Version à imprimer bilingue Version à imprimer unilingue

Question écrite n° 6-2168

de Lionel Bajart (Open Vld) du 15 janvier 2019

au ministre de la Sécurité et de l'Intérieur

Espace Schengen - Principe de libre circulation - Vols - Contrôles d'identité - Exécution de contrôles occasionnels, non annoncés - Possibilités de dérogation

transport aérien
contrôle de police
libre circulation des personnes
accord de Schengen
données personnelles

Chronologie

15/1/2019Envoi question (Fin du délai de réponse: 14/2/2019)
12/2/2019Réponse

Réintroduction de : question écrite 6-1568

Question n° 6-2168 du 15 janvier 2019 : (Question posée en néerlandais)

Il ressort d'une enquête réalisée par un média néerlandais (BNR nieuwsradio) qu'au moins dix compagnies aériennes situées dans l'espace Schengen n'effectuent aucun contrôle d'identité lors de l'enregistrement. Plusieurs collaborateurs de la radio se sont rendus récemment en vacances en Europe en n'emportant qu'un bagage à main et ils n'ont jamais dû présenter de pièce d'identité. Les billets avaient été réservés en ligne et pour l'enregistrement, seules les cartes d'embarquement ont dû être scannées.

Les compagnies aériennes ne savent dès lors pas qui se trouve à bord de leur avion. Sur le plan légal, elles ne doivent d'ailleurs pas contrôler les passagers car lorsque l'on voyage dans l'espace Schengen, on bénéficie de la libre circulation des biens et des services.

Au moins dix compagnies indiquent qu'elles n'effectuent en effet aucun contrôle d'identité aux portes d'embarquement pour des vols effectués dans l'espace Schengen. On trouve parmi celles-ci des grandes compagnies telles qu'EasyJet, Tui, Lufthansa, Ryanair et KLM.

Voyager librement en Europe sans avoir trop d'embarras est un acquis important du marché unique fondé sur la libre circulation des personnes. En cas de menace terroriste effective, on peut effectuer un contrôle systématique de l'identité des voyageurs à l'intérieur de l'espace Schengen, comme cela se fait aujourd'hui en France.

Une voie médiane est d'effectuer des contrôles aléatoires occasionnels, non annoncés, sans que cela ne porte atteinte au principe de la libre circulation des personnes à l'intérieur de l'espace Schengen.

Quant au caractère transversal de cette question, l'accord de gouvernement flamand met l'accent sur la prévention de la radicalisation et évoque la création d'une cellule regroupant des experts de divers domaines politiques en vue de prévenir, détecter et remédier à la radicalisation, avec un point central d'information et en collaboration avec d'autres niveaux de pouvoir. La coordination de cette cellule d'experts relève de l'Agence flamande de l'Intérieur. L'autorité fédérale joue un rôle clé, essentiellement en ce qui concerne l'approche proactive et le contrôle du respect des lois. À l'avenir, un fonctionnaire fédéral du service public fédéral (SPF) Intérieur intégrera cette cellule d'experts. Il s'agit dès lors d'une matière régionale transversale. Je me réfère également au plan d'action mis récemment sur pied par le gouvernement flamand en vue de prévenir les processus de radicalisation susceptibles de conduire à l'extrémisme et au terrorisme.

Je souhaiterais dès lors obtenir une réponse aux questions suivantes :

1) Est-il exact que si aucun bagage n'est enregistré pour des vols à l'intérieur de l'espace Schengen, les passagers ne doivent jamais présenter de pièce d'identité ? Saviez-vous qu'il n'y avait (plus) de contrôles d'identité dans les aéroports belges ? Dans l'affirmative, qu'en pensez-vous ? Dans la négative, pourquoi ?

2) Pouvez-vous me communiquer le nombre de compagnies aériennes actives dans nos aéroports, qui ne contrôlent pas l'identité de leurs passagers ? Pouvez-vous indiquer le nombre de passagers concernés annuellement ? Dans la négative, pourquoi ?

3) Que pensez-vous du fait que certaines compagnies contrôlent bien les bagages mais pas les pièces d'identité des passagers qui voyagent à l'intérieur de l'espace Schengen ? Pouvez-vous me dire comment cette situation est compatible avec le renforcement des contrôles dans le cadre du terrorisme ?

4) Quels sont les accords (européens) en matière de contrôles d'identité pour des vols effectués à l'intérieur de l'espace Schengen ? Qui est responsable de quoi ? Pouvez-vous préciser comment se répartissent les responsabilités entre les États membres, les aéroports, les compagnies aériennes et les services de sécurité et de contrôle ?

5) Dans quels cas des contrôles d'identité peuvent-ils être instaurés au sein de l'espace Schengen ? Les États membres de l'espace Schengen peuvent-ils procéder à leur propre évaluation en la matière ? Dans l'affirmative, sur quelles bases et, dans la négative, pouvez-vous évoquer la situation de la France ?

6) Quelles règles, rôles et responsabilités les compagnies aériennes et les aéroports ont-ils en ce qui concerne les contrôles d'identité dans l'espace Schengen ? Que peuvent-ils exactement contrôler ?

7) Quels accords ont-ils été conclus avec les compagnies aériennes et les aéroports belges sur la nécessité de procéder à des contrôles d'identité sur les vols effectués à l'intérieur de l'espace Schengen ? Quelles évaluations peuvent-ils faire eux-mêmes pour décider de procéder ou non à des contrôles d'identité ? Quelle est la répartition des tâches entre la police et les compagnies aériennes pour les contrôles d'identité des passagers aériens ?

8) Est-il exact que si les compagnies aériennes contrôlent une pièce d'identité pour vérifier que le nom indiqué correspond à celui de la carte d'embarquement, elles risquent une amende ? Dans la négative, quelles sont les règles ? Dans l'affirmative, combient d'amendes ont-elles été infligées en 2016 et en 2017 ?

9) Que pensez-vous de la voie médiane visant à convenir avec toutes les compagnies d'effectuer des contrôles d'identité occasionnels, non annoncés ? Êtes-vous d'accord d'instaurer cette mesure à certaines conditions ? Dans la négative, pourquoi ? Dans l'affirmative, pouvez-vous développer votre réponse ?

10) Que vous inspire la contradiction que représente d'une part le fait de prendre des mesures en vue de contrôler les identités pour garantir la sécurité et d'autre part le droit à circuler librement dans le cadre de la convention de Schengen ? Quelles sont les alternatives aux contrôles d'identité effectués par les compagnies sur les personnes qui sont dans le collimateur des services de sécurité ? Quelles en sont les conséquences pour les pouvoirs publics, les aéroports et les compagnies aériennes ?

11) Quel rôle joue la mise en oeuvre de la directive européenne (UE) 2016/681 du 27 avril 2016 du Parlement européen et du Conseil relative à l’utilisation des données des dossiers passagers (PNR) pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière, s'agissant de résoudre les problèmes constatés ? Quand la mise en oeuvre est-elle prévue ? Quels accords ont-ils été conclus à ce sujet au sein de l'Europe ? De quelle manière la directive est-elle mise en oeuvre dans notre pays et dans quelle mesure les compagnies aériennes sont-elles associées à ce processus ?

Réponse reçue le 12 février 2019 :

1) Concernant le lien entre le check-in des bagages et le contrôle d’identité, je prie l’honorable membre d’adresser cette question au ministre de la Mobilité, dont la compétence est concernée. De manière plus générale, j’attire toutefois votre attention sur le fait que la loi du 25 décembre 2016 relative au traitement des données des passagers (dite « loi PNR ») synthétise le compromis entre la liberté de mouvement des personnes garanti par l’acquis de Schengen et les objectifs de sécurité poursuivis par notre Gouvernement. La loi PNR a ainsi établi pour les transporteurs l’obligation de procéder à un contrôle de conformité entre le document d’identité et le titre de transport du voyageur. Il ne s’agit pas d’un contrôle d’identité mais d’une vérification que le nom qui figure sur chacun de ces documents est identique. Nous considérons cette disposition comme un compromis efficace qui nous permet de disposer de plus de garanties sur l’exactitude des données PNR qui nous sont transmises par les transporteurs, tout en respectant les principes de l’espace Schengen. L’obligation de procéder à un contrôle de conformité figure également dans le Programme Belge de Sécurité Aérienne, qui relève des compétences du Ministre de la Mobilité.

2) Sur les vols extra-Schengen, un contrôle d’identité est effectué par les autorités de police chargé du contrôle des frontières, tandis que les transporteurs doivent collecter et transmettre des données relatives à leurs passagers (telles que le nom et la date de naissance du passager, le numéro et le type du document d’identité utilisé, la nationalité, point de passage frontalier utilisé pour pénétrer dans l'UE,…) sur base de la Directive du 29 avril 2004 concernant l'obligation pour les transporteurs de communiquer les données relatives aux passagers (dite « Directive API », également transposée dans la loi PNR) et effectuer le contrôle de conformité imposé par la loi PNR. Sur les vols intra-Schengen, comme expliqué plus haut, seul le contrôle de conformité s’applique. En vertu de la loi PNR, ce contrôle doit être effectué par chaque compagnie aérienne dès que la loi entre en vigueur pour celle-ci, c’est-à-dire à la date déterminée par une notification officielle, qui initie le processus technique de connexion entre ladite compagnie aérienne et la base de données des passagers. Pour ce qui concerne le contrôle de conformité effectué en vertu du Programme Belge de Sécurité Aérienne, je me permets de vous renvoyer vers le ministre de la Mobilité.

3) Sur ce point, outre les éléments détaillés en réponse à vos questions 1 et 2, je me permets de vous renvoyer vers le ministre de la Mobilité.

4) Le point que vous mentionnez donne en effet lieu à un débat passionnant au niveau de l’Union Européenne. Il touche à la fois à la mise en application de la Directive API, en vertu de laquelle les transporteurs aériens doivent communiquer les renseignements de leurs passagers à destination d’un point de passage frontalier de l’Union Européenne (vols extra-Schengen) aux autorités en charge du contrôle des frontières, et qui s’inscrit dans le dispositif Schengen, et à la mise en application de la Directive du 27 avril 2016 relative à l'utilisation des données des dossiers passagers pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière (dite « Directive PNR ») en vertu de laquelle les transporteurs aériens doivent communiquer les données des dossiers des passagers pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité. Les deux Directives (toutes deux transposées dans notre pays par la loi PNR) se trouvent en effet par la force des choses intrinsèquement liées, leur différence majeure étant que la première implique une obligation de collecte des données et de vérification de leur exactitude, tandis que la deuxième n’impose que le transfert de données déjà collectées par les transporteurs dans le cadre de leurs processus commerciaux. Suite à l’adoption de la Directive PNR, les États Membres ont opté pour l’appliquer également aux vols intra-Schengen. La question de l’exactitude de ces données récoltées sur les vols intra-Schengen a dès lors commencé à se poser. En réponse à cela, plusieurs Etats Membres, dont la Belgique, ont proposé l’application de la disposition du contrôle de conformité à l’échelle européenne. Cette proposition, qui a fait l’objet d’une réunion des experts des différents États Membres le 1er mars 2018, est actuellement étudiée par la Commission Européenne. Par ailleurs, la Commission Européenne est également en train de réviser la Directive API, notamment pour assurer sa cohérence d’application avec la Directive PNR et donc clarifier les obligations de ces deux Directives envers le secteur et les services compétents pour les matières concernées. Pour plus d’information sur la répartition des responsabilités autres qu’issues de la loi PNR entre autorités, aéroports, compagnies aériennes et services de sécurité, permettez-moi de vous renvoyer vers le ministre de la Mobilité.

5) Sur ce point, je vous renvoie à mes explications précédentes concernant le contrôle de conformité. Par ailleurs, les contrôles d’identité eux-mêmes ne peuvent être effectués que par les services de police compétents. Au sein de l’espace Schengen, la Police ne peut pas faire de contrôles d’identité systématiques, mais peut par contre effectuer des contrôles d’identité ciblés sur base de l’art 4§7b la loi du 3 mai 1999 organisant la répartition des compétences suite à l'intégration de la police maritime, de la police aéronautique et de la police des chemins de fer dans la police fédérale et conformément l’art 34§1 et §4 de la loi sur la fonction de police du 5 août 1992. Ces contrôles peuvent être effectués en cas d’agissement suspects, sur base d’une correspondance positive entre la base de données des passagers et sa propre base de données ou d’initiative. En France, le contrôle effectué par les compagnies aériennes est également un contrôle de conformité, établi par la législation nationale française, dans un premier temps dans le cadre l’état d’urgence qui a suivi les attentats puis via l’adoption d’une loi.

6) Cette question trouve sa réponse dans les informations communiquées ci-dessus relativement aux contrôles d’identité et aux contrôles de conformité. La loi PNR ne s’applique pas aux aéroports mais aux compagnies aériennes. Concernant les responsabilités respectives des compagnies aériennes et des aéroports autres qu’issues de la loi PNR, je me permets de vous renvoyer vers le Ministre de la Mobilité.

7) Les contrôles de conformité dont l’obligation se trouvent dans la loi PNR sont de la responsabilité des compagnies aériennes qui opèrent depuis, vers ou via la Belgique. Les contrôles d’identité, par contre, sont de la responsabilité des services de Police compétents, selon les modalités détaillées au point 5. Outre ce qui a été expliqué ci-dessus, concernant la concertation avec les compagnies aériennes et les aéroports non liée à la loi PNR et notamment liée au Programme Belge de Sécurité Aérienne, je me permets de vous renvoyer vers le ministre de la Mobilité.

8) La procédure que vous décrivez dans cette question est celle du contrôle de conformité : les compagnies aériennes ne sont donc évidemment pas sanctionnées pour leur respect de la loi. En cas de non-conformité, la compagnie aérienne doit corriger les données qu’elle adresse aux autorités et l’éventuelle sanction qu’elle pourrait adresser au passager concerné est laissée à sa libre appréciation.

9) Comme exprimé précédemment, des contrôles d’identité ciblés sont déjà effectués par les services de Police et, en ce qui concerne les compagnies aériennes, l’introduction du contrôle de conformité nous paraît constituer un compromis intéressant. La priorité de ce Gouvernement est donc d’assurer son entrée en vigueur au sein de chacune des compagnies aériennes opérant en Belgique, au fil de la connexion de celles-ci à notre base de données, ainsi que l’évolution des débats concernant le contrôle de conformité et la révision de la Directive API au niveau européen.

10) Le système actuel de contrôle de conformité à l’embarquement demande certes un effort de la part de la compagnie aérienne, mais il offre la meilleure garantie de contrôle des données d’identité (nom + prénom).

11) J’ai le plaisir de vous annoncer que la Directive PNR du 27 avril 2016 est totalement transposée en droit belge via l’adoption de la loi PNR du 25 décembre 2016 et la mise sur pied d’une Unité d’Information des Passagers au sein du Centre de Crise du SPF Intérieur. La loi PNR dispose déjà d’un arrêté d’exécution pour ce qui concerne le secteur aérien, daté du 18 juillet 2017. L’implémentation des obligations de la loi dans ce secteur est effectuée graduellement, via un processus de connexion mené de manière personnalisée avec chaque compagnie aérienne concernée, initié par l’envoi d’une lettre de notification officielle. A l’heure actuelle, 20 compagnies aériennes sont connectées, ce qui représente environ 35% des passagers de vols effectués depuis, vers ou via la Belgique chaque année, soit environ 11 millions de passagers. Notre objectif est de parvenir à une implémentation à 100% dans ce secteur d’ici la fin de l’année 2019. Plus récemment, le Conseil des Ministres du 7 décembre 2018 a approuvé deux arrêtés royaux concernant respectivement le secteur des trains internationaux à grande vitesse et le secteur des bus réguliers internationaux. Chacun des arrêtés royaux susmentionnés a été rédigé suite à une concertation avec chacun de ces secteurs, afin de tenir compte des spécificités de ceux-ci. L’implémentation d’un système PNR dans notre pays a déjà permis d’obtenir des résultats considérables. Sur base, d’une part des correspondances entre la base de données des passagers et les bases de données de nos services compétents, d’autres part de recherches basées sur des profils, 287 contrôles ont été effectués à l’aéroport de Bruxelles-National entre le 1er avril 2018 et le 1er décembre 2018. Parmi les contrôles susmentionnés, 12 dossiers traités par la Police ont donné lieu à 17 arrestations, pour des faits de trafic de drogues, de trafic d’êtres humains, de rapt parental, de fraude et de cybercriminalité. A ces chiffres s’ajoutent 11 contrôles positifs parmi les contrôles effectués par la douane. Par ailleurs, 37 des contrôles effectués en lien avec des faits de terrorisme et/ou de radicalisme ont donné lieu à des rapports d’information ou à des procès-verbaux. Au niveau européen, l’application de Directive PNR fait l’objet d’une réunion entre les États Membres quatre fois par an et doit être évaluée au plus tard avant le 25 mai 2020. La Belgique était l’un des premiers États Membres à avoir achevé sa transposition et est très active dans les débats : l’expertise de notre pays en matière de données des passagers est désormais reconnue au niveau international.