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Sénat de Belgique

SESSION DE 1996-1997

10 JUIN 1997


Projet de loi portant confirmation des arrêtés royaux pris en application de la loi du 26 juillet 1996 visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l'Union économique et monétaire européenne, et la loi du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions

(Articles 2, 3, 1º, 2º, 3º, 4 et 17)


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES PAR M. WEYTS (*)


La Commission des Finances et des Affaires économiques a examiné les articles 2, 3, 1º, 2º, 3º, 4 et 7 du présent projet de loi lors de ses réunions du 20 mai et des 2, 6 et 10 juin 1997.

I. EXPOSÉ DU MINISTRE DES FINANCES


La confirmation de l'arrêté royal du 20 décembre 1996 portant des mesures fiscales diverses en application des articles 2, § 1er , et 3, § 1er , 2º et 3º, de la loi du 26 juillet 1996 visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l'Union économique et monétaire européenne.


De manière schématique, l'on peut répartir en quatre groupes les mesures contenues dans le premier arrêté royal dont le projet de loi prévoit la confirmation :

I. Mesures relatives aux entreprises

Concernant la fiscalité des entreprises, le projet d'arrêté poursuit les objectifs suivants :

1º préciser les conditions d'application du régime des revenus définitivement taxés (articles 1er , 21, 25, 26, 27 et 49, alinéas 2 et 8);

2º uniformiser le régime d'imposition des sociétés de capitaux et des sociétés de personnes (articles 1er , 35, 36, 1º, et 49, alinéa 2);

3º modifier les règles relatives à la sous-capitalisation des sociétés (articles 3, 24, 28 et 49, alinéa 2);

4º apporter une clarification au régime de la taxation étalée des plus-values (articles 8 et 49, alinéa 3);

5º supprimer certaines déductions en cas de prise de contrôle ou de modification importante du contrôle d'une société (articles 29, 43 et 49, alinéa 5);

6º uniformiser le régime d'imposition des revenus résultant pour les personnes physiques d'un mandat d'administrateur ou de gérant d'une société (articles 4 à 7, 9 à 12, 22, 23, 42, 44 à 46, 48 et 49, alinéa 1er );

7º élargir l'assiette de l'impôt des personnes morales, en ce qui concerne les contribuables visés à l'article 180, C.I.R. 92, en soumettant certaines de leurs dépenses à une cotisation spéciale de 39 % déjà appliquée sur les cotisations patronales d'assurance complémentaire ne respectant pas les conditions de l'article 59, C.I.R. 92 (articles 31, 33, pro parte, 34, 38, 1º, et 49, alinéa 1er ).

II. Mesures relatives aux biens immobiliers

L'arrêté, d'une part, fait passer de 1,25 à 1,40 le coefficient de majoration des revenus cadastraux imposables à l'impôt des personnes physiques, et, d'autre part, étend la taxation existante des plus-values sur terrains aux biens immeubles bâtis (articles 2, 13 à 19, 32, 33, pro parte , 36, 2º et 3º, 37, 38, 2º, 47 et 49, premier et quatrième alinéas).

III. Indexation des barèmes fiscaux

La non-indexation partielle des barèmes instaurée par la loi du 28 décembre 1992 est prolongée pour les revenus afférents aux années 1997 et 1998 (article 20 de l'arrêté royal).

IV. Secret bancaire et déclaration de l'existence de comptes à l'étranger

Pour qu'il y ait levée du secret bancaire, l'article 318, C.I.R. 92, exige actuellement l'intention frauduleuse à la fois dans le chef du client de la banque et dans le chef du banquier. Cette exigence de complicité de l'établissement est supprimée dans la nouvelle rédaction de l'article 318, C.I.R. 92 (article 41 de l'arrêté royal).

Par ailleurs, la déclaration des revenus à l'impôt des personnes physiques sera complétée par une nouvelle rubrique dans laquelle le contribuable devra mentionner l'existence de comptes auprès d'intermédiaires financiers à l'étranger et le ou les pays où ces comptes sont ouverts (article 39 de l'arrêté royal).


Exposons maintenant de manière plus approfondie les modifications apportées :

1º au régime d'imposition des administrateurs et gérants;

2º en matière de plus-values immobilières sur immeubles bâtis;

3º au régime des R.D.T.

1. UNIFORMISATION DU RÉGIME FISCAL DES RÉMUNÉRATIONS D'ADMINISTRATEURS ET D'ASSOCIÉS ACTIFS

Introduction

L'arrêté royal du 20 décembre 1996 a réalisé l'uniformisation du régime fiscal des dirigeants d'entreprise, d'une part, en supprimant la distinction actuelle entre sociétés de personnes et sociétés de capitaux et, d'autre part, en fusionnant les dispositions relatives aux administrateurs et associés actifs.

Corrélativement, le régime fiscal des conjoints aidants d'associés actifs a été supprimé.

Ces modifications sont commentées ci-après.

Modifications légales

À partir de l'exercice d'imposition 1998, revenus 1997, le C.I.R. ne connaît plus que deux catégories de rémunérations; les articles 30 et 32 sont réécrits comme suit :

« Article 30

Les rémunérations comprennent, quels qu'en soient le débiteur, la qualification et les modalités de détermination et d'octroi :

1º les rémunérations des travailleurs;

2º les rémunérations des dirigeants d'entreprise. »

« Article 32

Les rémunérations des dirigeants d'entreprise sont toutes les rétributions allouées ou attribuées :

1º à une personne physique, en raison de l'exercice d'un mandat d'administrateur, de gérant, de liquidateur ou de fonctions analogues;

2º à une personne physique qui exerce au sein de la société une activité ou une fonction dirigeante de gestion journalière, d'ordre commercial, technique ou financier, en dehors d'un contrat de travail.

Elles comprennent notamment :

1º les tantièmes, jetons de présence, émoluments et toutes autres sommes fixes ou variables allouées par des sociétés, autres que des dividendes ou des remboursements de frais propres à la société;

2º les avantages, indemnités et rémunérations d'une nature analogue à celles qui sont visées à l'article 31, alinéa 2, 2º à 5º;

3º par dérogation à l'article 7, le loyer et les avantages locatifs d'un bien immobilier bâti donné en location par les personnes visées à l'alinéa 1er , 1º, à la société dans laquelle elles exercent un mandat ou des fonctions analogues, dans la mesure où ils excèdent les cinq tiers du revenu cadastral revalorisé en fonction du coefficient visé à l'article 13. De ces rémunérations ne sont pas déduits les frais relatifs au bien immobilier donné en location. »

En ce qui concerne la définition du concept de société, toute distinction entre sociétés de capitaux et de personnes disparaît, de telle sorte que le point névralgique de l'article 2 du C.I.R. porte maintenant sur la définition (inchangée) des sociétés reprise au § 2, 1º :

« Société : toute société, association, établissement ou organisme quelconque régulièrement constitué qui possède la personnalité juridique et qui se livre à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. »

Régime applicable jusqu'à l'exercice d'imposition 1997

L'article 30 ancien du C.I.R. connaissait, sous l'appellation de rémunérations, trois catégories de rétributions :

1º les rémunérations des travailleurs;

2º les rémunérations des administrateurs;

3º les rémunérations des associés actifs.

La catégorie fiscale des administrateurs provient de la loi du 13 juillet 1930 par scission des rémunérations en deux catégories distinctes - salariés et administrateurs - et la troisième, celle des associés actifs en tant que contribuable rémunéré, a été ajoutée par la loi du 5 janvier 1976.

Les administrateurs, au regard des tiers, sont les organes de la société et non ses préposés : l'administrateur est dès lors le mandataire de la société et non un employé de la société. On s'appuie ici sur le droit des sociétés.

La notion d'associé actif est par contre un concept purement fiscal. Un associé actif est toute personne qui détient une participation dans le capital d'une société, autre qu'une société anonyme ou une société en commandite par actions et qui y exerce une activité professionnelle sans qu'il soit requis qu'il soit le dirigeant de celle-ci.

Le gérant est, en droit des sociétés, l'organe de la société qu'il dirige et se retrouve dans la catégorie fiscale des profits s'il n'est pas actionnaire de « sa » société et dans celle des rémunérations en qualité d'associé actif s'il participe à son capital. L'importance de la participation en pour cent n'est pas précisée par la loi.

De plus, en ce qui concerne les administrateurs, il existait une règle spécifique liée à ce qu'on appelle les « fonctions analogues » et un principe dit d'attraction.

Exerce des fonctions analogues, la personne qui, sans être désignée en qualité d'administrateur statutairement ou par l'assemblée générale des actionnaires (par exemple un directeur), exerce effectivement des fonctions qui, par leur étendue ou leur importance au sein de la société, sont normalement exercées par des administrateurs.

Le nº 23/57 du COM.IR 92 cite une jurisprudence abondante relative à la distinction entre les fonctions analogues ou non à celles d'un administrateur, laquelle est complétée dans le Manuel de droit fiscal 1996 de Tiberghien sous les nºs 1256 et 1257 :

­ il y a analogie quand :

Cass., 24 mai 1966, Van Waerbeek, Vve Cloots et consorts (Bull. Contr., 1967, nº 444).

Le directeur général d'une S.A. a le pouvoir de gérer les avoirs en banque de cette société et d'investir les fonds disponibles en titres d'emprunts belges ou en actions industrielles ou commerciales belges.

Cass., 24 mai 1966, Cloots Fr. (Bull. Contr., 1967, nº 444).

« Accomplir tous actes de gestion », « signer tous contrats » et « faire toutes opérations nécessaires à l'exploitation » ne peuvent être considérés comme des actes relatifs à la gestion journalière de l'entreprise et relèvent des pouvoirs d'administration.

Bruxelles, 6 décembre 1983, R.G.F., 1984, 62.

Le pouvoir de signer les déclarations fiscales.

­ il n'y a pas analogie quand :

Gand, 16 juin 1959, Keuppens.

La décision par laquelle le conseil d'administration nomme le contribuable au titre de directeur général précise que les pouvoirs qui lui sont conférés sont expressément limités aux actes de gestion journalière. Aucune preuve que le redevable n'aurait pas respecté cette décision n'a été apportée. La circonstance que l'intéressé est habilité à signer la correspondance et à opérer des transferts de fonds ne constitue pas une indication qu'il a le pouvoir de poser des actes qui excèdent ceux afférents à la gestion journalière.

Bruxelles, 10 décembre 1959, De Wolf.

Initialement, deux administrateurs ­ dont le contribuable ­ avaient reçu les pouvoirs de poser individuellement les actes de gestion journalière. Le mandat prévoyait que toutes conventions et tous contrats obligeant la société devaient être signés par un d'eux conjointement avec un autre administrateur. Après démission des deux administrateurs susvisés, le conseil d'administration ne les remplace pas mais les nomme directeurs avec les mêmes pouvoirs de gestion journalière et leur donne pouvoir de signer les chèques sur banque conjointement avec un administrateur, ce qui constitue une réduction de leurs pouvoirs antérieurs (à cette époque, ils pouvaient à deux signer les chèques tandis qu'actuellement la signature conjointe d'un administrateur est requise).

Anvers, 18 avril 1983, (F.J.F., nº 84/59).

Le directeur-actionnaire, sous contrat d'emploi, qui limite ses fonctions à la gestion journalière.

Le principe d'attraction signifie que doivent être qualifiées de rémunérations, non seulement les sommes et avantages qui rémunèrent l'exercice proprement dit d'un mandat d'administrateur, mais toutes les rétributions quelconques, par exemple des honoraires pour l'exercice de leur profession libérale au sein de la société, qui rémunèrent toute activité professionnelle quelconque effectuée au sein de l'entreprise.

Régime applicable à partir de l'exercice d'imposition 1998

Contenu des modifications

À partir de l'exercice d'imposition 1998, le régime fiscal des rémunérations est modifié comme suit :

­ il n'existe plus de distinction suivant la forme juridique de la société dirigée;

­ le critère dirimant pour distinguer les rémunérations des travailleurs de celles des administrateurs devient la présence ou l'absence de lien de subordination;

­ le principe d'attraction est précisé et limité;

­ le fait d'être actionnaire ou non dans la société dirigée est devenu non pertinent;

­ seules sont dorénavant concernées par l'article 32 nouveau du C.I.R. les personnes physiques, à l'exclusion dorénavant des administrateurs-sociétés.

Le concept de dirigeant d'entreprise

La loi distingue deux sous-catégories de dirigeants d'entreprise :

­ les personnes physiques qui perçoivent des rémunérations en raison de l'exercice d'un mandat d'administrateur, de gérant, de liquidateur ou de fonctions analogues;

­ les personnes physiques qui exercent au sein de la société une activité ou une fonction dirigeante de gestion journalière, d'ordre commercial, technique ou financier, en dehors d'un contrat de travail.

La première sous-catégorie comprend les contribuables qui appartenaient auparavant à la catégorie des administrateurs, mais elle est étendue aux administrateurs et gérants des sociétés anciennement considérées comme des sociétés de personnes et aux organes des autres personnes morales de droit public ou privé.

La seconde sous-catégorie correspond aux personnes physiques qui, sans être administrateur, gérant ou liquidateur, assurent la gestion journalière d'une société en dehors d'un contrat d'emploi et aux directeurs commerciaux, techniques ou financiers non salariés. À la gestion journalière correspond dans le prescrit légal de l'article 32 le terme « fonction » et à la direction celui d' « activité ». Une interversion des mots dans le texte légal est à ce propos à regretter, ce qui en rend sa lecture difficile. Le texte sera adapté légalement sous peu.

Dans son article publié dans L'Echo de février 1997, sous le titre « Qui sont les dirigeants d'entreprise », Christian Fischer regrette le néologisme fiscal de « dirigeant d'entreprise », il aurait préféré « dirigeant de société ». Ceci aurait cependant réduit la portée du prescrit légal. En effet, le texte permet d'établir une distinction entre la première et la seconde sous-catégorie quant au champ d'application : la première vise toute personne physique, organe d'une personne morale, que cette dernière soit ou non soumise à l'impôt des sociétés. Ainsi, l'administrateur d'une intercommunale tombe sous le 1º de l'alinéa 1er du nouvel article 32 en qualité d'administrateur de la société anonyme ou de la société coopérative qui est l'intercommunale. Par contre, l'alinéa 2 ne vise que les personnes déléguées à la gestion journalière et les directeurs « indépendants » travaillant au sein d'une société au sens de l'article 2 du C.I.R., c'est-à-dire une personne morale soumise à l'I/Soc. Les fonctions dirigeantes visées sont d'ailleurs celles relevant des activités normales d'une société (lucratives). Ainsi, une personne physique qui, en dehors d'un contrat de travail, assure la gestion journalière d'une A.S.B.L. n'est pas visée par la nouvelle catégorie des dirigeants d'entreprise si l'A.S.B.L. est soumise à l'I.P.M. Par contre, elle l'est si l'A.S.B.L. est soumise à l'I/Soc.

En se référant toujours à l'opinion des auteurs, l'on peut parfaitement adhérer à la thèse développée par Jan Van Dijck dans le « Trends » du 6 mars 1997 lorsqu'il soutient : « qu'il faut se garder d'exagérer. Le fait que des personnes exerçant, sur une base indépendante, des activités commerciales, techniques ou financières, puissent appartenir à la catégorie des dirigeants d'entreprise ne signifie pas pour autant que tout le monde est promu dirigeant d'entreprise ». Et de donner un (bon) exemple : « un expert comptable externe exerce certes sur une base indépendante des activités de nature financière pour le compte de l'entreprise, mais il n'en devient pas encore pour autant dirigeant d'entreprise de la société qui lui a confié sa mission. » En fait, la vraie question se pose pour les « in-house counsels » conclut Van Dijck. La réponse à donner ici est la suivante : s'il s'agit effectivement d'indépendants, puisqu'eux seuls sont visés, la ligne de démarcation passera par l'examen de leurs activités pour déterminer la portée effective de leur pouvoir de décision. Ils décident et sont capables de diriger la société dans l'un des trois domaines cités par la loi (le commercial, le technique, le financier) : ils seront à considérer comme dirigeants; sinon, ils restent des indépendants imposables sur leurs rétributions au titre de bénéfices ou de profits ou même de rémunérations comme salariés s'il s'agit de « faux » indépendants.

Rémunérations imposables

Les rémunérations imposables des dirigeants d'entreprises (et qui sont d'ailleurs soumises à la retenue du précompte professionnel) comprennent :

­ les tantièmes (c'est-à-dire, d'une manière générale, la part dans le bénéfice social qui, conformément à la répartition bénéficiaire approuvée par l'assemblée générale, est allouée aux dirigeants d'entreprise);

­ les émoluments et toutes les autres sommes fixes ou variables allouées par des sociétés (comme des gratifications, par exemple), autres que des dividendes ou des remboursements de frais propres à la société;

­ les avantages de toute nature obtenus en raison ou à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle, y compris les avantages qui résultent de la prise en charge par la société de frais professionnels ou privés, propres au dirigeant d'entreprise;

­ les indemnités analogues à celles qu'obtiennent les travailleurs en raison ou à l'occasion de la cessation du travail ou de la rupture d'un contrat de travail;

­ les indemnités obtenues en réparation totale ou partielle d'une perte temporaire de rémunérations;

­ les rémunérations acquises par le dirigeant d'entreprise, même si elles sont payées ou attribuées à ses ayants cause;

­ les loyers et les avantages locatifs d'un bien immobilier bâti donné en location par les intéressés à la société dans laquelle ils exercent une activité dirigeante ou une fonction dirigeante (c'est-à-dire les « loyers requalifiés » dans la mesure où ils excèdent les cinq tiers du revenu cadastral revalorisé).

Signalons, en matière de précompte professionnel, que, si tout était resté « comme avant » pour l'exercice d'imposition 1997 dans l'arrêté royal du 10 janvier 1997, un nouveau projet d'arrêté royal est soumis actuellement à la signature du Roi qui aligne le barème du précompte professionnel sur la modification apportée à l'article 32 du C.I.R..

Tantièmes attribués aux administrateurs-sociétés

Initialement, le Gouvernement entendait limiter au niveau de l'article 198 du C.I.R., par le rejet en dépenses non admises, les rétributions « exagérées » allouées aux sociétés de management et requalifier en dividendes les tantièmes alloués à des administrateurs-sociétés. Ces intentions n'ont pas été concrétisées en raison des remarques formulées par le Conseil d'Etat et des critiques de différents auteurs réputés.

L'effet initialement recherché est cependant atteint en appliquant strictement les dispositions existantes et tout particulièrement les articles 49 et 53, 10º, du C.I.R. La charge de la preuve relativement à la réalité des dépenses et frais exposés par le contribuable lui incombe; de plus, l'administration peut rejeter les frais (de gestion) qui dépassent de manière déraisonnable les besoins professionnels.

Principe d'attraction

En ce qui concerne les administrateurs-sociétés, l'ajout des mots « personne physique » exclut dorénavant de manière claire toute application du principe d'attraction au profit d'administrateurs-société. Cette question, qui faisait l'objet d'appréciation divergente dans la doctrine, est ainsi définitivement tranchée « pro fisco » .

En ce qui concerne les administrateurs et gérants, personnes physiques, la réponse sur le maintien du principe d'attraction est nuancée. La rédaction de l'alinéa 1er , 1º, du nouvel article 32 met clairement en relation la rétribution par rapport à l'exercice d'un mandat social : il n'y a dès lors plus d'attraction à ce stade. Tout aussi claire est la réponse négative à donner à l'égard de la requalification en rémunération de bénéfices, profits ou rémunérations visées à l'article 31, alloués à une personne physique nommée en qualité d'administrateur; c'est fini.

Mais alors, quelle est la portée exacte du principe (subsistant) d'attraction ? Il est limité aux rémunérations décrites sous le 2º de l'alinéa 1er du nouvel article 32 : les rémunérations des dirigeants de sociétés. Ainsi l'administrateur qui est, au sein de la même société, organe et directeur commercial indépendant, tombe pour la totalité de la rémunération qu'il promérite de la société sous l'article 32 nouveau. Par contre, s'il est administrateur et directeur commercial salarié, son revenu sera réparti sous les articles 31 et 32.

Dans ce dernier cas, la difficulté pratique consistera à ventiler les avantages en nature entre les deux fonctions. On répondra, en premier lieu, que c'est à la société à se déterminer, le contrôleur appréciant ensuite. Il est vrai que cette question n'est pas seulement fiscale, mais se posera aussi pour établir le bilan social. Quoi qu'il en soit, le piège de l'assurance groupe payée à un administrateur encore en fonction au moment de sa mise à la pension comme salarié disparaît dorénavant puisque le principe d'attraction est supprimé à cet égard.

Conjoint aidant

L'attribution d'une quote-part des revenus professionnels au conjoint aidant d'un associé actif est également supprimée à partir de l'exercice d'imposition 1998. Il est vrai que la discussion n'a jamais été close sur le point de savoir si le conjoint aidant aidait l'autre conjoint ou la société du conjoint aidé. Dorénavant, la question est également tranchée légalement.

Par rapport à cette modification, trois réactions sont envisageables :

­ le conjoint aidant apportait une aide effective peu « consistante »; il passera au quotient conjugal;

­ son aide était réelle, mais relevait de l'exécution; il deviendra un salarié de la société, ne fût-ce qu'à temps partiel;

­ il était un véritable indépendant cotitulaire de la profession libérale ou du commerce exercé; il sera assujetti au statut social.

Ce point sera discuté ci-après dans le cadre des arrêtés relatifs au statut social des indépendants.

2. PLUS-VALUES IMMOBILIÈRES

Les biens immobiliers détenus par une personne physique se répartissent en trois catégories au regard de leur imposition sur la plus-value réalisée :

1º les biens composant le patrimoine privé dont la réalisation résulte d'un acte de gestion de bon père de famille;

2º les biens composant le patrimoine privé dont la réalisation résulte d'une spéculation en dehors toutefois de la sphère professionnelle;

3º les biens composant le patrimoine professionnel ou qui sont des immeubles-marchandises, pour lesquels la réalisation est constitutive de revenus professionnels.

Pour les biens composant le patrimoine privé, le principe restait la non-imposition, sauf lorsque :

1º le contribuable agit avec une intention spéculative;

2º l'acquisition et la revente d'un terrain se suivent à bref délai.

L'arrêté royal du 20 décembre 1996 a pour objet d'imposer, à côté des plus-values sur terrain, les plus-values sur les biens immeubles bâtis.

Venons-en maintenant à la description du nouveau 10º, ajouté à l'article 90 du C.I.R. pour concrétiser cette extension de la matière imposable.

Biens concernés : les biens immeubles bâtis, à l'exclusion de la maison d'habitation au sens de l'article 16 du C.I.R. lorsque l'occupation à ce titre s'est étendue sur une période couvrant au moins la partie de l'année avant l'aliénation plus toute l'année antérieure.

Plus-values visées : les plus-values réalisées par un achat et une revente à bref délai. Pour les biens déjà bâtis, le délai à l'intérieur duquel il y a taxation est de cinq ans, date d'acte authentique à date d'acte authentique; à défaut d'un tel acte, on prend le jour de l'enregistrement de l'acte sous seing privé. S'il y a donation, celle-ci doit intervenir au plus tôt trois ans avant la revente. Pour les bâtiments neufs, le délai est en fait doublé (étant dix ans), soit cinq ans entre l'acquisition ou la donation et le début du chantier et encore cinq ans entre la première occupation ou location et la revente.

Calcul de la plus-value : c'est la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. Le prix de vente, c'est le prix payé par le nouvel acquéreur, avec comme minimum la valeur vénale, soustraction faite des frais supportés par le vendeur pour la réalisation du bien. Le prix d'achat, c'est le prix payé lors de l'acquisition initiale, majoré de :

­ l'éventuelle insuffisance déterminée par l'enregistrement;

­ les frais d'acquisition ou de mutation avec un minimum de 25 % à titre de forfait.

La somme ainsi obtenue étant revalorisée de 5 % par année entière de détention. De plus, les frais de travaux immobiliers effectués dans l'immeuble par un entrepreneur enregistré sont ajoutés au total obtenu suivant la méthode exposée ci-dessus. Quand le bâtiment est neuf, le « prix d'acquisition » est égal à la base de perception de la taxe, c'est-à-dire la valeur normale avec comme minimum le total des factures relatives à la construction du bien. Taux de l'impôt : 16,5 % + additionnels de crise et communaux.

3. REVENUS DÉFINITIVEMENT TAXÉS (R.D.T.)

L'arrêté royal du 20 décembre 1996 a été aussi mis à profit pour réécrire les articles 202 et 203 afin de rendre le régime des R.D.T. plus sévère quant aux critères d'exclusion du bénéfice de la déduction.

Il est utile de décrire ici la nouvelle structure légale.

L'article 202, § 2, nouveau, énonce la condition quantitative quant au niveau de la participation requise : 5 % ou 50 millions de francs. Ce texte consiste en la reprise du dispositif ancien inscrit à l'article 203, mais sans modification de fond.

L'article 203 a été entièrement réécrit et structuré en trois paragraphes :

­ le premier est relatif à la condition qualitative, étant l'exigence que le dividende distribué doit avoir été taxé = condition de taxation;

­ le deuxième paragraphe énumère les atténuations à la rigueur de la condition de taxation;

­ le troisième paragraphe organise et limite la transparence relative à la distribution en plusieurs degrés des dividendes.

Reprenons l'examen du § 1er .

Les 1º à 4º concernent les sociétés dont les dividendes sont exclus de la déduction au titre de revenus déjà taxés :

­ le 1º concerne les sociétés établies dans les paradis fiscaux généralistes, appelés aussi « zero tax havens » ou « quasi zero tax havens » , c'est-à-dire les pays où il n'y a pas d'imposition des sociétés ou à un taux dérisoire. L'exclusion de la déduction au titre de R.D.T. est absolue;

­ le 2º concerne les sociétés établies dans les paradis fiscaux spécifiques, c'est-à-dire les sociétés situées dans un pays dont le régime d'imposition des sociétés est comparable au nôtre, mais qui bénéficient d'un régime exorbitant du droit commun, de telle sorte que l'impôt réellement payé est faible. Comme antérieurement, la disposition ne vise pas toutes les sociétés bénéficiant d'un régime exorbitant, mais se limite aux entreprises financières. Autrement dit, la déduction reste acquise pour les dividendes alloués par des sociétés bénéficiant d'un régime fiscal dérogatoire pour des raisons de reconversion économique, d'emploi, sociétés novatrices, etc.;

­ le 3º et le 4º concernent les paradis fiscaux territoriaux, c'est-à-dire les pays dont la législation prévoit un régime d'imposition qui exempte ou taxe faiblement les entreprises (établissements stables ou sociétés) pour les bénéfices d'activités « off shore », c'est-à-dire des activités réalisées en dehors du pays de l'établissement de l'entreprise.

Par ailleurs, le 5º concerne les holdings. Il faut que les dividendes perçus des filiales, sous-filiales, etc. proviennent à concurrence d'au moins 90 % de « bons » dividendes, c'est-à-dire des dividendes répondant aux conditions de taxation, sinon c'est la totalité du dividende encaissé par le holding qui devient non déductible au titre de R.D.T.

Le paragraphe 2 énonce les atténuations à la rigueur des règles prévues par le paragraphe 1er ; relevons que :

­ l'alinéa 1er maintient, comme auparavant, le bénéfice du régime R.D.T., de manière inconditionnelle, pour les dividendes distribués par une intercommunale mixte à ses associés privés lorsque l'intercommunale est régie par la loi du 22 décembre 1986;

­ l'alinéa 2 résulte d'une négociation avec les autorités irlandaises afin d'éviter la « fat capitalisation ». En effet, en cas de surcapitalisation, les sociétés de financement distribuent inévitablement à la société-mère des dividendes importants puisqu'elles ont peu de charges financières; on limite dorénavant fiscalement pour le calcul des R.D.T. ce capital à un tiers du total formé par les fonds propres et les fonds empruntés;

­ l'alinéa 4 considère que sont réputés répondre à la condition de taxation les dividendes alloués par les sociétés dont les titres sont cotés en bourse dans un pays de l'Union européenne ou à une bourse étrangère suivant des conditions de cotation aussi contraignantes que celles imposées par la directive du Conseil des Communautés de 1979.

Le paragraphe 3 arrête la transparence, en matière de R.D.T., en cas de distribution en cascade dès que le dividende provient ou transite par une société qui n'est pas assujettie à l'impôt belge des sociétés ou à un impôt analogue étranger ou par une société qui bénéficie d'un régime fiscal exorbitant de droit commun pour des activités financières.

II. DISCUSSION GÉNÉRALE

Un commissaire émet une série d'objections relatives à la technique des arrêtés royaux numérotés. Dans cet ordre d'idées, il attire l'attention sur le principe juridique de bonne administration. Selon ce principe, chaque citoyen doit pouvoir faire clairement la distinction entre un arrêté royal ordinaire et un arrêté royal ayant force de loi.

La différence entre ces deux types d'arrêtés n'apparaît pas du tout clairement en ce qui concerne les arrêtés pris en application de la loi du 26 juillet 1996 visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l'Union monétaire européenne et la loi du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions. Dès lors, l'intervenant regrette que le Gouvernement n'ait pas donné suite aux remarques du Conseil d'État en la matière, qui lui demandait de faire la clarté.

Néanmoins, l'intervenant affirme qu'il se fait peu d'illusions concernant les priorités du Gouvernement : l'intérêt du citoyen n'en fait certainement pas partie.


Concernant les mesures relatives aux entreprises, un autre membre indique que l'arrêté poursuit les objectifs suivants :

­ préciser les conditions d'application du régime des revenus définitivement taxés;

­ uniformiser le régime d'imposition des sociétés de capitaux et des sociétés de personnes;

­ modifier les règles relatives à la sous-capitalisation des sociétés en taxant différemment les intérêts;

­ apporter une clarification au régime de la taxation étalée des plus-values;

­ supprimer certaines déductions en cas de prise de contrôle ou de modification importante du contrôle d'une société;

­ uniformiser le régime d'imposition des revenus résultant pour les personnes physiques d'un mandat d'administrateur ou de gérant d'une société.

Premièrement, il s'agit une fois de plus de mesures qui remettent sur le métier des décisions qui ont déjà été modifiées plusieurs fois au cours des dix dernières années.

Il s'agit d'une révision systématique tous les six mois d'un certain nombre de mesures comme les revenus définitivement taxés. Depuis 1988, combien de fois les R.D.T. ont-ils fait l'objet d'une nouvelle mesure, de sorte que ce sont plutôt des revenus non définitivement taxés ?

Toutes ces modifications sont encore une fois des remises en question de systèmes que le ministre a déjà modifiés plusieurs fois depuis 1988. Le ministre peut-il dire combien de fois ces mesures ont déjà été modifiées ?

En ce qui concerne le nombre des modifications qui ont été apportées après la loi de réforme du 7 décembre 1988 concernant les mesures relatives aux entreprises, contenues dans l'arrêté royal du 20 décembre 1996, le ministre donne les chiffres suivants :

Avant la coordination
du C.I.R. 1992
par l'arrêté royal
du 10.4.1992
­
Vóór de coordinatie
van het WIB 1992
door het koninklijk besluit
van 10.4.1992
Après la coordination
du C.I.R. 1992
par l'arrêté royal
du 10.4.1992
­
Na de coördinatie
van het WIB 1992
door het koninklijk besluit
van 10.4.1992
Nombre total
de modifications
­
Totaal aantal
wijzigingen
1. Régime des revenus définitivement taxés (art. 202 et 203 C.I.R. 1992). ­ Regeling van de definitief belaste inkomsten (art. 202 en 203 WIB 1992) ­ art. 275 à/tot 277,
L./W. 22.12.1989
­ art. 20, L./W. 20.7.1990
­ art. 1er , L./W. 23.10.1991
­ art. 19, L./W. 28.7.1992
­ art. 9, L./W. 28.12.1992
­ art. 100, L./W. 21.12.1994
­ art. 3, L./W. 22.3.1995
­ art. 160, L./W. 6.4.1995
­ art. 25 et/en 26,
A.R./K.B. 20.12.1996
9
2. Définitions des sociétés ­ classification (art. 2, § 2 et 227, 2º, C.I.R. 1992). ­ Definities van de vennootschappen ­ classificatie (art. 2, § 2, en 227, 2º, WIB 1992) ­ art. 268, 309 et/en 314,
L./W. 22.12.1989
­ art. 1er , L./W. 6.7.1994
­ art. 1er et/en 35,
A.R./K.B. 20.12.1996
3
3. Sous-capitalisation des sociétés (art. 18 et 198, C.I.R. 1992). ­ Onderkapitalisatie van de vennootschappen (art. 18 en 198, WIB 1992) ­ art. 254, L./W.
22.12.1989
­ art. 1er , L./W. 28.7.1992
­ art. 11, L./W. 20.12.1995
­ art. 3 et/en 24,
A.R./K.B. 20.12.1996
4
4. Taxation étalée (art. 47, C.I.R. 1992). ­ Gespreide belasting (art. 47, WIB 1992) ­ art. 258, L./W.
22.12.1989
­ art. 8,
A.R./K.B. 20.12.1996
2
5. Limitation de certaines déductions (art. 207, C.I.R. 1992). ­ Beperking van bepaalde aftrekken (art. 207, WIB 1992) ­ art. 29,
A.R./K.B. 20.12.1996
1
6. Rémunération des dirigeants d'entreprises (art. 30, 32, 33, C.I.R. 1992). ­ Vergoeding van bestuurders en zaakvoerders van een vennootschap (art. 30, 32, 33, WIB 1992) ­ art. 257, L./W.
22.12.1989
­ art. 16, L./W. 20.7.1990
­ art. 4 et/en 5, L./W. 28.7.1992
­ art. 4, 5 et/en 6,
A.R./K.B. 20.12.1996
4
7. Élargissement de l'assiette à l'impôt des personnes morales (art. 222, C.I.R. 1992). ­ Verruiming van de aanslagbasis van de rechtspersonenbelasting (art. 222, WIB 1992) ­ art. 31,
A.R./K.B. 20.12.1996
1

Concernant l'élargissement de l'assiette de l'impôt des personnes morales en ce qui concerne les contribuables visés à l'article 180 du C.I.R. 92, en soumettant certaines de leurs dépenses à une cotisation spéciale de 39 %, déjà appliquée sur les cotisations patronales d'assurance complémentaire, ne respectant pas les conditions de l'article 59 du C.I.R. 92, un membre estime qu'avec l'intégration européenne, on arrivera de plus en plus à des évasions fiscales autorisées. Par exemple, une cotisation de 39 % sur les voitures de sociétés mises à la disposition des cadres est abusive.

Une autre mesure prise par le Gouvernement est la non-indexation des barèmes fiscaux. Ceci est la mesure la plus injuste qui soit parce qu'elle s'applique, à l'exception du minimum de base exonéré, à toutes les tranches. Depuis 1964 jusqu'en 1989, on a continuellement relevé le montant exonéré. On n'arrive plus à le faire pour les revenus relativement modestes. Le résultat est que nous avons une situation impossible du point de vue de la sécurité sociale, mais également du point de vue de la taxation. Les revenus bas donnent lieu à des perceptions abusives, ce qui a pour conséquence que les personnes concernées ne se présentent pas comme demandeurs d'emploi ou font en sorte de ne pas être retenues. Elles préfèrent de loin ne pas faire un travail lourd et pénible, alors qu'elles gagnent presque la même chose que ce qu'elles touchent comme indemnité de chômage.


Un autre commissaire souhaite poser des questions concernant les mesures relatives au secret bancaire et à l'obligation de mentionner l'existence de comptes à l'étranger. La déclaration des revenus à l'impôt des personnes physiques a été complétée par une nouvelle rubrique dans laquelle le contribuable devra mentionner l'existence de comptes auprès d'institutions financières à l'étranger.

Le commissaire affirme qu'il est tout à fait d'accord sur l'obligation de déclarer, mais il plaide pour que l'on donne au contribuable une chance unique de se mettre en règle. En effet, l'on peut également rendre l'administration des Finances responsable de la situation actuelle, vu la politique de tolérance qu'elle a menée jusqu'il y a quelques années.

Avant d'infliger des sanctions sévères à titre de poursuites pour faux en écritures, il faut donner aujourd'hui aux contribuables la possibilité de déclarer régulièrement ces comptes étrangers pour le prochain exercice d'imposition, sans qu'ils n'encourent aucune sanction administrative ou pénale.

Le commissaire souligne qu'il n'y a pas quelques dizaines de milliers, mais plus d'un demi-million de Belges qui possèdent un compte à l'étranger. Selon certaines sources, les contribuables belges auraient ouvert plus de deux millions de comptes à l'étranger. Certaines études font apparaître qu'environ 20 % du patrimoine financier des Belges se trouve à l'étranger. Par conséquent, bon nombre de Belges,

plus d'un demi-million, sont confrontés au problème. Il serait équitable de leur donner la possibilité de régulariser leur situation avant d'imposer cette obligation totalement nouvelle aux justiciables.

L'intervenant renvoie à cet égard à la proposition de loi visant à renforcer l'économie belge et à réduire la dette publique (doc. Sénat, nº 1-547/1). Certains affirment que le moment est mal choisi pour déposer une telle proposition, mais elle colle parfaitement à l'actualité étant donné que le projet de loi à l'examen prévoit précisément l'obligation de déclarer les comptes à l'étranger.

Pour ce qui est des comptes à l'étranger, le ministre souligne que la déclaration des revenus de ces comptes a toujours été une obligation. Ce qui est nouveau est l'obligation de déclarer l'existence d'un compte. Les contribuables qui ont toujours respecté la loi n'auront aucune difficulté avec cette nouvelle obligation.

Un autre membre de la commission fait également quelques remarques au sujet du secret bancaire et de la déclaration de l'existence de comptes à l'étranger. Au lieu de créer la sécurité, le Gouvernement crée plus d'insécurité en imposant une nouvelle rubrique dans la déclaration des revenus à l'impôt des personnes physiques, par laquelle le contribuable devra mentionner l'existence de comptes auprès d'intermédiaires financiers à l'étranger et le ou les pays où ces comptes sont ouverts. Personne ne croit en cette mesure. Les conseillers fiscaux conseilleront de passer à côté de cette obligation.

De toute façon, il est frappant de constater que, dès à présent, les déclarations sont en retard. Théoriquement, le ministre ne peut pas envoyer les déclarations d'impôt avant la confirmation de cette disposition par le Sénat. Aussi longtemps que le Sénat ne s'est pas prononcé, cette rubrique n'est pas valable.

Le contribuable peut renvoyer avant le 10 juin sa déclaration en précisant qu'il refuse de répondre à la question de l'existence de comptes auprès d'intermédiaires financiers à l'étranger, étant donné que l'évocation du projet de loi par le Sénat suspend l'exécution de la mesure. Les tribunaux lui donneront raison étant donné que le contribuable est de bonne foi.

Le ministre conteste cette thèse. Le droit en vigueur est celui qui a été fixé par les arrêtés royaux qui sont soumis actuellement à confirmation.


Selon un autre membre, il s'est également produit un fait nouveau. C'est la condamnation de l'État belge en raison des modifications qu'il a apportées au régime de faveur en matière de taxation des sociétés de reconversion.

Le contribuable aurait le droit de contester ces modifications devant les tribunaux et réclamer le maintien de l'avantage initial sur la base de la législation qui le lui avait accordé. La différence pourrait alors faire l'objet d'une indemnisation à charge de l'État belge.

C'est pourquoi le Gouvernement devra être attentif à ne pas changer sans cesse la législation, remettant perpétuellement en cause les avantages fiscaux qu'il a concédés.

Le ministre déclare que le projet d'arrêté initialement prévu a été repris dans un même document avec le projet de loi qui réglait la phase juridictionnelle du contentieux fiscal.

Dans un premier temps, on avait en effet envisagé de régler par arrêté royal la phase administrative du contentieux fiscal et par une loi la phase judiciaire, mais le Conseil d'État a estimé que ces deux phases étaient trop liées pour les traiter séparément et qu'il fallait en faire un seul projet de loi.

Ce projet a dû cependant lui-même être scindé, les mesures relevant du bicaméralisme optionnel (article 78 de la Constitution) composant un premier projet et le deuxième projet reprenant les dispositions bicamérales pures (article 77).

À la suite de l'explication donnée par le ministre, l'intervenant estime qu'il était effectivement sage d'avoir réuni les dispositions concernant la procédure fiscale en un seul document.

Un membre précise que les arrêtés royaux donnant lieu à discussion sont ceux visés à l'article 2, 2º, 4º et 5º, concernant, respectivement, la taxe sur la livraison matérielle d'effets au porteur, la cession d'un fonds de commerce et la patente.

À l'article 2, 5º, l'arrêté royal a apporté des modifications fondamentales à la taxe de patente, qui est due lorsqu'on sert des boissons spiritueuses dans un débit de boissons. Or, dans le rapport au Roi, on ne trouve rien qui permette de définir clairement ces mesures, ce qu'il déplore fortement.

Concernant l'article 2, 1º, l'intervenant cite ensuite un extrait d'un article paru dans le Trends Tendances du 8 mai 1997 :

« Il en va de même en ce qui concerne le principe dit « d'attraction ». Tout ce qu'un administrateur reçoit de sa société est jusqu'à présent, en principe, imposé en tant que rémunération d'administrateur. La qualification de rémunération d'administrateur absorbe pour ainsi dire toutes les autres qualifications. C'est ce qu'on appelle le « principe d'attraction. »

Ce principe serait cependant abrogé par l'arrêté pris en vertu des pouvoirs spéciaux du 20 décembre. Ceci constituerait en principe une bonne nouvelle. Mais une fois de plus, on ne retrouve pratiquement pas de trace de cette abrogation dans l'arrêté pris en vertu des pouvoirs spéciaux. Il faut apparemment être capable de flairer tout cela entre les lignes, en faisant preuve d'un « nez fiscal ».

Quant à la cession des fonds de commerce, quelle forme législative ou réglementaire les nouvelles mesures que le ministre a annoncées et qui préciseront l'arrêté dont la confirmation est contenue dans le projet de loi soumis à discussion, adopteront-elles ?

En ce qui concerne la taxe sur les livraisons de titres au porteur, l'intervenant constate qu'ayant souscrit personnellement de tels titres en septembre dernier, titres dont la livraison ne s'est effectuée que tout récemment, il n'a, en effet, pas dû acquitter le montant de cette nouvelle taxe.

Le ministre souligne d'abord que le jugement auquel il a été fait référence est un jugement avant dire droit. Le principe posé en filigrane de ce jugement est un principe révolutionnaire. Le ministre souligne qu'il est tout à fait partisan de conférer à la Cour d'arbitrage la compétence de vérifier la constitutionnalité des lois mais, jusqu'à présent, cette proposition n'a pas encore recueilli une majorité au sein du Parlement. Le jugement en question pourrait cependant préfigurer une décision plus radicale que la vérification constitutionnelle et étendre le contrôle judiciaire aux principes généraux du droit. Notre pays connaît le principe de la séparation des pouvoirs, et, jusqu'à présent, c'est toujours le législateur qui a le dernier mot. Le ministre préfère s'en tenir à cette séparation des pouvoirs.

En ce qui concerne le droit de patente, le ministre déclare que la mesure prise ne fait que légaliser la pratique actuelle. Certains devront payer plus et d'autres moins. Ceux qui vont devoir payer moins, seront plus nombreux que ceux qui doivent payer plus. Globalement, cette opération se traduit par une réduction des recettes de l'État à concurrence de 300 millions. Le rendement actuel de la taxe de patente est de 597 millions en 1995 et de 573 millions en 1996. L'impact budgétaire de la diminution du taux de 25 % à 10 % et la suppression des limites (minimales et maximales) a été évalué (en octobre 1996) aux 300 millions dont question ci-avant. Cette évaluation s'est effectivement concrétisée dans les faits : la taxe de patente est payable en principe durant le mois de janvier, l'essentiel de la recette a déjà été perçu, seule la taxe due pour les nouvelles ouvertures de débit de boissons et les dossiers en litige devra encore être mise en recette.

Le ministre répond ensuite à la question relative aux effets dématérialisés. La taxe sur la livraison d'effets au porteur est due seulement à partir du 1er janvier 1997 pour les effets qui ont été souscrits et livrés à partir de cette date. Le ministre se réfère au rapport au Roi.

Pour ce qui est de la décision judiciaire que le ministre qualifie de révolutionnaire, un commissaire est d'avis que la conclusion à laquelle le tribunal est parvenu n'a rien pour étonner. Dès lors que le Gouvernement persiste à déposer sans cesse des projets de loi contraires à la Constitution et que la majorité au Parlement les adopte sans plus, il fallait s'attendre à une réaction de la part du pouvoir judiciaire.

Le ministre réplique que c'est le Parlement qui a toujours le dernier mot.

L'intervenant déclare que cet argument ne tient pas, puisque le Gouvernement même a mis le Parlement hors-jeu en demandant les pouvoirs spéciaux.

Le ministre souligne ensuite que la décision judiciaire en question n'a aucun rapport avec les pouvoirs spéciaux.

Selon un autre membre, si l'État belge veut maintenir la confiance dans l'équité et dans l'intérêt du pays, ce jugement peut être considéré comme une sonnette d'alarme pour le législateur.


Un autre commissaire évoque le problème de l'extension de la taxation existante des plus-values sur terrains aux immeubles bâtis.

Les biens immobiliers détenus par une personne physique se répartissent en trois catégories au regard de leur imposition sur la plus-value réalisée :

1º les biens composant le patrimoine privé dont la réalisation résulte d'un acte de gestion de bon père de famille;

2º les biens composant le patrimoine privé dont la réalisation résulte d'une spéculation en dehors toutefois de la sphère professionnelle;

3º les biens composant le patrimoine professionnel ou qui sont des immeubles-marchandises pour lesquels la réalisation est constitutive de revenus professionnels.

L'intervenant pense que la distinction qui est faite entre la première et la deuxième catégorie peut donner lieu à des contestations. Il cite l'exemple d'un ménage qui, confronté à certaines difficultés, est contraint de mettre en vente une maison qu'il avait acquise moins de cinq années auparavant.

Il peut en effet arriver qu'un contribuable se voie contraint de vendre un logement dont il avait fait récemment l'acquisition, soit parce qu'il se trouve confronté à des difficultés financières, soit parce qu'il est obligé de déménager pour des raisons professionnelles.

S'il réalise une plus-value à la vente, celle-ci sera imposée comme s'il s'agissait d'une vente spéculative alors que ce n'est pas du tout le cas. Le contribuable, qui est de bonne foi en l'occurrence, ne dispose d'aucun recours vis-à-vis de l'administration, qui considérera que le bien vendu appartient à la deuxième catégorie.

L'intervenant est d'avis que le contribuable devrait au moins avoir la possibilité d'apporter la preuve de sa bonne foi.

Le ministre explique que la question ne se pose pas pour les biens immeubles qui constituent l'habitation du contribuable au sens de l'article 16 du C.I.R., ni pour les biens qui sont vendus en dehors du délai de cinq ans après l'acquisition du bien.

De plus, très souvent, la différence entre le prix de vente et le prix d'achat est minime en tout cas au-delà des coefficients de revalorisation prévus pour la nouvelle disposition, de telle sorte que la taxation de la plus-value sera faible, voire même inexistante.

Pour ce qui est de la possibilité pour le contribuable d'introduire un recours contre une décision de l'administration, le ministre accorde la préférence à une règle simple : si le bien en question est vendu dans un délai de cinq ans à partir de son acquisition, la plus-value réalisée sur la vente est en principe imposée comme si le bien appartenait à la première catégorie (excepté dans les cas où le contribuable spécule dans le secteur privé). Le principe de l'imposition suivant la première catégorie ne s'applique plus si le bien est vendu plus de cinq ans après son acquisition.

Un autre membre critique également cette modification apportée en matière de plus-values sur immeubles bâtis. En effet, le Gouvernement propose des modifications à petits pas, de sorte que le résultat est un système hybride dans lequel rien n'est plus clair.

Une deuxième critique concerne le système existant, qui est très rigide. Notre pays connaît déjà des droits d'enregistrement particulièrement élevés sur les cessions de biens immobiliers à titre onéreux. La mesure proposée par le Gouvernement va dès lors à l'encontre de ce qu'il fallait faire, puisque la mesure découragera la plupart des citoyens d'acheter des biens immobiliers.

Un autre intervenant souligne lui aussi les conséquences néfastes de la mesure. Logiquement, la mesure projetée par le Gouvernement aurait comme premier effet de reporter les ventes de biens immobiliers jusqu'après l'écoulement du délai de cinq ans. Le membre se demande dès lors quel avantage économique le Gouvernement espère tirer du report de transactions immobilières.

Le ministre déclare qu'il y a lieu de relativer le nombre des cas qui feront l'objet de la taxation des plus-values réalisées. Il fait également observer que les pertes seront déductibles en application du nouvel article 103, § 3, du C.I.R.

S'il s'agit effectivement de si peu de cas, le commissaire se demande pourquoi le Gouvernement a introduit cette mesure. Le produit escompté doit être quasiment nul.

Il conclut que les diverses mesures fiscales proposées impliquent en fait toujours un accroissement de la pression fiscale. De telles mesures ne sont certainement pas de nature à revitaliser l'économie, elles mettent plutôt les initiatives sous l'éteignoir, alors que notre pays a précisément besoin d'un développement de celles-ci.

L'intervenant regrette de devoir constater que le projet de loi en discussion paralysera encore davantage l'économie, au lieu de lui donner un nouvel élan afin d'engager simultanément la lutte contre le chômage. Il est vrai que le Gouvernement répète inlassablement qu'il se préoccupe au plus haut point du chômage, mais, en réalité, il fait exactement le contraire de ce qu'il faudrait pour s'attaquer au chômage.

Les mesures relatives à l'impôt sur la plus-value réalisée sur les immeubles bâtis auront également pour effet de pénaliser le secteur de la construction, alors que c'est là un des principaux secteurs de la vie économique. Les constructions nouvelles sont découragées, puisque l'on optera plutôt pour l'achat d'une maison existante, ce qui aboutira à un vieillissement du parc immobilier. Cette approche va, elle aussi, à l'encontre de l'objectif du Gouvernement. Quelle utilité économique celui-ci poursuit-il en prenant de telles mesures ?

Le ministre répond d'abord à un intervenant précédent qu'en ce qui concerne l'impôt sur les plus-values immobilières, les mesures sont prises dans un souci d'équité : ceux qui ont les moyens de faire des transactions immobilières et de réaliser des plus-values importantes doivent contribuer de manière plus importante.

Le ministre ne voit pas par ailleurs comment cette mesure peut avoir une influence sur le secteur de la construction. Au contraire, ce secteur se porte bien et toutes les indications montrent que cette tendance se maintient. Il donne le tableau suivant qui confirme cette affirmation :

Activités secteur de la construction

Estimations (1996) et prévisions (1997)

1996 (Est. ­ Scha. ) 1997 (Pré. ­ Voor. )
Bâtiments commencés : ­ Begonnen gebouwen :
Logements (nombre). ­ Woningbouw (aantal) 42 000 45 500
Non résidentiel (1 000 m3 ). ­ Niet-woningbouw (1 000 m 3 ) 35 000 37 000
Transformations commencées : ­ Begonnen verbouwingen :
Logements (nombre). ­ Woningbouw (aantal) 20 000 21 000
Non résidentiel (nombre). ­ Niet-woningbouw (aantal) 4 600 5 000

Formation brute de capital fixe
en travaux de construction

En millions de francs, hors droits d'enregistrement
et frais d'acte

1994 1995 1996 (Est. ­ Scha. ) 1997 (Pré. ­ Voor. )
À prix courants : ­ Lopende prijzen :
Logement. ­ Woningbouw 353 721 372 918 379 665 393 890
Non résidentiel. ­ Niet-woningbouw 294 158 301 306 318 123 333 200
Génie civil. ­ Burgerlijke bouwkunde 116 869 113 818 117 000 119 000
Construction. ­ Bouw 764 748 778 042 814 788 846 090
À prix constants de 1990 : ­ Lopende prijzen 1990 :
Logement. ­ Woningbouw 314 361 324 502 324 500 331 000
Non résidentiel. ­ Niet-woningbouw 270 650 269 398 271 900 280 000
Génie civil. ­ Burgerlijke bouwkunde 107 471 102 483 100 000 100 000
Construction. ­ Bouw 692 482 696 383 696 400 711 000
Variations annuelles en volume (prix de 1990) : ­ Jaarvariaties in volume (prijzen 1990) :
Logement. ­ Woningbouw 5,7 3,2 0,0 2,0
Non résidentiel. ­ Niet-woningbouw -4,6 -0,5 0,9 3,0
Génie civil. ­ Burgerlijke bouwkunde 2,0 -4,6 -2,4 0,0
Construction. ­ Bouw 0,9 0,6 0,0 2,1

Sources : Institut des Comptes nationaux, estimations et prévisions Confédération nationale de la Construction.

Le commissaire reste persuadé que l'alourdissement de la fiscalité sur les biens immobiliers aura logiquement un effet négatif sur le secteur de la construction. En outre, les mesures prises empêchent de vendre une maison pendant la période de cinq ans qui suit son acquisition.

Le ministre n'est pas d'accord. Aucune disposition de la loi n'interdit la vente dans les cinq ans qui suivent l'achat. Seulement, en cas de vente durant cette période, les plus-values réalisées sont imposées pour des raisons d'équité.

Selon l'intervenant, la personne qui gagne un peu plus qu'une autre doit quand même avoir la possibilité de dépenser utilement son argent et elle ne peut pas être pénalisée pour toute activité qu'elle souhaite déployer. C'est également une question d'équité.

Un autre membre voit encore un certain nombre de grands problèmes pour les dispositions relatives à la taxation des revenus immobiliers.

Il est un fait que ni les propriétaires d'immeubles, ni les locataires, ni l'administration, ni le pouvoir politique n'ont envie de procéder à la péréquation cadastrale qui devrait être réalisée depuis 1985.

En plus, le Gouvernement propose de porter de 25 % à 40 % la majoration s'appliquant aux immeubles bâtis donnés en location, mais exclusivement dans la mesure où le locataire est une personne physique qui ne les affecte, ni totalement, ni partiellement, à l'exercice de son activité professionnelle.

Dans ce domaine, le Gouvernement prend à nouveau une mesure temporaire qui s'ajoute à l'indexation annuelle des revenus cadastraux depuis 1991. Cette mesure est en pratique déjà source de conflits majeurs lorsqu'un particulier qui a convenu dans son bail de ne pas exercer des activités professionnelles, utilise cependant le bien loué à des fins professionnelles ce qui provoque la taxation du propriétaire sur la base du revenu locatif réel.

Pourquoi l'administration n'est-elle pas capable de passer à un système de taxation sur la base des revenus réels, assorti de toutes les déductions des dépenses réelles ? Premièrement, l'administration a intérêt à aller dans cette direction parce que cela crée une opposition d'intérêts entre ceux qui font les factures dans le domaine de l'immobilier et ceux qui prétendent les opposer à l'administration. Deuxièmement, au lieu de s'en éloigner de plus en plus, on se rapprocherait de la valeur réelle des revenus locatifs. Enfin, les propriétaires d'immeubles sont ceux qui ont le plus fait confiance à l'investissement en Belgique. À nouveau, en pratique, ils se voient lourdement frappés fiscalement.

Le cumul total des indexations est de 20 %, ce qui, en soi, n'est pas si grave. Mais en ajoutant la majoration de 40 % au revenu cadastral, il est évident que le Gouvernement rend de plus en plus difficile le rétablissement d'une certaine équité dans le chef des propriétaires, surtout pour ceux qui ont des propriétés dans les vieux centres urbains de Wallonie (Liège, Charleroi, Mons, La Louvière, ...) ou dans les vieux quartiers de Bruxelles. En réalité, dans certains quartiers, on se trouve confronté à des ruines qui n'ont strictement plus rien à voir avec un revenu cadastral porté à 140 % plus l'indexation. Il n'existe pas de procédures correctes pour porter remède à cette situation. Que peut-on faire pour rétablir l'équité en cette matière ?

D'autant plus que ce sont ces mêmes ruines qui sont aussi souvent frappées par les taxes communales sur bâtiments laissés à l'abandon, ce qui fait que s'instaure une situation véritablement confiscatoire en l'espèce.

Après la révision cadastrale de 1979, on a dû réouvrir en 1980 les délais de réclamation pour une année, de façon à permettre à l'immense majorité des propriétaires de contester le montant du revenu cadastral qui leur avait été notifié.

Le membre conclut que cela vaut la peine d'entreprendre les opérations préparatoires à la péréquation.

Le ministre est convaincu qu'on ne peut pas aller beaucoup plus loin dans la voie suivie par le présent projet, notamment en ce qui concerne la majoration du coefficient appliqué au revenu cadastral. Aussi longtemps qu'on était certain que cette majoration n'aboutissait dans aucun cas à calculer l'impôt sur le revenu présumé qui serait supérieur à la réalité, la majoration se justifiait. Toutefois, il y a des limites, parce que l'évolution des revenus locatifs a été très variable suivant les lieux.

Une évolution forfaitaire, comme celle qui résulte de la majoration du coefficient, n'est pas adéquate à long terme. Il faut trouver une autre solution, peut-être en procédant à une péréquation cadastrale. Il faut cependant se rendre compte qu'une péréquation est assez coûteuse et le ministre du Budget a souligné qu'il faut respecter la discipline budgétaire. Les coûts de la péréquation sont à charge du budget de l'État fédéral, tandis que c'est surtout les budgets régionaux et communaux qui récolteront les résultats de l'opération. Le ministre se réfère au rapport du Conseil supérieur des Finances lorsqu'il estime qu'en toute hypothèse, il faudra procéder à la péréquation des revenus cadastraux.

Une autre approche est la taxation des revenus locatifs réels nets. Sur le plan des principes, ceci est le système le plus juste. La difficulté est qu'il faut connaître les loyers effectivement payés, ce qui est un des arguments de ceux qui sont opposés à cette formule, mais cet obstacle n'est pas insurmontable.

Dans d'autres pays, par exemple en France, le système de taxation des revenus locatifs réels est déjà appliqué. Il est un fait qu'en France, l'administration fiscale dispose de moyens d'investigations qui n'ont pas leur équivalent en Belgique. Il faut être conscient qu'aller dans cette voie implique que l'on donne des pouvoirs d'investigations plus importants à l'administration fiscale.

Le membre estime que, outre la composante « loyer », il y a également la composante « charges ».

Le ministre explique que, pour prouver l'existence de charges, le système amène incontestablement à produire des factures sur lesquelles la T.V.A. a été payée. N'empêche que pour que le système soit juste, ce qui est l'objectif, il faudra connaître le montant des loyers effectivement payés. On peut envisager diverses formules tel que l'enregistrement obligatoire des baux.

Le membre ajoute que pour faire état d'une date certaine, il faut que le bail soit enregistré. La loi peut être modifié en exigeant qu'on ne peut pas faire état en justice du montant du loyer si le bail n'a pas été enregistré. Les propriétaires consciencieux procèdent déjà actuellement à l'enregistrement des baux. Tout autant que la date certaine, le montant certain peut donc aussi faire l'objet d'une condition d'enregistrement. Le coût de l'enregistrement ne peut être un obstacle à cette obligation puisque les frais d'enregistrement se limitent à 1 000 francs de droit fixe, majorés de 200 francs de frais de timbre.

Le ministre partage l'opinion du membre.

Le membre se demande quelle procédure peut utiliser un propriétaire qui se sent manifestement frustré et volé par une disposition comme celle que le Gouvernement demande de confirmer pour contester un revenu cadastral de 140 %, majoré de l'indexation, alors que son patrimoine est en ruine et qu'il n'a pas la possibilité de le remettre en état.

Dans certaines régions, s'y ajoute la taxation des immeubles inoccupés. Le précompte immobilier n'est plus susceptible d'être remis ou modéré proportionnellement.

Le ministre explique que, si le bâtiment est en ruine, le propriétaire peut demander une réévaluation de son revenu cadastral. Il explique ensuite la procédure à suivre. Soit, le propriétaire lui adresse une lettre afin de demander de procéder à une réévaluation du revenu cadastral, ou bien il s'adresse directement au contrôle du cadastre compétent pour demander le formulaire ad hoc imprimé (nº 43B).

La réévaluation peut jouer à la hausse ou à la baisse; dans ce dernier cas, lorsque le bâtiment est physiquement modifié ou tombe en ruine. L'administration procédera alors à la notification d'un nouveau revenu cadastral. Au cas où le bâtiment est devenu une ruine, seul le terrain est cadastré pour le revenu qui lui est attribué.

Le membre donne l'exemple d'un propriétaire qui possède dans une rue d'un vieux quartier de Bruxelles la seule maison encore occupée, les autres maisons étant toutes abandonnées, par exemple à cause de la spéculation d'un promoteur. Le propriétaire n'a donc pas la possibilité de louer son bien à un prix convenable. Comment peut-il obtenir une révision du revenu cadastral ?

Le ministre explique que, dans ce cas, ce propriétaire doit lui écrire en demandant une révision spéciale. La révision spéciale doit nettement être distinguée de la révision extraordinaire.

Le ministre se réfère aux articles 488 à 490 du C.I.R. En dehors des péréquations générales, il peut être procédé, dans une commune ou une division cadastrale de commune, à une révision extraordinaire des revenus cadastraux des immeubles bâtis et non bâtis ou de l'une de ces catégories seulement, lorsque des fluctuations importantes de la valeur locative des immeubles le justifient.

La révision extraordinaire peut être ordonnée d'office par le ministre des Finances. Elle doit l'être si la demande motivée en est faite par le bourgmestre de la commune ou par un groupe de contribuables possédant au moins 1/10e du nombre total des parcelles de la ou des catégories visées dans la demande, situées dans la commune ou division cadastrale de commune.

En dehors des péréquations cadastrales, le ministre des Finances peut également, à la demande d'un contribuable, ordonner la révision spéciale du revenu cadastral d'un immeuble bâti. Cette révision a lieu lorsque, par suite de circonstances nouvelles et permanentes créées par une force majeure, par des travaux ou mesures ordonnées par une autorité publique ou par le fait de tiers, en dehors de toute modification à l'immeuble, il existe entre le revenu cadastral et la valeur locative normale nette, telle qu'elle aurait été établie si les circonstances précitées avaient existé à l'époque où il a été établi, une différence, en plus ou en moins, de 15 % au minimum.

La différence de 15 % qui doit exister entre le revenu cadastral et la valeur locative normale nette se calcule différemment pour la révision extraordinaire et pour la révision spéciale. Pour la révision extraordinaire, la différence de 15 % se situe entre la valeur actuelle et la valeur estimée ­ ce qui est très facile à atteindre. En ce qui concerne la révision spéciale, l'écart de 15 % est calculé sur la base de la valeur de 1975. Il faut, par rapport à la situation au 1er janvier 1975, une réduction sensible de la valeur locative du bien.

Exemple : un dancing qui s'installe dans un quartier résidentiel. Un propriétaire, voisin du dancing, estime qu'il subit une perte de valeur locative importante de ce fait. C'est une demande de révision spéciale qu'il doit introduire. La requête doit être motivée et prouver l'écart de 15 % au moins en termes de valeur locative.

Le membre voudrait savoir combien de demandes de ce type ont été introduites sous la législature précédente.

Le ministre donne les statistiques annuelles concernant le nombre de demandes de révision, correction ou réévaluation du revenu cadastral de parcelles bâties :

Nombre de demandes

Année
­
Jaar
Révision
extraordinaire
­
Buitengewone
herziening
Révision
spéciale
­
Speciale
herziening
Correction
­
Verbetering
Réévaluation
à la hausse
ou à la baisse
­
Herschatting
(vermeerdering
of vermindering
1989 1 474 51 66 135
1990 ­ 55 96 68 746
1991 ­ 55 113 66 953
1992 1 45 124 64 635
1993 ­ 94 152 51 380
1994 2 189 160 63 286
1995 1 21 186 58 642
1996 1 26 194 en cours/nog bezig

En outre, il peut être précisé que les demandes ont été introduites par :

­ le plus généralement, l'autorité communale, et, dans un seul cas, par un groupe de contribuables, en ce qui concerne les révisions extraordinaires;

­ les contribuables en ce qui concerne les révisions spéciales;

­ les contribuables en ce qui concerne les corrections et les réévaluations du revenu cadastral ou les fonctionnaires du cadastre spontanément lorsqu'ils constatent qu'un revenu cadastral doit être corrigé ou réévalué.

Chaque demande est instruite selon les règles de procédure établies et donne lieu à une décision motivée prise par l'autorité compétente.

Le membre demande si le ministre ne peut pas imaginer une procédure simplifiée en matière de réévaluation du revenu cadastral.

En plus, vu que la préparation d'une péréquation cadastrale prend au moins trois ans, l'intervenant insiste pour que le Gouvernement prenne dès maintenant toutes les mesures utiles d'instaurer entre-temps une procédure spéciale de révision.

Le ministre déclare que, si le Gouvernement décide de procéder à une péréquation cadastrale, ce sont toutes les évaluations qui seront revues. Incidemment, le ministre relève que, si la principale objection contre la taxation des revenus réels est le fait que les loyers réels ne sont pas connus, une péréquation suppose également que le montant des loyers soit connu.

Le membre suggère que le Gouvernement commence par la première opération, à savoir l'obligation d'enregistrer les baux à loyer, pour que le montant du loyer soit également opposable aux tiers. Quelles sont les orientations du ministre pour la prochaine péréquation cadastrale ?

Le ministre explique qu'il souhaite mener une concertation avec les régions. On ne peut rien faire, dans ce domaine, sans concertation. L'avis du Conseil supérieur des Finances a été transmis à chaque région en leur demandant d'examiner la question. À ce jour, aucune réaction ne lui a encore été communiquée par les régions.

Le membre estime qu'on se trouve confronté à un problème particulièrement lourd qui résulte de ce que ceux qui ont des revenus non dissimulés en Belgique sont aussi ceux auxquels le Gouvernement impose les contraintes les plus sévères en matière de taxation. Dans l'exposé introductif, le ministre a déclaré que le gouvernement n'avait pris qu'une mesure de type linéaire, mais il faut constater que, dans le domaine des revenus immobiliers, le Gouvernement impose également une telle mesure.

Le ministre rétorque avoir déclaré que la seule mesure linéaire frappant les revenus du travail était la prolongation de la non-indexation des barèmes fiscaux.

Le membre est d'avis qu'indirectement, le revenu immobilier est un revenu du travail, puisqu'il est le fruit de l'épargne. En plus, le secteur de la construction est le secteur industriel qui incorpore le pourcentage le plus élevé d'utilisation de main-d'oeuvre, la rétribution de celle-ci générant des revenus professionnels.

III. DISCUSSION DES AMENDEMENTS

MM. Coene et Hatry déposent les amendements nºs 21 à 61 inclus, qui concernent l'article 2.

Amendement nº 21

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 2 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

Justification

À partir de l'exercice d'imposition 1995, le revenu cadastral imposable à l'impôt des personnes physiques augmente, en règle générale, de 25 %.

La majoration s'applique exclusivement aux contribuables assujettis à l'impôt des personnes physiques ou à l'impôt des non-résidents/personnes physiques.

La majoration s'applique aux immeubles non bâtis sis en Belgique qui ne sont pas donnés en location et qui en outre n'entrent pas en ligne de compte pour la déduction pour habitation ou qui sont donnés en location mais exclusivement dans la mesure où le locataire est une personne physique qui ne les affecte ni totalement ni partiellement à l'exercice de son activité professionnelle.

Le Gouvernement propose à présent de porter cette majoration de 25 à 40 %.

Illustrons, par un exemple, l'incidence de cette mesure :

1. un immeuble non loué qui ne sert pas d'habitation au contribuable;

2. ou un immeuble donné en location à une personne physique qui n'affecte le bien loué ni totalement ni partiellement à l'exercice de son activité professionnelle;

3. ou bien un immeuble donné en location à une personne morale qui n'est pas une société en vue de la sous-location du bien à une ou plusieurs personnes physiques aux fins exclusives d'habitation.

L'immeuble a un revenu cadastral de 80 000 francs.

Pour l'exercice d'imposition 1997, le coefficient d'indexation est de 1,1840.

Compte tenu du coefficient d'indexation 1997, le revenu cadastral imposable à l'impôt des personnes physiques doit être calculé comme suit :

80 000 × 1,1840 = 94 720, arrondi à 94 700.

94 700 + 40 % = 132 580.

Une personne physique dont le taux d'imposition moyen pour l'impôt des personnes physiques est de 40 %, paie donc 53 032 francs d'impôts (indexation + majoration de 40 %) sur ce bien immeuble, sans tenir compte du précompte immobilier.

Avant l'indexation, ce même contribuable payait 32 000 francs d'impôts et 47 350 francs d'impôts (indexation + majoration de 25 %) sur les revenus de 1996.

Inutile de préciser que cette mesure portera de nouveau un grave préjudice au secteur immobilier, qui subit déjà une crise profonde.

Cette majoration de 40 % des revenus cadastraux constitue une discrimination grave vis-à-vis des propriétaires de secondes résidences qui sont donc lésés par rapport aux investisseurs en valeurs mobilières.

Un commissaire relève encore que lors de la discussion générale, le ministre a affirmé avec une grande fermeté que le secteur de la construction se portait bien et que cette mesure n'aurait aucune influence néfaste sur l'activité économique et sur l'emploi dans ce secteur. Le membre conteste cette affirmation sur le fond : le secteur de la construction ne se porte pas bien du tout. Cette nouvelle mesure ne fera que détériorer la situation.

Les indicateurs pour l'ensemble de l'activité montrent que depuis 1992, l'activité du secteur de la construction n'a cessé de baisser. Au cours de la période 1992-1996, l'indice de la construction de l'Institut national de statistique a baissé, bien que la conjoncture, de même qu'un certain nombre de paramètres auxquels le secteur de la construction est très sensible, se soient améliorés après 1993.

L'évolution du nombre de permis de bâtir, tant sur le plan résidentiel que sur le plan non résidentiel, montre clairement une baisse systématique depuis 1992. En 1996, cette baisse cesse effectivement, sans que l'on puisse cependant parler d'une quelconque reprise de l'activité. Et il ne faudra pas non plus s'attendre à une reprise en 1997. (Cf. annexe 1.)

Les indicateurs de la Banque nationale les plus récents en matière de conjoncture confirment également la stagnation depuis le début de 1997 et indiquent même plutôt une tendance à la baisse. En ce qui concerne le nombre réel des bâtiments mis en chantier en 1997, on avance même le chiffre de -34,7 par rapport à l'année précédente. On peut difficilement parler d'une tendance à la hausse. Au contraire, tous les chiffres le confirment : le secteur de la construction ne se porte pas bien.

Les chiffres de l'emploi dans le secteur de la construction, qui est quand même celui de la main-d'oeuvre par excellence, viennent étayer cette thèse. Depuis 1992, l'emploi a reculé de plus de 17 000 unités. (Cf. annexe 2.)

La corrélation entre les taux hypothécaires et les permis de bâtir est peut-être l'indicateur le plus rationnel et le plus éloquent de la rupture de tendance fondamentale qui affecte le secteur de la construction.

Un graphique montrant l'évolution des taux hypothécaires et des permis de bâtir à partir des années 70 (cf. annexe 3), révèle un perpétuel mouvement en ciseaux : une diminution du niveau des taux des crédits hypothécaires entraîne une augmentation du nombre des permis de bâtir, puis une remontée du niveau des taux entraîne une diminution du nombre des permis de bâtir.

Depuis le début des années 90, cette tendance présente une rupture : malgré la baisse sensible des taux en matière de crédits hypothécaires, le nombre des permis de bâtir se stabilise au faible niveau qu'était celui de 1990, lorsque ces taux étaient très élevés.

Les mesures que le Gouvernement a prises pour décourager et pénaliser les investissements dans l'immobilier sont la cause de cette rupture. Le seul résultat que peut avoir l'effet cumulatif de ces mesures est que l'activité ne reprend pas dans la construction malgré le niveau peu élevé des taux.

L'intervenant fait l'historique de toutes ces mesures.

La première est issue de la loi du 7 décembre 1988 portant réforme de l'impôt sur les revenus et modification des taxes assimilées au timbre. Cette mesure a eu pour effet que les revenus immobiliers ont continué à être cumulés avec les revenus professionnels les plus élevés et que la déductibilité des intérêts des prêts hypothécaires a été considérablement limitée.

La deuxième mesure a été prise le 1er janvier 1990 et consiste en une nouvelle réglementation des plus-values, laquelle a eu des conséquences très négatives pour les propriétaires de sociétés patrimoniales. Cette nouvelle réglementation a eu pour effet que les plus-values ne bénéficiaient plus du taux réduit, mais étaient soumises à une taxe au taux plein ou à une taxe étalée dans le temps, à condition que le prix de vente soit remployé dans des actifs à amortir.

La troisième mesure concerne une décision visant à exécuter le budget 1991. En indexant les revenus cadastraux, on a augmenté considérablement, non seulement les impôts sur les revenus des personnes physiques, mais également le précompte immobilier.

La quatrième mesure a été prise par l'Exécutif flamand, et consiste à porter le précompte immobilier de 1,25 % à 2,5 %. Même s'il est vrai que la décision en question a été prise par l'Exécutif flamand, il n'empêche qu'elle l'a été par la même majorité que celle du Gouvernement fédéral.

La nouvelle loi sur les loyers est la cinquième mesure. Cette loi constitue une bavure importante sur les plans économique et politique. Alors qu'auparavant, les relations entre le locataire et le bailleur ne connaissaient guère de problèmes, la nouvelle loi sur les loyers a donné lieu à pas mal de contestations entre les deux acteurs en raison d'un nombre important de mesures impératives qui ont été imposées.

La sixième mesure a été prise sous le prétexte qu'il fallait harmoniser les taux de T.V.A. au niveau européen. La T.V.A. sur les travaux immobiliers fut portée de 17 à 19,5 %, pour passer ensuite à 20,5 % et finalement à 21 %.

La septième mesure est issue de la loi-programme du 22 juillet 1993 et a pour conséquence qu'un certain nombre d'impôts relatifs aux biens immobiliers ont été augmentés et qu'une série d'autres mesures ont également été prises en défaveur des sociétés patrimoniales.

La huitième mesure a été prise dans le cadre du Plan global. Le revenu cadastral des secondes résidences et des logements loués à des fins non professionnelles ou mis gratuitement à la disposition a été augmenté de 25 % pour le calcul de l'impôt des personnes physiques.

En plus de l'augmentation précitée, la neuvième mesure consiste à maintenir, pour la seule habitation occupée par le contribuable lui-même, la déduction du précompte immobilier, tandis que celle-ci a été supprimée en ce qui concerne les secondes résidences. De ce fait, le précompte immobilier perd totalement son caractère de précompte et en est réduit à être un deuxième impôt sur le bien immobilier, ce qui porte atteinte au principe « non bis in idem ».

La dixième mesure concerne le calcul de l'avantage de toute nature découlant de la mise à disposition gratuite ou à bon marché de bâtiments ou de parties de ceux-ci par des personnes morales. Le calcul de cet avantage se fait dorénavant sur une base plus élevée.

La onzième mesure concerne le droit de transmission, qui a été porté de 0,5 % à 12,5 % dans le cas d'apport en société de biens immobiliers non utilisés à des fins industrielles, commerciales ou agricoles.

Le Gouvernement a encore instauré deux nouvelles mesures dont il demande la confirmation, à savoir celle qui consiste à augmenter de 25 à 40 % le revenu cadastral pour le calcul de l'impôt des personnes physiques, et celle visant à instaurer un système de plus-values. Le Gouvernement souhaite ainsi enfermer les citoyens dans un système qui les empêche de vendre leurs biens immobiliers en en tirant une plus-value, puisqu'ils seront immédiatement imposés sur celle-ci.

La conclusion est donc claire et nette : le Gouvernement ne veut pas créer d'activités dans le secteur de la construction. Quelle que soit la façon dont on considère les choses, l'on a anéanti systématiquement, ces dernières années, tout encouragement éventuel à l'investissement en biens immobiliers.

Le commissaire donne un exemple pour illustrer la manière dont on pénalise les revenus immobiliers en Belgique :

Mobilier
­
Roerend
Immobilier
­
Onroerend
Capital disponible. ­ Beschikbaar kapitaal 3 000 000 3 000 000
Droit acquisition (D.A.). ­ Verwervingskosten (VK) 0 - 495 000 À amortir sur 25 ans. ­ Af te schrijven op 25 jaar
Capital utile. ­ Besteedbaar kapitaal 3 000 000 2 505 000
Intérêts/Loyer. ­ Interesten/Huur 180 000 192 000
Entretien. ­ Onderhoud 0 - 40 % - 62 625 Entretien = Capital/40. ­ Onderhoud = Kapitaal/40
Chômage locatif. ­ Huurderving 0 - 8 000 1,5 mois par 3 ans min. ­ 1,5 maand per 3 jaar
Risque locatif. ­ Huurrisico 0 - 5 333
Revenu net avant taxes. ­ Netto inkomen vóór belasting 180 000 116 042
Précompte (*). ­ Voorheffing (*) - 27 000 - 20 000
Amortissement D.A. 25 ans. ­ Afschrijving UK 25 jaar 0 - 19 800
Taxes plan global. ­ Belastingen globaal plan 0 - 25 000 R.C. + 25 % ajouté aux revenus cumulés et taxé à 50 %. ­ KI + 25 % te cumuleren en belast à 50 %
Total taxes. ­ Totaal belastingen - 27 000 - 64 800
% taxation. ­ % belastingheffing 15 % 56 %
Revenu net. ­ Netto inkomen 153 000 51 242
(*) Remarque. ­ Verklaring
R.C. indexé ­ KI geïndexeerd 40 000
P.I. = R.C. indexé * 50 %. ­ OV = KI geïndexeerd * 50 % 20 000

Un exemple de taxation de revenus réels

Location de bureaux autorisés situés en zone d'habitation à Ixelles

Valeur de l'immeuble (impossible à évaluer compte tenu de la hausse brutale de la fiscalité)

Revenu cadastral : 180 000 francs

Loyer brut : 1 500 000 francs

Frais admis par l'administration du Cadastre (Rénovation, entretien, assurance, gestion locatif, litiges) (40 %) : - 600 000 francs

Loyer net avant impôts : 900 000 francs

Taxes

Droits d'enregistrement(1) ; p.m.

Précompte immobilier (43 % du revenu cadastral indexé) : - 83 000 francs

I.P.P. sur revenu réel(2) : - 570 000 francs

I.P.P. additionnel communal : - 42 750 francs

I.P.P. additionnel régional : - 5 700 francs

Taxe communale sur les bureaux : - 500 000 francs

Taxe régionale sur les bureaux : - 25 200 francs

Total taxes : - 1 226 650 francs

Taxation = 136,3 % du loyer net avant impôts

Exemples réels

Villa

Prix d'achat : 7 000 000 de francs

Revenu cadastral : 122 000 francs

Loyer brut : 600 000 francs

Frais admis par l'administration du Cadastre (Rénovation, entretien, assurances, gestion locatif, litiges) (40 %) : - 240 000 francs

Loyer net avant impôts : 360 000 francs

Taxes

Droits d'enregistrement (1) (875 000 francs financés sur 20 ans) : - 87 500 francs

Précompte immobilier (40 % du revenu cadastral indexé) : - 57 340 francs

I.P.P. fédéral (revenu cadastral indexé * 50 %) (2) : - 90 280 francs

I.P.P. additionnel communal (8 %) : - 7 222 francs

Total taxes : - 242 342 francs

Reste net : 117 658 francs

Soit une taxation de 67,31 % du loyer net avant impôts

Exemples réels

Appartement

Prix d'achat : 1 800 000 francs

Revenu cadastral : 44 000 francs

Loyer brut : 180 000 francs

Frais admis par l'administration du Cadastre (Rénovation, entretien, assurances, gestion locatif, litiges) (40 %) : - 72 000 francs

Loyer net avant impôts : 108 000 francs

Taxes

Droits d'enregistrement (1) (225 000 francs financés sur 20 ans) : - 22 500 francs

Précompte immobilier (43 % du revenu cadastral indexé) : - 22 440 francs

I.P.P. fédéral (revenu cadastral indexé * 50 %) (2) : - 32 560 francs

I.P.P. additionnel communal (8 %) : - 2 767 francs

Total taxes : - 80 267 francs

Reste net : 27 733 francs

Soit une taxation de 74,30 % du loyer net avant impôts

Appartement

Prix d'achat : 4 000 000 de francs

Revenu cadastral : 74 000 francs

Loyer brut : 360 000 francs

Frais admis par l'administration du Cadastre (Rénovation, entretien, assurances, gestion locatif, litiges) (40 %) : - 144 000 francs

Loyer net avant impôts : 216 000 francs

Taxes

Droits d'enregistrement (1) (500 000 francs financés sur 20 ans) : - 50 000 francs

Précompte immobilier (40 % du revenu cadastral indexé) : - 34 780 francs

I.P.P. fédéral (revenu cadastral indexé * 50 %) (2) : - 54 760 francs

I.P.P. additionnel communal (8 %) : - 4 380 francs

Total taxes : - 143 920 francs

Reste net : 72 080 francs

Soit une taxation de 66,6 % du loyer net avant impôts

Ces exemples concrets mettent en évidence l'accumulation des mesures qui pénalisent les investissements immobiliers, alors que ceux-ci pourraient pourtant avoir un effet positif.

S'additionnant les unes aux autres, les mesures de ces dernières années pénalisent lourdement le rendement des immeubles. Il n'est donc pas étonnant que le secteur de la construction ne progresse plus, puisque les gens pensent et agissent rationnellement au vu de toutes ces mesures.

Réduire la fiscalité sur le patrimoine immobilier permettrait de transformer le cercle vicieux actuel en spirale économique positive. Si l'on allège la fiscalité sur les biens immeubles, il redeviendra attrayant d'investir dans l'immobilier. Ces investissements accroîtront l'offre de logements en location, ce qui, à terme, fera baisser les loyers. Dans l'intervalle, on enregistrera d'autres effets positifs, tels que la relance du secteur de la construction, ce qui n'est pas négligeable vu que le secteur est un grand utilisateur de main-d'oeuvre.

De plus, si la pression sur les loyers diminue, les pouvoirs publics ne devront plus légiférer autant en la matière, ni prévoir autant de subventions dans le secteur du logement social.

En outre, cette spirale économique positive aurait un effet favorable sur le budget en permettant à l'effet Laffer de jouer à terme, la réduction de la pression fiscale étant compensée par l'ensemble des activités nouvelles générées.

Le Gouvernement, manifestement, n'est pas sensible à ces arguments. Il n'a qu'un seul objectif : lever des impôts, quels qu'en soient les conséquences économiques et les effets sur l'emploi. L'évolution des taux hypothécaires et celle des permis de construire montrent clairement une rupture de tendance : un taux d'intérêt bas n'incite plus à investir dans l'immobilier. Compte tenu des onze mesures énumérées, cette rupture s'explique parfaitement.

Le Gouvernement ne peut plus continuer dans la voie qu'il a empruntée. Il faut un revirement de la politique tablant sur le secteur de la construction. La limitation de l'offre fera encore augmenter les loyers, ce qui exigera une nouvelle adaptation de la législation sur les baux à loyers. On aura une législation plus restrictive encore pour protéger encore davantage les locataires, ce qui, dans la pratique, ne fonctionne quand même pas. On en arrive alors à des situations comme aux Pays-Bas, où les candidats locataires doivent s'inscrire sur des listes d'attente. Au lieu de mener une politique qui requiert systématiquement de plus en plus d'interventions, il faudrait mener une politique d'avenir qui tienne compte de la réalité économique.

Le membre souligne une nouvelle fois les effets particulièrement néfastes qu'auront ces mesures. Du reste, quelles recettes le Gouvernement tirera-t-il de ces mesures si l'activité du secteur de la construction s'effondre totalement ? En fin de compte, le Gouvernement obtiendra précisément l'effet inverse : les recettes escomptées de l'augmentation de 25 à 40 % seront totalement neutralisées par un manque à gagner en recettes de T.V.A., en impôts sur les revenus générés dans le secteur de la construction et en cotisations sociales dans ce même secteur. Le résultat net sera un accroissement du chômage et une absence de perspective pour l'activité économique.

Le ministre renvoie à ce qu'il a dit à ce sujet lors de la discussion générale (cf. p. 25). Les chiffres communiqués proviennent du secteur de la construction et donnent une image de la situation assez différente de celle que donne l'intervenant précédent.

Le membre déclare qu'il a les mêmes chiffres émanant de la Confédération des constructeurs. Or, il constate que ces chiffres baissent, et il n'est pas possible de les interpréter positivement.

Un autre membre fait remarquer qu'il faut se rendre compte aussi que nous sommes dans un phénomène socio-économique. Plusieurs forces vont en sens opposé.

Il est clair que la construction est favorisée par le taux d'intérêt extrêmement bas que nous connaissons actuellement, mais il faut reconnaître que le type de mesure que l'intervenant vient de décrire et de critiquer va dans l'autre sens.

Évidemment, on peut se dire que la circonstance est peut-être favorable pour prendre une mesure de ce genre. Le taux d'intérêt est tellement bas que le secteur n'en souffrira pas tellement.

Le ministre rappelle aussi la réduction du taux de T.V.A.

Le membre fait remarquer qu'elle est temporaire et se terminera le 31 décembre prochain.

Un autre membre ajoute que cette mesure a eu très peu d'effets. Il suffit de regarder les statistiques des bâtiments commencés par rapport à 1996. Il n'y a pas d'augmentation. Il faut se demander quel est le problème.

Le ministre constate que les prévisions de la construction pour 1997 sont en hausse.

Le membre fait remarquer que c'est le secteur de la construction même qui répond aux enquêtes de conjoncture de la Banque nationale. Il constate que leur prévision pour 1997 n'est pas du tout positive, leur courbe descend depuis le début de l'année. Elle a légèrement monté en 1996, mais pas de manière frappante. C'est d'autant plus étonnant si on tient compte des paramètres de la baisse de la T.V.A. et des taux d'intérêt. Cela démontre l'existence d'un problème fondamental dans ce secteur, qui est la taxation sur tout le secteur immobilier instaurée depuis quatre ou cinq ans, et qui, cumulativement, a découragé tout le monde à investir encore dans ce secteur.

Si c'est le but recherché, il faut le dire clairement.

Le ministre répète qu'il ne comprend pas ce que veut l'intervenant puisqu'il constate que les prévisions pour 1997 sont en hausse par rapport aux résultats de 1996.

Le membre déclare que si on regarde les variations annuelles en volume, la croissance pour le logement était de 5,7 % pour 1994, de 3,2 % en 1995, de 0 % en 1996. Si la prévision pour 1997 est en hausse, ce n'est cependant pas très bon par rapport aux années précédentes.

Quant au non-résidentiel, on peut dire que les mesures prises n'ont pas d'impact. La prévision pour l'année en cours est de 3 % après 0,9 % l'année passée et des chutes les deux années précédentes. Quant au génie civil, c'est surtout le secteur public qui en est responsable. Le total global est une prévision de 2,1 % de croissance pour le secteur de la construction.

Disons, si on veut être objectif, que toutes ces évaluations et ces prévisions ne dénotent pas d'une tendance qui soit positive ou négative. Ce genre de prévision est certainement inférieure à la marge d'erreur qu'on peut estimer. L'intervenant considère que c'est de la stagnation et cela ne permet pas de tirer des conclusions dans un sens ou dans l'autre.

La seule chose qui apparaît clairement est que la diminution de la T.V.A. et des taux d'intérêt n'ont pas eu le résultat escompté.

Il est probable que la crainte que l'auteur de l'amendement a développée dans son intervention est que ce sont des mesures de freinage, par rapport à ce qui aurait pu être une croissance relativement satisfaisante.

Un autre membre fait référence au graphique qui montre, pour les vingt dernières années, la corrélation entre le taux d'intérêt sur les prêts hypothécaires et le nombre de demandes d''autorisations de bâtir introduites. Il montre clairement l'existence de la corrélation jusqu'en 1990 et que, depuis lors, il n'y en a plus du tout, malgré la baisse substantielle du taux d'intérêt (voir : annexe 3).

L'amendement nº 21 est rejeté par 8 voix contre 2.

Amendement nº 22

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« moyennant la modification suivante : l'article 3 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

Justification

Les intérêts d'avances productives d'intérêts consenties par des administrateurs et des associés, sont, sous certaines conditions et dans certaines limites, requalifiés en dividendes.

Sera désormais considéré comme avance tout prêt d'argent, représenté ou non par des titres. La notion de « prêt d'argent » est nettement moins large que celle de « créance ».

Il sera procédé à la requalification dans la mesure où le taux d'intérêt est supérieur à celui du marché ou dans la mesure où les avances dépassent le capital libéré majoré des réserves taxées. La nouveauté est que le capital libéré sera désormais évalué à la fin de la période imposable, alors qu'en cas de continuation, les réserves taxées seront évaluées au début de la période imposable. S'il est procédé à une augmentation de capital au cours de la période imposable, il faudra dès lors en tenir compte pour déterminer si les avances productives d'intérêts excèdent ou non le seuil fixé.

Une autre modification permettra également de procéder à une requalification lorsque les avances sont consenties par les actionnaires de sociétés par actions. Il convient toutefois de préciser d'emblée que ce système de requalification ne sera applicable qu'aux avances qui sont consenties par des personnes physiques.

Dans le cadre de ce nouveau système, les intérêts d'avances productives d'intérêts pourront également être requalifiés si les avances sont consenties par une personne exerçant un mandat d'administrateur, de gérant, de liquidateur ou une fonction analogue. Les personnes visées en l'occurrence sont non seulement les personnes physiques, mais également les personnes morales.

Il pourra désormais aussi être procédé à une requalification si une avance productive d'intérêts est consentie par le conjoint d'un actionnaire d'une société de capitaux, ou encore par un enfant mineur non émancipé d'un gérant d'une société de personnes.

Il est manifeste qu'en prenant ces mesures, le Gouvernement étend considérablement le système de requalification et augmente fortement la charge fiscale, tant pour les personnes physiques que pour les entreprises.

Il nous est dès lors impossible d'approuver ces mesures.

Un commissaire remarque qu'il y a une logique lorsque le ministre dit que le taux d'intérêt est supérieur à celui du marché (le « relevant market »). S'il s'agit, par exemple, d'une entreprise à rique, on peut considérer que le taux d'intérêt doit être supérieur à celui qui est donné, par exemple, au Trésor.

Mais quelle est réellement la portée de l'autre mesure ? Celle où les avances devraient dépasser le capital libéré, majoré des réserves taxées.

Toutes ces interférences avec la structure du capital des sociétés ne sont pas souhaitables. Le Gouvernement est déjà intervenu dans le passé dans d'autres domaines, où il a, par exemple, considéré que les pertes n'étaient plus déductibles s'il s'agissait de ce que le ministre a qualifié de société dormante. Ce texte a d'ailleurs été annulé et le ministre essaye de trouver autre chose pour empêcher la déductibilité des pertes.

Ainsi, chaque fois que le ministre prend des mesures qui prennent en considération certaines grandeurs macro-économiques des sociétés, il se heurte à un bec de gaz. Quelle est donc la ratio legis de cette partie-là de la mesure proposée?

Le ministre répond que la ratio legis est simplement d'éviter qu'on ne transforme en prêt productif d'intérêt, ce qui est en réalité un apport qui doit donner lieu à des dividendes. Il est évident que cette tentation existe puisque les intérêts sont moins taxés que les dividendes.

Le commissaire remarque que dans le passé, déjà, certains, et il cite deux noms illustres : M. Vandeputte (à l'époque où il était président de la S.N.C.I.) et M. Neuman, étaient arrivés, au début des années 70, avant le crash consécutif au choc pétrolier, à dire qu'après tout, les entreprises pouvaient fonctionner sans capital et uniquement avec des prêts.

Mais il s'agit d'une approche qui est à l'autre extrême. Il faut laisser les entreprises se financer comme elles l'entendent.

Le ministre répond qu'elles peuvent se financer par des emprunts également mais à un taux d'intérêt normal. Ce qui est anormal ici est d'obliger la société à payer un taux d'intérêt plus élevé que celui du marché.

Le commissaire fait remarquer que les deux conditions ne sont pas cumulatives. Si le taux d'intérêt est normal, le ministre fait-il intervenir ce calcul complexe ?

Le ministre explique qu'une fois qu'on dépasse un certain ratio d'endettement, il y a requalification de l'intérêt en dividendes.

Le membre déclare qu'un tel calcul est justifié pour autant qu'un taux d'intérêt anormal dénote qu'on veut s'attribuer un avantage indu.

Le ministre répond que les administrateurs et gérants de sociétés qui estiment que la société a besoin de moyens peuvent le faire sous forme d'apports.

Le commissaire suppose que l'administrateur d'une société s'adresse à une banque pour demander une ouverture de crédit. On lui dit que, pour ce crédit, la société doit payer 12 %. Dans ces conditions, l'administrateur préfère faire le crédit lui-même et demande 11 % d'intérêt. Le contrôleur va-t-il faire des difficultés pour reconnaître que les 11 % sont légitimes ? Le ministre peut-il dire clairement que dans ce cas il n'y a pas de contestation ?

Le ministre répète que cela va jusqu'à concurrence du montant des fonds propres.

Le commissaire déclare que là le ministre interfère dans la structure financière des sociétés et ce n'est pas le rôle du ministère des Finances.

Il l'a déjà fait plusieurs fois dans d'autres domaines et il se heurtera, une fois de plus, à un bec de gaz et la mesure sera, à nouveau, annulée.

Le ministre fait remarquer que cette mesure existe et n'a pas été annulée depuis longtemps, et n'a pas fait l'objet d'une requête en annulation devant la Cour d'arbitrage. Par ailleurs, cette mesure se retrouve dans les législations d'autres pays et elle est d'ailleurs économiquement justifiée puisqu'elle empêche les entreprises de s'endetter de manière excessive par rapport à leurs fonds propres.

Le commissaire estime que c'est parce qu'on n'a pas été jusqu'au stade final des procédures en la matière.

Un autre membre souligne qu'une fois ce système entamé, cela devient une spirale sans fin et il faut de plus en plus réglementer pour éviter d'autres distorsions.

Il eût été facile d'épargner toutes ces difficultés en disant dès le début qu'on taxait les deux options de la même manière et que la société pouvait décider quelle sorte de financement elle choisissait.

Il était évident qu'en taxant les dividendes aussi fort, cela allait créer automatiquement des déviations. Cette intervention dans le système est d'ailleurs incompréhensible.

Un membre rappelle que le ministre avait pris l'engagement, il y a un an ou deux, de s'aligner progressivement sur un niveau plus bas d'impôts des sociétés, pour tenir compte de l'évolution dans les pays voisins où on réduit le taux de taxation des sociétés. Or, par des mesures de ce genre, artificiellement, il augmente cette taxation.

L'amendement nº 22 est rejeté par 8 voix contre 2.

Amendements nºs 23 à 36

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 4 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 5 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 6 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 7 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 10 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 11 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 12 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 22 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 23 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 42 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 44 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 45 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 46 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 48 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

Justification

Le Gouvernement entend harmoniser le statut fiscal des mandataires de sociétés en ne conservant plus que deux catégories de rémunérations, à savoir les rémunérations des travailleurs, d'une part, et les rémunérations des administrateurs et des gérants, qui constitueront désormais la catégorie dite des dirigeants d'entreprises, d'autre part. Par conséquent, la catégorie distincte des associés actifs est supprimée.

Cette nouvelle catégorie de rémunérations des dirigeants d'entreprises comprendra toutes les rétributions allouées ou attribuées :

a) à une personne physique, en raison de l'exercice d'un mandat d'administrateur, de gérant, de liquidateur ou de fonctions analogues;

b) à une personne physique qui exerce au sein de la société une activité ou une fonction dirigeante en dehors d'un contrat de travail.

L'harmonisation du régime de taxation des mandataires de sociétés induit les effets suivants :

­ les gérants de sociétés de personnes qui ne sont pas associés sont désormais soumis au forfait pour frais exposés de 5 %;

­ les associés actifs qui ne sont pas gérants et qui n'exercent pas de fonctions analogues et qui sont liés par un contrat de travail ne peuvent plus bénéficier du régime de la déduction des intérêts d'emprunts contractés pour acquérir des parts ou actions de la société;

­ la réforme a des effets similaires en ce qui concerne la déduction des pertes de la société qui sont prises en charge;

­ la réforme a également pour effet de rendre le régime de requalification des baux à loyer désormais applicable à toutes les personnes appartenant à la nouvelle catégorie des dirigeants d'entreprises;

­ les personnes rangées actuellement dans la catégorie des associés actifs et qui seront rangées, à partir de l'année d'imposition 1998, dans la nouvelle catégorie des dirigeants d'entreprises ne pourront plus attribuer de revenus professionnels à leur conjoint aidant.

Exemples

A. Un gérant d'une société de personnes, qui n'est pas associé, recourt aux frais professionnels forfaitaires :

Rémunération brute imposable

(après déduction des charges sociales) : 745 244 francs

Frais professionnels forfaitaires : 66 357 francs

Rémunération nette imposable : 678 887 francs

Selon le régime proposé, sa situation se présenterait comme suit :

Rémunération brute imposable

(après déduction des charges sociales) : 745 244 francs

Frais professionnels forfaitaires : 37 262 francs

Rémunération nette imposable : 707 982 francs

Par conséquent, son revenu net imposable augmente de plus de 29 000 francs.

B. Un gérant d'une société de personnes, qui n'est pas associé, donne un bien immobilier en location à la société.

Selon le régime proposé, une partie du loyer perçu sera taxé dans son chef à titre de rémunération.

Données :

R.C. : 72 000 francs

Loyer perçu : 12 × 60 000 francs = 720 000 francs

Rémunération octroyée : 1 640 000 francs

Intérêts payés : 600 000 francs

Détermination du loyer normal : 72 000 × 5/3 × 3 = 360 000 francs

Détermination du loyer excessif : 720 000 - 360 000 = 360 000 francs

Calcul du revenu imposable selon les règles actuelles :

Revenu immobilier

Loyer brut 720 000 francs
Frais : 40 % 288 000 francs
432 000 francs
Déduction intérêts 432 000 francs
Net 0 franc

Revenu professionnel

Rémunération brute 1 640 000 francs
Frais forfaitaires 93 200 francs
Revenu net imposable 1 546 800 francs

Calcul selon les règles proposées :

Revenu immobilier

Loyer brut : 720 000 - 360 000 = 360 000 francs
Frais : 40 % 144 000 francs
216 000 francs
Déduction intérêts 216 000 francs
Net 0 franc

Revenu professionnel

Rémunération brute octroyée 1 640 000 francs
Requalification 360 000 francs
Rémunération brute 2 000 000 francs
Frais forfaitaires : 5 % 100 000 francs
Revenu net imposable 1 900 800 francs

Par conséquent, son revenu imposable augmente de 353 200 francs !

C. Rémunération de l'époux en tant qu'associé actif dans une S.P.R.L. : 1 950 000 francs. Sa femme exerce une activité professionnelle distincte qui lui a rapporté 350 000 francs net et assure également un travail de secrétariat dans la S.P.R.L. de son mari. Compte tenu des prestations fournies et de la rémunération normale y afférente, la quote-part attribuée à la femme peut être estimée à 400 000 francs.

Détermination du revenu net imposable :

Homme Femme
Rémunérations 1 950 000 francs
Montant attribué 400 000 francs 400 000 francs
Bénéfice net 350 000 francs
Revenu net
imposable 1 550 000 francs 750 000 francs

Désormais, il ne pourra plus y avoir d'attribution d'une quote-part des revenus au conjoint aidant, de sorte que le revenu net imposable du mari s'élèvera à 1 950 000 francs et celui de la femme à 350 000 francs, ce qui, eu égard à la progressivité de l'impôt, donnera lieu à une taxation plus élevée.

Un membre tient à ajouter à cette justification que pour chaque loi, il faut rechercher la finalité économique qu'on essaie d'atteindre. Il constate ici, une fois de plus, qu'elle n'apparaît pas clairement et qu'on ne se soucie pas de ses conséquences. On ne trouve à la base de cette mesure qu'une nouvelle façon de créer encore plus d'impôts.

Mais on perd évidemment tout à fait de vue l'effet de démotivation et de pénalisation qu'elle va entraîner. L'exemple repris dans la justification le démontre assez.

Quel est le but qu'on veut atteindre ? Le ministre peut-il le préciser ?

Il n'est pas pensable qu'il songe uniquement à faire rentrer quelques milliards dans les caisses de l'État sans se soucier des conséquences économiques de cette mesure. Il est clair qu'il ne s'agit ici que d'une pure pénalisation et l'intervenant ne comprend pas quelle en est la raison.

Un commissaire demande au ministre s'il ne trouve pas excessive la partie du dispositif se rapportant aux aidants. Cela frappe tout le secteur des classes moyennes où c'est une pratique courante. Est-il équitable de mettre un obstacle au système du conjoint aidant ?

Le ministre rappelle qu'il s'en est longuement expliqué dans son exposé introductif et il a indiqué quelles étaient les possibilités ouvertes, suivant la situation réelle du conjoint. Si celui-ci est véritablement un aidant, il peut soit devenir gérant, soit devenir salarié dans la société de son conjoint.

Le commissaire déclare que c'est la dernière des choses à faire en Belgique, alors que tout le monde dit qu'il faut moins taxer le travail on en arrive à le taxer plus.

Un membre ajoute que le financement alternatif du gouvernement est d'augmenter la taxation des indépendants.

Le ministre explique qu'il s'agit d'un choix pour le conjoint aidant par rapport à la société.

Un autre membre fait remarquer qu'il s'agit de la réalité économique.

Un membre réplique qu'il faut être sérieux et lorsqu'on parle de réalité économique, il faut d'abord se l'appliquer à soi-même.

Un commissaire constate que cette mesure consacre la disparition des aidants.

Le ministre répond que non puisqu'il ne s'agit pas des personnes physiques mais uniquement des sociétés.

Un commissaire réplique qu'il faut bien admettre que la conséquence de cette mesure sera leur disparition.

Cela vise beaucoup de petites sociétés et notamment celles d'une personne. Il se déclare étonné et prend acte que l'aile de la classe moyenne du CVP se déclare d'accord sur cette mesure.

Un autre membre déclare que le CVP est d'accord sur cette mesure parce qu'elle concerne exclusivement les sociétés et non les personnes physiques.

Les amendements nºs 23 à 36 sont rejetés par 8 voix contre 2.

Amendement nº 37

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 8 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

Justification

Les plus-values réalisées depuis le 27 septembre sur des actifs immatériels qui n'ont pas été comptabilisées par le contribuable sont désormais toujours taxées au tarif plein, sans possibilité d'étalement de la taxation en cas de remploi. Si par conséquent la clientèle constituée par soi-même doit être supposée ne pas avoir la nature d'immobilisation incorporelle, il en résulte que le prix de cette clientèle n'entre pas non plus en ligne de compte pour le système de l'impôt différé et étalé.

Il semble cependant que le traitement comptable préconisé par la loi du revenu de la vente d'actifs qui ne figuraient pas au bilan ne puisse être déterminant pour la qualification et le traitement fiscaux de ces revenus en tant que plus-values.

Le fait que le gouvernement n'est pas sûr de lui ressort de son point de vue en cas de cessation : la clientèle constituée par soi-même ne peut plus être caractérisée d'immobilisation incorporelle dans le cadre de la taxation différée et étalée, mais conserve son caractère d'immobilisation incorporelle dès qu'il y a cessation définitive.

Le ministre déclare que cette mesure vise simplement à faire en sorte que l'immobilisation doit avoir été effectivement comptabilisée. C'est dans la logique même de l'article existant.

L'amendement nº 37 est rejeté par 9 voix contre 2.

Amendements nºs 38 à 50

« Compléter article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 13 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 14 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 15 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 16 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 17 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 18 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 19 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« à l'article 32 de l'arrêté royal susvisé, l'article 223, 8º, est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« à l'article 33 de l'arrêté royal susvisé, la disposition « et l'8º » est supprimée à l'article 225, deuxième alinéa, 5º. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 36, 2º et 3º, de l'arrêté royal susvisé, est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 37 de l'arrêté royal susvisé, est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 38, 2º, de l'arrêté royal susvisé, est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 47 de l'arrêté royal susvisé, est abrogé. »

Justification

Sous certaines conditions, les plus-values réalisées à l'occasion d'une cession à titre onéreux, sur des immeubles bâtis situés en Belgique, sont taxées comme des revenus divers, soit à un taux de 33 %, en cas d'aliénation dans les 5 ans, soit à un taux de 16,5 %, en cas d'aliénation après 5 ans.

Le gouvernement propose à présent de taxer de manière analogue les plus-values réalisées sur les immeubles, exception faite de la maison d'habitation.

Le gouvernement prévoit en effet d'instaurer une taxe spéciale sur la plus-value dans le cas où des particuliers et certaines personnes morales vendent des immeubles dans les cinq ans. Le taux de cette taxe est de 16,5 % (à majorer d'une cotisation complémentaire de crise de 3 %). Sont visées les plus-values réalisées à l'occasion d'une cession à titre onéreux, sur des immeubles situés en Belgique ou sur des droits réels autres qu'un droit d'emphytéose ou de superficie portant sur ces immeubles.

En taxant les plus-values réalisées sur des immeubles, le gouvernement paralyse totalement le propriétaire de biens immobiliers, qui doit déjà acquitter des droits d'enregistrement de 12,5 %.

À propos de cet amendement, un commissaire estime que c'est une véritable dérision que d'insérer cet article sous l'intitulé de cet arrêté royal. À l'égard de ce dispositif, il faudrait modifier le titre et remplacer les mots « de la participation de la Belgique à l'Union économique et monétaire européenne » par les mots « de la non-participation de la Belgique à l'Union économique et monétaire européenne ».

En effet, tout le monde constate qu'un des objectifs auxquels nous devons tous viser, est d'éviter des rigidités et des difficultés nouvelles lorsque des gens doivent se déplacer à l'intérieur de l'Union économique et monétaire et c'est une des conditions pour que comme aux États-Unis, par exemple, le système fonctionne avec souplesse. Tout le monde reconnaît que l'Union économique et monétaire, dans sa phase définitive, doit être un succès, et c'est à condition que la mobilité, tant physique qu'intellectuelle et linguistique de l'ensemble, soit assurée qu'on y arrivera.

Ici, on fait exactement le contraire de ce qu'il faudrait faire. On aggrave la rigidité. Il faudrait déjà réduire les droits d'enregistrement.

Il est consternant qu'un ministre qui comprend aussi bien les processus économiques soit obligé de se résigner à des mesures de ce genre. Cette mesure pourrait encore se comprendre s'il s'agit de terrains. Mais dans ce cas-ci, c'est la mesure inutile par excellence.

Un membre constate qu'il s'agit, une fois de plus, de l'exemple type de la mesure fiscale qu'on prend et qui n'aura aucun effet. Il est évident que d'ici deux ou trois ans, on constatera avec étonnement que la mesure aura été contournée. Cette mesure n'a absolument pas de sens.

Un commissaire déclare qu'il continue encore à croire que la mesure sera appliquée, tandis que le précédent intervenant est plus en avance et considère qu'on connaît déjà le mécanisme pour ne pas l'appliquer.

Le membre précédent espère que la mesure sera contournée, afin d'éviter les conséquences nocives qu'elle porte en germe.

Le ministre renvoie à ce qu'il a dit dans son exposé introductif. Il n'a pas caché que les cas d'application seront extrêmement rares. La définition de la plus-value est telle qu'elle n'existera que dans des cas exceptionnels où il y a spéculation. La personne qui doit déménager pour des motifs professionnels, citée comme exemple, ne sera pas touchée par cette mesure-là.

Un commissaire voudrait savoir à combien le ministre estime l'apport budgétaire de cette mesure.

Selon le ministre, l'impact de cette mesure n'a pas pu être évalué.

Les amendements nºs 38 à 50 sont rejetés par 9 voix contre 2.

Amendement nº 51

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 20 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

Justification

L'indexation automatique des barèmes fiscaux a été suspendue pour une période de quatre ans maximum à partir de l'exercice d'imposition 1994.

Le gouvernement propose de maintenir cette non-indexation pour les revenus des années 1997 et 1998.

Cette mesure compromet totalement la réforme fiscale de 1988, qui était intervenue après plusieurs années de lutte en vue de faire admettre le principe de l'indexation des barèmes fiscaux dans la législation fiscale. Ce principe paraissait pourtant définitivement acquis. Les effets néfastes de l'inflation sur la pression fiscale en cas de non-indexation des barèmes fiscaux sont suffisamment connus.

Beaucoup s'étaient plus particulièrement laissé convaincre par l'expérience des années septante. Les fortes hausses d'impôt connues au cours de cette période découlaient essentiellement de l'inflation, les contribuables passant automatiquement dans les barèmes fiscaux supérieurs. Tout le monde paraissait dès lors convaincu du caractère pervers de ce système.

La non-indexation des barèmes fiscaux constitue en fait un plan pluriannuel visant à augmenter chaque année la pression fiscale. Force est de constater que le rythme de l'augmentation dépend du taux d'inflation. Cela a une implication budgétaire et politique.

L'implication budgétaire réside dans le fait que le produit de ces augmentations d'impôts est extrêmement aléatoire, dans la mesure où l'on ignore quel sera le taux d'inflation à l'avenir. Il est difficile de comprendre pourquoi le gouvernement a opté pour une technique d'imposition dont le produit est à ce point tributaire du rythme de l'inflation, rythme sur lequel il n'a aucun contrôle.

L'implication politique de la désindexation des barèmes fiscaux réside dans le fait que l'augmentation de la pression fiscale dans notre pays est déterminée par des instances étrangères, étant donné que l'inflation est déterminée à l'étranger. La Belgique renonce donc sciemment à une partie de sa souveraineté. Le parlement, qui, aux termes de la Constitution, devrait déterminer les barèmes d'imposition, est mis hors jeu.

D'un point de vue opportuniste, la désindexation des barèmes fiscaux est évidemment très attrayante pour le gouvernement. Celui-ci doit en effet se présenter une seule fois devant le parlement pour obtenir une augmentation des impôts.

La désindexation des barèmes fiscaux a également des conséquences importantes sur l'assise de l'économie belge. Chaque fois qu'un choc inflationniste se produit à l'étranger, la pression fiscale augmente dans notre pays. Les travailleurs ne restent cependant pas passifs face à cette augmentation de la pression fiscale. Une partie importante est en effet compensée sous la forme de salaires bruts élevés.

Il s'en suit que chaque fois qu'un choc inflationniste se produit à l'étranger, la compétitivité de l'économie belge se détériore.

La désindexation des barèmes fiscaux a également un caractère régressif. En raison de l'inflation, les contribuables se trouvent soumis à des barèmes, c'est-à-dire à des taux de plus en plus élevés. Cet effet se fait cependant surtout sentir au niveau des bas et moyens revenus, qui n'on pas encore atteint le barème maximum. Les « heureux » contribuables qui ont déjà atteint le maximum ne peuvent donc être pénalisés davantage. Si la désindexation était maintenue pendant un temps suffisamment long, tout le monde finirait par être soumis au barème le plus élevé. Cela signifie également qu'au fur et à mesure que le temps passe, la progressivité du système fiscal diminue.

Le gouvernement propose également de ne plus indexer les montants maxima pris en considération pour l'octroi d'une réduction d'impôt. L'avantage fiscal pour l'épargne-pension et l'assurance-vie individuelle non lié à un emprunt hypothécaire est, par conséquent, considérablement limité. Concrètement cela revient à ne plus réindexer, à partir de 1999, les montants limite pour l'épargne-pension et l'épargne à long terme.

Un commissaire constate que le ministre viole pour deux années de plus ses engagements antérieurs de rétablir l'indexation automatique des barèmes fiscaux.

Il désirerait que le ministre fournisse le renseignement suivant : lors de la réforme fiscale de 1989, on a établi de nouveaux barèmes fiscaux. Que seraient devenus ces barèmes aujourd'hui s'ils avaient suivi le régime de l'indexation intégrale et que sont-ils réellement devenus, suite à cette mesure ?

Ainsi, nous pourrons voir quel est l'impact réel de la mesure sur les revenus qui ont fait l'objet d'un nouveau calcul barémique en 1989 et qui devaient à ce moment-là poursuivre l'évolution de la loi Grootjans qui avait été votée quelques années plus tôt.

Un autre membre souligne qu'il est singulier que ce soit ce gouvernement qui prenne de telles mesures alors qu'elles touchent surtout les revenus les plus bas.

Le ministre renvoie au tableau en annexe (voir annexe 4).

Un commissaire fait remarquer que la Belgique est caractérisée par un système de barèmes fiscaux et sociaux, puisque malheureusement les deux se combinent pour le même résultat qui augmente massivement les prélèvements et, par rapport à d'autres pays, amène rapidement à des tranches supérieures.

C'est un système déplorable et si son parti était revenu au pouvoir en 1995, il aurait totalement abrogé cette mesure.

L'amendement nº 51 est rejeté par 9 voix contre 3.

Amendements nºs 52 et 53

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« moyennant la modification suivante : l'article 43 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« moyennant la modification suivante : l'article 29 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

Justification

La déduction de pertes antérieures est une fois de plus limitée. Depuis l'exercice d'imposition 1996, les pertes professionnelles ne peuvent plus être déduites du bénéfice de la période imposable lorsqu'il s'agit d'une « société dormante ».

Le Gouvernement propose à présent de refuser la déduction de pertes antérieures dans le cas d'une modification du contrôle de l'actionnariat qui n'est pas justifiée par des motifs économiques légitimes.

Le Gouvernement ouvre ainsi manifestement la voie à l'arbitraire et accorde une compétence d'appréciation exagérée à l'administration. Qu'entend-on au demeurant par des « motifs économiques légitimes » lorsqu'il s'agit de la prise de contrôle ou de la modification du contrôle d'une société ?

Un membre de la commission estime que comme elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation, l'administration pourra tôt ou tard remettre en question la décision de l'entreprise.

Un autre commissaire se demande si l'administration peut obliger un ruling.

Le ministre déclare que l'article 43 du même arrêté royal modifie l'article 345 du C.I.R. 92 en ajoutant cette nouvelle situation à celles dans lesquelles le contribuable peut demander un accord préalable.

Selon le commissaire, on se pose des questions sur le fonctionnement de la commission du ruling. On critique beaucoup le nombre de cas où elle ne se prononce pas et la non-publication d'un grand nombre de décisions.

Le ministre souligne que la procédure du ruling est un changement radical de mentalité pour l'administration fiscale. Il est vrai qu'il faut un certain temps pour que les fonctionnaires s'habituent à donner un avis avant le contrôle . La commission commence à travailler à sa vitesse de croisière et le fonctionnement s'est amélioré.

Un membre souligne qu'il ne remet pas en question le système du ruling, mais bien le très large pouvoir d'appréciation laissé à l'administration fiscale concernant l'interprétation des motifs économiques légitimes. L'article 29 de l'arrêté royal donne en effet à l'administration le pouvoir d'apprécier ce qui est légitime.

Le ministre déclare qu'il n'appartient pas à l'administration fiscale d'apprécier l'analyse économique que fait l'entreprise. Elle n'a pas à apprécier si l'entreprise se trompe ou non dans l'analyse de ses intérêts économiques. L'administration vérifie s'il y a des besoins légitimes à caractère financier ou économique, autrement dit, si l'opération a une autre justification qu'une justification purement fiscale. Toutefois, l'entreprise doit démontrer qu'elle ne procède pas à une opération uniquement pour des raisons fiscales. S'il y a d'autres motifs que fiscaux, l'administration accepte l'argumentation de l'entreprise et admet l'opération.

Selon le membre, l'on ne fait ainsi qu'éviter le problème. En effet, l'entreprise peut avancer certains arguments, mais si l'administration ne les accepte pas et qu'elle ne retient que des motifs fiscaux, l'entreprise n'a aucun moyen de défense.

Le ministre répète que si l'entreprise ne doit pas faire l'opération uniquement pour des raisons fiscales. Si l'administration n'est pas convaincue, elle ne donne pas le ruling. L'entreprise peut maintenir sa position en disant qu'il ne s'agit pas uniquement de raisons fiscales. Le tribunal tranchera le litige.

Un membre souligne qu'en attendant, de nombreuses années auront passé, empêchant ainsi l'entreprise d'être sûre de ses résultats finaux. Ceci ne favorise pas la sécurité juridique.

Un commissaire estime qu'il s'agit d'un reproche général dû à la complexité de notre réglementation fiscale. Les conflits se multiplient et aucun exercice ne peut être cloturé convenablement.

L'amendement nº 52 est rejeté par 8 voix contre 3. L'amendement nº 53 est rejeté par 9 voix contre 3.

Amendements nºs 54 à 57

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 31 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« à l'artile 33 de l'arrêté royal susvisé, la disposition « 222, 1º, 2º et 4º et » est supprimée à l'article 225, 1º, et la disposition « 222, 3º et » est supprimée à l'article 225, 2º. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 34 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 38, 1º, de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

Justification

Le Gouvernement avait initialement l'intention d'élargir l'assiette de l'impôt des personnes morales en y ajoutant les dépenses rejetées ce et, pour toutes les personnes morales assujetties à cet impôt, à l'exclusion de l'État, des communautés, des régions, des provinces, des agglomérations, des fédérations de communes, des communes, des centres publics d'aide sociale et des institutions ecclésiastiques publiques.

Cela signifie que les dépenses rejetées auraient été imposées dans le cadre de l'impôt des personnes morales pour tous les contribuables assujettis à cet impôt ce et, de la même manière que dans l'impôt des sociétés, c'est-à-dire au taux de 39 % (majoré de trois centimes additionnels représentant la cotisation complémentaire de crise).

À la suite d'une série d'observations critiques qui ont été formulées à ce sujet, la mesure relative à l'imposition des dépenses rejetées n'a été maintenue que pour les entreprises publiques énumérées à l'article 180 du C.I.R. 1992.

Le VLD estime que tant les entreprises publiques que les entreprises privées doivent pouvoir pénétrer le marché dans les mêmes conditions de concurrence et doivent par conséquent être imposées de manière identique lorsqu'elles exercent des activités économiques similaires.

Cette thèse suppose toutefois que l'on aligne globalement les régimes d'imposition et non que l'on applique de manière fractionnée au secteur public certains principes d'imposition en vigueur dans le secteur privé.

Cette mesure établit en outre des discriminations injustifiées entre personnes morales, alors que le principe constitutionnel d'égalité interdit manifestement de telles discriminations. On peut d'ores et déjà prédire que cette mesure fera l'objet de recours en annulation devant la Cour d'arbitrage. »

Le ministre est d'accord avec le principe selon lequel tant les entreprises publiques que les entreprises privées doivent pouvoir pénétrer le marché dans les mêmes conditions de concurrence et que, par conséquent, elles doivent être imposées de manière identique lorsqu'elles exercent des activités économiques similiaires. La logique de ce principe amène à soumettre ces entreprises publiques à l'impôt des sociétés. La mesure prise par le Gouvernement est un pas dans la bonne direction. Le ministre espère pouvoir réunir un jour le consensus nécessaire pour aller jusqu'au bout de la logique.

Un commissaire demande si le ministre a l'accord des mandataires communaux des partis de la majorité. L'intervenant estime qu'en allant jusqu'au bout, un nouveau problème de finances communales se posera. Le ministre des Finances fédéral et ses collègues des régions devront alors régler ce problème.

Un membre désire savoir pourquoi le ministre se contente de ce seul pas dans la bonne direction. Pourquoi ne va-t-il pas jusqu'au bout des choses ?

Le ministre repète qu'il n'a pas encore réuni le consensus nécessaire pour appliquer ce principe jusqu'au bout.

Le membre conclut que, si l'on ne parvient pas à dégager un consensus maintenant, l'on n'y arrivera jamais.

Les amendements nºs 54, 55, 56 et 57 sont rejetés par 9 voix contre 3.

Amendement nº 58

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 41 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

Justification

Le Gouvernement prévoit un certain nombre de mesures en vue d'assouplir les conditions permettant de lever le secret bancaire.

La première de ces mesures consiste à abandonner la condition de complicité dans le chef de la banque en ce qui concerne la fraude fiscale qui serait commise par le client. Par conséquent, il ne sera désormais plus exigé qu'une banque participe activement à un mécanisme de fraude fiscale dans le cadre duquel il est fait usage des services bancaires.

Ensuite, le secret bancaire ne pourra pas seulement être levé dès qu'existera un mécanisme de fraude fiscale, mais aussi dès qu'un tel mécanisme sera en préparation. Il s'ensuit non seulement qu'il ne sera pas requis que le mécanisme existe déjà, mais qu'il ne faudra pas non plus que le fisc démontre qu'une fraude fiscale est effectivement commise.

Par cette série de mesures, le Gouvernement s'en prend clairement au petit épargnant. Outre qu'il accroît la charge fiscale sur les produits de l'épargne, il crée un climat de suspicion en assouplissant les conditions permettant de lever le secret bancaire et en rendant obligatoire la déclaration par l'épargnant des comptes financiers qu'il détient à l'étranger.

Amendements nºs 59 et 60

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

« l'article 39 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 1º, par ce qui suit :

«l'article 40 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

Justification

À partir de l'an prochain, les contribuables/personnes physiques devront mentionner dans leur déclaration l'existence de comptes bancaires à l'étranger ainsi que le ou les pays où ces comptes sont ouverts.

Parallèlement, le code impose désormais expressément aux habitants du Royaume de communiquer, à la demande de l'administration, les livres et documents relatifs à ces comptes étrangers.

L'instauration de cette nouvelle obligation permettra d'appliquer l'ensemble du système en matière d'établissement de l'impôt, système qui englobe la possibilité de demander des renseignement, l'imposition d'office et les sanctions pénales.

La mention des comptes dans la déclaration constitue sans doute une nouvelle information importante, puisqu'elle permettra à l'appareil d'investigation du fisc de se mettre en branle (pour demander des renseignements aux contribuables, à des tiers, à des administrations étrangères, etc.). Le fisc pourra demander à connaître le montant se trouvant sur un compte ainsi que l'origine de l'argent.

En arrêtant ces mesures, le Gouvernement s'en prend clairement aux petits épargnants. Non seulement il augmente les impôts perçus sur les produits d'épargne, mais il crée une ambiance de suspicion en assouplissant les conditions de levée du secret bancaire et en imposant l'obligation de déclarer ses comptes financiers à l'étranger.

Un commissaire souligne que ces amendements visent les articles 39 et 40 de l'arrêté royal du 20 décembre 1996. Le membre lit ces articles à haute voix et prend ensuite à son compte les critiques formulées à l'égard de ces dispositions dans divers articles paru dans les journaux.

Le premier article est celui de Guy Kleynen, professeur à l'E.S.S.F., intitulé « Un autre regard sur l'obligation de déclarer les comptes bancaires étrangers : le tollé de protestations suscité par l'obligation de déclarer les comptes bancaires étrangers dénote une inquiétante dégradation des mentalités », paru dans l'Écho du 15 avril 1997.

Le professeur Kleynen pose le problème dans son article. Cette analyse donne la réalité dans laquelle nous nous retrouvons actuellement.

Dans quelle mesure, l'initiative que prend le Gouvernement est-elle en dehors du cadre ? Vu que l'obligation de déclarer les revenus des comptes étrangers existe déjà, la mesure n'est pas nécessaire.

En conclusion, le professeur Kleynen dit que « en définitive, le contribuable appréciera le risque de maintenir ses avoirs à l'étranger en fonction de sa situation personnelle.

Parmi les éléments susceptibles d'influencer sa décision, on relèvera notamment comme arguments à opposer à l'instabilité de la législation fiscale belge :

­ le fait que mentir à répétition peut aboutir à une situation inextricable sur le plan pénal, surtout si l'harmonisation européenne devait un jour conduire à la suppression du secret bancaire au sein des pays de l'Union européenne;

­ la modicité des impôts actuels sur les revenus des placements mobiliers;

­ la possibilité de réduire les droits de succession en procédant par exemple à des dons manuels éventuellement assortis de formules telles qu'une réserve d'usufruit;

­

­ le souci de « dormir tranquille », en étant en règle avec sa conscience... »

Pour souligner la déficience de la mesure que le Gouvernement prend, le commissaire se refère aussi à l'article de M. Dassesse, avocat, professeur ordinaire à l'U.L.B., paru dans l'Écho du 19 février 1997, intitulé « La levée du secret bancaire sur les comptes détenus à l'étranger : une mesure contraire aux droits de l'homme, au droit européen et à l'union monétaire avec le Luxembourg ? »

Une disposition comme celle à l'examen est considérée par M. Dassesse comme étant en pratique une contrainte pour le contribuable de s'accuser soi-même. Le contribuable doit s'accuser lui-même de fraude fiscale, ou faire une fausse déclaration.

Cette mesure paraît à M. Dassesse incompatible avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Le deuxième reproche est la violation du respect de la vie privée. Le troisième moyen est la violation de l'égalité devant la loi. Le quatrième moyen est la contrariété avec le droit européen.

Concernant la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union européenne, le commissaire donne un exemple pour illustrer ce que doivent ressentir certains autres pays à l'égard de cette mesure en Belgique. Si le contrôle fiscal était fait par les régions, chacun des ministres régionaux des Finances pourraient décider sur le plan régional la mesure fédérale à l'examen. Dès lors, en Région flamande, en Région wallonne et en Région bruxelloise, on décentraliserait totalement les moyens de contrôle, le contribuable flamand devrait déclarer les comptes qu'il detient ailleurs qu'en Flandre, le contribuable bruxellois les comptes qu'il détient ailleurs qu'à Bruxelles et le contribuable wallon, les comptes qu'il détient ailleurs qu'en Wallonie. Ceci serait considéré comme une atteinte majeure à l'unité du pays. Cette mesure va en effet directement à l'encontre de l'unité économique et financière du pays.

Le commissaire souligne qu'en plus la mesure est une atteinte à l'union monétaire avec le Luxembourg.

Enfin, il se refère à la conclusion que M. J.-P. Bours, avocat, maître de conférence à l'Université de Liège, a tirée dans son article paru le 22 avril 1997 dans l'Écho , intitulé « Faut-il déclarer ses comptes à l'étranger ? Beaucoup de réponses possibles au regard de la législation ».

Il cite la conclusion : « Faut-il déclarer ses comptes à l'étranger ? Évidemment oui. Mais ce n'est pas nouveau. Il a toujours fallu déclarer les revenus produits par ses comptes. L'arrêté royal du 20 décembre 1996 n'apporte donc rien de neuf. La montagne, une fois de plus, a accouché d'une souris. Mais il est des souris qui font peur... »

Les critiques juridiques faites sont particulièrement sérieuses. Certains contribuables belges, en allant jusqu'au bout de la logique développée dans les critiques, peuvent arriver en fin de compte, s'ils s'adressent à l'instance correcte, à faire déclarer la mesure irrégulière et devant être annulée.

Un autre membre estime que la mesure proposée peut être interprétée de deux manières. D'une part, comme si elle était simplement le fruit de la maladresse du Gouvernement et, d'autre part, comme si elle devait servir à « piéger » le contribuable.

Pour qu'une mesure puisse produire un résultat positif, il faut qu'elle soit assortie de toutes les conditions qui serait de nature à déclencher une réaction favorable de la part du contribuable. Toutefois, la mesure en question a été tellement mal formulée qu'elle n'a nullement encouragé le citoyen à y donner suite, d'autant moins qu'il ne sait pas quelles seront les conséquences de la déclaration demandée.

Faut-il en conclure que le Gouvernement entend réellement « piéger » le contribuable en le privant de toute échappatoire ? Si oui, ce serait une attitude particulièrement négative des autorités à l'égard des citoyens. Si les autorités devraient adopter une telle attitude, elles ne devraient pas s'étonner de voir le citoyen manquer au principe de loyauté dans ses rapports avec elles. Or l'État de droit ne peut survivre dans de telles conditions.

Le ministre répète qu'il n'y a aucun problème pour les citoyens qui ont toujours déclaré correctement leurs revenus.

Selon l'intervenant, la réalité est quelque peu différente de la théorie. Les citoyens savent que s'ils déclarent maintenant qu'ils ont un compte à l'étranger, ils s'exposent à une révision portant sur les cinq derniers exercices d'imposition. Dès lors, nul contribuable ne sera encouragé à faire une telle déclaration.

Si le Gouvernement veut créer un système orienté sur l'avenir, il doit admettre que l'on a été fort tolérant dans le passé. Il n'est pas correct de changer de système sans avertir les gens au préalable.

Un autre membre estime que le succès modique du dernier emprunt de l'État est le premier signe de la perte de confiance du citoyen dans l'autorité. Ce problème ne fera que s'aggraver. Les banques belges verront, avec beaucoup de consternation les personnes qui disposent de comptes à l'étranger retirer leur argent du Luxembourg pour le placer dans des banques suédoises ou danoises. Les filiales des banques belges seront ainsi mises en difficulté et l'argent en question ne reviendra plus dans le pays.

Si le ministre souhaite créer un cadastre des fortunes, il doit d'abord créer les conditions nécessaires pour ce faire. La mesure proposée aura l'effet inverse de ce qu'escompte le ministre.

D'ailleurs, la mesure ne visera qu'une catégorie donnée de personnes et non pas l'ensemble des contribuables.

L'intervenant ne voit pas quels sont les moyens que le ministre utilise pour atteindre l'objectif qu'il s'est fixé. D'ailleurs, personne ne sait pas très bien quel est exactement cet objectif. Le Gouvernement aurait dû d'abord définir clairement son objectif et il aurait dû ne mettre en oeuvre qu'ensuite les moyens de l'atteindre.

Le ministre souligne que l'objectif de la mesure est d'inciter les contribuables à déclarer correctement leurs revenus. Cette disposition ne pose aucun problème à ceux qui l'ont fait correctement.

Un autre commissaire relève que si le principe avancé par le Gouvernement est correct, l'argumentation des membres est aussi fondée sur certains points.

L'orateur estime qu'il est nécessaire de sortir de ce dilemme. On pourrait peut-être envisager un court régime transitoire. Maintenant, on passe subitement d'une politique d'une politique laxiste à une politique rigoriste allant même jusqu'à criminaliser des activités tolérées jusqu'ici.

Bref, le membre plaide pour un régime transitoire, tout en soulignant qu'il partage entièrement le point de vue du Gouvernement, tel que l'a exposé le ministre des Finances.

Un autre intervenant encore se déclare entièrement d'accord sur le principe d'une déclaration correcte, y compris des revenus à l'étranger.

À cet égard, le membre renvoie aussi à la politique laxiste qu'ont menée les autorités en la matière. La réalité est que parmi les contribuables belges qui disposaient d'un compte à l'étranger, quelque 90 % n'ont pas déclaré les revenus de ces comptes. La mesure qui est prise met dans les mains de l'administration fiscale un instrument lui permettant d'effectuer des enquêtes complémentaires au sujet des revenus antérieurs à 1996, par suite de cette nouvelle rubrique figurant dans le formulaire de déclaration des revenus de 1996.

Une mesure unique s'impose pour régler cet état de choses de manière souple et équitable. La commission doit soit amender cet article, soit au moins donner un signal au Gouvernement pour qu'il cherche une solution. Le fait que la commission fait preuve de compréhension pour certaines situations ne pourrait que trouver un écho favorable auprès de la population.

Quelques commissaires déclarent qu'il existe une grande méfiance à l'égard de l'État. C'est là aussi une réalité devant laquelle il ne faut pas se voiler la face. Veiller à ce que les relations entre l'administration des Contributions et le contribuable s'améliorent est un des devoirs du Parlement. Dans ce domaine aussi, une mesure transitoire serait de nature à améliorer leurs rapports.

Un autre intervenant déclare n'être favorable ni à un amendement au texte déposé, ni à un quelconque régime transitoire. Il tient toutefois à savoir quel usage l'administration fiscale fera des informations collectées. Quelles directives le ministre donnera-t-il à son administration ? Engagera-t-on des poursuites dans tous les cas ou seulement dans les cas graves ?

Le ministre prend acte des diverses déclarations des membres de la commission. À ce jour, le ministre n'a pas encore donné des instructions. Il le fera pour le 30 juin prochain, s'il y a lieu.

Un commissaire déduit de la réponse du ministre que la loi sera strictement appliquée et que l'administration vérifiera les déclarations déposées lors des années précédentes, par ceux qui déclarent aujourd'hui avoir un compte à l'étranger. Ainsi toute une série d'impôts seront-ils perçus avec effet rétroactif.

Selon un autre membre, les banques luxembourgeoises feront le nécessaire afin que certains groupes de contribuables échappent au fisc belge. D'autres contribuables, qui n'ont pas tellement d'argent et qui, en proie à des problèmes de conscience, rempliront la nouvelle rubrique, seront « piégés » par l'administration.

Un membre souhaite connaître les réponses du ministre quant aux observations de M. Dassesse.

Le ministre ne souhaite pas répondre aux remarques de M. Dassesse étant donné qu'il peut y avoir des possibilités de recours. Le ministre souligne cependant qu'il n'est pas exclu que, compte tenu de la discussion en commission, il puisse donner des instructions à l'administration avant le 30 juin prochain. Si des instructions étaient données, ce serait évidemment dans le sens des préoccupations exprimées.

Les amendements nºs 58, 59 et 60 sont rejetés avec 6 voix contre 3 et 2 abstentions.

Amendements nº s 61 et 62

« Compléter l'article 2, 2º, par ce qui suit :

« l'article 4 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

« Compléter l'article 2, 2º, par ce qui suit :

« l'article 5 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

Justification

L'instauration d'une taxe sur la livraison matérielle de titres au porteur revient de toute évidence à accorder des subsides directs aux banquiers étrangers, principalement luxembourgeois. À défaut d'harmonisation européenne sur le plan fiscal, une telle mesure est manifestement contre-productive. L'utilisation de titres matériels au porteur est un atout pour la Belgique par comparaison avec d'autres centres financiers, mais la mesure projetée en réduit incontestablement l'attrait, ce qui favorisera la fuite des investisseurs.

Le Gouvernement estime que l'instauration de la nouvelle taxe vise à contribuer à la modernisation des marchés financiers belges en encourageant les investisseurs à se tourner vers les titres immatériels. C'est la raison pour laquelle l'investisseur qui s'en tient encore à la livraison physique de titres au porteur doit en quelque sorte être sanctionné. L'objectif paraît de toute façon peu crédible et pourrait plutôt être qualifié d'euphémisme.

Un membre déclare que cette mesure n'aura aucun effet, excepté celui de favoriser la fuite des investisseurs, qui iront à l'étranger percevoir leurs titres matériels pour ne pas être pénalisés. Les investisseurs belges tiennent en effet trop à la livraison matérielle de leurs titres.

Le ministre n'est pas convaincu. Selon le secteur bancaire, les investisseurs déposent de plus en plus leurs titres sur un compte auprès de la banque. Il est un fait que cette mesure ne va pas mener à un changement spectaculaire du comportement des investisseurs.

Un membre voit encore un autre problème, notamment les droits de succession.

Un autre membre se demande si les autorités doivent réellement s'ingérer dans de telles décisions en imposant une taxe. Les organismes financiers peuvent encourager leurs clients à investir dans des titres dématérialisés, mais il n'appartient pas aux autorités d'intervenir.

Le ministre souligne que l'autorité publique doit parfois jouer un rôle incitatif pour accélerer les modernisations nécessaires.

À la demande d'un membre, le ministre explique que la taxe sur la livraison n'entre en vigueur qu'à l'égard des souscriptions qui ont lieu au plus tôt le 1er janvier 1997, la date de la livraison effective importe peu en ce qui concerne l'entrée en vigueur de la nouvelle taxe. Autrement dit, la taxe n'est pas due pour les souscriptions antérieures au 1er janvier 1997 mais dont la livraison a eu lieu après le 31 décembre 1996.

L'amendement nº 61 est rejeté par 8 voix contre 3. L'amendement nº 62 est rejeté par 7 voix contre 3.

Amendement nº 63

« Supprimer le 3º de cet article. »

Justification

La taxe sur les organismes de placement collectif a été instaurée en Belgique en 1993, par analogie avec la « taxe d'abonnement » similaire de 0,06 % qui était déjà d'application, à l'époque, aux S.I.C.A.V. luxembourgeoises.

Depuis, le taux de cette taxe sur les S.I.C.A.V. globales luxembourgeoises (fonds de fonds) et les S.I.C.A.V. de trésorerie luxembourgeoises a déjà été ramenée, en 1996, à 0,03 % et un projet de loi, dont l'élaboration est déjà très avancée, envisage de ramener le taux de cette taxe sur ces mêmes S.I.C.A.V. à 0,02 % en 1997 et à 0,01 % en 1998.

En étendant cette taxe, le Gouvernement va à l'encontre de cette tendance au lieu de la suivre.

Il est clair qu'il découragera ainsi encore davantage l'épargne belge.

Il s'agit en effet en l'occurrence d'une forme pure et simple d'impôt sur la fortune.

Un commissaire déclare que cette nouvelle extension de la taxe sur les organismes de placement collectif est un exemple éloquent de l'hypocrisie du Gouvernement. Si celui-ci peut se servir d'un exemple étranger pour augmenter les taxes, il saute sans tarder sur l'occasion. Par contre, lorsque ce pays étranger opte pour une attitude différente, alors le Gouvernement ne le suit plus.

Le ministre déclare que le Gouvernement belge n'est pas tenu de suivre les décisions du gouvernement luxembourgeois.

L'amendement nº 63 est rejeté par 7 voix contre 3.

Amendement nº 64

« Compléter le 4º de cet article par ce qui suit :

« l'article 2 de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

Justification

Il est évident que la disposition en question a pour effet d'attribuer au fisc des compétences encore plus larges en matière de perception des taxes.

De la sorte, les pouvoirs publics plongent de plus en plus le contribuable dans une atmosphère de suspicion, dans laquelle l'Administation fiscale s'arroge de plus en plus de moyens d'intervention et la sécurité juridique du contribuable va en s'amenuisant.

En effet, l'I.S.I. intervient journellement de manière très dure dans le secteur privé, souvent avec pour unique objectif de semer la frayeur. Le fisc ne tient toutefois aucun compte des frais élevés que de telles enquêtes engendrent pour les entreprises concernées et du préjudice causé à leur clientèle.

L'on peut se demander, dès lors, comment concilier cette tendance avec le « modèle de collaboration entre le fisc et le contribuable » que le ministre des Finances a qualifié, en son temps, c'est-à-dire, à l'occasion de la présentation de son plan quinquennal, de formule idéale ».

Un commissaire fait observer que ladite disposition donne aux fonctionnaires chargés de la perception certaines compétences en matière d'enquête. Ce n'est pas ainsi que l'on réalise le modèle de collaboration entre le fisc et le contribuable; notre système fiscal évolue au contraire de plus en plus dans le sens d'un régime répressif. Le résultat de toutes ces mesures, c'est que le contribuable tolèrera de moins en moins d'être taxé et contestera aussi la façon dont les pouvoirs publics le traiteront.

Le citoyen est disposé à payer des impôts, mais seulement dans la mesure où ceux-ci sont fixés et perçus de façon correcte et humaine. Plus les interventions sont répressives, plus le citoyen aura tendance à frauder autant que possible. Une fois de plus, les pouvoirs publics sont perçus de façon négative, ce qui est extrêmement regrettable.

Le ministre n'est pas convaincu par les arguments avancés.

L'amendement est rejeté par 7 voix contre 3.

Amendement nº 65

« Compléter le 5º de cet article par ce qui suit :

« l'article 1er de l'arrêté royal susvisé est abrogé. »

Justification

Étant donné la portée pratique de la nouvelle définition, la taxe de patente s'étendra aussi, dorénavant, notamment au débit de boissons dont le taux d'alcool est en soi inférieur à 22 % du volume, mais qui contiennent de l'alcool distillé.

Renseignements pris, il apparaît que la taxe de patente serait également rendue applicable au débit de crème de cassis, par exemple, ou de cocktails préparés en boîtes ou en bouteilles (par exemple gin tonic en boîtes), etc.

En outre, elle pourrait être rendue applicable au débit de boissons comme le Gancia et le Campari, du moins pour autant que ces boissons contiennent également de l'alcool distillé, ce qui ne sera manifestement pas toujours le cas.

Il est toutefois frappant que le Gouvernement fasse uniquement mention, dans son rapport au Roi, de la diminution du taux de la taxe de patente et de la suppression des limites maximales et minimales, et qu'il reste muet sur l'extension de la taxe de patente à d'autres types de boissons.

Le texte en question est donc extrêmement trompeur.

Selon un membre, étant donné la portée pratique de la nouvelle définition, la taxe de patente s'étendra aussi, dorénavant, notamment au débit de boissons dont le taux d'alcool est en soi inférieur à 22 % du volume, mais qui contiennent de l'alcool distillé.

Un membre explique que beaucoup d'exploitants de débits de boissons ont le sentiment que le revenu cadastral qui est à la base de la perception de la patente, les obligera à payer plus que dans l'ancien système.

Le ministre explique que le Gouvernement a estimé l'impact budgétaire de cette mesure à une moins-value de recettes de l'ordre de 300 millions de francs. Cette évaluation s'est effectivement concrétisée dans les faits puisque la taxe de patente est payable en principe durant le mois de janvier. La mesure est globalement favorable au secteur.

Le membre se demande si l'administration ne prend pas comme base pour le paiement de la patente, la totalité du revenu cadastral de l'immeuble.

Le ministre explique qu'il ne s'agit que du local affecté. Certains vont devoir payer plus parce que le maximum de 40 000 francs n'est plus retenu. Globalement, ceux qui vont devoir payer moins seront plus nombreux que ceux qui doivent payer plus.

Un commissaire se demande comment l'on contrôlera la ventilation du revenu cadastral. Certains propriétaires proposeront eux-mêmes une ventilation. Comment effectuera-t-on le contrôle ?

Le ministre répond que, il s'agit d'une ventilation du revenu cadastral, le contrôleur du cadastre est qualifié pour faire la ventilation.

Un autre membre conclut que le redevable peut faire une proposition, après quoi l'Administration de la douane et des accises demandera, si elle n'est pas d'accord sur ladite proposition, que l'Administration du cadastre procède à la ventilation.

Le ministre confirme que cette procédure est possible.

L'amendement est rejeté par 8 votes contre 3.

IV. VOTE FINAL

La partie du projet de loi examinée par la commission n'a fait l'objet d'aucune modification et a été adoptée par 9 voix contre 3.

Le présent rapport a été adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

Le rapporteur, Le président,
Johan WEYTS. Paul HATRY.

(*) Les annexes seront distribuées ultérieurement.

(1) Amortissement des droits d'enregistrement (12,5 % sur le prix) payés en une seule fois composés avec la perte de revenu sur une période de 20 ans.

(2) = Revenu cadastral + 25 % (plan global).