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Question écrite n° 6-1944

de Christophe Lacroix (PS) du 18 juillet 2018

à la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique

Maladies chroniques - Coût - Augmentation - Financement futur - Données chiffrées - Mesures - Concertation avec les entités fédérées - État de la question

maladie chronique
coût de la santé
prévention des maladies

Chronologie

18/7/2018Envoi question (Fin du délai de réponse: 16/8/2018)
28/1/2019Rappel
20/5/2019Réponse

Question n° 6-1944 du 18 juillet 2018 : (Question posée en français)

Selon certaines informations, le coût des maladies chroniques ne cessant de croître d'année en année, du fait notamment du vieillissement de la population et aussi du prix des technologies innovantes ou encore du prix des médicaments et des honoraires des praticiens, ce coût serait de nature à mettre sérieusement en difficulté le régime des soins de santé de notre sécurité sociale.

Ces inquiétudes seraient confirmées par une étude européenne publiée récemment. Plusieurs maladies sont ciblées comme le cancer, les maladies respiratoires, le diabète ou encore les maladies cardiovasculaires.

Les données chiffrées avancées par l'étude précitée posent question. En effet, à politique égale, le coût au niveau européen pourrait exploser de 38 % d'ici 2030 et e 84 % d'ici 2050. La crainte est évidemment que les maladies chroniques deviennent, à terme, ingérables financièrement.

Cette question relève bien de la compétence du Sénat. En effet, si les aspects financiers et la santé publique de manière générale relèvent du niveau fédéral, certains aspects - et notamment le volet prévention - relèvent de la compétence des entités fédérées.

La prévention est un élément capital dans ce dossier. Il peut s'agir de la prévention pour un style de vie plus sain par exemple : pratiquer un sport, ne pas se trouver en surpoids, consommer de l'alcool avec modération, ne pas fumer, se nourrir de manière équilibrée, etc. Tous les acteurs du monde médical mais aussi les responsables politiques devraient insister sur ces éléments de vie. D'autant que l'étude européenne note que même en tenant compte d'une politique de prévention responsable, une augmentation des dépenses pour ces maladies chroniques est tout à fait inévitable.

Enfin, si quelques maladies ont été ciblées précédemment, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) met l'accent sur d'autres maladies pouvant être répertoriées comme " chroniques " : l'accident vasculaire cérébral (AVC), l'hypertension, la polyarthrite, la dépression, l'épilepsie, la sclérose en plaques ou encore le sida.

Quelles sont les mesures prises dans ce cadre en concertation avec vos collègues des entités fédérées ?

Disposez vous de données chiffrées précises par rapport à la situation de notre pays dans ce dossier ?

Quel est l'état de la question ?

Réponse reçue le 20 mai 2019 :

Il est vrai que les dépenses liées aux maladies chroniques ont augmenté ces dernières années, en raison de plusieurs facteurs comme le vieillissement de la population et les évolutions technologiques. Il convient de préciser à cet égard qu’une part relativement faible de malades chroniques est responsable d’une grande partie des dépenses liées à l’assurance maladie, surtout en cas de multimorbidité : 10 % de la population est responsable de 72 % des soins de santé remboursés.

De récents chiffres des organismes assureurs le confirment également : entre 2010 et 2015, les frais de santé liés aux personnes souffrant d’une affection chronique ont augmenté de 10 %, soit en moyenne 5 746 euros par personne et par an, alors que cette augmentation s’est limitée à 1 % dans le cas de patients sans maladie chronique. Lorsque l’on examine le groupe des malades chroniques, les remboursements dans le cadre de l’assurance maladie s’élèvent en moyenne à 3 449 euros pour une personne souffrant d’une seule affection chronique, à 6 501 euros pour les patients atteints de deux maladies chroniques, jusqu’à 21 751 euros lorsqu’une personne souffre d’au moins cinq affections chroniques. En Belgique, les dépenses de santé ont augmenté de manière constante ces dix dernières années et sont supérieures à celles de la plupart des pays européens. En 2015, la Belgique a alloué environ 10,5 % de son produit intérieur brut (PIB) aux soins de santé et enregistre donc un score supérieur de 1,5 point de pourcentage par rapport à la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et un score supérieur de 1,1 point de pourcentage par rapport à la moyenne européenne.

Nous disposons de peu de données chiffrées complètes, récentes (et fiables) sur l’impact et l’évolution précis des maladies chroniques sur le budget des soins de santé en Belgique. Ce manque de données est dû au grand étalement des maladies chroniques qui sont reprises dans les données et à la poursuite du morcellement des sources de financement en matière de soins et de santé qui fait suite à la sixième réforme de l’État. Le rapport sur les projections économico-financières de la Banque nationale de Belgique (BNB) de 2018 indique toutefois que depuis 2015, la croissance réelle des dépenses en matière de soins de santé s’est limitée à maximum 1,5 %, ce qui est conforme à l’objectif avancé par l’autorité fédérale au début de cette législature.

Or, miser uniquement sur une limitation des dépenses en matière de soins chroniques ne suffit pas à lutter contre cette problématique de manière adéquate. Il convient de tendre vers une vision à long terme structurelle et une approche qui tient compte aussi au maximum des besoins des patients individuel, tout en accordant une attention suffisante à la prévention. Au niveau international, il existe donc un large consensus sur la nécessité d’évoluer vers un système de soins intégrés où l’on vise à la fois : l’amélioration de la qualité des soins perçue par le patient, l’amélioration de l’état de santé de la population en général et l’utilisation plus efficace des moyens publics disponibles (Triple Aim).

Cela fait quelques années déjà que cette évolution vers des soins intégrés a démarré en Belgique, plus concrètement par la signature du plan conjoint en faveur des malades chroniques (« Des soins intégrés pour une meilleure santé »), le 30 mars 2015, par les ministres de la Santé publique aussi bien des entités fédérées que de l'État fédéral. Ce plan cite dix-huit composantes qui sont nécessaires au développement des soins intégrés en Belgique, dont la prévention. Dans le cadre dudit plan, douze projets pilotes (six en Flandre, cinq en Wallonie et un à Bruxelles) ont également été lancés en Belgique depuis le 1er janvier 2018 et visent la transposition concrète des soins intégrés dans la pratique sur le terrain. L’objectif de ces projets est de mieux rationaliser les soins aux personnes souffrant d’une maladie chronique, notamment en permettant aux prestataires de soins et aux établissements de soins de mieux collaborer autour du patient et avec celui-ci afin qu’il puisse compter sur de meilleurs soins et une meilleure qualité de vie. Ces projets s’étendent sur quatre ans. Chaque projet pilote dispose à cet égard d’un plan d’action spécifique locorégional qui est adapté au maximum aux besoins locaux.

De plus, dans le cadre du plan conjoint en faveur des malades chroniques, on mise aussi sur le suivi ultérieur des différentes autorités au niveau du développement des soins intégrés en Belgique. En effet, la collaboration entre les diverses autorités est cruciale pour permettre la réussite des soins intégrés. À cette fin, on identifie aussi, pour chaque niveau de pouvoir (fédéral – entités fédérées), des initiatives complémentaires qui peuvent contribuer au développement des dix-huit composantes des soins intégrés.

Enfin, il convient de préciser qu’une telle vision de soins intégrés n’est pas uniquement au cœur du plan conjoint en faveur des malades chroniques. Elle constitue également le fil conducteur des divers trajets de réformes en matière de soins et de bien-être aux différents niveaux de pouvoir. Ainsi, nous pouvons notamment renvoyer à la réorganisation des soins de première ligne en Flandre, où une approche intégrale occupe également une position centrale. En outre, d’autres initiatives, comme le plan d’action eSanté 2.0, la réforme du paysage hospitalier et des professions de santé, etc., contribuent à la réalisation des soins intégrés en Belgique.