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Question écrite n° 6-1882

de Martine Taelman (Open Vld) du 25 mai 2018

à la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique

Ecstasy et cocaïne plus pure - Teneur en MDMA - Augmentation - Santé publique - Chiffres

stupéfiant
toxicomanie
substance psychotrope

Chronologie

25/5/2018Envoi question (Fin du délai de réponse: 28/6/2018)
7/9/2018Réponse

Aussi posée à : question écrite 6-1881

Question n° 6-1882 du 25 mai 2018 : (Question posée en néerlandais)

D'après une analyse effectuée récemment par l'Institut Trimbos sur des milliers d'échantillons, l'ecstasy est de plus en plus forte et la cocaïne de plus en plus pure. Il semblerait que la quantité de MDMA dans les pilules augmente. De ce fait, les risques pour la santé publique augmentent également.

À ce propos, on peut citer l'hyperthermie, l'épuisement et les lésions cérébrales. On retrouve ces informations dans le Drugs Informatie en monitoring Systeem (DIMS) Douze mille échantillons ont été analysés.

Aux Pays-Bas, dix à quinze personnes décèdent chaque année des suites de la consommation d'ecstasy. C'est un nombre qu'il est difficile d'établir car le décès n'est pas toujours attribué à la consommation d'ecstasy. Voici dix ans, la teneur moyenne en MDMA des pilules d'ecstasy était de 80 milligrammes aux Pays-Bas. Actuellement, elle est de 167 mg avec des pointes à 366 mg.

La cocaïne serait également de plus en plus pure parce que, paraît-il, le prix de la matière première diminue. D'où une dépendance plus forte et plus rapide à ces produits.

Les drogues sont une matière communautaire transversale. L'autorité fédérale est compétente en matière de santé publique et les Communautés en matière de prévention. Le contrôle du trafic des produits illégaux est plutôt une matière fédérale

Je souhaite poser les questions suivantes au ministre :

1. Le ministre peut-il indiquer ce qu'il pense de ce rapport ? Cette tendance - ecstasy et cocaïne de plus en plus fortes - se marque-t-elle également dans notre pays ? Le ministre peut-il indiquer si cela se traduit par une augmentation du nombre de décès imputés à la consommation d'ecstasy et/ou à une augmentation du nombre de toxicomanes ?

2. Le ministre peut-il indiquer, pour chacune des trois dernières années, la teneur moyenne en MDMA de l'ecstasy illégal circulant sur le marché ? Peut-il expliquer ces chiffres ? Dispose-t-il d'autres chiffres et peut-il nous les communiquer ?

3. Peut-il indiquer quelle était la teneur la plus élevée en MDMA de l'ecstasy découvert sur le marché ? Peut-il commenter ces chiffres et est-il exact que les maximums augmentent régulièrement ?

4. Quelles sont les conséquences de l'éventuelle augmentation de la teneur en MDMA pour la santé publique, et dans quelle mesure constate-t-on des effets durables sur le plan psychique, voire physique? Le ministre peut-il détailler sa réponse ?

5. Le ministre peut-il expliquer, à la lumière des risques accrus pour la santé publique, quelles campagnes de prévention ou autres mesures il souhaite mettre en oeuvre avec les Communautés pour attirer l'attention des utilisateurs sur les dangers de l'augmentation des ingrédients actifs dans les drogues, et en particulier, de la teneur en MDMA de l'ecstasy ? Peut-il fournir des précisions en ce qui concerne le contenu et le calendrier ?

Réponse reçue le 7 septembre 2018 :

1) De manière générale, la situation actuelle en Belgique en matière d’ecstasy et de cocaïne est très similaire à celle décrite par les services de surveillance néerlandais.

MDMA / ecstasy

La production de MDMA en Europe se concentre essentiellement aux Pays-Bas et en Belgique. La teneur moyenne en MDMA des comprimés d’ecstasy est en hausse depuis 2009.

En Belgique aussi, il est difficile de mesurer le nombre d’intoxications et de décès en lien avec l’ecstasy. Nous pouvons pratiquement seulement nous référer au signalement des décès associés aux drogues du Belgian Early Warning System on Drugs (BEWSD) de Sciensano. Le taux élevé de MDMA dans certains lots est toutefois clairement lié à des effets nocifs et des décès. Les décès uniquement et directement imputables à la consommation de MDMA restent très rares et ce chiffre n’est pas en augmentation. La consommation de MDMA / d’ecstasy est l’une des formes les plus populaires d’usage de stimulants dans les lieux de vie nocturne. La plupart des consommateurs d’ecstasy affirment se limiter à un usage occasionnel, pratiquement cantonné à leurs sorties. Des études épidémiologiques menées sur les eaux usées en Flandre viennent le confirmer : les pics de consommation sont essentiellement observés le week-end.

Les chiffres les plus récents relatifs à la population générale en Belgique datent de 2013. La nouvelle étude lancée en 2018 ne livrera un aperçu actualisé de ces données qu’en 2019. L’enquête réalisée par la Vlaams Expertisecentrum alcohol en andere drugs (VAD) auprès d’étudiants en Flandre montre une tendance générale à la baisse, au cours des dix dernières années, pour la consommation dans l’année écoulée, avec une stabilisation ou une légère augmentation des chiffres en 2016. Des sondages plus récents dans le milieu de la nuit en Belgique indiquent toutefois une hausse de la consommation d’ecstasy au cours de la dernière année. Les chiffres sur les demandes de traitement liées aux drogues ne donnent aujourd’hui aucun signe d’augmentation pour les problèmes associés à la MDMA.

Cocaïne

La concentration moyenne en cocaïne est élevée depuis plusieurs années en Belgique (voir Figure 1). En 2016, la concentration moyenne s’élevait à environ 69 %. Aucun chiffre plus récent n’est disponible.

Figure 1 : Pureté de la cocaïne en Belgique, 2011-2016.


Source : base de données BEWSD 2018, Sciensano

La grande pureté du produit s’explique en partie par l’arrivée directe de la cocaïne en Belgique depuis les pays producteurs d’Amérique du Sud. Leur situation géographique fait des ports néerlandais et belges les principaux points d’importation de la cocaïne en Europe. Il est complexe d’évaluer les décès liés aux drogues en Belgique et nous ne disposons d’aucun chiffre récent sur les décès associés à la cocaïne.

De manière générale, les pourcentages de consommation dans la population générale étaient bas en 2013. Aucune donnée plus récente n’est disponible. Les études récentes menées sur les eaux usées indiquent une forte consommation de cocaïne dans certaines villes belges comme Anvers et Bruxelles. Le sondage mené par la VAD auprès d’étudiants de l’enseignement secondaire montre une diminution de la consommation de cocaïne au cours de l’année écoulée sur la dernière décennie. On retrouve toutefois à nouveau une hausse dans les chiffres de 2016, derniers en date. La cocaïne reste également populaire dans le milieu de la nuit, mais les chiffres relatifs à la consommation au cours de l’année écoulée sont quasi stables. Contrairement à l’ecstasy, la cocaïne est consommée régulièrement et n’est pas seulement une drogue de fête.

Les derniers chiffres sur les demandes de traitement liées aux drogues mettent, quant à eux, en avant une tendance à la hausse pour les problèmes en lien avec la cocaïne.

2) Contrairement aux Pays-Bas, la Belgique ne dispose pas d’un réseau de centres de test pour les échantillons des consommateurs. Les données sur la qualité des comprimés d’ecstasy reposent sur les informations de quelques centaines d’échantillons essentiellement obtenus auprès de la seule infrastructure de test du pays (Modus Vivendi à Bruxelles) et sur les analyses de saisies par la police et la douane. En règle générale, on peut dire que notre pays fait face aux mêmes tendances qu’aux Pays-Bas.

Il y a dix ans, la teneur moyenne en MDMA des comprimés d’ecstasy en Belgique atteignait 52 %. Entre 2009 et 2013, la concentration moyenne par comprimé a augmenté dans notre pays. Jusqu’en 2015, ces chiffres sont ensuite restés stables avant de connaître une nouvelle hausse marquée en 2016, dernière année pour laquelle les chiffres sont disponibles. La Figure 2 présente un aperçu pour les cinq dernières années. En 2016, une nouvelle moyenne record de teneur en MDMA par comprimé a été mise en avant : 139 mg. Les concentrations maximales retrouvées restent à un niveau alarmant. Des comprimés hautement dosés (présentant une teneur en MDMA supérieure à 150 mg) sont signalés au BEWSD quasiment toutes les semaines.

Figure 2 : Concentration en MDMA dans les comprimés d’ecstasy en Belgique, 2011-2016.


Source : base de données BEWSD 2018, Sciensano.

3) Ces dernières années, les pilules hautement dosées sont devenues la norme plutôt que l’exception. La Figure 2 livre un aperçu des concentrations maximales en MDMA observées ces dernières années. Celles-ci augmentent progressivement depuis 2011 et se situent autour de 240 mg par comprimé. Les chiffres provisoires du BEWSD pour 2017 et 2018 font état de pilules retrouvées avec un taux de MDMA de respectivement 250 mg et 245 mg par comprimé.

4) L’augmentation du dosage en MDMA par comprimé est synonyme d’augmentation du risque d’overdose. Souvent, les consommateurs ne sont pas au courant de la composition des comprimés, qui peut seulement être définie par un test en laboratoire.

Le plus grand risque en cas d’overdose est la hausse de la température corporelle, qui peut être fatale. D’autres signes de dose trop élevée de MDMA sont des céphalées, des nausées, des vomissements, des palpitations, des douleurs thoraciques et des troubles moteurs. Une consommation régulière peut laisser des traces. Malgré les recherches existantes, le débat subsiste sur la persistance ou non des dommages que peut causer la consommation d’ecstasy à long terme.

Si elle peut être éprouvante pour l’organisme, la consommation d’ecstasy n’entraîne pas dépendance physique. L’accoutumance est psychologique et le corps s’habitue vite à une certaine dose. À cause de cette tolérance, les consommateurs réguliers ont souvent besoin d’une dose plus forte pour conserver le même effet.

5) La prévention est une compétence communautaire.

Le Belgian Early Warning System on Drugs (BEWSD) de Sciensano alerte systématiquement tous les professionnels si nécessaire. Les usagers sont déjà informés via les partenaires régionaux du BEWSD.