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Question écrite n° 5-2129

de Bert Anciaux (sp.a) du 20 avril 2011

au ministre de la Coopération au développement, chargé des Affaires européennes

Microcrédits - Programmes belges - Abus possibles

pauvreté
microcrédit
aide financière
aide au développement

Chronologie

20/4/2011Envoi question
7/6/2011Réponse

Question n° 5-2129 du 20 avril 2011 : (Question posée en néerlandais)

L'Occident considère le microcrédit comme le remède miracle contre la pauvreté. Le concept de Mohammed Yunus est une idée simple mais néanmoins brillante. Elle considère les pauvres de ce monde non comme des pauvres diables mais comme des entrepreneurs potentiels. On leur octroie un prêt grâce auquel ils peuvent lancer une entreprise. Belle chose, idée géniale qui a permis à Mohammed Yunus de recevoir le prix Nobel.

Une longue enquête montre toutefois que tout ce qui brille n'est pas or. Pour chaque succès d'un microcrédit, il y a de nombreux cas moins jolis qui témoignent de la pression insistante du groupe, de taux astronomiques et de nouveaux trous pour boucher les autres. Un reportage de Panorama du 10 avril a montré les situations franchement navrantes auxquelles les microcrédits peuvent mener. Dans certaines régions d'Inde, des microcrédits ayant échoué ont engendré de nombreux suicides.

Il apparaît en même temps que le père du microcrédit, Yunus, a recours à des méthodes douteuses. Il a transféré les moyens qu'il a reçu d'une organisation norvégienne pour le développement, financée par l'argent des contribuables, à une société de téléphonie mobile. Lorsque cette information a été révélée, il a méticuleusement tenté de la tenir secrète. Seulement un tiers a été remboursé et ce que sont devenus les dizaines d'autres millions d'euros demeure un mystère.

On ne peut ici jeter le bébé avec l'eau du bain. Le microcrédit peut encore jouer un rôle dans la lutte contre la pauvreté mais avec un sens critique. On considère ce système comme un succès parce que 90% des prêts sont remboursés. Son impact sur la population pauvre a toutefois été insuffisamment étudié. Il convient donc de le faire davantage.

1. Existe-t-il, au sein de la coopération belge au développement, des programmes au profit des plus pauvres et au sein desquels les microcrédits occupent une place centrale? Si oui, quelles activités ont-elles été développées au cours des deux dernières années? De quel budget annuel s'agit-il?

2. Le ministre est-il conscient des gâchis tels que ceux montrés dans le reportage de Panorama? Peut-il m'assurer que les moyens de la coopération belge n'ont nullement contribué à de telles situations malheureuses?

3. Le ministre est-il au courant du scandale financier relatif à l'abus de l'argent de la coopération norvégienne par la Grameen Bank? La Belgique a-t-elle accordé un soutien financier à cette dernière? Si oui, le ministre a-t-il une idée complète et claire de ce qui s'est passé avec ce financement?

4. Le ministre est-il d'accord pour dire qu'on a besoin de davantage d'étude et de preuves empiriques pour démontrer le succès du concept des microcrédits? Le ministre a-t-il déjà demandé son propre examen des microcrédits? Notre pays soutient-il une étude internationale à ce sujet? Le ministre a-t-il déjà abordé ce point au niveau européen?

Réponse reçue le 7 juin 2011 :

En réponse à la question posée par l’honorable membre, je peux lui communiquer les éléments suivants :

1. Au sein de la coopération belge au développement, des activités sont soutenues au travers de différents canaux dans le cadre des micro-crédits.

Par l’intermédiaire du Fonds de développement et du Fonds monnaie locale, la Société Belge d’Investissement dans les pays en Développement (BIO) est en mesure de prendre, libellées en devises locales ou non, des participations en capital dans des institutions financières intermédiaires axées sur les PME dans les pays en développement ou leur octroyer des crédits. Ces institutions comprennent aussi des institutions de micro-finance.

Via la coopération gouvernementale, plusieurs interventions sont soutenues, dans le domaine des micro-crédits, dans les pays suivants: Maroc, Sénégal et Vietnam.

Via la coopération non-gouvernementale, un certain nombre d’organisations non-gouvernementales ayant des activités au niveau des micro-crédits, bénéficient d'un soutien: Trias, SOS-Faim, Actec, Louvain Coopération au développement et WSM.

Le secteur de la micro-finance qui, outre les micro-crédits, porte également sur l'épargne, les assurances et les transactions financières, comprend environ 25 % de l'ensemble des engagements de BIO. En 2009, un montant de 1 942 911 euros a été consacré à des micro-crédits, via la coopération gouvernementale. En 2010, ce montant s’élevait à 3 368 160 euros. Pour la période 2008-2010, via la coopération non-gouvernementale, un montant total de 2 576 115 euros a été consacré au secteur des micro-crédits.

2. Des procédures et des mécanismes ont été créés au sein des différents canaux d’interventions de la coopération belge au développement afin de prévenir des malversations:

Chaque intervention de BIO est précédée d’une analyse de son efficacité en termes de développement. Cette analyse se base sur des critères définis à l’art. 4 de la loi relative à la Coopération internationale belge du 25 mai 1999. BIO soutient aussi explicitement le développement de principes de protection des clients du secteur de la micro-finance.

Au sein de la coopération gouvernementale, le troisième contrat de gestion entre l'État belge et la société anonyme de droit public à finalité sociale « Coopération technique belge » prévoit le cadre dans lequel des projets relevant des programmes indicatifs de coopération sont créés, exécutés et suivis.

Pour ce qui concerne la coopération non-gouvernementale, il existe un cadre légal (arrêté royal du 24 septembre 2006, art. 4 et son arrêté ministériel d’exécution du 30 mai 2007, art. 3) pour l’octroi de contributions belges aux organisations non gouvernementales. À la fin de leur programme, ces organisations transmettent un rapport narratif et financier.

Les Organisations non-gouvernementales (ONG) susmentionnées, actives dans le domaine des micro-crédits, font aussi procéder à un audit de leurs programmes.

3. J’en ai été informé. La Coopération belge au développement n’accorde pas de soutien financier à la banque Grameen.

4. Un examen des micro-crédits a déjà été mené pour le compte de la Coopération belge au développement. Ainsi, via la coopération universitaire, un appui est donné au CIUF-ULB pour la formation et la recherche dans le cadre de la micro-finance en République démocratique du Congo (RDC). Par ailleurs, une étude est également financée pour la micro-finance au Moyen-Orient.