Version à imprimer bilingue Version à imprimer unilingue

Question écrite n° 6-2249

de Christie Morreale (PS) du 17 janvier 2019

au ministre de la Sécurité et de l'Intérieur

Violences sexistes dans l'espace public - Plaintes - Nombre - Harcèlement sexuel au travail - Définition - Liste exhaustive de griefs éventuelle - Mécanismes préventifs - Dépôt de plainte - Protection juridique contre le licenciement

violence sexuelle
harcèlement sexuel
discrimination sexuelle
Banque de données nationale générale (Police)
relation du travail
équipement collectif

Chronologie

17/1/2019Envoi question (Fin du délai de réponse: 21/2/2019)
20/2/2019Réponse

Réintroduction de : question écrite 6-1747

Question n° 6-2249 du 17 janvier 2019 : (Question posée en français)

L'affaire Weinstein et les remous qu'elle provoque ont mis en évidence une méfiance de nombreuses victimes à l'égard des organismes destinés à accueillir leurs plaintes ainsi que le manque de connaissance des mécanismes juridiques permettant d'obtenir réparation pour le préjudice subi.

Selon une grande étude menée en 2014 par l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne sur la violence à l'égard des femmes, 60 % des Belges assurent avoir été victimes d'une quelconque forme de harcèlement sexuel depuis l'âge de quinze ans. Par ailleurs, et comme le démontrent ces statistiques issues du dernier rapport de la police fédérale (2016) : les violences sexuelles (de tout type) sont aussi exercées dans les transports publics (365 plaintes), en rue (359) ou dans les autres lieux publics (243).

La banque de données générale nationale (BNG) de la police a enregistré en 2015 plus de trois mille faits de viol. Pourtant, selon Amnesty International et l'association sans but lucratif (ASBL) SOS Viol, seules 16 % des victimes de violences sexuelles graves s'adressent aux autorités.

L'ensemble de ces questions relève de la compétence du Sénat dans la mesure où elles concernent une matière fédérale qui a une influence sur les compétences des entités fédérées en matière d'égalité des chances, de droit des femmes, etc.

1) L'arsenal législatif développé par la Belgique est conséquent. Pourtant, dans les faits, il semblerait que les plaintes relatives aux violences sexistes soient très peu nombreuses. Pouvez-vous nous indiquer le nombre de plaintes recensées par les services judiciaires pour sexisme dans l'espace public ?

2) Certaines associations déplorent un manque de clarté quant à la définition du harcèlement. En effet, la loi du 28 février 2014 complétant la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail quant à la prévention des risques psychosociaux au travail dont, notamment, la violence et le harcèlement moral ou sexuel au travail – qui définit le harcèlement sexuel au travail – reste interprétative et ne donne pas de liste exhaustive des dérapages pouvant être sanctionnés. Pourtant, une étude française (Ifop, 2014) reprend les principaux griefs dénoncés par les victimes : attouchements au niveau d'une zone sexuelle ou proche, remarques à connotation sexuelle, avances répétitives, commentaires grossiers, usage de matériel pornographique, regards insistants, invitations pressantes ou gênantes, harcèlement téléphonique ou encore exhibitionnisme. L'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne va plus loin en incluant l'accolade ou le baiser indésirable, les commentaires intrusifs sur l'apparence physique ou encore l'envoi de cadeaux, de textos ou de courriels sexuellement explicites. Dans tous les cas de figure, il s'agit d'une situation où une personne livre des propos ou impose des pratiques à caractère sexuel à une autre personne non consentante.

Considérez-vous que l'établissement d'une liste des griefs pourrait aider les personnes à porter plainte ? Des mécanismes préventifs sont-ils prévus dans les entreprises privées et publiques ? Existe-t-il une protection juridique contre le licenciement lorsqu'une plainte pour harcèlement au travail est déposée ?

3) Enfin, deux ans après l'adoption du Plan national d'action contre les violences basées sur le genre, quels sont les premiers constats sur les politiques menées au niveau judiciaire ?

Réponse reçue le 20 février 2019 :

1) La Banque de données nationale générale (BNG) est une base de données policières où sont enregistrés les faits sur base de procès-verbaux résultant des missions de police judiciaire et administrative. Elle permet de réaliser des comptages sur différentes variables statistiques telles que le nombre de faits enregistrés, les modus operandi, les objets liés à l’infraction, les moyens de transport utilisés, les destinations de lieu, etc.

Les données ci-dessous sont présentées pour les années 2015-2017 et le premier semestre de 2018, au niveau national, et proviennent de la banque de données clôturée à la date du 26 octobre 2018.

À partir de cette définition de la BNG, il est possible, sur base des procès-verbaux, de recenser le nombre de faits enregistrés par les services de la police en matière de violence physique, sexuelle et psychique dans l’espace public (voir tableau 1).

Tableau 1: nombre de faits enregistrés en matière de violence physique, sexuelle et psychique dans l'espace public

 

2015

2016

2017

SEM 1 2018

Violence physique (transport public)

1 769

1 773

1 769

929

Violence physique (voie publique)

25 237

25 391

25 475

12 095

Violence physique (autre endroit public)

1 457

1 486

1 415

668

Violence physique (endroit accessible au public)

10 337

10 076

9 810

4 760

Total:

40 815

40 742

40 486

20 470

Violence sexuelle (transport public)

266

370

365

189

Violence sexuelle (voie publique)

1 833

1 718

1 816

851

Violence sexuelle (autre endroit public)

429

454

485

187

Violence sexuelle (endroit accessible au public)

1 081

1 284

1 243

616

Total:

3 609

3 826

3 909

1 843

Violence psychique (transport public)

1 488

1 362

1 374

631

Violence psychique (voie publique)

17 040

16 549

16 793

8 190

Violence psychique (autre endroit public)

1 859

1 800

1 622

776

Violence psychique (endroit accessible au public)

8 315

7 820

7 465

3 594

Total:

28 702

27 531

27 254

13 191

Source: Police Fédérale

Il est également possible d’établir des rapports sur le nombre d’infractions enregistrées à la loi du 22 mai 2014 tendant à lutter contre le sexisme dans l'espace public et modifiant la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes afin de pénaliser l'acte de discrimination.

Le tableau ci-dessous reprend le nombre de faits enregistrés par les services de police en matière de «discrimination fondée sur le sexe (sexisme)», tels qu’ils sont enregistrés dans la BNG.

Tableau 2: nombre de faits enregistrés en matière de discrimination fondée sur le sexe (sexisme)

 

2015

2016

2017

SEM 1 2018

Discrimination fondée sur le sexe (sexisme)

19

44

45

26

Source: Police Fédérale

Pour les années précédentes, il n’y a pas de données disponibles étant donné que le code-fait dans la nomenclature policière n’existe que depuis mai 2015.

2.1) L’établissement d’une liste « exhaustive » de griefs présente le risque de trop restreindre ce qu’on entend par harcèlement sexuel, étant donné que les faits sont multifactoriels.

Toutefois, il peut être intéressant de rediriger cette question vers le SPF Emploi, Travail et Concertation sociale où l'on peut trouver les experts dans ce domaine.

2.2) Conformément à la loi Bien-être et à l’arrêté Royal du 10 avril 2014 relatif à la prévention des risques psychosociaux au travail, la Police Fédérale dispose d’un

service interne de prévention et protection au travail (CGWB). Ce service est responsable, entre autres :

de la réalisation de fiches d’information préventives à destination de tous les membres du personnel ;

de l’organisation de sessions de sensibilisation, ainsi que de la diffusion d’un « Folder d’information » à destination du personnel.

CGWB est également responsable du réseau de personnes de confiance au sein des différentes unités et dispose de conseillers en prévention, spécialisés dans les aspects psychosociaux du travail.

En plus, le Stressteam[1] de la Police Fédérale fournit un appui émotionnel au personnel.

2.3) La Police Fédérale, en particulier CGWB, ne parle plus de plainte mais bien d’une demande d’intervention psychosociale formelle, comme le spécifie la loi. Elle est réalisée par un conseiller en prévention aspects psychosociaux. Elle peut être faite dans le cadre de violence, d’harcèlement moral ou harcèlement sexuel au travail. Durant cette procédure, le demandeur ainsi que les personnes témoins qui interviendront dans le cadre de l’examen de cette demande bénéficient de la protection contre les représailles. Cette protection est définie dans l'article 32tredecies de la loi Bien-être.

3) Pour toute information relative au Plan national d'action contre les violences basées sur le genre, je vous invite à contacter le ministre chargé de l’Egalité des chances.

Pour toute information relative à la politique judiciaire en la matière, je vous invite à contacter le Ministre de la Justice.

[1] Le rôle du Stressteam est défini dans la Circulaire ministérielle GPI 79, relative à l’appui du Stressteam de la Police Fédérale au zones de Police Locale en matière de suivi et d’accompagnement des membres du personnel victimes de violence par des tiers, ainsi qu’à leur famille.