Statistiques financières belges - Véracité - Fiabilité - Eurostat
statistique économique
statistique financière
Eurostat
20/4/2012 | Envoi question |
29/5/2012 | Réponse |
Une équipe de l'université allemande d'Ilmenau a analysé les données économiques officielles de seize États membres de l'Union européenne (UE). Pour ce faire, les chercheurs se sont entre autres basés sur la loi de Denton, un principe mathématique permettant de détecter les fraudes dans les comptes annuels et les déclarations d'impôts. Les chercheurs concluent que la Grèce est de loin le plus mauvais élève... suivie de près par la Belgique. C'est pourquoi les chercheurs conseillent à Eurostat, l'Office statistique de l'Union européenne, d'examiner les données belges de façon critique. L'économiste en chef d'ING a estimé que cette recommandation était opportune et a émis l'idée que la Belgique, elle aussi, se montrait très créative en matière de comptabilité. Ces communiqués, qu'ils soient fondés ou non, sèment un doute dangereux et salissent l'image économique et financière de notre pays qui n'était déjà pas impeccable.
J'ai d'abord adressé cette question au ministre des Finances mais celui-ci m'a renvoyé au ministre de l'Économie.
1) Que pense le ministre de cette étude universitaire allemande qui laisse supposer que les données financières officielles belges pourraient être entachées de fraude ?
2) De quelle façon le ministre peut-il réfuter vigoureusement ces accusations véhémentes et dangereuses ? Outre nos propres arguments, est-il en mesure de se fonder sur les résultats d'études étrangères pour les réfuter ?
3) Le ministre reconnaît-il que notre pays doit pouvoir se préparer au plus vite à réagir contre ce type d'attaques et qu'une étude approfondie d'Eurostat, par exemple, est indiquée afin de mettre un terme ne serait-ce qu'au soupçon de l'existence de chiffres et statistiques frauduleux dans nos données économiques officielles ?
4) Quelles mesures concrètes à court terme le ministre envisage-t-il pour mettre résolument un terme à ces doutes et redorer le blason de notre pays quant à l'exactitude et à la fiabilité de ces données ?
Dans sa demande d’explications (n° 5-1416), M. Bert Anciaux, sénateur, a demandé au vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes Institutionnelles de prendre position par rapport à une publication relative au caractère véridique des statistiques financières belges. Comme la question porte sur les statistiques macro-économiques, la question a été reprise par le Ministre pour l’entreprise et la simplification mais est finalement restée sans réponse compte tenu des « affaires courantes ». La question est maintenant réintroduite sous les numéros 5-1692 et 5-6088.
L’origine de la question est l'évocation dans la presse, le 26 octobre 2011, d’une étude publiée en août 2011 , « Fact and Fiction in EU-Governmental Economic Data » , dont les auteurs sont B. Rauch et M. Göttsche (tous deux de l’université de Regensburg), G. Brähler (université technique d’Ilmenau) et S. Engel (université catholique d’Eichstätt-Ingolstadt).
Dans leur étude, les auteurs utilisent la loi de Benford comme référence pour vérifier si les séries macro-économiques sélectionnées répondent à cette distribution spécifique. Ce test est un test de qualité, comme il en existe d’autres, notamment la détection de valeurs extrêmes (outliers) (des valeurs qui à première vue s’écartent fortement des autres valeurs de la série). Ce n’est pas parce qu’une série contient une ou plusieurs valeurs extrêmes qu’elle est fausse . Il s’agit simplement d’un signal que les chiffres devraient être à nouveau vérifiés. Les auteurs constatent que la série de la Grèce diverge fortement de la loi de Benford. Comme la Commission européenne a constaté formellement que les chiffres grecs étaient manipulés, la presse conclut que les chiffres des autres pays qui présentent des écarts par rapport à la distribution de Benford sont (seraient) manipulés. Ce ne sont toutefois pas les conclusions des auteurs qui signalent que, contrairement à la Grèce, pour laquelle la Commission européenne a formellement constaté la manipulation des chiffres, aucun autre pays repris dans l’étude n’est dans ce cas.
La loi de Benford a ses partisans et ses détracteurs. Tout le monde n’est pas convaincu du champ d’application de la loi de Benford . Le Fonds Monétaire International a réalisé une étude à ce sujet et conclut : "Non conformity with Benfords' law should not be interpreted as a reliable indication of poor quality in macroeconomic data." La non-conformité à la loi de Benford peut résulter de glissements dans les séries. Il est possible que des mouvements structurels ou méthodologiques soient apparus dans l’importance relative de phénomènes que la variable macro-économique mesure. Cela peut notamment être le cas dans l’évolution des soldes de financement, des composantes des dépenses et des répartitions des revenus . Des transactions de “sale and lease back” peuvent générer des modifications structurelles dans la structure des dépenses.
Comme il ressort de ce qui précède, l’application de la loi de Benford aux statistiques économiques appelle de nombreuses interrogations. C’est ce que déclare notamment le FMI. A cela s’ajoute encore l’absence d’une liste nominative des séries utilisées dans l’étude à laquelle fait référence l’honorable membre. De ce fait, il n’est pas possible de déterminer quelle variable est à l’origine de la valeur parfois élevée citée dans l’étude qui considère les variables dans leur ensemble. Par ailleurs, le dépassement des valeurs dites critiques s’explique également sans problème sur le plan statistique. Comme vous le savez, les gouvernements belges successifs ont toujours visé des objectifs budgétaires bien déterminés, ce qui a souvent nécessité des interventions au niveau du budget. Celles-ci ont pour conséquence que, de toute manière, la loi de Benford n’a plus de validité. En effet, par définition, ces interventions donnent lieu à une perturbation des séries de chiffres sans qu’il ne soit question de fraude pour autant.
Les résultats globaux de l’étude de Rauch e.a. suggèrent que pendant la période concernée, onze des seize pays concernés de la zone euro ne confirment pas la loi de Benford pendant au moins trois des onze années. Sur 176 occurrences (seize pays * onze ans), cinquante occurrences dépassent la valeur critique, soit dans plus de 28 % des cas. C’est surprenant et cela indique que la loi de Benford n’est peut-être pas applicable en l’espèce.
Comme mentionné dans l’étude de Rauch e.a., la Commission européenne examine les statistiques macro-économiques (et donc les comptes nationaux) des Etats membres.
La Belgique n'a jusqu'ici reçu aucune remarque sur le manque de crédibilité des données fournies dans les comptes nationaux.
De plus, les comptes publics, vu leur importance, sont contrôlés très attentivement par Eurostat. La procédure concernant les déficits excessifs, qui est appliquée deux fois par an, est un moment auquel les États membres doivent justifier leurs chiffres de manière très détaillée. La Belgique affiche ici aussi un excellent palmarès.
Dans ce domaine, la Belgique adopte une attitude très transparente vis-à-vis d’Eurostat (Commission européenne). Si de nouveaux ou d’importants projets s’annoncent, leur traitement dans le SEC est examiné ex ante avec Eurostat. Toutes les informations sont communiquées à Eurostat et la Belgique applique l’avis ou la décision d’Eurostat dans les statistiques.
Les Dialogue visits régulières qui ont été institutionnalisées avec Eurostat complètent encore la communication et la supervision des comptes. Dans ce cadre, la Commission européenne (Eurostat) a organisé du 5 au 7 mars 2012 une Upstream Dialogue Visit au cours de laquelle la qualité des données fournies pour établir les comptes a notamment été analysée. Les résultats de cette visite ne sont pas encore disponibles.
Les résultats des audits des comptes nationaux, les rapports des EDP Dialogue visits, les résultats des contrôles sur les données EDP, les avis que la Belgique demande à Eurostat sont d’ailleurs toujours rendus publics. Ces publications des contrats avec Eurostat et des contröles que cet organisme effectue constituent les véritables références pour évaluer la qualité des comptes nationaux.