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Question écrite n° 6-1537

de Ann Brusseel (Open Vld) du 16 aôut 2017

au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et européennes, chargé de Beliris et des Institutions culturelles fédérales

Russie - Droits de l'homme - Journaliste et militant lesbigay - Extradition vers l'Ouzbékistan

Russie
Ouzbékistan
extradition
profession de la communication
minorité sexuelle
droits de l'homme
discrimination fondée sur l'orientation sexuelle
Amnesty International

Chronologie

16/8/2017Envoi question (Fin du délai de réponse: 14/9/2017)
15/7/2018Réponse

Question n° 6-1537 du 16 aôut 2017 : (Question posée en néerlandais)

Khoudoberdi Nourmatov, mieux connu sous le nom d'Ali Ferouz, est une célébrité dans le monde des droits de l'homme en Russie. Il a travaillé comme journaliste pour un des rares médias critiques indépendants, la Novaïa Gazeta, et il s'est impliqué dans la défense des droits des lesbigays et des transexuels. Il a été appréhendé voici quelques jours à Moscou, officiellement parce qu'il avait enfreint les lois sur l'immigration. Mardi, la justice a décidé de l'expulser vers l'Ouzbékistan, pays qu'il avait fui en 2008. D'après son avocat, Ferouz a essayé de mettre fin à ses jours dans le palais de justice.

L'organisation internationale des droits de l'homme Amnesty International demande à Moscou d'annuler cette décision (cf. https://www.amnesty.fr/presse/russie-la-dcision-dexpulser-un-journaliste-en-ouzb). Selon Amnesty International, Ali Ferouz est ouvertement gay, il milite pour les droits humains et il est journaliste pour un média indépendant, autant dire un cocktail quasi mortel pour quelqu'un qui est sur le point d'être remis à l'Ouzbékistan, où la « sodomie » est un crime et la torture couramment pratiquée. L'organisation Human Rights Watch pense également que Ferouz sera probablement soumis à la torture lorsqu'il aura été extradé en Ouzbékistan.

La treizième session du Conseil de coopération entre l'Union européenne (UE) et la république d'Ouzbékistan a eu lieu le lundi 17 juillet 2017 à Bruxelles. Des pressions peuvent peut-être être exercées sur l'Ouzbékistan par le biais de ce Conseil de coopération avec l'Union européenne.

Cette question concerne une matière transversale (Communautés). La prévention de l'homophobie se fait entre autres à travers l'enseignement et les médias, qui sont des matières communautaires. Je vous renvoie par ailleurs au Plan d'action interfédéral contre les violences homophobes et transphobes. Depuis les accords de la Saint-Michel de 1993, les Communautés sont également compétentes en ce qui concerne les aspects étrangers de leurs domaines de compétences, en vertu du principe « in foro interno, in foro externo ». Cette question concerne également l'égalité des chances et la non-discrimination, qui sont elles aussi des matières communautaires transversales.

J'aimerais dès lors vous poser les questions suivantes :

1) Que vous inspire le fait que la Russie pourrait expulser un journaliste et militant lesbigay vers l'Ouzbékistan et partagez-vous l'inquiétude de l'organisation de défense des droits de l'homme Amnesty International selon laquelle le journaliste en question court un grave danger s'il est effectivement extradé ?

2) Êtes-vous disposé à convoquer à brève échéance l'ambassadeur de Russie à ce sujet et/ou à aborder rapidement cette question au niveau bilatéral ? Dans la négative, pourquoi ?

3) Pouvez-vous me dire quelles autres démarches concrètes vous entreprendrez, le cas échéant à l'échelon européen, afin d'éviter que la Russie n'extrade ce journaliste et activiste vers l'Ouzbékistan ? Pouvez-vous préciser votre réponse ? Pouvez-vous fournir le calendrier et le contenu de ces démarches ?

4) Pouvez-vous me communiquer les autres démarches que vous entreprendrez le cas échéant vis-à-vis de l'Ouzbékistan si cette extradition devait effectivement avoir lieu ? Cette question peut-elle être abordée dans le cadre du Conseil de coopération entre l'Union européenne et l'Ouzbékistan ?

Réponse reçue le 15 juillet 2018 :

1) Je partage votre inquiétude concernant une éventuelle expulsion du journaliste et militant holebi Chudoberti Nurmatov (Ali Feruz) vers l'Ouzbékistan. Notre réseau de postes, en particulier notre ambassade à Moscou et les représentations permanentes au Conseil de l'Europe à Strasbourg ainsi que l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à Vienne, surveillent de près sa situation.

2) La justice russe a décidé de suspendre son expulsion en attendant une décision de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) attendue à la mi-septembre. Ce développement positif montre que la Russie attache de l'importance à la jurisprudence de la Cour. Convoquer l'ambassadeur de Russie pourrait être contre-productif à ce stade. Il est préférable d'attendre la décision de la Cour avant de prendre une telle mesure.

3) L'Union européenne (UE) et ses États membres sont régulièrement représentés lors des audiences devant les tribunaux russes sur la question de Monsieur Nurmatov. En outre, les ambassades présentes à Moscou, y compris l'ambassade de Belgique, échangent régulièrement des informations sur la situation de Monsieur Nurmatov. Notre ambassade entretient également des contacts réguliers avec le quotidien Novaja Gazeta pour souligner l'importance que notre pays attache aux médias indépendants en Russie et en particulier aux droits politiques et civils des journalistes. Enfin, des contacts sont en cours avec l'avocat chargé du suivi de l'affaire de Monsieur Nurmatov auprès de la Cour européenne des droits de l'homme.

4) Au cours de mon entretien avec mon collègue ouzbek Abdulaziz Kamilov, j'ai également abordé la situation des droits de l'homme dans le pays et souligné le besoin de réformes structurelles. Je ne manquerai pas de continuer dans cette voie. La priorité reste, bien sûr, d'éviter tout d’abord l'expulsion de monsieur Nurmatov.