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Question écrite n° 6-1444

de Jean-Jacques De Gucht (Open Vld) du 5 mai 2017

au secrétaire d'État à la Lutte contre la fraude sociale, à la Protection de la vie privée et à la Mer du Nord, adjoint à la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique

Navires suspects - Coupure du système d'identification automatique - Terrorisme - Douane - Chiffres

bateau
transport maritime
sécurité maritime
trafic illicite
terrorisme
surveillance maritime

Chronologie

5/5/2017Envoi question (Fin du délai de réponse: 8/6/2017)
23/5/2017Réponse

Aussi posée à : question écrite 6-1441
Aussi posée à : question écrite 6-1442
Aussi posée à : question écrite 6-1443

Question n° 6-1444 du 5 mai 2017 : (Question posée en néerlandais)

Il ressort d'une analyse de données réalisée par l'entreprise Winward du secteur de l'information maritime, que plus de 480 navires suspects ont pénétré dans les eaux néerlandaises. Pour une raison inconnue, ils avaient éteint leur gps pendant plus d'un jour, alors qu'ils se trouvaient dans des territoires connus pour être fréquentés par des terroristes ou des trafiquants de drogue. Le directeur de l'entreprise considère que cela pourrait être une indication d'activité illégale. La garde néerlandaise côtière n'exclut pas non plus des « motifs malhonnêtes ». Ces deux derniers mois, pas moins de 75 navires ont fait escale dans des ports néerlandais alors qu'ils n'étaient pas correctement enregistrés.

Compte tenu de l'importance de nos ports, il est plus que probable que des navires y ont également fait escale qui avaient volontairement éteint leur gps plus longtemps qu'un jour ou qui avaient modifié leur numéro d'identification (IMO – International Maritime Organization) durant le trajet. Le journal britannique The Guardian avait déjà abordé cette question antérieurement.

Ces navires qui éteignent leur gps lorsqu'ils se trouvent à proximité de territoires sensibles sur le plan du terrorisme, comme la Libye et la Syrie, sont les premiers à devoir être contrôlés lorsqu'ils arrivent dans nos ports. Ainsi, il s'avère qu'entre les mois de janvier et de février, 40 navires ont éteint leur gps alors qu'ils approchaient des eaux territoriales libyennes. Cela ne s'explique que par la contrebande. On peut penser au pétrole, mais également aux armes, à la drogue ou au trafic d'êtres humains. Éteindre le système d'identification automatique (SIA) n'est pas seulement dangereux en cas de collision, c'est aussi interdit.

Robert Latiff, ancien général à la Force aérienne américaine et actuellement professeur de technologies à l'Université de Notre-Dame aux États-Unis qualifie le fait d'éteindre le gps de « menace potentielle, de signe d'activité illégale». Selon lui, il est possible de trouver ces navires lorsqu'ils ont éteint leur gps mais cela coûtera cher, en argent et en moyens.

Aux Pays-Bas, le député VVD Ockje Tellegen va également interroger le gouvernement néerlandais à ce sujet.

Les services de sécurité britanniques passent également au crible les informations relatives aux navires qui éteignent leur gps ou modifient leur numéro d'identification, et ils augmentent les contrôles.

Quant au caractère transversal de cette question, l'accord de gouvernement flamand accorde de l'attention à la prévention de la radicalisation. Il évoque la création d'une cellule regroupant des experts de divers domaines politiques afin de détecter, de prévenir la radicalisation et d'y remédier. Cette cellule comporterait un point de contact central et travaillerait en collaboration avec d'autres autorités. C'est l'Agence flamande de l'Intérieur qui est chargée de la coordination de cette cellule. L'autorité fédérale joue un rôle clé, en particulier en ce qui concerne l'approche proactive et le contrôle. À l'avenir, un fonctionnaire fédéral du SPF Intérieur fera également partie de cette cellule. Il s'agit dès lors d'une matière régionale transversale. Je me réfère également au plan d'action mis récemment sur pied par le gouvernement flamand en vue de prévenir les processus de radicalisation susceptibles de conduire à l'extrémisme et au terrorisme.

J'aimerais dès lors obtenir une réponse aux questions suivantes :

1) Pouvez-vous indiquer, depuis le mois de janvier, combien de navires ont, pour des raisons inexplicables, éteint leur signal gps pendant plus d'un jour avant de faire escale dans nos ports ou ont modifié leur numéro d'identification durant le trajet ? Dans l'affirmative, pouvez-vous préciser votre réponse ? Dans la négative, ces données ne sont-elles pas conservées par nos services douaniers ou d'autres services publics ou de sécurité ? Pouvez-vous préciser votre réponse ?

2) Quel est le service public qui vérifie si un navire a éteint son système d'identification automatique (SIA) plus d'un jour sans raison légitime ? Pouvez-vous préciser votre réponse ?

3) Pensez-vous, comme les experts maritimes, qu'il doit y avoir un contrôle strict sur ces navires supects ? Peut-on, le cas échéant, se mettre d'accord sur cette question au niveau européen ? Pouvez-vous donner des précisions en ce qui concerne les modalités et le calendrier ?

4) A-t-on contrôlé les navires dont le système d'identification automatique (SIA) avait été éteint pendant plus d'un jour avant qu'ils ne fassent escale dans nos ports ? Dans la négative, pourquoi ? Dans l'affirmative, quels ont été les résultats ?

5) Pouvez-vous nous expliquer si nos services de sécurité conservent systématiquement ces données ? Craignez-vous, à l'instar des experts en terrorisme, que ces navires suspects ne se prêtent à des activités terroristes ou au trafic d'armes ?

Réponse reçue le 23 mai 2017 :

Avant que de répondre à vos questions, je souhaite vous communiquer ce qui suit, à titre d’introduction:

L’AIS est un système qui a une portée d’environ 60 milles marins. Un navire n’est détectable que lorsqu’il se trouve dans la portée d’un récepteur AIS lié à une installation à quai. Pour pouvoir constater qu’un navire a désactivé son AIS, il faut également disposer d’une image radar de la zone. Ce n’est que lorsqu’un navire se trouvant dans la zone AIS apparaît sur le radar que l’on constate que l’AIS n’est pas activé.

Les bateaux qui naviguent sans AIS sont donc le plus souvent détectés par des pays qui possèdent des côtes beaucoup plus grandes, comme la France ou le Royaume-Uni, et peuvent ainsi constater qu’un navire arrive avec l’AIS et coupe son AIS en cours de transit. Ce genre de transit dure généralement plus de 24 heures et peut donc être mesuré. Notre côte est tout simplement trop petite pour constater qu’un navire coupe son AIS pendant plus de 24 heures.

Il y a effectivement une surveillance aérienne réalisée par l'Unité de Gestion du Modèle mathématique de la mer du Nord (UGMM), et, ce, pas uniquement dans la zone couverte par le radar ou les récepteurs AIS. L’avion de surveillance est équipé d’une console permettant de visualiser immédiatement toutes les données AIS. En cas de détection par les pilotes, l’avion vole à basse altitude à proximité du navire afin de l’identifier sur la base de ses caractéristiques extérieures, telles que son nom et son numéro OMI. Le CIM en est alors immédiatement averti, pour suite utile.

Depuis la terre ferme, les navires ne peuvent être suivis par les services belges que dès lors qu’ils entrent dans la ZEE belge et dans la portée tant de l’AIS que du radar. Si l’on constate que l’AIS a été déconnecté, le navire sera mis en demeure de réactiver l’AIS. Si aucune suite n’est donnée à cette demande, une patrouille de la police de la navigation tentera d’identifier le navire.

Il convient de souligner que, lorsque l’AIS est coupé en ZEE belge, il s’agit le plus souvent de bateaux de pêche qui ont découvert un important banc de poissons et souhaitent éviter d’être rejoints par d’autres pêcheurs ou par des bâtiments ayant de mauvaises intentions (ex. récupération de drogue ou pêche en zone interdite).

Les navires en transit ne peuvent pas être suivis parce qu’ils passent par la « Traffic Separation scheme Northhinder » et sont donc hors de portée du radar et de l’AIS des services concernés.

Il faut également tenir compte de la possibilité que l’AIS du navire puisse être en panne, mais, en pareil cas, l’armateur ou le capitaine fera le nécessaire pour s’identifier. Le navire ne pourra alors quitter le port que lorsque l’AIS sera réparé.

En ce qui concerne les réponses par question:

1) Nous ne disposons pas de chiffres concernant le nombre de navires qui ont coupé leur signal GPS pendant plus d’une journée ou ont modifié leur numéro d’identification en cours de route. Ces données ne sont actuellement pas enregistrées par les services qui relèvent de ma compétence.

2) Le département “Accompagnement de la navigation” de l’Agence flamande des Services maritimes et de la Côte, suit en permanence le trafic maritime via radar et AIS. C’est un service qui est opérationnel 24/7. Dès qu’une anomalie est observée dans l’utilisation de l’AIS, ce service avertit le Carrefour d'Information maritime dont la police de la navigation fait également partie. C’est cette dernière qui se chargera de la suite des opérations et ira identifier le navire. Si le navire entre dans un port belge, une inspection sera menée dans ce port.

3) Un contrôle minutieux de ces navires est effectivement nécessaire. Cet automne, les opérateurs du CIM devraient pouvoir disposer d’un outil Frontex, permettant de détecter les anomalies de navigation, notamment la désactivation de l’AIS.

Au niveau de ma compétence, le Conseil des Ministres extraordinaire “sécurité et justice” a approuvé, le 14 mai 2017, la création d’une cellule de sûreté maritime qui sera opérationnelle encore cette année. J’ai déjà débloqué les moyens nécessaires à la mise sur pied de cette cellule, dénommée Organisation fédérale de sûreté maritime.

Cette cellule vise un triple objectif:

1. la sûreté des navires belges partout dans le monde contre la piraterie et autres menaces terroristes;

2. la sécurisation de la zone économique exclusive belge, des eaux territoriales et des ports contre d’éventuelles menaces terroristes à partir de la mer;

3. le screening du personnel possiblement radicalisé à bord des navires belges.

L’OFSM se focalise donc sur la sécurité contre la piraterie et le terrorisme, qui est une compétence fédérale. Pour ce faire, cette cellule travaillera en étroite collaboration avec la police de la navigation, la douane, la défense et d’autres services internationaux. De cette manière, il sera possible de suivre les navires et leurs parcours bien plus longtemps et de manière cohérente. L’OFSM sera opérationnelle en permanence, 24/7.

4) A l’exception desdits bateaux de pêche, le Port State Control n’a contrôlé aucun autre navire entrant dans un port belge. Mes services n’ont donc pas connaissance de navires ayant pénétré la ZEE ou nos eaux territoriales sans AIS.

Force est en effet de constater que les navires ne sont pas toujours utilisés pour les finalités pour lesquelles ils ont été construits, à savoir le transport de passagers et de marchandises licites. Nous constatons que les organisations terroristes et autres organisations criminelles considèrent les navires comme des moyens idéaux pour s’adonner à du trafic d’armes ou d’autres marchandises illégales à grande échelle, ou perpétrer une attaque terroriste. Pour cette raison, l’OFSM étendra son réseau de collaboration aux niveaux national, européen et international, afin de suivre plus efficacement les déplacements des navires et détecter plus rapidement les agissements suspects. Les données collectées dans ce cadre seront effectivement stockées.