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Question écrite n° 6-2057

de Rik Daems (Open Vld) du 10 janvier 2019

au vice-premier ministre et ministre des Finances, chargé de la Lutte contre la fraude fiscale, et Ministre de la Coopération au développement

Technologie blockchain (chaînes de blocs) - Autorité - Application - Pilotes - Coopération avec le secteur privé

nouvelle technologie
application de l'informatique
monnaie électronique
informatique appliquée
étude de faisabilité
communauté virtuelle
commerce électronique
administration électronique
médias sociaux
chaîne de blocs

Chronologie

10/1/2019Envoi question (Fin du délai de réponse: 14/2/2019)
12/2/2019Réponse

Réintroduction de : question écrite 6-1607

Question n° 6-2057 du 10 janvier 2019 : (Question posée en néerlandais)

La blockchain peut être considérée comme une nouvelle forme de technologie de l'information distribuée. La technologie blockchain connaît de nombreuses applications. Une d'entre elles est le bitcoin, une monnaie virtuelle permettant d'effectuer des paiements dans le monde entier par le biais de l'internet.

Bien que l'on ne sache pas exactement si toutes les possibilités d'application de la technologie blockchain se concrétiseront, il est intéressant que l'autorité étudie en profondeur cette technologie et ses éventuelles conséquences sur la législation.

Aux Pays-Bas, on s'y emploie déjà activement. Pour l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire, la blockchain peut, par exemple, simplifier considérablement la traçabilité des aliments. Elle peut également faciliter fortement la certification des transactions et la gestion des documents, ce qui conduira à une diminution des charges administratives et à une réduction des coûts.

Pour déterminer quelles possibilités la blockchain offre à l'autorité néerlandaise, des pilotes ont été organisés. En élaborant des cas d'utilisation, on peut comprendre à quelles questions technologiques, sociales, juridiques et administratives les organisations publiques seront confrontées au cours des prochaines années.

On s'attend à ce que la technologie révolutionnaire blockchain ait un impact énorme sur notre économie, notre commerce et les pouvoirs publlics. Cette technologie permet de diminuer la fraude, la corruption, les erreurs et les coûts des processus papier. La blockchain a le pouvoir de modifier la relation entre l'autorité et les citoyens dans le domaine de la gestion des données, de la transparence et de la confiance.

Ce qui offre un réel potentiel d'innovation pour l'autorité n'est pas tant la technique de la blockchain que le fait de porter un autre regard sur certaines questions. La blockchain peut, en même temps que d'autres évolutions technologiques (comme l'intelligence artificielle), être un levier favorisant l'innovation (ICT) au sein de l'autorité. La blockchain permet de compléter avantageusement les processus existants, et de les transformer radicalement (plus rapides, plus efficaces, plus fiables).

Cette question concerne une matière régionale transversale. La blockchain peut considérablement simplifier le travail administratif des autorités locales et de toutes les administrations, en particulier en ce qui concerne l'état civil, l'immobilier et les droits d'enregistrement, la propriété intellectuelle, les dispositions relatives aux mariages et aux naissances, etc. La législation relève encore souvent du niveau fédéral mais certains éléments (par exemple, le droit relatif aux baux à loyer) sont déjà du ressort des Régions.

Je souhaiterais dès lors poser les questions suivantes :

1) En ce qui concerne votre domaine de compétences, pouvez-vous m'indiquer à quels niveaux la technologie blockchain pourrait contribuer à accélérer et simplifier les processus administratifs ? Quelles démarches avez-vous déjà entreprises quant à l'éventuelle application de la blockchain dans votre domaine de compétences ?

2) Êtes-vous disposé à lancer des projets pilotes dans votre domaine de compétences (en concertation ou non avec les autres autorités et entités fédérées) à l'instar des Pays-Bas ? Dans l'affirmative, à quelles applications blockchain pensez-vous, et pouvez-vous fournir des explications détaillées ? Qu'en est-il du calendrier et du contenu des projets ? Dans la négative, pourquoi ?

3) Êtes-vous disposé à rencontrer les administrations concernées et le secteur privé afin d'élaborer des applications blockchain sous forme de pilotes ? Dans l'affirmative, pouvez-vous illustrer et détailler votre réponse ? Dans la négative, pourquoi ?

Réponse reçue le 12 février 2019 :

Afin de répondre à votre question 1) je ne souhaite pas me limiter à vous proposer une liste, mais plutôt à résumer la vision de mon administration en ce qui concerne l’usage potentiel de la technologie Blockchain.

La technologie blockchain propose en effet différents avantages en matière d’inviolabilité de l’information, de portabilité et d’automatisation de processus. Comme vous le notez très justement, le blockchain a aussi une dimension organisationnelle car elle suggère de passer d’un modèle centralisé de gestion des données à un modèle décentralisé.

Il faut toutefois noter – entres autres choses – que :

– il y a d’autres technologies qui garantissent aussi l’inviolabilité de l’information ;

– il y différentes sortes de réseau blockchain, évoluant du consortium privé au le consortium ouvert ;

– la technologie n’est pas tout à fait mature et sa gouvernance pose des questions ;

– l’immuabilité des informations offre des bénéfices mais pose aussi des questions pour la gestion d’informations importantes erronément enregistrées ;

– la Commission européenne est toujours en train d’analyser la compatibilité entre le blockchain et le GDPR.

En conclusion, il est urgent d’investiguer le potentiel du blockchain mais pas de se précipiter à son usage. C’est ce que mon administration fait. Elle a lancé une étude d’impact organisationnel et juridique quant à trois domaines de compétences qui – selon la littérature internationale – sont les plus susceptibles de bénéficier des avantages de la technologie blockchain. Les trois domaines choisis – parmi d’autres – sont :

– le supply chainqui entre plus généralement dans le domaine des douanes et accises ;

– l’enregistrement du patrimoine ;

– la gestion de la TVA.

Ce faisant, l’étude nous permettra aussi d’analyser les opportunités du blockchain sur des types de transactions que l’on retrouve transversalement dans plusieurs domaines de compétences :

– la complétion d’un processus, où à chaque étape une validation authentique et inviolable est opérée. Le supply chain illustre ce cas de figure ;

– la dématérialisation d’un avoir ou d’un contrat sous la forme d’un « token », qui peut être ensuite géré dans différentes configurations de réseau : centralisé, distribué entre autorités compétentes, ou décentralisé. Le cas de l’enregistrement du patrimoine illustre ce cas de figure ;

– la validation et l’inscription de transactions d’échanges de valeurs. Le cas de la TVA en est un bon exemple.

Outre ces types de transactions, le blockchain pourrait être utilisé pour encore d’autres usages, comme par exemple pour l’identification d’une personne physique liée à des droits d’exécution de transactions. La gestion des mandats pourrait en être un exemple. Le blockchain pourrait être utilisé pour valider des états de situations fiscales, garantir des consignations sans obligatoirement déposer les montants sur un compte de l'État, différentes attestations prises en compte dans le calcul de l’impôt pourraient être inscrite dans un blockchain, etc. La liste est longue, et nous n’oublions pas le cas des cryptomonnaies.

Pour répondre à la question 2) j’attire votre attention sur deux cas de figures très différents.

D’une part, le service public fédéral (SPF) peut participer à la demande de tiers à un processus basé sur le blockchain. Le SPF est seulement un participant dans une chaîne. Dans un souci de facilitation des procédures administratives pour les entreprises et les citoyens, il n’y a aucune raison que le SPF n’accepte pas de participer à toute initiative qui rencontre les garanties légales et de protection des données à caractère individuel. Actuellement, le consortium B-HIVE a introduit une pareille proposition que le SPF a considérée favorablement.

D’autre part, le SPF peut prendre une initiative seul ou avec des partenaires, afin d’appliquer la technologie blockchain. Ce cas nous semble précoce à ce stade et demande une étude rigoureuse et un débat politique. Le SPF n’a donc pas l’intention de lancer de telles initiatives. Le SPF ne voit pas non plus la pertinence de lancer un quelconque Proof of Concept qui ne serait pas exploitable.

Je me dois d’ajouter que le SPF participe à une initiative européenne visant à tester l’installation d’un réseau blockchain fermé incluant la commission et les États membres participants. La Commission européenne souhaite par ce projet développer la capacité des États membres à utiliser la technologie blockchain mais aussi à poser les bases pour l’étude d’une technologie d’échange de données intracommunautaires.

À la question 3) je peux vous confirmer que notre administration est toujours prête à réfléchir et collaborer à des initiatives innovantes. Par contre, le SPF porte une attention toute particulière à la régularité des processus et au respect de ses usagers. Il ne souhaite pas utiliser ceux-ci comme matière pour un pilote qui n’aie pas fait l’objet d’une étude, d’un débat, et d’une vision pérenne.