Version à imprimer bilingue Version à imprimer unilingue

Question écrite n° 4-3146

de Paul Wille (Open Vld) du 11 mars 2009

au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères

Russie - Situation des droits de l'homme - Nombre de plaintes à la Cour européenne des droits de l'homme - Application lacunaire de jugements

Russie
droits de l'homme
Cour européenne des droits de l'homme
Conseil de l'Europe
violence politique
voie d'exécution

Chronologie

11/3/2009Envoi question (Fin du délai de réponse: 9/4/2009)
29/10/2009Réponse

Question n° 4-3146 du 11 mars 2009 : (Question posée en néerlandais)

L'Union européenne (UE) se préoccupe de la situation des droits de l'homme en Russie après le récent attentat contre la journaliste connue Politkovskaya et son avocat Markelov. Ces meurtres ont particulièrement été répercutés dans la presse. Mais la situation de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) à Strasbourg est éloquente. Le contentieux russe auprès de la CEDH est également saisissant. Le solde russe est de 55 000 plaintes introduites dont 26 000 sont en cours de traitement et dont 580 ont fait l'objet d'un jugement et ont révélé des violations systématiques. Chaque citoyen d'un État membre du Conseil de l'Europe peut introduire une plainte auprès de la Cour européenne des droits de l'homme. Le fait que la Russie se trouve en tête de cette liste n'est pas simplement dû au nombre de citoyens vivant en Russie. Selon différentes organisations de droits de l'homme, l'appareil judiciaire russe ne fonctionne pas et les citoyens russes n'ont pas d'autre possibilité que de s'adresser à Strasbourg. Il est encore plus problématique que la Russie n'exécute les jugements de la CEDH que de manière sélective, donc partielle, et que l'on n'y fasse pas grand- chose pour éviter les violations à l'avenir.

Étant donné ce qui précède, je souhaiterais recevoir une réponse aux questions suivantes :

1. Que pense le ministre du fait que la Russie, en tant qu'État membre du Conseil de l'Europe, n'exécute que de manière sélective les jugements de la CEDH ?

2. Est-il justifié que la Russie refuse d'exécuter des jugements l'obligeant à modifier le fonctionnement des services de maintien de l'ordre et des services secrets ?

3. Est-il légitime que la CEDH, avec pas moins de 100 000 affaires en cours, ce qui est une énorme charge de travail, voie son fonctionnement sérieusement perturbé par un seul État membre ? Dans la négative, quelles mesures la Belgique peut-elle prendre au plan tant national qu'européen pour garantir le fonctionnement de la cour ?

4. Quelles mesures le ministre peut-il prendre au plan tant national qu'européen pour pour indiquer à la Russie quelles sont ses obligations en tant qu'État membre du Conseil de l'Europe ?

5. Pourquoi la Russie est-elle la seule à ne pas vouloir signer le protocole 14, qui simplifie considérablement la procédure de recevabilité en attribuant la décision à un seul juge au lieu de plusieurs ? Quelles mesures la Belgique peut-elle prendre au niveau tant national qu'européen pour accélérer cette signature par la Russie ? Dans quelle mesure l'Union européenne exerce-t-elle déjà une pression pour que la Russie signe le protocle ?

Réponse reçue le 29 octobre 2009 :

1-2-4) Je me réfère à l’article 46 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif à l’exécution des arrêts de la Cour. Le suivi de ceux-ci est assuré par le Comité des ministres, en formation Droits de l’homme (CMDH), où la Belgique joue un rôle actif. Il examine lors de ses réunions, les progrès accomplis notamment en ce qui concerne les réformes législatives ou administratives, les mesures individuelles et générales que les États se sont engagés à prendre. Dans les hypothèses où les États tardent à prendre les mesures nécessaires à l’exécution des arrêts, le groupe prend des résolutions intérimaires ou des décisions par lesquelles en maintenant le dossier à l’ordre du jour des réunions du Comité, il encourage fermement les autorités des États concernés à poursuivre leurs efforts pour mettre en œuvre l’arrêt visé.

Si la Fédération de Russie fait l’objet d’une attention particulière au CMDH, c’est notamment en raison de l’ampleur et parfois de la lenteur de l’exécution des mesures individuelles et générales dans des affaires délicates et requérantes des réformes en profondeur, problème qu’elle partage avec la Turquie. La Fédération de Russie est consciente des manquements de son système de droit ; elle se montre dans l’ensemble aussi ouverte que d’autres à la coopération offerte dans le cadre du Conseil de l’Europe pour tenter d’y répondre. Elle est cependant discrète sur les mesures qu’elle aurait prises pour réformer ses forces spéciales et n’a pas hésité à qualifier un arrêt de la Cour de politique dans l’affaire Ilascu.

3) J’attire l’attention sur les statistiques présentées par la Cour européenne des Droits de l’Homme qui mettent les choses en perspective: ainsi, dans son dernier rapport, elle mentionne que sur les 9 736 arrêts rendus entre 1998 et 2008, 643 concernent des affaires russes soit un ratio de 6,6% (à comparer avec celui d’autres États (Turquie 19%, Italie 18%, Pologne 6,4%, France 6,4%, Ukraine et Roumanie 4,9%). En outre, la Cour a établi pour les années 2005 à 2008 un tableau des requêtes attribuées par population d’où il ressort que le ratio russe est, pour cette période, de 0,71% par comparaison au ratio roumain de 2,43%, au ratio polonais de 1,15%, ukrainien de 1,03%, turque de 0,53% et italien de 0,31%.

Afin de permettre à la Cour de pouvoir continuer à exercer ses activités malgré les surcharges liées aux affaires répétitives ou irrecevables, la Belgique participe aux groupes de réflexion sur le futur de la Cour.

5) La Douma a effectivement refusé jusqu’à présent de donner son assentiment au Protocole 14, ceci en dépit des démarches officielles à haut niveau faites par le Conseil de l’Europe. Pour tenter de maintenir l’efficacité de la Cour, les États ont été invités, suite à la réunion ministérielle de Madrid, le 12 mai 2009, à déclarer l’application provisoire de certains articles du Protocole 14 (option choisie par notre pays) ou à ratifier le Protocole 14bis. La Fédération de Russie à encore une fois été appelée à ratifier le Protocole 14.