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Question écrite n° 5-1753

de Bert Anciaux (sp.a) du 16 mars 2011

au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et des Réformes institutionnelles

États-Unis - Droits syndicaux - Violation - Réaction de la Belgique et de l'Europe

États-Unis
syndicat
droits syndicaux

Chronologie

16/3/2011Envoi question
7/10/2011Réponse

Question n° 5-1753 du 16 mars 2011 : (Question posée en néerlandais)

Depuis plusieurs semaines consécutives, des milliers de manifestants occupent le parlement de Madison, capitale du Wisconsin. Ils occupent le bâtiment de cet État depuis le 15 février 2011. Les rues avoisinantes sont déjà envahies par 100 000 manifestants. Tout cela parce que le gouverneur, Scott Walker, veut réduire la marge de manœuvre des syndicats publics. Il n'est pas possible d'emprunter les rues entourant le bâtiment. Cette situation a provoqué une remarquable vague de protestations dans un État agricole qui compte moins d'habitants que la Flandre.

Les manifestants s'opposent aux projets du gouverneur Scott Walker, un républicain arrivé au pouvoir en 2010 grâce au généreux soutien des frères Koch. Ces derniers mois, ces multimilliardaires ont également injecté des millions de dollars dans le Tea Party, parti conservateur de droite.

Scott a conçu un plan visant à rogner définitivement les ailes des syndicats publics de son État. Les syndicats ne seraient plus autorisés à conclure des conventions collectives de travail et il leur devient pratiquement impossible de percevoir des cotisations. Les travailleurs devraient aussi voter chaque année sur la viabilité de chaque syndicat. Seul le syndicat policier et le syndicat des pompiers échappent à ces mesures. Ce sont précisément les syndicats qui ont soutenu Walker au cours des dernières élections. Le gouverneur présente son offensive contre les syndicats comme un plan d'économie. Le Wisconsin est, comme la plupart des autres États, confronté à un déficit budgétaire faisant suite à la crise du crédit. Mais selon le Prix Nobel Paul Krugman, l'attaque à l'encontre des syndicats n'a rien à voir avec la réalisation d'économies.

Les syndicats sont à peu près les principales forces capables de résister au pouvoir financier. Le recul de la démocratie aux États-Unis est surtout dû au déclin de nombreux syndicats du secteur privé. Les entreprises ont massivement transféré leurs implantations vers des États du sud, où les syndicats sont faibles et les droits syndicaux, minimes. À peine 12 % des travailleurs américains sont membres d'un syndicat. Des motifs politiques sous-tendent également l'offensive. Les républicains utilisent la victoire remportée lors des dernières élections pour éliminer les derniers vestiges des syndicats. Ce n'est pas par hasard que les syndicats sont d'importants pouvoirs financiers et organisationnels lors des campagnes électorales des démocrates. Les républicains sont parvenus à appliquer des lois similaires dans douze États. Au Wisconsin et simultanément dans quelques autres États, comme l'Ohio et l'Indiana, les syndicats ont dressé leurs dernières barricades. Ce n'est pas un hasard, car le Wisconsin est qualifié de laboratoire américain de la démocratie. Nous verrons dans les prochains jours s'ils l'emporteront. Les parlementaires démocrates ont déjà fui l'État et se sont cachés de façon à ce que Walker ne puisse pas les ramener manu militari à Madison pour atteindre le quorum.

Cependant, la lutte pour la sauvegarde des droits syndicaux aux États-Unis importe aussi pour l'Europe. Les États-Unis sont notre principal partenaire et si les droits démocratiques des syndicats y sont foulés aux pieds, l'Europe risque d'en subir les effets à court terme.

J'aimerais obtenir une réponse à plusieurs questions.

1) Le ministre a-t-il connaissance de cette évolution de mauvais augure ?

2) S'est-il déjà entretenu à ce sujet avec son collègue américain ?

3) Des informations complémentaires ont-elles été demandées à l'ambassadeur des États-Unis en Belgique ?

4) Cette violation des droits syndicaux a-t-elle déjà été débattue en conseil des ministres européen ?

5) Quelles initiatives notre pays prend-il pour empêcher que cette offensive contre les droits fondamentaux des syndicats se répercute en Europe ?

Réponse reçue le 7 octobre 2011 :

1. La problématique des libertés syndicales dans un certain nombre d'États des États Unis d’Amérique m’est bien connue. Elle a été récemment évoquée dans le cadre des travaux de la 100e session de la Conférence internationale du travail, en juin dernier, en particulier dans l'État du Wisconsin.

2-4). La problématique des libertés syndicales dans certains États des États-Unis d’Amérique n’a pas fait l’objet d’un échange avec mon collègue américain, ni avec l’Ambassadeur des États-Unis à Bruxelles, ni lors de Conseils des ministres européens.

5. Plus généralement, le souci des pays européens doit être de sauvegarder nos libertés syndicales telles qu’elles sont consignées dans les Conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) n° 87 qui concerne la liberté syndicale et la protection du droit syndical, et n° 98 qui concerne le droit d’organisation et de négociation collectives, mais aussi dans les Conventions du Conseil de l’Europe.

La Belgique a toujours donné l’exemple en ce qui concerne la garantie des droits syndicaux. Ainsi, avec douze autres États européens, elle est partie au protocole additionnel de la Charte sociale et accepte le principe des plaintes collectives auprès du Conseil de l’Europe contre un État, émanant de syndicats nationaux ou européens, en cas de violation de la Charte sociale. Une telle plainte peut aboutir à l’adoption d’une résolution à la majorité des 2/3.

C’est pourquoi la Belgique continuera d’attacher beaucoup de prix au principe des négociations collectives, car elles restent aujourd’hui le fondement du respect de nos droits sociaux et de la justice sociale dans notre pays et en Europe.