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Question écrite n° 5-6677

de Bert Anciaux (sp.a) du 4 juillet 2012

au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes

Paraguay - Destitution du président Lugo - Légitimité du nouveau président Franco - Position de la Belgique - Position de l'Union européenne

Paraguay
coup d'État
chef d'État

Chronologie

4/7/2012Envoi question
18/2/2013Réponse

Question n° 5-6677 du 4 juillet 2012 : (Question posée en néerlandais)

Le Paraguay n'est plus le bienvenu au sommet du Mercosur, marché commun sud-américain. La raison en est la destitution précipitée du président du Paraguay, Fernando Lugo. Cette action a été mal accueillie par différents chefs d'État sud-américains qui y voient un coup d'État déguisé. Sept pays ont déjà rappelé leur ambassadeur du Paraguay.

Le nouveau président Federico Franco s'insurge contre la critique internationale. Selon lui la prise de pouvoir s'est déroulée tout à fait normalement et conformément à la Constitution. Avec 39 voix pour et 4 voix contre, le Sénat a décidé, de manière transparente et démocratique, que Lugo devait démissionner. Le nouveau président qualifie les sanctions des pays voisins d'injustes pour la population paraguayenne.

D'où les questions suivantes :

1) Comment le ministre évalue-t-il la destitution du président Lugo du Paraguay, qui avait été élu démocratiquement ? Partage-t-il l'opinion, entre autres de la présidente argentine Kirchner, sur le fait qu'il s'agit d'un coup d'État bouleversant l'ordre démocratique ? Quelle est la valeur constitutionnelle de cette procédure d'urgence à l'encontre d'un président qui n'a pas été accusé de corruption ou de violation des droits de l'homme mais à qui on reproche simplement une politique impopulaire ?

2) Que pense le ministre de la légitimité du nouveau président ? La Belgique reconnaît-elle celui-ci ? Le ministre peut-il expliquer sa réponse ?

3) Quelle position l'Union européenne défend-elle en cette matière ? Ce sujet a-t-il déjà été débattu en conseil des ministres ? Quelle position la Belgique y a-t-elle adoptée ?

4) Le ministre est-il d'accord sur le fait que le Paraguay, compte tenu de sa pauvreté, se passerait bien d'une année d'isolement ? Pense-t-il comme moi qu'il vaudrait mieux que cette situation ne se prolonge pas jusqu'en août 2013 (où de nouvelles élections devraient avoir lieu) ? Des élections anticipées pourraient-elles constituer une solution ?

Réponse reçue le 18 février 2013 :

1) Je pense qu’il faut réagir de manière prudente et nuancée à la destitution du président Lugo au Paraguay. 

Il est important de souligner que la procédure de destitution est prévue à l'article 225 de la constitution du Paraguay et qu'elle a été approuvée par une très large majorité à la Chambre des députés (76 voix pour, 1 voix contre et 3 absents) et au Sénat (39 voix pour, 4 contre et 2 absents). La Constitution ne fixe aucun délai pour les différentes phases de la procédure. 

La Constitution invoque comme motif éventuel pour initier la procédure de destitution ‘le mauvais exercice de ses fonctions’ par le président. Bien qu’il s’agisse d’un concept vague, il est indéniable que le président Lugo ne disposait plus d'une majorité au Parlement depuis juillet 2009; ce qui l’empêchait de mener une politique énergique. Le motif direct de la destitution a été l’incident de Curuguaty où 17 personnes ont été tuées lors d’une confrontation entre forces de l’ordre et paysans qui occupaient des propriétés privées (11 paysans et 6 agents). Le Parlement paraguayen, élu par le peuple paraguayen, a jugé que le président Lugo n’accomplissait pas ses fonctions comme il se doit et je pense que la Belgique doit respecter ce jugement. 

Il est un fait que la procédure a été très vite bouclée et que le président Lugo a manqué de temps pour assurer sa défense, mais cela ne rend pas la procédure anticonstitutionnelle et je ne partage donc pas la conception de la présidente de l’Argentine, madame Kirchner, selon laquelle il s’agit d’un coup d’État. 

C’était également la conclusion de monsieur José Miguel Insulza, secrétaire général de l'Organisation des États américains (OAS), après sa mission au Paraguay. Il conclut dans son rapport que la procédure s’est déroulée conformément à l'article 225 de la constitution paraguayenne et souligne qu’au moment des faits, le président Lugo a accepté la décision prise par le Parlement. Cette attitude a permis la prestation de serment du vice-président Federico Franco en qualité de nouveau président. Dans l’intervalle, l’ancien président Lugo est revenu sur ses positions et a introduit une plainte auprès de la Cour Suprême du Paraguay parce qu’il considère la résolution du Sénat comme anticonstitutionnelle. La Cour Suprême a rejeté la plainte déclarant la résolution du Sénat constitutionnelle. 

2) Vu que la procédure ne s’est pas déroulée de manière anticonstitutionnelle, la Belgique reconnaît la légitimité du nouveau président. La Belgique reconnaît les États et non les gouvernements et ne voit donc, dans les circonstances actuelles, aucune raison de réviser nos relations traditionnellement amicales avec le Paraguay. 

3) L’Union européenne n'a pas pris position dans cette affaire. Une mission de huit eurodéputés s’est rendue au Paraguay du 16 au 18 juillet 2012 inclus pour analyser la situation sur place. Le rapport de cette mission recommande la continuité des programmes de l'Union européenne et bilatéraux, insiste sur le respect des droits de l’homme et la poursuite des réformes sociales et exprime le souhait que la crise paraguayéenne ne devienne pas source de conflit régional. Jusqu’à présent, la situation au Paraguay n’a pas encore été débattue au Conseil des ministres des Affaires étrangères. Même si l’ Union européenne n’adoptera provisoirement pas de position commune, il existe toutefois un consensus sur une approche commune de la situation. Les médiations de l’OAS continuent et l’ Union européenne suit les développements aux niveaux interne et externe dans les pays voisins et les groupes régionaux. 

4) Je reconnais en effet qu’il est préférable d’épargner au Paraguay une année d’isolement. C’est pourquoi je m’aligne sur la suggestion du secrétaire général de l’OAS, monsieur José Miguel Insulza, de soutenir et d’accompagner le Paraguay durant la période de transition vers le scrutin présidentiel et parlementaire prévu pour le 21 avril 2013. Il importe de garantir un processus électoral transparent et participatif. L’ Union européenne vient d’envoyer une mission exploratoire (du 12 jusqu'au 26 novembre 2012) afin d’évaluer la faisabilité de l’envoi d’une mission d’observation électorale. La HR Catherine Ashton prendra bientôt une décision définitive à cet égard.