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Question écrite n° 5-8727

de Martine Taelman (Open Vld) du 16 avril 2013

à la ministre de la Justice

Russie - Espionnage industriel - Technologie d'armement - Chine - Prévention - Situation

Russie
espionnage
Chine
industrie de l'armement
recherche militaire
espionnage industriel
nouvelle technologie

Chronologie

16/4/2013Envoi question
26/7/2013Réponse

Aussi posée à : question écrite 5-8725
Aussi posée à : question écrite 5-8726

Question n° 5-8727 du 16 avril 2013 : (Question posée en néerlandais)

La Russie est à l'affût de la technologie d'armement néerlandaise. Les espions russes sont dès lors très actifs dans les pays de l'Union européenne. C'est ce qu'affirme le docteur Marcel de Haas, un spécialiste de la Russie lié à l'Institut des relations internationales Clingendael. Selon lui, la Russie a des années de retard en matière d'équipement militaire et veut se rattraper en investissant 600 milliards d'euros d'ici 2020. Depuis l'arrivée d'un nouveau ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, le complexe militaro-industriel a été remis sur pied. Les dernières évolutions techniques sont par conséquent activement recherchées. Selon de Haas, les Pays-Bas doivent être prudents dans leurs relations commerciales avec les Russes. Notre pays revêt une grande importance stratégique pour l'exportation gazière russe. Au lieu de conclure des marchés avec l'Union européenne en tant qu'entité, la Russie continue à privilégier les accords avec des États. C'est ainsi que fonctionne la politique de Poutine “diviser pour régner”.

Je souhaiterais dès lors poser les questions suivantes au ministre :

1) Est-il exact que l'intérêt croissant de la Russie à l'égard des connaissances militaro-techniques des pays de l'Union européenne est connu depuis longtemps ? S'agit-il, à cet égard, des connaissances des autorités ou de celles des entreprises belges ? Est-il exact qu'un intérêt similaire existe du côté chinois ? Le ministre peut-il donner des précisions ?

2) Le ministre a-t-il connaissance de vols de connaissances perpétrés, dans notre pays riche en entreprises de haute technologie, par la Chine et la Russie au cours des trois dernières années ? Dans l'affirmative, de quelle technologie s'agit-il et quels étaient les pays concernés ?

3) De quelle manière veille-t-on à ce que les espions ne puissent pas infiltrer le secteur technico-scientifique, le secteur de l'industrie de défense et celui de l'énergie ? Quel service de sécurité ou autre organe assume le rôle principal en matière de détection des activités d'espionnage et de lutte contre celles-ci ? Le ministre peut-il fournir des précisions ?

4) A-t-on suffisamment conscience des risques que les activités d'espionnage font courir à notre pays ? Dans l'affirmative, quels sont ces risques ? Dans la négative, que compte faire le ministre pour clarifier la situation ?

5) De quelle manière les activités d'espionnage de la Russie et de la Chine sont-elles abordées dans un contexte bilatéral et dans le cadre européen ?

6) Des négociations ont-elles déjà été menées avec les secteurs concernés, à savoir les entreprises de haute technologie, d'armement et les fournisseurs d'énergie, ainsi que les institutions de recherche ? Des précisions concrètes peuvent-elles être données ?

Réponse reçue le 26 juillet 2013 :

1. Les Services de renseignement russes sont actifs sur notre territoire et leurs activités ciblent effectivement, outre le renseignement politique classique, la récolte d’informations sur les technologies militaires. Ces activités hostiles sont le fait des services de renseignement extérieurs russes et principalement du service de renseignement russes, ceux-ci s’intéressent également aux technologies ayant des applications militaires au sein des entreprises privées belges.

2. Lorsque des faits punissables au titre de la loi du 10 janvier 1955 sur la protection des « secrets de fabrication » sont portés à la connaissance de la Sûreté, celle-ci transmet l’information au parquet compétent, conformément aux obligations légales en la matière. Les cas avérés dont nous avons connaissance sont rares, notamment à cause de la frilosité des entreprises d’exposer ce genre de faits.

3. Dans le cadre de son développement économique, vital pour la légitimité du régime, la Chine tente de mettre en place des collaborations au niveau économique et scientifique avec de nombreux pays étrangers y compris la Belgique. C’est pourquoi, Pékin s’intéresse aussi à de nombreux pans de l’économie en Belgique, qu’il s’agisse des domaines liés à la haute technologie ou à l’énergie. La Russie, de son côté, cherche depuis des années à diversifier son économie fondée sur les matières premières et à rattraper son retard en matière de développement de secteur des hautes technologies. Les initiatives telles que la création d’une sillicon valley russe à Skolkovo en sont un signe clair même si ces projets tardent à porter leurs fruits. La Russie cherche des appuis extérieurs et en parallèle aux collaborations bilatérales scientifiques et techniques, elle n’hésite pas à utiliser ses services de renseignement et à recourir à l’espionnage. La loi organique des services de renseignement du 30 novembre 1998 confère à la Sûreté de l’État et au Service Général de Renseignement et de Sécurité (SGRS) des compétences en matière de lutte contre l’espionnage et de protection du potentiel économique et scientifique de notre pays. L’espionnage militaire, en ce compris le suivi des activités des officiers de renseignement sous couverture militaire, sont cependant de la compétence du SGRS.

4. Les informations sur l’espionnage économique et militaire dépendent fortement de la volonté de collaboration des entreprises concernées. Certaines d’entre elles ne souhaitent pas transmettre les données concernant des incidents de sécurité et craignent, à tort, une ingérence des services de sécurité dans leur fonctionnement interne. Sur base des informations très partielles dont elle dispose, la Sûreté estime néanmoins que le risque d’espionnage économique et industriel est réel.

5. Il existe une collaboration active au niveau européen entre les services de renseignement en ce qui concerne le suivi des activités d’espionnage de la Russie et de la Chine. Dans le contexte chinois, nous avons assisté à une intensification de la coopération ces dernières années.

La Sûreté de l’État, ans le cadre de sa compétence de protection du potentiel économique et scientifique, tente de sensibiliser les entreprises qui pourraient être victimes à leur insu de transfert de technologies. Il est en effet utile de prévenir les entreprises visées des risques qu’elles pourraient encourir dans le cadre de certaines collaborations avec des pays comme la Russie ou la Chine. Afin de se protéger contre l’espionnage économique, la Sûreté de l’État a rédigé une brochure qui contient des conseils à destination des entreprises. La Sûreté de l’État (et le SGRS également) est représentée dans la plateforme de concertation permanente sur la sécurité& des entreprises. Au sein de ce forum des représentants des secteurs publics et privé peuvent se concerter sur différents aspects concernant la sécurité des entreprises. Les entreprises qui sont actives dans le secteur militaire sont, quant à elles, conseillées principalement par le SGRS.