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Question écrite n° 4-1539

de Margriet Hermans (Open Vld) du 5 septembre 2008

à la vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique

Lipolyse - Dangers pour la santé publique - Contrôle et plaintes (Technique pour mincir rapidement)

maladie de la nutrition
chirurgie esthétique
chirurgie
sécurité du produit
droits du malade

Chronologie

5/9/2008Envoi question (Fin du délai de réponse: 9/10/2008)
16/12/2008Réponse

Question n° 4-1539 du 5 septembre 2008 : (Question posée en néerlandais)

La VRT a récemment diffusé un reportage effrayant concernant la lipolyse. Cette nouvelle technique miracle pour mincir rapidement s’avère causer de terribles lésions. Du point de vue commercial, c’est un coup qui atteint son but. Le mot ressemble intentionnellement au mot « liposuccion », ce qui a entraîné une confusion de noms. De quoi s’agit-il ?

Cela paraît si simple : quelques injections d’une solution dans le ventre ou dans les fesses et on est débarrassé de la graisse superflue.

Divers chirurgiens cosméticiens et dermatologues des États-Unis considèrent toutefois que la lipolyse n’est pas sans danger. Selon le docteur Malcolm Roth, du Centre médical Maimonides de New York, aucune étude scientifique indépendante ne démontre que cela fonctionne. Il se demande si les produits chimiques injectés sont sûrs, ce que devient la graisse et où va la graisse dissoute.

Pour le docteur Carolyn Jacob, une éminente cardiologue américaine, la lipolyse est le traitement le plus déraisonnable que l’on puisse subir. Elle considère qu’il s’agit d’une utilisation non autorisée du lipostabil, qui peut dissoudre la graisse et d’autres structures. Elle ajoute que cela peut causer des douleurs, des gonflements, un durcissement des tissus, une ulcération et des irrégularités de la peau. Le docteur Susan Kaweski, de Chicago, indique qu’aucune étude médicale indépendante n’a été publiée qui établisse le mécanisme de diffusion des « substances actives » ainsi que l’exactitude et le contrôle de l’élimination des graisses et/ou qui indique les effets de l’injection à court et à long terme.

Malgré les dangers de la procédure, le nombre de cliniques qui proposent la lipolyse augmente aux Etats-Unis. Les centres fleurissent également dans notre pays. En surfant sur le net, on trouve rapidement des centres esthétiques et des cliniques privées belges qui proposent la lipolyse. Quiconque a vu le reportage de la VRT sait quelles horribles cicatrices sont causées par cette intervention. On abuse du désir de minceur de la population.

J’aimerais dès lors soumettre les questions suivantes à la ministre :

La ministre elle-même ou ses services ont-ils déjà reçu des plaintes concernant la lipolyse ? Dans l’affirmative, combien de plaintes a-t-elle reçues, quels étaient les symptômes (ulcération, durcissement, irrégularités de la peau) et peut-elle donner des explications détaillées ? Dans la négative, a-t-elle déjà eu vent des nombreuses plaintes déposées dans les États voisins ?

Trouve-t-elle normal que l’on puisse ainsi injecter des solutions à des personnes dans le cadre de prétendus effets sur la santé et cela sans qu’aucun institut médical ou autorité publique donne le feu vert ? Peut-elle expliquer cette situation ?

Peut-elle indiquer comment les produits utilisés pour la lipolyse sont contrôlés, vu qu’ils sont injectés dans l’organisme des patients ? Juge-t-elle ce contrôle efficace ?

Qui, dans notre pays, peut pratiquer la lipolyse et quelles sont les qualifications requises ? Un contrôle est-il exercé par vos services sur les prestataires de services ? Peut-elle donner des explications ?

N’est-il pas temps de soumettre le secteur à un contrôle plus strict et de l’assainir là où cela s’avère nécessaire, vu les nombreux cas intolérables causés par le comblement permanent des rides, les thérapies au laser et, à présent, la lipolyse ? Peut-elle donner des explications détaillées ?

Réponse reçue le 16 décembre 2008 :

Que ce soit en Belgique ou dans d’autres pays européens, la demande d’interventions de chirurgie esthétique au sein de la population est en pleine explosion et la lipolyse devient, elle aussi, de plus en plus populaire.

Nous sommes néanmoins pleinement conscients que, parallèlement à la thérapie esthétique légale, se développe un secteur des soins esthétiques comportant une zone grise qui échappe aux contrôles et où certaines situations deviennent intolérables. Des établissements offrent leurs services dans un contexte comportant un risque réel pour la santé publique. Il n’y a en général aucun contrôle quant à la qualité des soins dispensés, que ce soit pour la prestation réalisée proprement dite (sécurité des produits utilisés, par exemple) ou par rapport aux qualifications des “prestataires de soins”. Les assureurs professionnels, pour autant qu’il y en ait, ne sont pas informés des activités pratiquées ; les pratiques en matière de paiement sont souvent frauduleuses, ce qui accentue encore le climat négatif.

1.Notre service “Droits du patient” n’a encore reçu aucune plainte concernant un traitement par lipolyse. Plusieurs plaintes ont été enregistrées en France, où le cadre est plus strict, ainsi que dans d’autres pays de l’Union européenne.

2+4.L’établissement du diagnostic et l’instauration ou l’exécution du traitement d’un état pathologique physique ou psychique, réel ou supposé, sont du ressort exclusif d’un médecin (titulaire d’un diplôme de docteur en médecine, chirurgie et accouchements ou équivalent). En tant que traitement médical, la lipolyse ne peut être pratiquée que par des médecins diplômés. Cela signifie également que tout médecin titulaire du diplôme précité est habilité à accomplir tous les actes relevant de l’art médical, y compris de la chirurgie plastique/médecine esthétique, qu’il se soit ou non spécialisé dans ce domaine. En outre, un médecin dispose déontologiquement, en principe, d’une liberté thérapeutique, même s’il doit ne dispenser que des soins dictés par sa conscience et correspondant aux derniers acquis de la science; c’est l’Ordre des médecins qui se charge de le contrôler (arrêté royal n° 79 du 10-11-1967 et Code de déontologie médicale).

Contrairement au secteur hospitalier, les cliniques esthétiques ne sont pas soumises à des textes légaux qui en régleraient adéquatement le fonctionnement. S’agissant, de surcroît, en général d’ASBL, il est encore plus compliqué d’assurer la transparence des prestations. Les personnes qui y travaillent, médecins ou autres, effectuent leurs prestations sans le moindre contrôle sur le plan de la qualité, du matériel, de la médication, l’hygiène, la stérilité, la sécurité, des possibilités de réanimation, du dossier médical, etc.

La qualification des médecins qui effectuent les prestations n’est pas davantage contrôlée. Ces médecins, Belges et non-Belges, sont d’ailleurs tenus, en tout état de cause, de se présenter à la Commission médicale provinciale de tutelle (art. 37 de l’arrêté royal n° 78 du 10-11-1967) et de s’inscrire auprès de l’Ordre des médecins de la province où ils vont pratiquer, même si leur activité est sporadique. Or, cette prise de contact n’a pas lieu. On ne sait donc rien sur leur formation et l’authenticité de leur diplôme et ils se rendent coupables d’exercice illégal de l’art médical. Il est fréquent que des médecins étrangers, qui n’ont pas suivi la moindre formation esthétique spécifique, viennent plusieurs jours par mois déployer leur activité lucrative comme des cow-boys dans les centres d’esthétique. Comme il n’y a pas d’intervention de l’INAMI et que tout se règle ‘en noir’, il n’y a pas de contrôle à cet égard non plus.

La Commission médicale provinciale ou l’Ordre des médecins ne peut intervenir que si une plainte est déposée. En l’occurrence, l’absence de texte réglementaire clair, fait obstacle à l’exécution optimale de leurs missions.

3.Les produits administrés sont déterminés par le praticien et commandés par lui dans les pays où ils sont disponibles. Certains de ces produits sont approuvés pour traiter une pathologie déterminée, mais le secteur esthétique les utilise à des fins détournées. Des compositions et dosages différents sont également utilisés, ce qui complique encore l’évaluation de la sécurité du produit.

Le Lipostabil (de la firme Sanofi-Aventis), par exemple, peut être indiqué pour le traitement aigu de l’embolie graisseuse, mais n’est en aucun cas autorisé pour la lipolyse esthétique. Le fabricant met du reste en garde contre l’administration sous-cutanée du produit. Celui-ci contient, d’une part, un composant qui détruit la paroi cellulaire des cellules graisseuses et, d’autre part, une substance qui liquéfie la graisse par émulsion. Aucune étude scientifique sérieuse n’a étudié en détail la destruction et l’élimination de ces substances du corps. Les preuves scientifiques de la sûreté et de l’efficacité de la lipolyse sont quasi inexistantes. Aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) désapprouve cette thérapie. Au Royaume-Uni, les assureurs refusent d’assurer les médecins qui pratiquent la lipolyse.

5. Un cadre légal s’impose donc afin de réglementer le fonctionnement des centres d’esthétique. S’agissant d’un traitement de courte durée, la réglementation existante relative aux hôpitaux de jour (arrêté royal du 25-11-1997) constituera un bon point de départ à cet effet. Nous analysons également la réglementation internationale.

Comme je vous l’indiquais lors de la présentation de ma note de politique générale, au vu des propositions de loi déposées lors de la précédente législature, j’ai décidé de laisser l’initiative au parlement. Néanmoins, si tel n’était pas le cas, je reprendrai l’initiative législative dans ce dossier.

Votre question est effectivement d’une grande actualité et je puis vous assurer que je prends très à cœur de suivre ce dossier.