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Question écrite n° 5-1578

de Bert Anciaux (sp.a) du 1 mars 2011

à la vice-première ministre et ministre de l'Emploi et de l'Égalité des chances, chargée de la Politique de migration et d'asile

Marché belge de l'emploi - Introduction du "payrolling" - Possibilités dans les limites légales actuelles

droit du travail
mobilité de la main-d'oeuvre
travail temporaire
marché du travail
administration du personnel
entreprise de travail intérimaire
employeur
travailleur détaché

Chronologie

1/3/2011Envoi question
25/3/2011Réponse

Question n° 5-1578 du 1 mars 2011 : (Question posée en néerlandais)

Le « payrolling » (gestion des salaires) est un système dans lequel une organisation interface met les travailleurs d'un employeur à la disposition d'un autre employeur. Cette organisation interface fait office d'employeur juridique mais sur le papier (administration des salaires et versement du salaire) et offre des services beaucoup moins coûteux que les agences d'intérim classiques car ces dernières se chargent également de la sélection et du recrutement des travailleurs. Le coût d'une agence d'intérim équivaut à 2,5 fois le salaire horaire net, rétribution de l'agence incluse.

Lorsqu'il est fait appel à ces nouvelles organisations interfaces, la sélection et le recrutement ont déjà été réalisés par l'employeur initial, lequel prête son personnel par l'intermédiaire de cette interface. La nouvelle entreprise paie les salaires et frais liés au lieu de travail. Les calculs montrent que le coût de cette opération atteint tout au plus 1,6 fois le salaire horaire net, ce qui est nettement moins cher que le travail intérimaire classique. De plus, cette pratique est plus simple. Une entreprise appliquant le « payrolling » est déjà active dans le Limbourg. Il va de soi que la Fédération des entreprises de travail intérimaire regarde cette pratique d'un œil soupçonneux. Il s'avère que la pratique développée dans le Limbourg n'est pas tout à fait légale, la loi n'autorisant pas la mise à disposition de son propre personnel à des tiers, à l'exception des agences d'intérim.

Je souhaiterais obtenir une réponse aux questions suivantes.

1) Comment la ministre évalue-t-elle le système du « payrolling » ? Considère-t-elle cette pratique comme un enrichissement et une amélioration des systèmes d'emploi ? Quels avantages et inconvénients y voit-elle ? Est-elle pour ou contre ce système ? Quels arguments avance-t-elle pour justifier son choix ?

2) Estime-t-elle que le « payrolling » ne peut être appliqué dans les limites légales actuelles ? Sait-elle que le « payrolling » est déjà appliqué actuellement dans le Limbourg ? Comment évalue-t-elle cette pratique ?

3) La pratique du « payrolling » a-t-elle déjà fait l'objet de discussions avec les partenaires sociaux ? Dans l'affirmative, avec quel résultat ? Dans la négative, cela est-il prévu ou bien ce thème n'est-il pas jugé prioritaire et important ?

4) Quelles mesures et instruments la ministre envisage-t-elle pour pouvoir mener une politique efficace ?

Réponse reçue le 25 mars 2011 :

Par payrolling, une entreprise dite « entreprise payroll », embauche du personnel existant et à recruter d’une entreprise, dont l’entreprise « payroll » devient sur papier l’employeur juridique par ce biais. Les membres du personnel concernés sont ensuite remis à disposition de l’entreprise en question. En principe, la pratique de payrolling aboutit donc à ce qu’une entreprise reloue/prenne en leasing ses propres travailleurs, après que ceux-ci soient embauchés par une autre organisation.

Par la pratique du payrolling, on vise à éluder les obligations juridiques qui sont liées à la qualité d’employeur comme, par exemple, la gestion de l’administration du personnel et des salaires, l’élaboration de contrats de travail, etc. En comparaison avec le travail intérimaire classique, cette pratique est moins coûteuse dans la mesure où l’entreprise en question apporte elle-même les travailleurs qui doivent être embauchés par l’entreprise de payroll, par ce biais on fait l’économie des coûts afférents à la sélection et au recrutement qui doivent être effectivement rétribués en cas de recours à du travail intérimaire normal (une agence de travail intérimaire est également responsable de la sélection et du recrutement du personnel qui est mis à disposition).

Le payrolling est un phénomène en forte croissance aux Pays-Bas, ce qui peut s’expliquer en grande partie par le fait que le travail intérimaire et le prêt de personnel aux Pays-Bas sont réglementés d’une toute autre manière qu’en Belgique.

L’engagement de travailleurs avec l’objectif spécifique de les mettre à disposition de tiers est réservée en Belgique aux agences de travail intérimaire qui doivent disposer à cet effet d’un agrément préalable. Ces agences de travail intérimaire peuvent seulement obtenir ou conserver un tel agrément pour autant qu’elles respectent totalement la législation en matière de travail intérimaire et de mise à disposition de travailleurs (loi du 24 juillet 1987), ce qui implique, entre autres, qu’elles puissent uniquement engager du personnel intérimaire pour l’exécution de travail temporaire.

En dehors du cadre du travail intérimaire, le prêt de personnel avec transfert de l’autorité patronale est soumis à des règles très strictes.

Il est en principe interdit de mettre des travailleurs à disposition de tiers qui utilisent ces travailleurs et exercent sur eux une part quelconque de l’autorité patronale qui appartient normalement à l’employeur (article 31 de la loi du 24 juillet 1987).

Cette interdiction a été instaurée pour mettre fin aux abus existant alors en matière de travail clandestin, par laquelle certains employeurs tentaient de se soustraire aux barèmes salariaux spécifiques de leur secteur de façon à mettre en œuvre une dynamique de concurrence déloyale.

Il peut être dérogé à l’interdiction de mise à disposition, mais uniquement dans les très strictes conditions qui sont fixées par l’article 32 de la loi du 24 juillet 1987.

Si le système de payrolling était appliqué en Belgique, deux situations pourraient être distinguées :

Dans le cadre de la législation belge, qui repose sur une philosophie visant à exclure l’abus et la déstabilisation du marché, le payrolling offre peu de valeur ajoutée.

Si le but est de décharger l’employeur de l’administration du personnel et des salaires, il peut alors être fait appel dans une large mesure à des secrétariats sociaux qui offrent une telle forme de prestation de services.

Si le but est de faire une économie sur le coût du travail intérimaire, il est alors possible de rechercher effectivement soi-même des candidats pour l’accomplissement de tâches de travail temporaire et de faire ensuite engager ceux-ci par une agence de travail intérimaire. Une telle pratique me paraît cependant offrir peu de valeur ajoutée, étant donné que l’on doit également prendre en charge les coûts liés à la sélection et au recrutement, ce qui revient en principe à effectuer une opération blanche.

Si l’on voudrait néanmoins recourir au payrolling de manière à contourner le cadre juridique contraignant de la législation en matière de travail intérimaire, une telle pratique constitue alors une forme de fraude à la loi et l’on se heurte alors en Belgique à l’interdiction de la mise à disposition qui est précisément prévue pour exclure pareilles pratiques de fraude à la loi.

Je puis vous communiquer que la pratique du payrolling, en tant que telle, n’a pas encore été discutée avec les partenaires sociaux.

Les partenaires sociaux ont cependant déjà mené, de leur propre initiative, de longues discussions au Conseil national du travail en ce qui concerne l’actualisation de la législation en matière de travail intérimaire.

Le gouvernement est fermement convaincu, qu’en ce qui concerne le dossier relatif au travail intérimaire et à la mise à disposition, la priorité doit être donnée à la concertation sociale en cours.