Version à imprimer bilingue Version à imprimer unilingue

Question écrite n° 5-2413

de Bert Anciaux (sp.a) du 26 mai 2011

au ministre de la Justice

Terrorisme - Financement au départ de la Belgique - Utilisation d'argent provenant d'allocations sociales

Cellule de traitement des informations financières
terrorisme
travail au noir
prestation sociale

Chronologie

26/5/2011Envoi question
29/6/2011Réponse

Aussi posée à : question écrite 5-2412

Question n° 5-2413 du 26 mai 2011 : (Question posée en néerlandais)

Il ressort du rapport annuel de la Cellule de traitement des informations financières (CTIF) que l'année dernière, les différents parquets de notre pays ont ouvert dix-neuf dossiers sur un éventuel financement du terrorisme au départ de la Belgique. Il s'agit d'un montant total de 6.294.216 euros.

Le passage suivant du rapport est étonnant : « Une tendance qui semble s’intensifier dans les dossiers de financement du terrorisme en 2010 est l’utilisation d’argent provenant d’allocations sociales pour le soutien financier à des terroristes. »

Je souhaiterais obtenir une réponse aux questions suivantes :

1) Combien de cas d'utilisation d'allocations en vue de financer des organisations terroristes ont-ils été constatés chaque année depuis 2006 ? De quels montants s'agit-il ? Comment le ministre explique-t-il ces chiffres et développements ? Quelles conclusions peut-on en tirer ? Ces conclusions ont-elles donné lieu à une adaptation de la politique ?

2) Quelles organisations terroristes ont-elles ainsi bénéficié d'une aide financière ?

3) Quelles ont été les suites de ces constats ? Cet argent a-t-il été réclamé ? Dans l'affirmative, de quelle manière et de quels montants s'agit-il ? Dans la négative, quels sont les obstacles ?

Réponse reçue le 29 juin 2011 :

À côté de sa mission de prévention du blanchiment de capitaux, la lutte contre le financement du terrorisme constitue la tâche principale de la Cellule de traitement des informations financières (CTIF).

Aux fins de l’application de la présente loi, il faut entendre par financement du terrorisme : « le fait de fournir ou de réunir des fonds, directement ou indirectement et par quelque moyen que ce soit, dans l’intention de les voir utilisés ou en sachant qu’ils seront utilisés, en tout ou en partie, par un terroriste ou une organisation terroriste ou pour la commission d’un ou plusieurs actes terroristes ».

Sont ici visés tous les comportements de financement, peu importe que les fonds destinés à financer le terrorisme aient une origine licite ou pas.

1) Depuis 2006, la CTIF a transmis 132 dossiers aux autorités judiciaires vu l’existence d’indices sérieux de financement du terrorisme, pour un montant total de 47 040 240 euros. Ces dossiers ont été transmis au parquet fédéral compte tenu de ses compétences spécifiques en matière de terrorisme. Lorsqu’un lien est établi avec une enquête en cours auprès d’un parquet local, une copie du rapport d’enquête est envoyée à ce parquet.

Dans 37 des 132 dossiers, il est question de perception d’allocations sociales, comme des allocations du CPAS, des allocations de chômage ou des allocations familiales. Les montants de ces allocations varient entre 500 et 1 500 euros par mois.

Spécifiquement pour 2010, des opérations en rapport avec la perception d’allocations sociales ont été identifiées dans 8 des 19 dossiers transmis. Le montant qui peut être mis en rapport avec le financement du terrorisme et qui est issu d’allocations sociales s’élève à 78 598,03 euros. Le montant total dans les dossiers transmis en raison de l’existence d’indices sérieux de financement du terrorisme en 2010 s’élève à 6 294 216 euros.

Il ressort de ces chiffres que la perception d’allocations sociales est un phénomène qui se retrouve fréquemment dans les dossiers transmis en raison de l’existence d’indices sérieux de financement du terrorisme, mais que les opérations en rapport avec la perception des allocations sociales ne représentent qu’une partie limitée du montant total des opérations suspectes dans ces dossiers. Souvent, il s’agit d’intervenants qui perçoivent une allocation sur leur compte et qui en plus réalisent une série d’opérations pour des montants importants, comme des transferts internationaux et des versements en espèces, qui pourraient être en rapport avec le financement du terrorisme. Strictement parlant, il n’est pas question de fraude sociale, vu que les intervenants ont bien droit à ces allocations sociales.

Il faut souligner que dans ces dossiers il est question de financements stratégiques et à long terme d’organisations étrangères qui sont considérées par l’Union européenne et par les Nations Unies comme des organisations terroristes, et donc pas pour le financement d’un acte terroriste en particulier. Dans un nombre limité de cas, il s’agit de financer l’achat de lieux de culte en Belgique par des organisations qui sont considérées comme très radicales par les services de renseignements.

De contacts avec des homologues étrangers d’autres CRF, il ressort que l’utilisation d’allocations sociales pour le financement du terrorisme est de plus en plus fréquemment constatée dans des pays voisins. Certaines organisations encourageraient même ce type de comportement. Pour certains extrémistes, la perception d’allocations sociales peut être acceptée si les fonds servent ensuite à soutenir le « Jihad ».

2) Les organisations qui apparaissent à titre d’exemples dans les dossiers transmis sont des groupes extrémistes du Caucase (Tchétchénie), PKK, Taliban, des groupes affiliés à Al Qaida, Takfir-Wal-Hijra et Jama'at Al Tabligh.

3) Le gouvernement sortant est convaincu que la CTIF peut être une source importante pour la détection de fraudes sociales. En conséquence, le gouvernement a par la loi du 18 janvier 2010 modifiant la loi du 11 janvier 1993, donné une compétence supplémentaire à la CTIF, qui découle en plus des directives européennes en la matière. En matière de fraude sociale, la CTIF, en application de cette modification législative, lorsqu’elle transmet un dossier au parquet concernant des informations relatives au blanchiment de capitaux provenant de la commission d’une infraction liée au trafic de main-d’œuvre clandestine ou au trafic d’êtres humains, en informe systématiquement l’auditeur du travail étant donné sa compétence pour poursuivre les infractions de nature sociale liées au droit pénal social. En outre, la CTIF informe le Service d'Information et de Recherche Social (SIRS) de la transmission aux autorités judiciaires d’un dossier de blanchiment de capitaux provenant d’infractions pouvant avoir des répercussions en matière de fraude sociale.