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Question écrite n° 5-8617

de Yoeri Vastersavendts (Open Vld) du 27 mars 2013

au ministre des Finances, chargé de la Fonction publique

Blanchiment d'argent - Recrutements frauduleux de demandeurs d'emploi - Comptes en banque - Prévention

blanchiment d'argent
travail à domicile
fraude
statistique officielle
poursuite judiciaire
demande d'emploi
offre d'emploi

Chronologie

27/3/2013Envoi question
31/7/2013Réponse

Aussi posée à : question écrite 5-8616
Aussi posée à : question écrite 5-8618

Question n° 5-8617 du 27 mars 2013 : (Question posée en néerlandais)

Des criminels recrutent de plus en plus souvent des chômeurs sur Internet dans le but d'utiliser leurs comptes en banque à des fins de blanchiment d'argent. C'est ce qu'a constaté Fraudehelpdesk (FHD), un service d'assistance néerlandais. Les demandeurs d'emploi acceptent une offre de travail à domicile qui rapporte des milliers d'euros. Ces travailleurs à domicile sont par la suite forcés de mettre leur compte en banque à la disposition des criminels.

Le service d'assistance FHD a reçu 814 plaintes de ce genre en 2012, contre 178 en 2011. Les criminels utilisent souvent des sites web d'offre d'emploi.

Ils utiliseraient également le site web de l'UWV, l'organisme public néerlandais en charge de différentes assurances de travailleurs. Parmi les plaintes parvenues en 2012, 17 concernaient des demandeurs d'emploi victimes de telles offres par l'intermédiaire de cet organisme. Ce dernier a fait savoir qu'il a amélioré le contrôle des offres d'emploi.

J'aimerais obtenir une réponse aux questions suivantes:

1) Avez-vous connaissance de tels cas de fraude dans notre pays ? Combien de cas de blanchiment ont-ils été constatés, lors desquels des criminels ont dupé des demandeurs d'emploi en leur proposant de fausses offres de travail à domicile ? Pourriez-vous donner le nombre total de victimes pour les années 2010, 2011 et 2012 respectivement ?

2) Notre pays connaît-il lui aussi une forte augmentation de ce phénomène ? Dans l'affirmative, pourriez-vous donner des explications et indiquer les mesures préventives qui ont été prises, en accord ou non avec d'autres autorités et/ou les sites d'offre d'emploi ? Dans la négative, ne craignez-vous pas que le nombre de cas signalés ne reflète pas l'ampleur du phénomène ?

3) Pour chacune de ces trois dernières années (2010, 2011 et 2012), combien d'organisateurs/annonceurs de tels dispositifs de blanchiment d'argent ont-ils été poursuivis et quels montants ont-ils pu être détectés à temps et saisis ?

4) Pour chacune de ces trois dernières années (2010, 2011 et 2012), la ministre pourrait-elle indiquer les montants qui ont réellement transité via de tels comptes en banque de demandeurs d'emploi ?

5) Que peuvent faire les demandeurs d'emploi dupés lorsqu'ils se rendent compte qu'ils ont été recrutés par des blanchisseurs d'argent ?

Réponse reçue le 31 juillet 2013 :

1. En 2010, 2011 et 2012, la Cellule de Traitement des Informations Financières (CTIF) a régulièrement examiné des affaires de blanchiment de capitaux en rapport avec des cas de fraude similaires et les a transmises aux autorités judiciaires. 

La CTIF ne connaît pas le nombre de personnes (money mules[1] ou victimes) qui ont été trompées ou recrutées via de fausses offres d'emploi ou d'autres canaux. 

2. et 4. Depuis 2010, la CTIF a transmis 1 075 affaires de blanchiment de capitaux issus d'escroqueries pour une valeur totale de 515,76 millions euros (dont une affaire, en 2012, concernant un faux transfert international non exécuté pour un montant de 375 millions euros).  

Hors de cette dernière affaire, les chiffres des transmissions depuis 2010 sont les suivants : 

 

2010

2011

2012

Nombre

306

343

426

Montants (en millions euros)

33,61

52,80

54,35

Cette forte augmentation, ces dernières années, du nombre de dossiers et des montants transmis est, pour une grande partie, due à l'explosion du nombre de rapports relatifs à la fraude de masse. En cas de fraude de masse, les criminels tentent d'entrer en contact avec des victimes potentielles, via une communication de masse, et les incitent ensuite à envoyer de l'argent pour différents motifs. Cette fraude peut adopter la forme de ladite ‘fraude nigériane’ ou ‘fraude 419’[2], du ‘date- of romance scam’[3] ou de l'escroquerie spécifiquement adressée aux commerçants  (guides d'entreprise[4] ou factures frauduleuses). Une nouvelle forme de fraude de masse qui était à la base de différents dossiers transmis en 2011 est l'escroquerie 'Sidi Salem’[5]. 

Outre la fraude de masse, une augmentation du nombre de rapports en matière de transferts frauduleux a également été observée. En Belgique, cette forme de fraude se concentre surtout sur la falsification de numéros de compte des bénéficiaires repris sur les ordres de virement sous forme papier (virements papier), tandis que c'est principalement le système des banques en ligne (phishing[6]) qui est attaqué dans les pays limitrophes via lequel des ordres de virement falsifiés sont donnés. Cette constatation est probablement liée au niveau de sécurisation des banques par internet, généralement plus élevé dans notre pays que dans les pays voisins. 

Depuis déjà quelques années, la CTIF publie régulièrement des avertissements quant aux nouvelles formes d'escroquerie sur son site web (www.ctif-cfi.be). 

Les banques et les bureaux de change qui sont souvent utilisés pour exécuter de telles fraudes et opérations de blanchiment, ont été avertis via ce site et peuvent conseiller à leurs clients de ne pas réagir à de telles opérations frauduleuses. 

La 'Plate-forme nationale de coordination contre les fraudes à grande échelle' a été créée en Belgique en 2010. Les autorités judiciaires, les services de police et la CTIF en font partie. 

Les contacts avec les partenaires dans ce groupe de travail ont confirmé l'image qui ressort des rapports à la CTIF. Il s'agit clairement d'un phénomène d'une ampleur énorme dont seul le sommet de l'iceberg est visible. 

3. Cette question ne relève pas de ma compétence, mais de celle de ma collègue en charge de la justice.  

5. L'approche de cette forme de criminalité est problématique: la poursuite est quasiment impossible vu la dimension internationale des dossiers et le degré élevé d'anonymat des criminels. 

En outre, le fait que les médias aient accordé ces dernières années de l’attention à ces pratiques semble avoir eu peu d'effet pour l'instant. 

Les victimes peuvent déposer plainte auprès de la police ou de la justice. La prévention est cependant la manière la plus indiquée pour endiguer à terme la fraude de masse.


[1]  Les intermédiaires locaux qui reçoivent de l'argent provenant d'une infraction (phishing, escroquerie, etc.) sur leurs comptes courants personnels, les retirent en espèces, retiennent une commission et envoient le solde via un envoi de fonds au bénéficiaire.

[2]    Formes d'escroquerie par lesquelles une proposition particulièrement lucrative est faite aux victimes, la plupart du temps sous la forme d'un contrat, d'un gain de la loterie, ou d'un héritage qui peut être empoché. Si la victime réagit à cette demande initiale, des données personnelles sont demandées aux victimes ou des documents complémentaires sont envoyés pour rendre la proposition plus crédible. Après quelque temps (peu de temps), une avance est demandée aux clients pour pouvoir percevoir la somme totale. Ces demandes d'argent continuent à parvenir jusqu'à ce que les victimes flairent le danger et arrêtent les paiements.

[3]    Forme d'escroquerie par laquelle des photos de femmes et d'hommes attirants recueillies sur internet sont publiées sur des sites ou forum de rencontre. Après quelque temps (peu de temps), l'on demande fréquemment un paiement aux clients, ou il s'avère que l'"internet-date" a soudainement besoin d'argent.

[4]    Escroquerie par laquelle il est proposé aux commerçants, en utilisant des noms falsifiés et des logos connus, d'être mentionnés dans un guide de publicité moyennant une indemnité (parfois minime), la plupart du temps sur internet. Après paiement, les victimes constatent que ce guide n'existe pas.

[5]  Pour plus d'informations sur le modus operandi de cette escroquerie sur le site web de la CTIF – rubrique avertissement – www.ctif-cfi.be.

[6]  Forme de fraude sur internet par laquelle des informations confidentielles (la plupart du temps des données bancaires) d'éventuelles victimes sont obtenues lorsqu'elles se connectent sur un faux site internet d'une entreprise apparemment fiable comme une banque. Les victimes sont souvent attirées sur ces sites web via des e-mails.