Version à imprimer bilingue Version à imprimer unilingue

Question écrite n° 4-7224

de Paul Wille (Open Vld) du 17 mars 2010

à la ministre de l'Intérieur

Trafic de drogue - Belgique en tant que plaque tournante et centre de distribution - Situation - Mesures

trafic de stupéfiants
stupéfiant
criminalité organisée

Chronologie

17/3/2010Envoi question (Fin du délai de réponse: 15/4/2010)
27/4/2010Réponse

Question n° 4-7224 du 17 mars 2010 : (Question posée en néerlandais)

Les autorités belges doivent, chaque année, communiquer à Europol un relevé de la criminalité liée aux drogues. Les conclusions d'Europol ne font guère l'objet de publicité. Les rapports traduisent bien les glissements et les tendances propres au marché européen de la drogue. Europol constate depuis une dizaine d'années un glissement progressif du marché de la cocaïne d'Amérique du Nord vers l'Europe. Cette tendance se confirme particulièrement depuis 2001. Les prix sont plus élevés ici qu'aux États-Unis et le marché n'est pas encore saturé. Par conséquent, nous attirons de plus en plus les trafiquants sud-américains.

Le rapportage interne de nos services concernant les délits liés à la drogue est aussi éloquent. Les caractéristiques de la Belgique jouent un rôle. Notre pays est un paradis logistique pour le trafic de drogue. Dans les reportages de la presse étrangère, la Belgique apparaît aussi systématiquement comme une plaque tournante du trafic international car ses nombreux ports et aéroports en font un leader en tant que pays importateur. Antérieurement, le port d'Anvers était surtout un lieu de transit pour l'acheminement de la cocaïne vers les Pays-Bas, mais selon les experts, il est devenu, ces dernières années, un véritable centre de distribution. L'importation serait encore aux mains d'organisations criminelles sud-américaines et espagnoles, qui s'établiraient à Anvers et y reprendraient des entreprises légales, notamment dans le secteur des produits surgelés. La distribution de cocaïne sur le marché local serait aux mains d'organisations criminelles marocaines. Des Berbères en situation illégale fournissent à Liège, Gand, Courtrai, dans le Hainaut et au nord de la France et y contrôlent la distribution. La production de drogues synthétiques (principalement l'ecstasy) aurait glissé des Pays-Bas vers la Belgique depuis que l'État néerlandais a pénalisé la réunion des parties constitutives des drogues.

Le contexte étant ainsi brièvement esquissé; j'aimerais obtenir une réponse aux questions suivantes :

1. Quelles drogues illégales ont-elles été interceptées en 2008 et 2009 dans le port d'Anvers et en quelle quantité ? Comment explique-t-on cette évolution ?

2. Quelles drogues illégales ont-elles été interceptées en 2008 et 2009 dans le port de Zeebrugge et en quelle quantité ? Comment explique-t-on cette évolution ?

3. Quelles drogues illégales ont-elles été interceptées dans les différents aéroports et en quelle quantité ? La ministre peut-elle nous donner une évaluation par aéroport et au total ?

4. Combien connaît-on de cas de fonctionnaires des douanes qui auraient été corrompus par des dealers ? J'aimerais obtenir ces données pour 2007, 2008 et 2009.

5. Quel est le prix de la cocaïne vendue aux particuliers ici en Belgique ? Est-il exact que la Belgique attire de plus en plus les trafiquants sud-américains ? Où intercepte-t-on les plus grandes quantités de cocaïne en Belgique (chefs-lieux de province, arrondissements judiciaires et points logistiques) ? La ministre peut-elle communiquer et évaluer ces données ?

6. L'importation reste-t-elle aux mains d'organisations criminelles sud-américaines et espagnoles qui s'établissent à Anvers et y reprennent de plus en plus souvent des entreprises légales ?

7. Est-il exact que la distribution serait aux mains de dealers marocains ? La ministre peut-elle illustrer sa réponse au moyen de statistiques relatives aux infractions, avec indication de la nationalité ?

8. Est-il exact que des Berbères en situation illégale sont d'importants fournisseurs de drogue dans les principaux chefs-lieux de province ? Que se passe-t-il lorsqu'un illégal est arrêté avec en sa possession une grande quantité de cocaïne clairement destinée au trafic ? Combien de temps peut-il être détenu par la police ? Que fait-ton des illégaux qui ont déjà reçu plusieurs fois l'ordre de quitter le territoire, qui outrepassent les délais et restent actifs dans les milieux criminels ? La ministre sait-elle qu'il s'agit d'une des plus grandes frustrations pour un agent de police ? Comment peut-elle intervenir ?

9. Combien de laboratoires de drogue ont-ils été découverts et fermés en 2009 ? Que pense la ministre de ce chiffre ? Quelles mesures peut-elle prendre pour découvrir encore plus de laboratoires ?

Réponse reçue le 27 avril 2010 :

L'honorable membre trouvera ci-dessous réponse à ses questions.

1. Les drogues illégales suivantes ont été saisies dans le port d’Anvers en 2008 (saisies supérieures à 0,5 kg):

Cocaïne: 2 529 kg (38 saisies)

Khat: 433 kg (9 saisies)

Marihuana: 4 018 kg (2 saisies)

Les drogues illégales suivantes ont été saisies dans le port d’Anvers en 2009 (saisies supérieures à 0,5 kg):

Cocaïne: 3 516 kg (41 saisies)

Haschisch: 9 954 kg (3 saisies)

Khat: 147 kg (5 saisies)

Marihuana: 2 120 kg (1 saisie)

S’agissant des saisies de drogues illégales dans le port d’Anvers pour les années 2008 et 2009, nous observons une stabilité tant au niveau du nombre de saisies qu’au niveau des quantités saisies.

2. En 2008, aucune saisie de drogue illégale n’a été enregistrée au port de Zeebrugge.

En 2009, 1 saisie de 2 kg de cocaïne a été enregistrée au port de Zeebrugge.

Nous ne pouvons pas non plus parler d’évolution pour le port de Zeebrugge.

3. Les saisies suivantes ont été enregistrées à Brussels Airport en 2008 (saisies supérieures à 0,5 kg ou 100 pilules):

Benzodiazépines: 10 240 pilules (32 saisies)

Cocaïne: 885 kg (94 saisies)

Haschisch: 54 kg (3 saisies)

Héroïne: 23 kg (3 saisies)

Khat: 823 kg (34 saisies)

Marihuana: 84 kg (3 saisies)

XTC: 81 386 pilules (6 saisies)

Les saisies suivantes ont été enregistrées à Brussels Airport en 2009 (saisies supérieures à 0,5 kg ou 100 pilules):

Benzodiazépines: 9 668 pilules (44 saisies)

Cocaïne: 583 kg (65 saisies)

Haschisch: 122 kg (4 saisies)

Héroïne: 4 kg (2 saisies)

Khat: 672 kg (36 saisies)

Marihuana: 1043 kg (12 saisies)

Nous constatons une importante augmentation de la quantité de marihuana saisie uniquement. Cette hausse s’explique par 1 saisie de 1000 kg de marihuana en provenance de Thaïlande et destinée aux Pays-Bas.

Les saisies suivantes ont été enregistrées à l’aéroport de Charleroi en 2008 (saisies supérieures à 0,5 kg):

Cocaïne: 0,8 kg (1 saisie)

Haschisch: 3,3 kg (1 saisie)

Marihuana: 9,3 kg (3 saisies)

Les saisies suivantes ont été enregistrées à l’aéroport de Charleroi en 2009 (saisies supérieures à 0,5 kg):

Cocaïne: 8 kg (9 saisies)

En 2009, un groupe de mules a utilisé l’aéroport de Charleroi pour envoyer de la cocaïne en Italie et en Hongrie. La plupart des saisies sont intervenues sur les passagers et ont donc été effectuées par la police.

Les saisies suivantes ont été enregistrées à l’aéroport de Liège en 2008 (saisies supérieures à 0,5 kg):

Cocaïne: 39 kg (10 saisies)

Haschisch: 0,8 kg (1 saisie)

Khat: 3585 kg (24 saisies)

Marihuana: 7,3 kg (2 saisies)

Les saisies suivantes ont été enregistrées à l’aéroport de Liège en 2009 (saisies supérieures à 0,5 kg):

Cocaïne: 19 kg (7 saisies)

Haschisch: 2,7 kg (1 saisie)

Héroïne: 3,4 kg (3 saisies)

Khat: 240 kg (8 saisies)

Marihuana: 3 kg (1 saisie)

À Liège, la plupart des interceptions concernaient des colis postaux et ont donc été effectuées par la douane principalement.

La quantité de khat saisie en 2009 à l’aéroport de Liège a fortement diminué, mais ce constat est valable pour la quantité totale de khat saisi en Belgique.

Tous les aéroports nous donnent la même image: les saisies de drogue n’ont pas connu d’évolution majeure.

4. Je ne suis pas en mesure de répondre à votre question et vous invite à la poser à mon collègue de la Justice.

5. En Belgique, les consommateurs de cocaïne déboursent entre 49 et 51 euros pour 1 gramme de cocaïne. En Belgique, la plupart des saisies de cocaïne ont lieu dans le port d’Anvers et à Brussels Airport (les chiffres ont été communiqués ci-avant). Si nous examinons le nombre de PV rédigés dans lesquels il est question de cocaïne, les villes d’Anvers, Liège, Gand et Charleroi sortent du lot.

6. Le trafic sud-américain de cocaïne en Belgique est aux mains de groupes criminels qui se sont établis aux Pays-Bas. Ils recourent à des intermédiaires qui ont des contacts dans le port d’Anvers et qui ne sont pas spécifiquement espagnols ou sud-américains.

La question pourrait être posée au ministre de la Justice mais je ne pense pas que nous pouvons passer des entreprises au screening via une enquête proactive pour détecter des reprises de sociétés par des ressortissants espagnols ou sud-américains.

7. Il ressort des chiffres ci-dessous que le plus grand nombre de faits de vente de cocaïne sont toujours commis par des auteurs de nationalité belge. En deuxième place, on retrouve des auteurs de nationalité marocaine.

 

Année - Jaar

Total – Totaal

2006

2007

2008

2009

Belges- Belg

635

855

714

596

2 800

Marocains- Marokaan

171

233

211

182

797

Algériens – Algerije

83

111

141

89

424

Autres – Andere

76

86

68

66

296

Français – Franse

23

31

39

37

130

Hollandais Nederlander

24

23

40

21

108

Italiens – Italianen

14

32

18

12

76

Tunisiens – Tunesier

6

20

25

23

74

Palestiniens – Palestijnen

6

10

10

25

51

Irakiens – Irakezen

5

14

18

11

48

 

1043

1415

1284

1062

4804

8. En effet, les services de police des différentes villes (Anvers, Charleroi, Mons, Liège, Gand) sont confrontés, depuis plusieurs années, à la vente de drogue pas des personnes d’origine marocaine ou algérienne en séjour illégal dans notre pays. Ce phénomène, mieux connu sous le nom de “Market Deal”, comprend la vente de drogue, principalement à des personnes habitant en France. Le phénomène est une composante du «  narcotourisme ». En dépit des résultats positifs dans l’approche de ce phénomène, ce dernier subsiste et semble s’étendre dans de nouvelles régions, comme la province de Luxembourg et le littoral.

Lorsqu’une personne en séjour illégal dans notre pays est arrêtée pour vente ou possession de drogue, les règles prévues dans le Code pénal en matière d’arrestation judiciaire sont appliquées.

Cette personne peut, dans le cas d’une arrestation administrative être détenue 24 heures. S’il s’agit d’une arrestation judiciaire, la procédure de mise à disposition du parquet ou du juge d’instruction devra être suivie.

En ce qui concerne les illégaux qui ont déjà reçu plusieurs ordres de quitter le territoire, dépassé les délais et qui sont toujours actifs dans le milieu criminel, il incombe, en premier lieu, au parquet d’agir. Si ce n’est pas le cas, l’Office des étrangers n’interviendra que si le dossier individuel comporte des éléments permettant d’identifier l’intéressé afin de l’enfermer dans un centre fermé. En outre, il s’agit, comme vous l’avez déjà dit, généralement de Marocains et Algériens qui sont actifs dans le milieu de la drogue. Il n’est pas facile d’identifier les personnes de ces nationalités sans éléments d’identification. De plus, s’il n’y a pas de place pour enfermer les intéressés, l’Office des étrangers se voit contraint de se limiter à délivrer un ordre de quitter le territoire.

9. En Belgique, en 2009, 2 laboratoires de fabrication de drogue ont été découverts et démantelés. Ce chiffre est inférieur à ceux des années précédentes. Sans affirmer que le problème de la production de drogues synthétiques en Belgique est résolu, il me semble nécessaire de répéter qu’il est trop simpliste de dire que la production des Pays-Bas a glissé vers la Belgique.

Outre les statistiques sur le nombre de laboratoires découverts dans les deux pays, je souhaite, une fois encore, insister sur le fait que chaque année, nous mettons au jour des dizaines de transactions suspectes ayant trait à des produits chimiques, que ces livraisons prennent très souvent le chemin des Pays-Bas et que les autorités hollandaises ont été en mesure de démanteler d’importants laboratoires sur leur territoire grâce aux informations belges.. Dans le même temps, nous ne recevons pratiquement aucun message de l’étranger, ni des Pays-Bas. Je ne doute pas de la volonté de nos pays voisins de nous informer. En revanche, je crois que les États baltes, le Canada, l’Australie et l’Afrique prennent en charge une partie de la production.

Il importe d’entretenir, mais aussi de renforcer les échanges d’information en Belgique, mais aussi avec les services de police hollandais. Sans informations fiables et flux des informations, le repérage et le démantèlement de laboratoires ne sont pas aisés.