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Question écrite n° 5-7256

de Bert Anciaux (sp.a) du 31 octobre 2012

à la vice-première ministre et ministre de l'Intérieur et de l'Égalité des Chances

Publicité de l'administration - Loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration - Commission fédérale pour l'accès aux documents administratifs - Procédures - Évaluation

transparence administrative
accès à l'information
relation administration-administré

Chronologie

31/10/2012Envoi question
4/2/2013Réponse

Question n° 5-7256 du 31 octobre 2012 : (Question posée en néerlandais)

En Belgique, la publicité de l'administration est définie par l'article 32 de la Constitution : « Chacun a le droit de consulter chaque document administratif et de s'en faire remettre copie, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 ». Cette question est également réglée par la loi fédérale du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration.

Actuellement, de nombreux problèmes se posent à ce sujet. Régulièrement, la demande d'information par des citoyens à l'administration se transforme en parcours du combattant, surtout à cause de l'absence de procédures cohérentes. Certains prétendent que c'est un choix délibéré. Ils estiment que la publicité de l'administration doit être limitée.

Lorsqu'une administration se montre réticence ou refuse de transmettre des documents, il est possible de demander un avis à la Commission (fédérale) d'accès aux documents administratifs. Cet avis n'est toutefois pas contraignant et ne donne donc pas lieu à un suivi. Par contre, l'avis de la Commission fédérale de recours pour l'accès aux informations environnementales est contraignant mais ladite commission n'a aucun moyen d'en imposer le respect car elle n'a pas la possibilité de sanctionner. Reste donc uniquement la solution de s'adresser au Conseil d'État. Comme déjà mentionné, cela mène tout droit à une longue bataille de procédure, ce qui complique énormément les choses (consciemment ou non) pour le citoyen.

Lors de l'instauration de cette loi, on avait craint que les fonctionnaires et les administrations ne soient submergés de demandes de publicité les empêchant de continuer à remplir convenablement leurs tâches administratives. Cette crainte s'est avérée totalement non fondée.

Il est donc urgent d'évaluer cette loi en profondeur afin d'en honorer et d'en réaliser les objectifs.

Selon le secrétaire d'État à la Fonction publique et à la Modernisation des services publics, que j'ai interrogé antérieurement, cette question relève exclusivement des compétences de la ministre.

1) La ministre partage-t-elle mon avis que le fonctionnement adéquat de cette loi est d'une grande importance pour un bon fonctionnement de la démocratie et de l'État de droit? Approuve-t-elle mon opinion qu'en cas de contestation de la publicité, les procédures sont beaucoup trop compliquées et longues, et ce au détriment du citoyen? Partage-t-elle mon avis que cela complique énormément les choses pour le citoyen ?

2) Combien d'avis la Commission fédérale d'accès aux documents administratifs a-t-elle formulés ces dix dernières années ? Quels en sont les résultats ? Dans combien de cas cet avis a-il été suivi par les administrations intéressées? Comment la ministre évalue-t-elle et juge-t-elle ces chiffres ? Reconnaît-elle que ces données constituent un important paramètre stratégique pour l'évaluation de la loi ?

3) La ministre est-elle disposée à rendre plus combative la Commission d'accès aux documents administratifs ? A-t-elle l'intention suivre la proposition de rendre les avis de cette instance contraignants et d'imposer des sanctions en cas de non-respect desdits avis? Envisage-t-elle également cette possibilité de sanction pour la Commission fédérale de recours pour l'accès aux informations environnementales ?

4) Dispose-t-elle d'une évaluation en profondeur de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration ? Quels sont les résultats de cette évaluation ? Quelles initiatives la ministre envisage-t-elle pour rendre les procédures plus simples et plus accessibles afin que le citoyen puisse se faire mieux entendre au lieu de se perdre dans une lutte bureaucratique frustrante qui, surtout, requiert énormément de temps.

Réponse reçue le 4 février 2013 :

1.    Je tiens à informer l'honorable membre que je partage son avis selon lequel le fonctionnement adéquat de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration est extrêmement important pour le bon fonctionnement de la démocratie et de l'état de droit. La législation existante a sans aucun doute ses mérites et fonctionne généralement bien. Cela ne veut pas dire que la législation ne peut pas être optimalisée et renforcée.  

L'honorable membre présente néanmoins la situation sous un angle plus dramatique que la réalité. En règle générale, les administrations fédérales diffusent aisément les documents administratifs s'il en est fait la demande. Cela se passe parfois moins bien et le citoyen doit d'abord utiliser la procédure de recours administratif prévue par la législation. Contrairement aux autres pays, il ne doit donc plus s'adresser immédiatement à un juge. Dans le cadre de la loi du 11 avril 1994, cette procédure de recours administratif consiste, pour le citoyen, à entreprendre deux démarches. Il s'agit de l'introduction d'une demande de reconsidération auprès de l'administration à laquelle la requête initiale a été adressée et de l'introduction d'une demande d'avis auprès de la Commission d'accès aux et de réutilisation des documents administratifs, section publicité de l'administration. Ces deux démarches doivent en outre être entreprises simultanément. Alors que dans sa première composition, la Commission s'était discrètement constituée et avait jugé que ses avis avaient une valeur juridique limitée, dans sa composition actuelle, la Commission a estimé qu'une administration ne peut pas ignorer son avis sans aucune raison. Le législateur a en effet stipulé que lorsque la Commission ne communique pas son avis à l'administration dans le délai prescrit, l’avis est néglligé. Au contraire, l'administration doit dès lors tenir compte de l'avis de la Commission lorsque celui-ci a été remis à l'administration dans les délais fixés. La motivation de la décision de l'administration quant à la demande de reconsidération doit dès lors préciser la raison pour laquelle l'administration ne souhaite pas suivre l'avis. Cela implique que l'administration a une obligation de motivation plus stricte si elle souhaite déroger à l'avis de la Commission. Dans le cadre de la loi du 5 août 2006, la procédure de recours administratif consiste à ce que tout citoyen qui n'obtient pas l'accès à l'information en matière d'environnement, peut introduire un recours auprès de la Commission fédérale de recours pour l'accès aux informations environnementales. Contrairement à ce que l'honorable Membre avance, cette Commission ne formule aucun avis dans ce cadre mais elle dispose d'une compétence décisionnelle à effet dévolutif. La Commission fédérale de Recours dispose même de la possibilité d'exécuter elle-même ses décisions après que l'administration a omis d'exécuter la décision de cette Commission. Cela ne pose problème que lorsque cette Commission n'est pas en possession des informations demandées ou que dans la pratique, il est impossible que les informations demandées soient mises à sa disposition. Cela est par exemple le cas pour les banques de données. 

Dans un état de droit, c'est le juge qui a le dernier mot. Cela signifie que dans des cas bien spécifiques, une procédure juridictionnelle est inévitable. Un conflit entre différents droits et intérêts contradictoires dans des documents administratifs n'est pas rare. Mais il s'agit plutôt de l'exception que de la règle. Par ailleurs, la loi en matière de publicité n'offre aucune solution à tous les problèmes relatifs au droit d'accès aux documents administratifs. La législation en matière de publicité octroie en effet des droits minimaux qui reviennent à tout le monde. Elle n'apporte pas de réponse aux cas dans lesquels les citoyens se trouvent dans des situations particulières vis-à-vis des autorités et où l'objectif n'est pas que tout le monde ait accès à ces documents. Il y a dès lors des attentes vis-à-vis de la législation en matière de publicité auxquelles cette législation ne peut pas répondre. Il appartient dès lors au législateur de développer, outre un droit d'accès public efficace, des droits spéciaux d'accès aux documents administratifs. 

2.    Depuis sa création et jusqu'à ce jour, la Commission d'accès aux et de réutilisation des documents administratifs, section publicité de l'administration, a formulé 3 689 avis. Il n'est pas possible de tirer immédiatement des conclusions de ce nombre. Certaines de ces demandes d'avis n'ont en effet pas lieu dans le cadre d'un recours administratif mais elles sont des réponses aux demandes de soutien émanant des administrations dans le but d'appliquer correctement la législation. Par ailleurs, les compétences de la Commission ont évolué dans le temps. Il n'est pas immédiatement manifeste si les avis de la Commission sont suivis. Premièrement, l'obligation d'informer la Commission de la suite donnée à l'avis n'a été imposée qu'ultérieurement. Il y a en outre des demandes d'avis non recevables auxquelles aucune suite n'est donnée. Tout dépend également de la nature de l'avis. Etant donné que la Commission estime qu'elle ne peut jamais remplacer l'administration, elle se limite à l'évaluation d'une prise de décision concernant une demande d'accès à un document administratif. Si aucune décision n'a été prise au sujet de la demande, la Commission exhorte alors l'administration à motiver les raisons de son refus de divulguer les documents administratifs demandés et attire l'attention de celle-ci sur le fait que si aucun motif d'exception légal ne peut être invoqué, l'administration est tenue de divulguer les documents administratifs demandés. De plus, de nombreuses administrations omettent de communiquer leur décision concernant la demande de reconsidération. Il est également fréquent que de nombreuses demandes d'avis quasi identiques soient introduites et que l'administration y donne la même réponse. Cela signifie seulement qu'un problème se pose dans une situation concrète et non pas qu'il y a un problème général. Il est dès lors à peine possible de tirer des conclusions sur la base des données existantes. L'utilisation des données existantes pourraient même mener à des conclusions erronées. Il est d'ailleurs également impossible d'établir le rapport entre le nombre total de demandes d'avis et le nombre total de demandes d'accès aux documents administratifs introduites auprès des administrations.  

La pratique d'avis de la Commission montre bien qu'il subsiste des problèmes et que certaines administrations n'ont toujours pas assimilé la révolution Copernicienne que l'article 32 de la Constitution a engendrée dans le système de droit belge. Pourtant pas mal de chemin a déjà été parcouru. Une simplification et un renforcement de la procédure de recours administratif pourraient certainement améliorer la situation. On ne peut cependant pas avoir de trop grandes attentes en ce qui concerne les interventions dans la législation. Un changement des mentalités est certainement tout aussi important si pas plus.  

3.    L'honorable membre doit avoir conscience du fait que la réforme de la Commission ne peut pas se limiter à l'obtention d'un complément de compétences mais que les moyens nécessaires doivent également être accordés à la Commission. Une compétence décisionnelle est en effet tout à fait différente d'une compétence d'avis et de la manière dont celle-ci est actuellement exercée. Que la Commission se limite à l'évaluation de la décision de l'administration au sujet d'une demande de publicité d'un document administratif n'est pas seulement liée à la compétence d'avis en tant que telle mais également au fait que les membres actuels de la Commission ne reçoivent aucune rétribution et ont un autre emploi à temps plein. Par ailleurs, le secrétariat ne se compose que d'une seule personne qui doit se charger du travail administratif des trois Commissions ainsi que de la préparation de tous les avis et décisions et qui joue en outre un rôle consultatif pour tout ce qui concerne la publicité de l'administration tant au niveau interne en Belgique qu'au niveau européen et international. L'octroi d'une compétence décisionnelle n'est pas le seul à entraîner une sérieuse augmentation de la charge de travail; il en est de même pour l'éventuel octroi d'une compétence d'exécution. 

La modernisation ne peut toutefois pas se résumer au renforcement des procédures de recours. Une description plus vaste et plus claire du champ d'application personnel peut certainement y contribuer. 

Sous cette réserve, la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs, section publicité de l’administration, a formulé certaines propositions de modifications dans ses rapports annuels.  

4.    Aucune évaluation globale détaillée n'a encore été faite de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration. Certains sous-aspects ont bien été évalués d'un point de vue juridique. Je me réfère aux articles qui ont notamment été publiés par les professeurs R. Andersen, F. Schram et D. Voorhoof. Par le passé, mon département a également fait quelques tentatives de modernisation de la législation existante. Aucun accord politique n'a toutefois pu être trouvé entre les différents partenaires de l'ancien gouvernement. La révision de la législation en matière de publicité ne figure actuellement pas dans l'accord de gouvernement. Rien n'empêche les parlementaires de prendre les initiatives nécessaires en vue de moderniser la loi.