discute les sous-amendements à cet amendement.
2.1. M. Hatry et consorts déposent une première série de sous-amendements (amendement nº 4 doc. 1-32/4).
« A. Supprimer le quatrième considérant.
B. Au cinquième considérant, remplacer les mots « Relayant le » par les mots « Prenant acte du » et supprimer les mots « vigoureusement » et « de toute urgence ».
C. Ajouter le considérant suivant :
Considérant l'engagement précis du gouvernement français de signer, dans l'hypothèse de la réalisation en mai 1996 des essais proposés, le traité d'interdiction complète des essais nucléaires.
D. Au dispositif :
Au premier tiret :
supprimer les mots : « et afin que les États qui possèdent déjà l'arme nucléaire renoncent définitivement à procéder à des essais; »
Remplacer le deuxième tiret par ce qui suit :
« de réaffirmer son souhait de voir le gouvernement français signer le traité d'interdiction complète des essais nucléaires avant la fin de 1996. »
M. Hatry précise que son amendement C propose de rendre le texte de M. Urbain plus neutre.
L'amendement qui remplace le deuxième tiret (amendement nº 4 D) supprime la critique de désapprobation du gouvernement français.
Le sous-amendement nº 4 A est rejeté par 8 voix contre 2 et une abstention.
Le sous-amendement nº 4 B est rejeté par 5 voix contre 4 et 2 abstentions.
Le sous-amendement nº 4 E est rejeté par 5 voix contre 4 et 2 abstentions.
Le sous-amendement nº 4 D, premier tiret, est rejeté par 8 voix contre 2 et une abstention.
Puisque la commission prend comme base le texte de M. Urbain et consorts, M. Hatry propose de modifier son amendement nº 4 D, second tiret. Le texte proposé ne remplace pas le second tiret du dispositif dans l'amendement nº 3 de M. Urbain et consorts, mais s'ajoute comme troisième tiret.
L'amendement est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.
2.2. M. Staes propose également une série de sous-amendements aux amendements de M. Urbain (amendements nº 6 - doc. nº 1-32/5).
« A. Ajouter les considérants suivants :
Considérant que, assurément après l'offre récente du président américain à la France de recourir à son savoir-faire, une simulation par ordinateur peut présenter une solution de rechange aux essais nucléaires;
Considérant que l'opposition aux essais nucléaires s'adresse à tous les États et régimes organisant encore de tels essais, la Chine y comprise;
B. Dans le dispositif, remplacer le second tiret par ce qui suit :
de protester formellement auprès du gouvernement français, et du président en particulier, contre la reprise des essais nucléaires;
C. Compléter le dispositif par la disposition suivante :
de réclamer la mise en place au niveau européen d'une commission d'enquête internationale, indépendante, visant à évaluer les dégâts en termes écologiques et de santé publique dans le Pacifique Sud, et notamment sur les îles de la Polynésie française. »
Ce sous-amendement reprend l'amendement nº 1 - D de Mmes Dardenne et Dua.
Le sous-amendement A, premier alinéa, est adopté par 7 voix contre 3 et 2 abstentions.
Le sous-amendement A, deuxième alinéa, est adopté par 10 voix contre 2.
Concernant le sous-amendement C, M. Urbain estime que son amendement nº 3 est plus fort que le sous-amendement de M. Staes. Contrairement à M. Staes, il est d'avis qu'une « protestation formelle » est plus faible.
Le sous-amendement C est adopté par 10 voix contre 3.
Le sous-amendement D est adopté par 8 voix contre 3 et 2 abstentions.
2.3. MM. Verreycken et Ceder déposent aux sous-amendements de M. Urbain et consorts un sous-amendement, libellé comme suit :
« Ajouter les considérants suivants :
Considérant la méconnaissance par la France des droits des Polynésiens, notamment le droit à l'autodétermination garanti par l'article 1er de la Charte des Nations Unies;
Considérant les essais nucléaires auxquels a procédé la Chine, en méconnaissance de quelques timides protestations et sans réactions sérieuses de la part de la communauté internationale; »
Justification
La décision française de continuer à polluer l'océan Pacifique a suscité des protestations à l'échelle mondiale. À bon droit, puisque plusieurs scientifiques soulignent que les lois et formules déterminant le processus nucléaire sont déjà suffisamment connues. Selon les mêmes sources, d'autres expériences peuvent être effectuées au moyen de simulations par ordinateur. Alors que les normes dont se sert la France pour mettre l'accent sur la « sécurité » des essais nucléaires dans l'océan Pacifique s'appliquent aussi aux formations granitiques des monts Guéret et Margeride du Massif central.
Les protestations les plus vives se trouvent provenir de la population de la région visée : Tahiti, la Nouvelle-Calédonie, Wallis, Futuna, ainsi que des gouvernements de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, qui n'ont pas du tout été consultés par la France.
Il est toutefois particulièrement vexant que, pas plus tard qu'en mai 1995, des essais nucléaires aient été effectués par la Chine communiste, contre lesquels le Japon, un pays voisin, fut le seul à protester. Alors que les arguments précités valent tout autant pour la Chine, il est affligeant de constater qu'aucune flotte ni aucun navire médiatique ne se hasardent dans les mers menacées par la Chine.
Dans une résolution, il est nécessaire d'admonester la France pour sa méconnaissance des droits des Polynésiens. En même temps, il s'impose de condamner tous les essais nucléaires, fussent-ils réalisés par l'une des puissances nucléaires existantes, telles que la Chine.
Le premier alinéa du sous-amendement est rejeté par 8 voix contre 1 et 3 abstentions.
La deuxième partie du sous-amendement est retirée puisque le deuxième alinéa du sous-amendement A de M. Staes a été adopté.
2.4. M. Hostekint et Mme Semer déposent un sous-amendement à l'amendement de M. Urbain et consorts, lequel tend à ajouter le considérant suivant :
« Considérant que le ministre belge des Affaires étrangères a, dès le 14 juin, annoncé dans un communiqué à la presse être profondément déçu par la décision française de reprendre les essais nucléaires; »
Le sous-amendement est rejeté par 4 voix contre 2 et 7 abstentions.
2.5. L'amendement ainsi sous-amendé est adopté par 10 voix contre 3.
3. Enfin, on procède au vote sur les amendements restants.
3.1. Amendement nº 5 de Mmes Dardenne et Dua (doc. nº 1-32/4).
« Dans le dispositif, ajouter la disposition suivante :
de mettre fin progressivement à la coopération nucléaire avec la France en général et aux contrats de retraitement en particulier;
de ne pas conclure de nouveaux contrats de retraitement. »
L'amendement est rejeté à l'unanimité des 13 membres présents.
3.2. Amendements nº 1 de Mmes Dardenne et Dua.
« A. Ajouter les considérants suivants :
Considérant que les quinze pays membres du Forum du Pacifique, ainsi que les gouvernements chilien, péruvien et équatorien ont averti la France de leur opposition à la reprise des essais nucléaires à Mururoa et que les gouvernements de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie viennent de suspendre leur coopération militaire avec la France en réaction à cette décision;
Considérant que cinq pays de l'Union européenne : les Pays-Bas, la Suède, l'Autriche, la Finlande et le Danemark ont, lors du sommet européen de Cannes, officiellement protesté contre la reprise des essais nucléaires français et que la Belgique ne s'y est pas jointe; »
B. Dans le dispositif, avant le premier tiret, insérer la disposition suivante :
de protester formellement auprès du président français et de prier la France de revenir sur sa décision;
C. Dans le dispositif, entre le premier et le deuxième tiret, insérer la disposition suivante :
de remettre en question la collaboration militaire avec la France, d'annoncer un moratoire sur l'achat de matériel militaire français, de ne pas autoriser dans les ports belges des navires militaires français et des avions militaires français dans l'espace aérien belge jusqu'à ce que le président français décide d'annuler les essais nucléaires prévus;
D. Dans le dispositif, ajouter la disposition suivante :
de réclamer la mise en place au niveau européen d'une commission d'enquête internationale, indépendante, visant à évaluer les dégâts en termes écologiques et de santé publique dans le Pacifique Sud, et notamment sur les îles de la Polynésie française. »
L'amendement A est rejeté par 12 voix et 1 abstention.
L'amendement B est retiré par Mme Dardenne puisque l'amendement B de M. Staes a été adopté.
L'amendement C est rejeté par 10 voix et 3 abstentions.
L'amendement D est repris par M. Staes (sous-amendement nº 6-B - doc. nº 1-32/5).
3.3. M. Anciaux a déposé à sa proposition de résolution un amendement (nº 8, doc. nº 1-32/5), lequel est libellé comme suit :
« A. Remplacer le premier considérant par la disposition suivante :
Considérant que la décision française de reprendre les essais nucléaires constitue assurément une violation de l'esprit du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires;
B. Remplacer le premier dispositif par la disposition suivante :
de prendre toutes les initiatives nécessaires pour faire imposer une interdiction mondiale des essais nucléaires; »
Cet amendement est retiré par son auteur, à la suite des amendements déjà adoptés.
Ainsi amendée, la proposition de résolution relative à la décision du gouvernement français de reprendre les essais nucléaires a été adoptée par 10 voix contre 3.
Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 11 membres présents.
Le Rapporteur,
Patrick HOSTEKINT. |
Le Président,
Valère VAUTMANS. |