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Question écrite n° 6-2017

de Rik Daems (Open Vld) du 7 novembre 2018

au ministre des Finances, chargé de la Lutte contre la fraude fiscale

Prêts à effet de levier reconditionnés (Collateralized leveraged loans - CLO) - Risque systémique - Contrôleur

emprunt
rachat d'entreprise
société d'investissement
marché financier
transaction financière
crise monétaire
risque financier

Chronologie

7/11/2018Envoi question (Fin du délai de réponse: 6/12/2018)
9/12/2018Dossier clôturé

Réintroduite comme : question écrite 6-2065

Question n° 6-2017 du 7 novembre 2018 : (Question posée en néerlandais)

Les prêts à effet de levier (leveraged loans) sont des prêts octroyés à des entreprises qui ont déjà un lourd endettement (leverage). Le plus souvent, il s'agit de prêts grâce auxquels des groupes d'investissement privés reprennent des entreprises via une opération de rachat avec effet de levier (leveraged buy-out - LBO). L'entreprise acquise assiste alors à une forte augmentation de ses dettes dans l'attente d'une rationalisation et d'une revente avec profit. Bon nombre de ces prêts sont directement vendus à des intermédiaires qui les reconditionnent en différentes tranches de risques et les revendent à des investisseurs. C'est ce qui s'est passé avec les prêts hypothécaires subprime, il y a dix ans en prélude à la crise financière.

La croissance rapide de ces prêts à effet de levier inquiète les autorités de contrôle. À l'échelle mondiale, ils atteignent 1.300 milliards de dollars. Après que la Banque centrale britannique eut comparé ces instruments aux prêts hypothécaires subprime qui avaient connu une forte augmentation, prélude à la crise des crédits de 2008, l'ancienne présidente de la Réserve fédérale (FED) en personne, Mme Janet Yellen, a attiré l'attention, la semaine dernière, sur les risques de " forte détérioration " des garanties qu'offrent ces prêts à effet de levier aux émetteurs de ces emprunts.

Il n'y a pas seulement le risque direct d'augmentation des intérêts inhérent à ces prêts qui ont un taux variable, mais également, semble-t-il, le risque lié aux clauses de sauvegarde assorties à ces prêts. Sur papier, ces créances sont en effet privilégiées (prêts de premier rang) et ont dès lors priorité sur les autres créanciers en cas de défaut de paiement. Elles bénéficient donc d'une confiance élevée, mais qui s'avère amoindrie par les clauses de sauvegarde liées à ces prêts de premier rang.

La dilution des conditions, et donc l'affaiblissement du caractère prioritaire du prêt, entraînent des risques.

Ces clauses de sauvegarde ne vont pas dans le bon sens, si bien que, sur papier, ces prêts sont certes considérés comme prioritaires mais qu'en réalité, ils ne relèvent absolument pas de cette catégorie.

Selon l'agence de notation Moody's, au premier trimestre, quelque 80 % des prêts à effet de levier américains étaient " convenant-lite ", c'est-à-dire assortis de clauses plus souples. En 2006 et 2007, c'était le cas pour maximum 25 % des prêts.

La protection inférieure implique surtout que le prêteur devrait récupérer un montant moindre si l'entreprise tourne mal. Mais la demande d'investisseurs en quête de rentabilité étant tellement importante, les entreprises ont à présent les moyens d'assouplir leurs clauses de sauvegarde.

Selon Mme Yellen, la diffusion des prêts à effet de levier reconditionnés, appelés " collateralized leveraged loans " (CLO), présente un éventuel risque systémique. Si des gestionnaires de patrimoine et de fonds de pension doivent enregistrer des pertes sur les CLO, cela pourra entraîner des retraits d'argent, ce qui obligerait les gestionnaires à vendre dans un marché à la baisse, asséchant davantage celui-ci.

Il s'avère par ailleurs que ce sont surtout les banques européennes qui achètent ces CLO.

Concernant le caractère transversal de cette question: la politique économique est essentiellement développée par les Régions. Il s'agit dès lors d'une matière régionale transversale. Depuis le mois d'avril 2011, la législation Twin Peaks II régit la surveillance des banques belges. Dans ce cadre, la Banque nationale de Belgique a été chargée de la supervision microprudentielle et macroprudentielle sur les banques belges alors que l'Autorité des services et marchés financiers (FSMA) assure entre autres la surveillance des marchés financiers, des entreprises cotées en Bourse et la commercialisation des produits financiers.

Je souhaite dès lors poser les questions suivantes :

1) Pouvez-vous indiquer votre position et celle de l'autorité de contrôle quant aux risques éventuels que présentent les prêts à effet de levier reconditionnés (CLO) que les banques, les gestionnaires de patrimoine et les fonds de pension ont en portefeuille ? Pouvez-vous fournir des explications détaillées ?

2) Concernant les CLO, voyez-vous, comme l'autorité de surveillance britannique, des parallèles avec la croissance des prêts hypothécaires subprime en 2008 et pouvez-vous fournir des explications détaillées ?

3) Pouvez-vous indiquer s'il est aussi question d'une augmentation des CLO dans le portefeuille d'investissement de nos banques ? Pouvez-vous illustrer votre réponse à l'aide de chiffres ?

4) Pouvez-vous indiquer, pour chacune des cinq dernières années, quel a été le montant total de CLO détenu par nos banques ? Est-il question d'une augmentation, et dans l'affirmative, pouvez-vous l'expliciter ?

5) Pouvez-vous indiquer si un audit spécifique a déjà eu lieu ou est prévu dans notre pays en ce qui concerne les prêts à effet de levier reconditionnés et l'assouplissement des clauses de sauvegarde évoqué ? Dans la négative, pourquoi, étant donné que plusieurs autorités de contrôle étrangères ainsi que l'ancienne présidente de la FED, Mme Janet Yellen, tirent la sonnette d'alarme ?

6) Partagez-vous le point de vue de l'ancienne présidente de la FED, Mme Janet Yellen, et de l'autorité britannique de contrôle selon lequel les CLO présentent un risque systémique éventuel et reconnaissez-vous que la question doit être examinée de manière plus approfondie ?

7) Êtes-vous disposé, vous ou l'autorité de contrôle, en l'espèce, la Banque nationale de Belgique (BNB), à aborder, le cas échéant, ce problème à l'échelon européen, que ce soit auprès de l'Autorité bancaire européenne (ABE) ou d'autres instances ? Dans l'affirmative, pouvez-vous préciser le contenu et le calendrier ? Dans la négative, pourquoi ? Pouvez-vous expliquer les démarches éventuellement entreprises sur le plan multilatéral concernant les risques liés aux prêts à effet de levier reconditionnés ?

8) Pouvez-vous indiquer s'il est question, dans les (certains) fonds de pension, d'une augmentation d'actifs contenant des prêts à effet de levier reconditionnés et pouvez-vous l'expliquer à l'aide de chiffres ? Entrevoyez-vous des risques en cas de problèmes avec le taux de couverture des prêts à effet de levier ?

9) Le risque systémique des CLO est-il pris en considération dans certains stress tests des banques ou fonds de pension et pouvez-vous fournir des explications concrètes ?