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Question écrite n° 5-4523

de Bert Anciaux (sp.a) du 23 décembre 2011

à la vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales

Médicaments - Tests à l'étranger - Droits du patient et règles éthiques - Conséquence sur la mise sur le marché

médicament
expérimentation humaine
droits du malade
Agence européenne des médicaments
Agence fédérale des médicaments et des produits de santé
industrie pharmaceutique
sous-traitance
bioéthique

Chronologie

23/12/2011Envoi question
1/8/2012Réponse

Réintroduction de : question écrite 5-1709

Question n° 5-4523 du 23 décembre 2011 : (Question posée en néerlandais)

De plus en plus souvent, les firmes pharmaceutiques testent l'efficacité de leurs nouveaux médicaments en dehors de l'Europe, entre autres dans les pays en voie de développement. À l'échelon mondial, il s'agit de près de 40 % des tests médicaux. La raison est évidente : une diminution des coûts atteignant parfois 50 %. Les pays concernés appliquent des règles moins sévères et le contrôle du respect de celles-ci laisse souvent à désirer. En outre, on y trouve facilement des sujets d'expérimentations, heureux de pouvoir disposer de médicaments souvent impayables ou faciles à amadouer avec des gratifications relativement minimes. La forte densité de population et les conditions de vie généralement mauvaises sont à l'origine de l'apparition de maladies rares. La faible accessibilité des médicaments joue également en faveur des tests dont les résultats deviennent ainsi plus fiables.

Les droits du patient ne sont hélas pas au centre de l'intérêt des pouvoirs publics. Différents rapports, entre autres de la Stichting Onderzoek Multinationale Ondernemingen (SOMO) et de l’Agence européenne des médicaments (EMA), ont montré clairement que les règles éthiques spécifiques, énoncées dans la Déclaration d'Helsinki et capitales pour la protection des sujets d'expérimentations dans les pays en voie de développement, ne jouent pratiquement aucun rôle dans l'approbation des études sur les médicaments par les commissions médico-éthiques de contrôle.

Je souhaiterais obtenir une réponse aux questions suivantes.

1. La ministre a-t-elle connaissance des différentes publications, parmi lesquelles le Document de stratégie de l’Agence européenne des médicaments (EMA), qui indiquent que pour évaluer un médicament à mettre sur le marché, qui a été testé dans une région n'étant pas traditionnellement retenue pour ces tests, on n'accorde pratiquement aucune importance au respect des directives éthiques telles que celles de la Déclaration d'Helsinki ?

2. Peut-elle expliquer de quelle manière l'Agence fédérale des Médicaments et des Produits de Santé (AFMPS) contrôle le respect de la Déclaration d'Helsinki en vue de la mise sur le marché de médicaments testés dans des régions non traditionnelles ? Peut-elle également expliquer de quelle manière l'AFMPS s'assure du respect de la Déclaration d'Helsinki par les cocontractants des firmes pharmaceutiques ? Partage-t-elle ma crainte que les procédures actuelles de mise sur le marché de médicaments sont beaucoup trop rarement assorties de contrôles indépendants du respect de la Déclaration d'Helsinki ? Dans l'affirmative, comment entend-elle améliorer la situation ? Dans la négative, sur la base de quels arguments affirme-t-elle qu'aucun problème ne se pose chez nous ?

3. La ministre sait-elle que les firmes pharmaceutiques, dans la moitié des cas, ne testent plus elles-mêmes leurs médicaments mais confient ces tests à des sous-traitants, appelés organismes de recherche sous contrat (ORC) ? Confirme-t-elle mon analyse selon laquelle la sous-traitance des tests de médicaments à des ORC entraîne une dilution des responsabilités et un contrôle moins global des tests ? Reconnaît-elle que la sous-traitance à des ORC situés dans des pays n'étant pas traditionnellement choisis pour ces analyses, se fait au détriment de la minutie, de la qualité et du respect des normes éthiques et finalement de la sécurité des sujets d'expérimentations et de la qualité des médicaments ?

4. La ministre est-elle prête à plaider prioritairement et avec insistance, tant au niveau européen qu'en Belgique, pour que les directives éthiques soient réellement prises en compte dans le processus de mise sur le marché de médicaments testés dans des régions non traditionnelles, de manière à protéger de manière optimale les droits des sujets d'expérimentations dans les pays en voie de développement ?

5. La ministre est-elle disposée à plaider en faveur de l'instauration d'un enregistrement obligatoire dans la base de données publique européenne des tests médicaux EudraPharm, de tous les tests de médicaments sur lesquels se fondent les demandes de mise sur le marché européen, y compris les tests réalisés en dehors de l'Europe, comme le préconisent aussi des organisations telles de la SOMO ? Pense-t-elle que pour chacun de ces tests de médicaments, il faille aussi enregistrer dans cette base de données toutes les organisations et entreprises concernées, y compris les endroits où les tests sont réalisés ?

6. La ministre est-elle prête à élaborer sur ce problème un rapport déontologique global et transparent et à l'imposer à l'industrie pharmaceutique ? Dans l'affirmative, comment compte-t-elle concrétiser ce rapport ? Dans la négative, qu'est-ce qui l'empêche de prendre cette initiative ?

Réponse reçue le 1 aôut 2012 :

1. Je connais l’existence de ces publications et notamment celle du Document de stratégie de l’Agence européenne des médicaments (EMA).  L’Agence Fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS) a collaboré activement à sa réalisation et en a suivi l’évolution par le biais de différents groupes de travail. Comme vous le savez, l’EMA et les comités scientifiques concernés ont travaillé intensivement au « Reflection paper ». Le document a été approuvé par le Management Board de l’EMA et les « Heads of Medicines Agencies ». Les règles de conduite en la matière sont entrées en vigueur le 1er mai.

2a) L’AFMPS suit cette problématique de près. Le document n’étant pas encore finalisé, aucune action directe n’est prévue actuellement dans ce domaine. Les règles d’octroi d’une autorisation pour un médicament sont fixées au niveau européen, d’où l’importance d’une approche européenne de cette problématique. L’AFMPS fait également partie du groupe d’inspection au niveau de l’EMA, lequel est en charge de la surveillance des Bonnes pratiques cliniques (GCP) pour les études cliniques effectuées dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché (en ce compris lorsque ces études ont lieu hors Union Européenne). Les cas de non-respect des exigences GCP sont systématiquement rapportés.  

2b) Je vous renvoie sur ce point à la réponse formulée à la précédente question.  

2c) D’un pays à l’autre, l’évaluation des aspects éthiques d’études cliniques varie fortement. Le contexte culturel joue un rôle important. Lors de l’évaluation de médicaments, il faut évidemment examiner le caractère éthique de l’étude effectuée. On ne peut toutefois perdre de vue l’intérêt général et il convient de comparer les risques avec les bénéfices que peut représenter, pour certains patients, la mise sur le marché d’un nouveau médicament.  

3. On ne peut affirmer qu’en confiant aux CRO la réalisation de ces études, la qualité de ces dernières en pâtit. Ces CRO sont spécialisées dans la conduite de ces études. Une CRO ne détermine pas le contenu du protocole, cette tâche incombant à la firme qui développe le médicament. L’évaluation des aspects éthiques incombe, elle, à des comités d’éthique indépendants. Il est également à noter que de nombreux CRO sont des entreprises mondiales, qui respectent un niveau de qualité élevé et identique, quel que soit le pays où est réalisée l’étude. Pour ce qui est du respect de la réglementation vis-à-vis des autorités compétentes ainsi que vis-à-vis des Commissions d’éthique, le sponsor et les CRO sont contrôlés par des inspecteurs GCP. 

4. Le document de réflexion de l’EMA en tient compte. Celui-ci prévoit également que tout doit être mis en œuvre afin que des études non éthiques ne soient pas réalisées. Lors du processus d’évaluation, il doit être tenu compte, dans le cadre de l’analyse bénéfices-risques, des aspects éthiques. La protection des droits du sujet est importante, mais comme cela a déjà été dit auparavant, il existe actuellement de nombreuses différences locales en matière d’éthique (même au sein de l’Europe), ce qui rend la définition de standards en la matière difficile. La nécessité d’une plus grande harmonisation au niveau de l’éthique a été reconnue tant par la Commission européenne que par les États membres. Il est tenu compte de cette problématique dans le cadre du processus qui devrait mener à la révision de la Directive Études cliniques CE 2001/20. 

5. Pour les études de médicaments au sein de l’Europe, et les études (internationales) qui font partie d’un plan d’étude pédiatrique, l’obligation existe déjà d’inscrire celles-ci dans le registre européen des essais cliniques sur www.clinicaltrialregister.eu. A l’avenir, les résultats de ces études seront également rendus publics.  Il est également vrai que de nombreuses revues internationales exigent un enregistrement préalable avant toute publication.   

6. L’évolution vers une transparence accrue en matière d’études cliniques est déjà en cours depuis plusieurs années. Les autorités, l’industrie pharmaceutique, les chercheurs, ainsi que l’AFMPS plaident tous pour des directives claires, tant sur le plan éthique que scientifique.  L’objectif est notamment une protection identique du sujet en Belgique, en Europe et dans le monde entier, laquelle serait également de nature à stimuler la recherche de médicaments innovants.