Livre de référence pour les psychiatres - "Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux" (DSM-5) - Industrie pharmaceutique - Intérêts commerciaux - Caractère scientifique
maladie mentale
psychiatrie
industrie pharmaceutique
conflit d'intérêt
20/3/2012 | Envoi question |
5/11/2012 | Réponse |
La cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) est aussi appelée la « bible » de la psychiatrie car les psychiatres y trouvent la base de leurs diagnostics. Le DSM-5 est en cours de rédaction par – évidemment – des psychiatres, qui décrivent par groupes de travail les différents syndromes et définissent des paramètres. En moyenne 65 % des rédacteurs du DSM-5 ont des liens étroits avec l'industrie pharmaceutique. Cette proximité n'est pas sans incidence, car la définition et les paramètres d'un syndrome sont directement liés notamment à la posologie de psychotropes. Manifestement – selon des témoins privilégiés du monde de la psychiatrie – le caractère scientifique diminue à mesure que les intérêts commerciaux prennent de l'importance.
Il s'agit d'une accusation très grave. Ainsi, la notion de dépression est systématiquement élargie à des sentiments et des transformations qui appartiennent à la vie de chaque être humain, notamment les processus de deuil lors de la disparition d'un membre de la famille ou d'un ami. Les mêmes voix critiques s'élèvent contre le lien entre les chaires de psychiatrie et des entreprises pharmaceutiques spécifiques. D'autre part, force est de constater que le nombre d'experts sans lien avec cette industrie est insuffisant.
J'aimerais poser les questions suivantes :
1) La ministre rejoint-elle l'analyse critique des chercheurs selon laquelle le plus important ouvrage de référence, le DSM-5, est de plus en plus dicté par des intérêts commerciaux de l'industrie pharmaceutique, parce que la grande majorité des experts qui définissent les critères et les paramètres des syndromes entretiennent des liens forts avec cette industrie ?
2) Comment peut-elle intervenir dans cette confusion d'intérêts inadmissible mais aussi dangereuse pour la santé, et comment interviendra-t-elle ? Comment nos autorités contrôlent-elles cette ingérence abusive, de quels moyens et de quelles méthodes la ministre dispose-t-elle en la matière ?
3) A-t-on déjà fait des démarches et pris des mesures en la matière ? La ministre prévoit-elle une approche plus rigoureuse, plus minutieuse et plus répressive en la matière ?
Je connais bien sûr la problématique des liens financiers qui pourraient exister entre certains contributeurs à la rédaction du DSM (Diagnostic and statistical manual of mental disorders) et l’industrie pharmaceutique.
Je me rends compte que ces liens peuvent avoir un effet sur la qualité de ce manuel. Il faut noter que ce sont des experts américains qui ont été désignés par l’American Psychiatric Association (APA) pour adapter le DSM IV, et qu’il ne s’agit pas d’experts belges. En tant qu’autorités belges ou européennes, notre influence s’en trouve réduite. En ce qui concerne l’application des nouvelles directives, je peux vous assurer que les différents services et experts concernés au sein de la Commission des Médicaments à usage humain de l’Agence fédérale des Médicaments et des Produits de santé (AFMPS), et de la Commission du remboursement des médicaments de l’Institut National d’Assurance Maladie Invalidité (INAMI), continueront à respecter les règles d’abstention lorsque cela s’avérera approprié, et à considérer de manière consciencieuse et objective toutes les évidences disponibles.
Toute demande de mise sur le marché d’un nouveau médicament, et toute demande d’ajouter une nouvelle indication, est évaluée par les autorités nationales et européennes. Les autorités responsables sont l’AFMPS au niveau national et l’Agence européenne des Médicaments (EMA) au niveau européen. L’évaluation se fait sur base des résultats vérifiés des études cliniques qui doivent accompagner chaque demande. Afin de permettre une évaluation correcte et efficiente, des lignes directrices ont été élaborées par les comités scientifiques de l’EMA. Des manuels comme le DSM ne sont utilisés que comme une aide additionnelle et avec toute la prudence requise.
Des procédures équivalentes sont utilisées par l’AFMPS et l’EMA afin de contrôler ces conflits d’intérêt.
Les conflits d’intérêts des experts, à qui il est demandé de rendre un avis en ce qui concerne les propositions d’accès au remboursement dans notre pays, sont également évalués.
Sur base annuelle, une déclaration d’intérêt est demandée par l’AFMPS, l’EMA et l’INAMI, et pour chaque participation à une Commission ou un Comité, les possibles conflits d’intérêts sont notifiés et, le cas échéant, la participation des experts concernés aux discussions est revue. Je peux vous confirmer que ces exigences sont également applicables aux gestionnaires de dossier.
L’AFMPS est tenue d’informer les médecins de manière objective en ce qui concerne les médicaments. Pour chaque médicament une notice scientifique est disponible. Cette notice fait l’objet d’une évaluation critique et est publié sur le site internet de l’AFMPS une fois validée.
En outre, l’AFMPS soutient d’autres initiatives, comme le Centre belge d’Information pharmaco-thérapeutique (CBIP) et Farmaka. L’objectif est de favoriser une information indépendante des médecins.