2-658/2

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2000-2001

6 MARS 2001


Projet de loi portant assentiment à l'accord de coopération du 21 juin 1999 entre l'État fédéral, les Régions flamande, wallonne et de Bruxelles-Capitale relatif à la maîtrise de dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE L'INTÉRIEUR ET DES AFFAIRES ADMINISTRATIVES PAR M. MAHASSINE


1. EXPOSÉ DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

L'accident majeur, qui s'est produit au mois de juillet 1976 à l'usine Hoffman-Laroche dans la localité de Seveso, en Italie, en l'occurrence l'émission d'un gaz toxique, « la dioxine », a attiré l'attention des autorités responsables des pays membres de la Communauté européenne sur la nécessité de légiférer dans le domaine de la protection de l'homme et de son environnement contre les dangers des accidents industriels.

Le 24 juin 1982, le Conseil des Communautés européennes a dès lors adopté une directive, appelée couramment directive Seveso. Celle-ci a été transposée en droit belge par la loi du 21 janvier 1987 concernant les risques d'accidents majeurs de certaines activités industrielles, dite encore loi Seveso.

Après plus de dix ans d'application de cette directive, l'expérience a montré la nécessité d'une révision fondamentale de celle-ci. Principalement en vue :

­ d'une mise en application plus adéquate, notamment pour ce qui concerne la politique de prévention,

­ d'un renforcement des échanges d'informations entre les États membres,

­ et d'un élargissement de son champ d'application.

Le 9 décembre 1996, le Conseil des ministres de l'Environnement de l'Union européenne a donc adopté une nouvelle directive en la matière, la directive Seveso bis.

Celle-ci poursuit un double objectif :

­ elle a pour objet la prévention des accidents majeurs impliquant des substances dangereuses,

­ ainsi que la limitation de leurs conséquences pour l'homme et l'environnement, afin d'assurer de façon cohérente et efficace, dans toute l'Union, des niveaux de protection élevés.

Le champ d'application de cette nouvelle directive a considérablement été étendu par rapport à la précédente directive Seveso :

­ L'attention prêtée à l'environnement a plus particulièrement été renforcée par l'adjonction d'une catégorie spécifique de substances « dangereuses pour l'environnement » auxquelles s'applique la directive.

­ Par substance dangereuse ou par catégorie de substances, on introduit à présent deux seuils. Si l'établissement dépasse le seuil le plus élevé, il appartiendra aux établissements qualifiés de « grands » établissements Seveso; s'il dépasse uniquement le seuil le plus bas, il appartient au groupe d'établissements qualifiés de « petits » étblissements Seveso, qui par le passé, ne devaient pas répondre à la directive Seveso. Ainsi, ce dernier groupe est également obligé ­ mais dans une moindre mesure que les « grands » établissements ­ d'élaborer une politique de prévention.

La directive n'est toutefois pas applicable :

­ aux installations militaires;

­ aux dangers liés aux rayonnements ionisants;

­ aux transports de substances dangereuses, au stockage temporaire en cours de transport et au transport par pipelines;

­ aux industries extractives;

­ aux décharges de déchets.

Le présent projet vise à achever le processus de transposition en droit belge de la directive 96/82/CE adoptée le 9 décembre 1996 par le Conseil des ministres de l'Environnement de l'Union européenne et relative à la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses.

En effet, la loi spéciale du 16 juillet 1993 a complété la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles par une disposition qui oblige l'autorité fédérale et les régions à conclure un accord de coopération « pour l'application aux niveaux fédéral et régional des règles fixées par la Communauté européenne concernant les risques d'accidents majeurs de certaines activités industrielles » (article 92bis, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980).

La transposition de la directive en droit belge s'est faite au moyen de l'« Accord de coopération entre l'État fédéral, les Régions flamande et wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses », signé le 21 juin 1999.

Cet accord de coopération se rapproche très fort du texte de la susdite directive. Il règle la répartition de compétences entre les autorités fédérales et régionales, non seulement pour la directive Seveso bis précitée, mais aussi pour la « Convention sur les effets transfrontières des accidents industriels », signée à Helsinki le 17 mars 1992.

Certains éléments de la directive relèvent clairement d'un même niveau de compétence, tandis que d'autres éléments sont du ressort tant des autorités fédérales que régionales. Il a dès lors été opté dans l'accord de coopération pour une collaboration intensive entre les autorités compétentes.

C'est ainsi que l'inspection des établissements est effectuée par les services du gouvernement flamand, wallon ou de la Région de Bruxelles-Capitale, selon la région où se trouve l'établissement, en collaboration avec le service compétent du ministère fédéral de l'Emploi et du Travail. S'il s'agit d'un établissement qui s'occupe d'explosifs, de stockage souterrain de gaz ou de transport par pipelines, la collaboration des régions se fait avec le service compétent du ministère fédéral des Affaires économiques.

En ce qui concerne le chapitre « Aménagement du territoire », ce sont les régions qui poursuivent les objectifs de la directive par un contrôle notamment de l'implantation des nouveaux établissements et de certaines modifications des établissements existants.

La protection civile du ministère de l'Intérieur est chargée de l'exécution de la planification d'urgence externe. Pour les établissements qualifiés de « grands » établissements Seveso, les gouverneurs de province sont tenus d'établir des plans d'urgence et d'intervention externes qui sont ratifiés par le ministre de l'Intérieur.

À cette occasion, le ministre rappelle les catastrophes qui se sont produites aux Pays-Bas l'année passée, notamment l'explosion de l'usine à explosifs à Enschede et l'incendie dans le dancing à Volendam. Celles-ci ont clairement démontré qu'en dépit des répartitions de compétences en fonction des spécialités et de la politique, il est indispensable que la finalité de la loi ne soit pas perdue de vue, notamment, la protection de la population.

Dans cette matière, le ministre de l'Intérieur doit préserver son rôle crucial de dirigeant et de coordinateur, et ceci aussi bien dans la phase proactive que dans la phase curative.

2. DISCUSSION GÉNÉRALE

Un membre constate que cet accord contient lui aussi un article (article 6, 1º) en vertu duquel les établissements, les installations ou les entrepôts militaires sont exclus du champ d'application, parce qu'on considère que les autorités militaires assurent elles-mêmes la protection et la sécurité de la population. On ne peut cependant pas nier que le transport des substances dangereuses dans le cadre des opérations militaires représente un risque important. C'est ainsi que le kérosène pour les avions, qui est transporté par les oléoducs, est exclu du champ d'application du présent accord de coopération.

L'intervenant estime qu'à terme, il faudra inévitablement organiser un débat sur la manière dont le traitement des substances dangereuses qui entrent dans le cadre des activités militaires doit faire l'objet des mêmes règles que celles qui sont aussi applicables aux autres secteurs. À ce sujet, il renvoie à sa demande d'explications concernant le transport de munitions par le port de Zeebrugge. Ce transport a donné lieu à des plaintes de la part des ouvriers du port. L'autorité militaire a toutefois renvoyé à l'autorité civile pour le traitement éventuel de ces plaintes, étant donné qu'il n'y a pas eu de plaintes de la part des militaires qui se sont occupés de ces transports.

L'intervenant souhaite dès lors que l'on organise un débat sur les risques, pour les citoyens, du traitement de substances dangereuses dans le cadre des activités militaires.

Un autre membre se rallie à ce point de vue. Il est surpris de devoir constater que le transport de substances dangereuses est également exclu du champ d'application de cet accord alors que c'est dans ce domaine qu'il est vraiment nécessaire d'arriver à un accord entre les régions.

Le ministre rappelle que le transport de substances dangereuses est réglé par la réglementation ADR (11). Il souligne aussi l'importance d'un coordinateur au niveau curatif ainsi qu'au niveau proactif.

Les installations militaires ­ les oléoducs par exemple ­ sont soumises aux directives de l'OTAN. Ces directives ne sont certainement pas moins rigoureuses que les directives concernant les applications civiles. En pratique, il n'y a donc pas de problème, ce qui ne signifie pas que, pour ce qui est d'une application militaire, il ne pourrait pas y avoir de danger pour la population dans son ensemble. Le ministre est donc conscient de ce problème, mais l'expérience a montré qu'on peut obtenir sans la moindre difficulté des informations sur les installations militaires et leurs spécifications.

D'ailleurs, l'autorité militaire veille à respecter les normes civiles de sécurité. Cependant, on demande, eu égard au caractère spécifique des objectifs militaires, que l'on fasse preuve d'une certaine discrétion. Cette discrétion est d'ailleurs un élément favorable à la sécurité de la population, car divulguer trop d'informations sur les transports militaires passant par certains points névralgiques pourrait précisément engendrer des situations dangereuses. Le ministre dispose d'ailleurs d'un instrument au sein duquel les informations de ce type sont exploitées, à savoir la Commission pour les problèmes nationaux de défense (22), laquelle dépend à la fois du Centre de crise et de la Protection civile.

En ce qui concerne le transport de substances dangereuses, le ministère de l'Intérieur et la Protection civile sont en train d'examiner les risques spécifiques qui existent. Pour certains transports des accords très précis ont été conclus avec l'industrie. Ainsi l'accord Belintra (33) permet une intervention adéquate quand il y a des problèmes et cela dans un délai raisonnable.

Pour les tunnels des directives très spécifiques sont à l'examen actuellement.

Le propre de la réglementation Seveso est qu'elle vise surtout des installations fixes et des unités de production.

Un membre déclare que le présent projet concerne essentiellement les services de la Protection civile, mais, en cas d'accidents graves, les services d'incendie sont également directement concernés. Cela aussi témoigne de la nécessité d'une réforme des services de secours. En effet, la coordination entre les deux services précités reste toujours mal structurée et l'équipement des services reste épisodique. Le groupe de travail examinant la réforme des services de secours au sein du ministère ne dispose même pas d'un secrétariat. Bien que le présent projet de loi soit nécessaire pour que l'on puisse assurer la coordination entre les régions, il faut aussi moderniser les services d'incendie et leur assurer un financement correct, si l'on veut réaliser un système de secours performant.

En deuxième lieu, l'intervenante voudrait savoir comment le système proposé sera financé. Est-ce que c'est à nouveau le citoyen des villes qui devra payer ou est-ce que les frais seront imputés aux entreprises concernées ? Va-t-on continuer à faire payer des risques industriels et civils majeurs uniquement par des budgets publics ? Si tel est le cas, elle préfère que ce soit le budget fédéral ou régional. Elle déplore qu'un accord de coopération aussi complexe ne donne aucune indication sur le financement du système qui sera mis sur pied.

Le ministre partage ce souci. En ce qui concerne le groupe de travail, il veillera à ce qu'il sera renforcé sur le plan administratif. Quant aux moyens budgétaires, il fait remarquer que ses préférences sur ce plan ne sont pas toujours partagées par les autres ministres.

Le ministre rappelle également qu'il existe un fonds Seveso qui est nourri par des versements par l'industrie qui crée le risque. Les gouverneurs disposent des moyens nécessaires pour faire une bonne estimation des risques et pour mettre au point des plans spécifiques s'appuyant sur des programmes informatiques très performants. Le fonds Seveso sera maintenu. Dans le cadre de ce fonds, on examine actuellement le dossier d'achat du fameux super canon à extinction (44) ainsi que la question de savoir quel est l'endroit le mieux approprié à son stationnement.

3. VOTES

L'article 1er est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

L'article 2 ainsi que l'ensemble du projet sont également adoptés à l'unanimité des 8 membres présents.


Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.

Le rapporteur,
Chokri MAHASSINE.
La présidente,
Anne-Marie LIZIN.

(1)1 Accord européen du 30 septembre 1957 relatif au transport international des marchandises dangereuses par route (Moniteur belge du 9 octobre 1960).

(2)2 Cette commission relève à l'heure actuelle de la compétence du ministre de l'Intérieur. On peut établir une distinction entre les missions de la commission qui résultent des activités de l'OTAN et celles qui résultent de la planification pour la sécurité civile. Les missions OTAN sont reprises dans la directive ministérielle biennale émise par les ministres des Affaires étrangères des pays du Conseil de l'Atlantique Nord. Les autres missions relatives à la défense civile sont confiées par les ministres de l'Intérieur, des Affaires étrangères et de la Défense.

(3)3 Belintra : « Belgian intervention system for transport accidents. Il s'agit d'une convention d'assistance conclue le 26 septembre 1998 entre le secrétaire d'État à la Sécurité et la Fédération des Industries chimiques de Belgique (Fedichem); la convention comprend aussi une annexe datée du 19 mai 1999. Cette convention prévoit que les services d'incendie peuvent faire appel à l'expertise et aux moyens de l'industrie chimique. L'assistance comprend trois volets. Il est possible, premièrement, de demander des conseils et/ou de l'information par téléphone; deuxièmement, de demander un conseil sur place, et troisièmement, de demander une assistance effective ou une intervention.

(4)4 Le super canon à extinction. Il s'agit d'une unité d'extinction pour les grands incendies de citernes. Elle comprend trois parties : une pompe d'amenée, une pompe de suralimentation et un canon à mousse grand débit équipé d'un système de mélange des mousses. Cette configuration unique permet d'éteindre un incendie d'hydrocarbures (essence, diesel, gasoil de chauffage) à l'aide de la technique dite de l'empreinte (footprint) : les pompiers s'efforcent de créer une « empreinte » dans la citerne en feu en déposant une masse de mousse à un endroit donné (overkill) et tentent ensuite d'éteindre l'incendie en élargissant cette masse.