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Question écrite n° 5-9319

de Nele Lijnen (Open Vld) du 11 juin 2013

au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes

Ouganda - Daily Monitor - Liberté de la presse - Répression - Proket Muhoozi

Ouganda
liberté de la presse

Chronologie

11/6/2013Envoi question
18/9/2013Rappel
15/10/2013Réponse

Question n° 5-9319 du 11 juin 2013 : (Question posée en néerlandais)

En Ouganda, la fermeture forcée du groupe de médias Daily Monitor fait actuellement grand bruit tant dans les médias qu'au parlement. Les différents départements du Daily Monitor (les journaux et les stations de radio) ont été fermés sur ordre de la police et des policiers gardent les locaux. Le motif de la fermeture, qui est selon la police fondé en justice, est la publication par Daily Monitor d'une lettre compromettante du général Sejusa. Dans cette lettre le général affirme tout d'abord que le président Museveni prépare son fils à lui succéder comme chef de l'Ouganda. Il affirme ensuite que se tramerait dans le plus grand secret un projet « Muhoozi » (c'est le nom du fils du président Muhoozi Kainerugaba) dont l'objectif serait d'éliminer toutes les figures importantes de la politique et de l'armée qui seraient opposées à cette succession. Sejusa se serait entretemps envolé vers Londres où il a demandé l'asile. Il craint que le régime ougandais n'ait lancé un groupe d'hommes à ses trousses avec la mission de le tuer.

Après la publication, on a demandé à Daily Monitor de s'expliquer sur la manière dont la lettre lui est parvenue. Quelques journalistes ont été interrogés des jours durant, mais le journal a refusé de donner ses sources, ce qui est de son droit. Le journaliste radiophonique Kasirivu à lui aussi été arrêté par la police et retenu pendant quelques jours parce qu'il avait fait un sujet sur le général. Officiellement Kasirivu est accusé de fraude, mais lui-même n'a jamais entendu parler de cette accusation. Il n'y aurait pas non plus de preuve de l'existence de l'argent prétendument fraudé. Son émission a déjà dû précédemment être interrompue lorsqu'il avait interviewé quatre parlementaires critiques. D'autres entreprises de médias auraient également subi des intimidation lorsqu'elles avaient été trop critiques envers le régime ou lorsqu’elles avaient abordé la question des droits de l'homme en Ouganda. Les critiques disent que le régime veut conserver à tout prix son emprise sur les médias pour rester au pouvoir après les élections de 2016. En attendant, le journal gouvernemental The New Vision ne dit rien de l'incident.

J'aimerais poser au ministre les questions que voici :

1) Comment juge-t-il la fermeture du groupe de médias Daily Monitor ? Quelle est selon lui la situation de la liberté de la presse en Ouganda ?

2) Quelle est son opinion sur l'éventuelle existence d'un soit-disant projet Muhoozi ? Le considère-t-il comme une menace pour la démocratie en Ouganda ? Peut-il expliquer son opinion ?

3) Cette question a-t-elle été soulevée dans la politique internationale, et comment ?

Réponse reçue le 15 octobre 2013 :

1) Deux journaux indépendants, The Daily Monitor et The Red Pepper, ont publié les déclarations du général Tinyefuza, alias David Sejusa, qui accuse quatre personnes proches du président Museveni d’organiser la succession du président actuel en faveur de son fils, le brigadier Muhoozi Kainerugaba, chef des forces spéciales. À la suite de la publication d’articles de presse qui sont revenus sur ces déclarations, 50 agents armés de la police ougandaise ont perquisitionné les locaux du journal The Daily Monitor et des chaînes radio KFM et Dembe FM le 20 mai dernier. Ces organes de presse ont été contraints de cesser leurs activités ; la police a également pressé les journalistes de céder les documents originaux liés aux déclarations du général.

Onze jours après la perquisition, le gouvernement ougandais a mis fin à l’occupation des rédactions. Les négociations lancées par le biais de Nation Media Group/Monitor Publications ont abouti à la signature d’un accord par The Daily Monitor ; ces négociations se poursuivent avec The Red Pepper. 

Le 29 juin 2013, The New Vision a publié une colonne intéressante qui détaille les avantages de la liberté de la presse. 

2) Il mérite d’être signalé que le général Tinyefuza nourrit des ambitions présidentielles, des comités de soutien ayant déjà vu le jour afin d’appuyer sa candidature à l’élection présidentielle de 2016. Le général n’est donc pas un observateur neutre. Il est vrai que la promotion du brigadier Muhoozi, fils du président ougandais, et de plusieurs officiers de sa génération, a été rapide au cours des douze dernières années et qu’elle a un goût amer pour une série d’officiers plus âgés qui se sentent laissés sur la touche. Néanmoins, il est vrai aussi que M. Muhoozi n’est pas le seul officier brillant à connaître une telle carrière ; ainsi en est-il également – par exemple – du président actuel du principal parti d’opposition, le général Muntu. De plus, il n’est pas certain que le président Museveni sera candidat en 2016. Selon la Constitution ougandaise, monsieur Museveni ne pourra plus poser sa candidature lors de l’élection présidentielle de 2021. 

3) Il a été décidé avec la délégation de l’Union européenne de diffuser une déclaration de l’Union le 22 mai 2013. Il n’y aura pas d’intervention spécifique de l’UE ni de donateurs étant donné la réouverture des journaux et chaînes de radio concernées. Il a néanmoins été convenu que les ambassadeurs mettront la question sur la table, individuellement, lors d’entretiens avec les différents représentants des autorités ougandaises (rappel de l’importance de la liberté de la presse, réaction disproportionnée des autorités ougandaises dans cette affaire, risque d’effets pervers, notamment une baisse de la confiance des donateurs et investisseurs).