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Question écrite n° 5-10700

de Martine Taelman (Open Vld) du 20 décembre 2013

à la vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales

Cannabis - Haschisch - Composition - Augmentation - Teneur en THC - Olivettes - Conséquences

toxicomanie
stupéfiant

Chronologie

20/12/2013Envoi question
5/2/2014Réponse

Aussi posée à : question écrite 5-10699

Question n° 5-10700 du 20 décembre 2013 : (Question posée en néerlandais)

La composition du cannabis a évolué, en particulier sur le plan de la teneur en THC, une substance stimulante qui, en dix ans, est devenue dix fois plus puissante. Les conséquences sont également sensibles. De nos jours, 3 % des fumeurs de haschisch ont un épisode psychotique après avoir fumé un joint.

La teneur en THC a augmenté et l'effet sédatif du cannabidiol a fortement diminué. La drogue est devenue dix fois plus puissante mais possède moins de propriétés anxiolytiques. Récemment, un type de cannabis particulièrement puissant et des produits dérivés sont apparus sur le marché. Il s'agit entre autres de ce que l'on appelle les « olivettes » qui ont une teneur en THC de 22 % et sont très en vogue en France. Je voudrais savoir si la teneur en THC continue également à augmenter dans notre pays.

Je souhaite dès lors poser les questions suivantes à la ministre :

1) Pouvez-vous indiquer quelle est la teneur moyenne en THC, d'une part, du cannabis circulant sur le marché et, d'autre part, du haschisch ? Je souhaite obtenir ces chiffres pour les trois dernière années. Pouvez-vous préciser votre réponse ?

2) Pouvez-vous indiquer quelle était la teneur la plus élevée en THC du cannabis apparu sur le marché, d'une part, et du haschisch, d'autre part ? Pouvez-vous expliquer ces chiffres ? Est-il exact que les maxima augmentent régulièrement ?

3) Quelles sont les conséquences de l'éventuelle augmentation de la teneur en THC sur la santé publique et dans quelle mesure constate-t-on des effets durables sur le plan psychique, voire physique? Pouvez-vous détailler votre réponse ?

4) A-t-on déjà découvert en Belgique des « olivettes » et leur nombre a-t-il augmenté ces trois dernières années ? Pouvez-vous expliquer votre réponse ?

5) Pouvez-vous indiquer si l'on constate une augmentation, ces trois dernières années, du nombre de personnes, en général, et de jeunes, en particulier, qui ont été touchées par une psychose ? Est-ce lié au cannabis et à sa teneur en THC ? Dans l'affirmative, pouvez-vous expliquer votre réponse à l'aide de chiffres et d'études ?

Réponse reçue le 5 février 2014 :

En Belgique, la composition et la concentration des substances psychoactives font l’objet d’un suivi du Belgian Early Warning System on Drugs (BEWSD), du Belgian Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction, programme de l’Institut Scientifique de Santé Publique (WIV-ISP). Pour mener à bien sa mission, le BEWSD recueille des données objectives et scientifiques provenant des résultats d’analyses d’échantillons de drogue, que tous les laboratoires toxicologiques ou les laboratoires de médecine légale/ de la police scientifique lui rapportent.

1) En règle générale, on a constaté ces dernières années une relative stabilisation de la teneur moyenne en tétrahydrocannabinol (THC) tant du cannabis (marijuana) que du haschich (voir figure 1 ; données 2009-2011) en Belgique.  Il apparaît que le haschich garde toujours, au fil des ans, une concentration moyenne un peu plus élevée que le cannabis.

Si l’on examine les données dont dispose le BEWSD, on observe que la teneur moyenne en THC a connu une légère hausse en 2012 par rapport aux années précédentes, avec des valeurs respectives de 13,2 % et de 17,2 % pour le cannabis et le haschich. Il ne faut toutefois pas oublier que les données portent toujours sur un nombre d’échantillons limité. En outre, l’augmentation spécifique observée en 2012 pour le haschich peut, en partie, s’expliquer par la réduction du nombre total d’échantillons analysés cette année-là (38 contre respectivement 105 et 61 en 2010 et 2011).

En 2012, on a pu constater une hausse du nombre de « mini-plantations » (moins de 50 plants) démantelées. Vu que les plantations de ce type sont plus souvent entretenues par des amateurs que par des groupes de crime organisé, elles font souvent l’objet de davantage d’attention en matière de qualité, ce qui peut également contribuer à expliquer une plus haute teneur en THC.

Étant donné la modification de la « loi opium » néerlandaise, il est désormais impossible pour les étrangers de se procurer du cannabis dans les coffeeshops de ce pays. Il est possible que ce changement ait incité les consommateurs à cultiver leur propre cannabis, ce qui pourrait une nouvelle fois partiellement expliquer la variation de la concentration en THC.

Si l’on compare les pourcentages actuels de THC avec ceux de 2002 (8,9 % pour le cannabis et 9,4 % pour le haschich ; voir figure 1), on observe une hausse de respectivement 48 et 83 %. Il est donc vrai que la concentration en THC a considérablement augmenté (et même presque doublé pour le haschich), mais on est loin d’un décuplement au cours des dix dernières années. On constate toutefois bel et bien une très grande différence entre le cannabis proposé aujourd’hui sur le marché et celui en vente dans les années 1960 et 1970. La culture sélective et l’amélioration ont considérablement accru la puissance du cannabis, faisant spécifiquement augmenter fortement la teneur en THC et, dans une moindre mesure, la concentration en cannabidiol (CBD). Les données dont dispose le BEWSD montrent toutefois que rien n’indique un nouveau développement ces dix dernières années.

2) La concentration la plus élevée en THC mesurée en 2012 était de l’ordre de 20,5 % pour le cannabis et de 28,7 % pour le haschich. Les valeurs maximales dépendent des échantillons et peuvent donc fortement varier d’un plant à un autre et d’un type de plantation à un autre (voir également la réponse à la question 1). Les pourcentages des années précédentes vous sont présentés, à titre comparatif, à la figure 2. Les données du BEWSD font donc apparaître exactement le contraire : les valeurs maximales en THC diminuent systématiquement au fil des ans.

3) Peu d’études ont été consacrées aux effets du cannabis à haute teneur en THC. Les études existantes (Niesink & Rigter, 2012) ne permettent pas de tirer beaucoup de conclusions sur les effets éventuels à long terme de la consommation de cannabis à haute teneur en THC (comme le risque de dépendance ou de problèmes psychiques).

En cas de consommation de cannabis à forte teneur en THC, la concentration en THC absorbée est elle aussi plus élevée, provoquant vraisemblablement une augmentation des effets physiques liée à la dose (dose-dépendante). Vu l’influence du THC sur la tension et le pouls, les substances à plus haute concentration en THC peuvent par exemple poser un risque accru pour les personnes présentant des problèmes cardiaques.

Les risques des formes plus fortes de cannabis dépendent également de la teneur en CBD. Plus la quantité de THC est haute et plus la concentration en CBD est faible, plus le risque d’effets psychotiques est élevé. Les conséquences psychiques pouvant résulter de la consommation de cannabis sont toutefois controversées.  La consommation de cannabis peut entraîner une psychose et une schizophrénie chez les personnes présentant une prédisposition génétique aux maladies mentales. La consommation de cannabis accélérerait l’apparition de ces troubles, mais n’en serait pas la cause véritable, vu que cet effet n’a pas, pour l’heure, été constaté chez des sujets sans prédisposition génétique.

On remarque toutefois que le nombre de personnes venant se faire traiter pour un usage problématique du cannabis, voire une dépendance, est en constante augmentation. Pour l’instant, il n’est pas établi avec certitude si, et dans quelle mesure, l’augmentation de la teneur en THC en est responsable. Il a également été suggéré que le rapport THC/CBD pourrait influencer le risque de dépendance, une forme de cannabis avec une teneur élevée en CBD étant potentiellement moins susceptible de créer une assuétude.

4) Pour le moment, le BEWSD n’a reçu aucune donnée permettant de confirmer l’apparition des « olivettes » en Belgique. Il convient de souligner que les olivettes en question (avec une teneur en THC de 22 %) ne sont pas très différentes du haschich de bonne qualité (voir également figures 1 et 2). Vu la grande popularité du cannabis en France, il s’agit probablement d’un phénomène local. Dans la même veine, on retrouve aux États-Unis, où le cannabis est autorisé à des fins médicales, voire totalement légalisé dans certains États, de nombreux produits dérivés du cannabis comprenant des teneurs en substances psychoactives extrêmement élevées (comme l’huile de cannabis ou BHO). Selon les informations dont le BEWSD dispose, ces produits ne sont toutefois pas présents sur le marché belge à l’heure actuelle.

5) Sur base des données issues du RPM (résumé psychiatrique minimum) et du RHM (résumé hospitalier minimum), le nombre de diagnostics de psychose reste relativement stable entre 2008 et 2011 dans la population générale et chez les moins de 25 ans. On constate également sur base de ces mêmes données que le nombre de diagnostic de psychose combiné à un diagnostic d’abus, d’intoxication ou de dépendance au cannabis n’augmente pas dans le temps. Enfin, les données relatives aux diagnostics de psychose induite par cannabis ne mettent pas en évidence une évolution du nombre de diagnostics constatés.

Il faut néanmoins rester prudent dans l’interprétation de ces données car il s’agit du nombre d’admissions dans les hôpitaux et non de la prévalence dans la population générale.

Pour rappel, l’usage de cannabis peut accélérer la survenue des troubles mentaux mais n’est pas la cause de ces troubles.

Figure 1: Concentration moyenne en THC du cannabis et du haschich saisis en Belgique (%)

 

2002

2009

2010

2011

2012

Cannabis

8,9

9, 9

11,1

10,7

13,2

Hasj / Haschich

9,4

10,6

11,8

11,8

17,2

Bron/source: Belgian Early Warning System on Drugs (BEWSD)



Figure 2 : Teneurs maximales en THC du cannabis et du haschich (%)

 

2009

2010

2011

2012

Cannabis

37,3

22,3

21,3

20,5

Hasj / Haschich

30,2

29,0

22,4

28,7

Bron/Source: Belgian Early Warning System on Drugs (BEWSD)