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Question écrite n° 5-344

de Richard Miller (MR) du 9 novembre 2010

au ministre pour l'Entreprise et la Simplification

Société nationale des chemins de fer belges (SNCB) - Journée de grève - Coût - Calcul - Méthode

Société nationale des chemins de fer belges
grève
conséquence économique
transport de voyageurs
migration alternante

Chronologie

9/11/2010Envoi question
24/1/2011Réponse

Question n° 5-344 du 9 novembre 2010 : (Question posée en français)

En mai 2008, vous aviez réalisé un calcul permettant de chiffrer le coût d’une journée de paralysie du rail en Belgique : quarante millions d’euros.

À l’époque, vous aviez, si je ne me trompe, établi votre estimation comme ceci :

Lorsque la Société nationale des chemins de fer belges (SNCB) est en grève, quatre navetteurs sur dix prennent leur voiture, ce qui représente au total 192 000 véhicules supplémentaires sur la voie publique. Conséquence : 1 128 000 travailleurs belges perdent chacun une demi-heure de plus dans les bouchons. Au coût moyen de 23,5 euros l’heure, cela représente une perte de 40 millions d’euros.

Ce calcul donnait une idée de l’ampleur des pertes provoquées par une journée de grève du rail mais, vous en conviendrez, il manque quand même de précision.

Mes questions sont donc les suivantes :

1) Avez-vous demandé un nouveau calcul suite à la grève du lundi 18 octobre 2010 ?

2) Dans l’affirmative, allez-vous employer la même méthode de calcul ?

3) N’existe-t-il pas une méthode de calcul qui permettrait d’avoir un résultat plus précis du coût engendré par une journée de paralysie du rail en Belgique ?

Réponse reçue le 24 janvier 2011 :

1) S’agissant de la grève à la Société nationale des chemins de fer belges (SNCB) du 18 octobre dernier, il est vrai que j’avais tenté d’évaluer ex-ante le coût approximatif d’une journée de grève. J’en ai retiré la conviction qu’il est périlleux, voire très aléatoire, d’entreprendre à bien tout exercice qui consiste à chiffrer, même ex post, l’impact réel qu’a pu avoir un mouvement de grève donné sur l’économie nationale. Tout au plus peut-on affirmer qu’il existe bien un caractère préjudiciable. Il existe forcement un coût négatif, toute autre conjecture relève de l’utopie. La méthode de calcul empirique de 2008 avait pour objectif premier de nous sensibiliser au coût économique réel d’une action de grève. Il me faut toutefois acter aujourd’hui le fait qu’il n’existe pas de méthode scientifiquement éprouvée qui permettrait de calculer avec précision et exactitude le coût réel d’une grève.

2) Idéalement, il conviendrait de chercher à connaître l’évolution de la production par branche d’activité, puis se poser la question de savoir s’il y a eu, ou non, une inversion de tendance dans le cycle économique et à quel moment dudit cycle. Ce n’est qu’au départ de ce constat qu’on peut être tenté d’esquisser la trajectoire de la conjoncture qui aurait été accomplie en absence de grève et chercher à évaluer, avec la prudence voulue, les éventuels écarts.

3) Mes experts n’ont pas trouvé une littérature économique de référence susceptible de faciliter un tel exercice. Je n’ai donc pas été en mesure de demander à mon administration de se lancer dans ce genre de calculs. En revanche, j’ai demandé à mon administration de vérifier, en collaboration avec le Service public fédéral (SPF) Mobilité, toutes les données d’affluence sur les axes autoroutiers disponibles.

J’ai donc pu disposer des données quotidiennes de trafic en temps réel (système start-sitter) destinées à la police fédérale, à la RTBF et à la VRT. Partant de ces données, deux cartes du trafic circulation basées sur des calculs permettant de trier et d’écarter les résultats moins fiables (pannes de compteurs automatiques, accidents détournant le trafic sur des bandes non comptées, etc.) ont été établies. Ces cartes reprennent les chiffres moyens journaliers normalisés incluant les totaux par sens de circulation de six heures à vingt-deux heures. Les chiffres ont ensuite été mis en regard des données moyennes des jours ouvrables de l’ensemble du mois d’octobre 2010.

L’examen analytique de ces données permet d’affirmer qu’il ne semble pas y avoir eu le 18 octobre 2010 cet « embouteillage généralisé catastrophique ». En témoignent le fait que le trafic n'a pas connu de variation là où les navetteurs sont globalement moins nombreux à prendre le train vers la capitale (Ardennes, Limbourg, Westhoek, etc.), et que, s’il y a bien eu une augmentation clairement identifiable du trafic sur les autoroutes qui suivent les grandes lignes ferroviaires (Ostende-Bruxelles, Courtrai-Gand-Anvers, dorsale wallonne, etc.), cette augmentation du trafic par rapport à un jour ouvré « normal » semble avoir été négligeable (entre 0% et 1%).

Sans doute peut-on expliquer cet impact relatif par une combinaison de plusieurs facteurs. Ainsi, le fait d’avoir annoncé la grève a réduit la pression sur le trafic. Par ailleurs, certains navetteurs ne se déplacent pas (personnes sans autre moyen de transport, télétravail et congés) et la montée en puissance du « carpooling » (nous n'avons aucun moyen de déterminer le nombre de voyageurs par véhicule ce jour là, mais, selon le SPF Mobilité, il suffit de passer de 1,15 à 1,25 personnes par véhicule pour résorber l’absence de transport par rail).

Pour ce qui concerne les mesures qu’il conviendrait de prendre pour limiter les effets négatifs d’une grève, je tiens à rappeler ainsi que, comme je m’étais déjà exprimé en 2008, je reste par principe favorable au droit de grève. Toutefois, je reste également intimement convaincu que l’exercice de droit de grève doit pouvoir s’accommoder de la garantie d’un service minimum au bénéfice des utilisateurs et donc, en l’espèce, des usagers des transports en commun qu’ils soient passagers aériens ou navetteurs du rail.

Un tel objectif me paraît autant plus raisonnable qu’il est déjà d’application dans certains pays de l’Union européenne. On pourrait dans cette perspective s’inspirer de ce que font nos voisins français, espagnols et italiens, pour ne citer que divers modèles pertinents et réalisations récentes.