SÉNAT DE BELGIQUE
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Session 2019-2020
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25 mars 2020
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SÉNAT Question écrite n° 7-417

de Stephanie D'Hose (Open Vld)

au ministre de la Sécurité et de l'Intérieur, chargé du Commerce extérieur
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Crise du coronavirus - Désinformation - Fake news - Médias sociaux - Lutte - Mesures (Covid-19)
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maladie infectieuse
épidémie
médias sociaux
communauté virtuelle
désinformation
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25/3/2020Envoi question
22/4/2020Réponse
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Aussi posée à : question écrite 7-418
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SÉNAT Question écrite n° 7-417 du 25 mars 2020 : (Question posée en néerlandais)

La pandémie de coronavirus se double d'une «infodémie», selon l'expression de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Les informations en circulation sont beaucoup trop abondantes; elles sont souvent exactes mais, souvent aussi, pas du tout exactes. Les Russes font tout ce qu'ils peuvent pour semer la confusion mais nous, Occidentaux (et en particulier les États-Unis), ne sommes pas non plus en reste.

«Ce sont les migrants qui ont amené le coronavirus.» Ou: «Le coronavirus est une arme biologique des États-Unis, du Royaume-Uni et / ou de la Chine.» Ou encore: «Il existe une relation évidente entre le virus et le nouveau réseau 5G.» Autre affirmation remarquable: «L'UE envisage une vaccination massive de sa population.»

Cette sombre liste a été établie par l'East StratCom Taskforce, une prétendue organisation de l'Union européenne au nom alléchant qui se concentre spécialement sur les campagnes de désinformation menées par la Russie dans l'UE. Depuis le 22 janvier 2020, les chercheurs ont identifié cent dix fausses informations sur des médias populaires. Si elles ne sont pas l'œuvre du Kremlin, elles sont en tout cas allègrement propagées par des trolls internet russes via des médias entretenant des liens avec le gouvernement. Objectif: semer la confusion et la division.

Quel impact ces infox ont-elles? En Espagne, nous constatons que RT (anciennement Russia Today, une chaîne de télévision d'information financée par le Kremlin) est la douzième source la plus partagée sur les médias sociaux pour les informations au sujet du coronavirus. East StratCom présente un aperçu des fausses informations qui circulent actuellement. Par exemple, le lieu où le virus a fait son apparition ne serait pas Wuhan mais les USA. Ou bien: tandis que tous les Européens seraient placés en quarantaine, les migrants pourraient aller et venir à leur guise.

Ou encore: toute l'histoire du coronavirus est une énorme farce, ce virus n'existe pas. Toutes sortes de théories du complot ont bien sûr également cours, alimentées par les prédictions ancestrales de personnes comme Nostradamus; tantôt, le complot doit déclencher une Troisième Guerre mondiale, tantôt il a été monté par l'industrie pharmaceutique dans le but de gagner encore plus d'argent.

Selon East StratCom, les infox russes s'adressent à la fois à un public étranger et au public national. La population russe est surtout abreuvée d'«informations» destinées à montrer que la catastrophe a été causée par un agresseur extérieur (les USA ou des laboratoires occidentaux). On y souligne également que le virus ne frappe que les autres pays, surtout les pays démocratiques, et que la Russie met tout en œuvre pour protéger son peuple. Selon Natalia Krapiva, d'Access Now, organisation qui milite pour un internet libre et ouvert, il s'agit d'une stratégie bien connue en Russie. «Le gouvernement pointe souvent du doigt l'Occident lorsque quelque chose ne fonctionne pas en Russie», déclare-t-elle dans une interview au site Euractiv. «Il se dispense ainsi de devoir rendre des comptes, tout en ravivant les sentiments nationalistes.»

Le sujet de la présente question concerne une compétence transversale partagée avec les Communautés, ces dernières et en particulier l'enseignement ayant un rôle essentiel à jouer dans l'éducation des jeunes au repérage des infox (fake news) et à une utilisation clairvoyante des médias.

Vu la gravité de cette désinformation et les conséquences que pourrait avoir une mauvaise information des citoyens, je souhaiterais vous poser les questions suivantes:

1) Avez-vous déjà connaissance de la propagation d'une telle masse de fausses informations sur le coronavirus? Qu'avez-vous déjà appris à ce sujet?

2) Pouvez-vous me dire si nos services de sécurité ont déjà enquêté à ce sujet? Ces informations sur le coronavirus sont-elles exploitées à des fins politiques? À partir de quels pays ces fake news sont-elles coordonnées? Pouvez-vous fournir des précisions concrètes à ce sujet? Quels mobiles politiques se cachent derrière cette désinformation?

3) Quelles démarches comptez-vous entreprendre pour y faire face? Avez-vous déjà pris des initiatives? Dans l'affirmative, pouvez-vous préciser en détail la teneur des actions entreprises et leurs résultats ?

4) Avez-vous déjà évoqué cette question avec vos collègues étrangers? Dans l'affirmative, que font-ils? Agit-on de concert?

5) L'Union européenne anticipe-t-elle ces campagnes de désinformation? Quelles mesures prend-elle?

6) Combien de sites diffusant des infox sont actifs à ce sujet dans notre pays?

7) Avons-nous une vue d'ensemble des canaux utilisés pour diffuser les différents types d'informations?

8) Quels sites web avez-vous déjà fait fermer pour cette raison? Si vous n'avez pas encore exigé la fermeture de certains sites, pourquoi?

9) Recherche-t-on systématiquement ces informations? Dans l'affirmative, combien d'informations avez-vous déjà pu tracer?

Réponse reçue le 22 avril 2020 :

Au sein de la police fédérale, la cellule i2-IRU de la DJSOC est en charge des «fake news» dans le cadre de ses missions en matière de contenus illégaux ayant trait au terrorisme, radicalisme, de propagande, d’extrémisme violent et de discours de haine (hate crime hate speech).

La section a été chargée de se concentrer sur les «fake news» relatifs au coronavirus publiées sur Internet.

Les «fake news» relatifs au coronavirus sont, depuis l’apparition de la maladie, recherchés par la section DJSOC/i2-IRU. Ces contenus sont automatiquement signalés aux plateformes en sollicitant une demande de retrait.

Des demandes de collaboration active ont été adressées, par la section «i2-IRU» aux grandes plateformes de réseau social présentes sur Internet.

Il y a lieu de signaler qu’en ce qui concerne les «fake news», ce type de publication n’est pas définie légalement, et donc il n’est pas possible de poursuivre les publieurs sans pouvoir établir le dol.

En date du 30 mars 2020, la section «i2-IRU» a déjà découvert et signalé 231 contenus en lien avec des «fake news» et 16 sites publiant ce type de contenus.

En matière de site, étant donné qu’il n’y a pas de texte légal en vigueur, il est difficile de requérir légalement les fournisseurs d’accès belges ou le DNS, pour assurer le retrait ou le détournement vers la page «STOP» de l’autorité.

Les «fake news» sont régulièrement présents sur l’ensemble des réseaux sociaux et sur Internet pour les sites.

Généralement, il s’agit de contenus répandant des fausses rumeurs d’ordre médical, sur l’origine du virus, ou encore sur les remèdes à apporter pour éviter de contracter la maladie.

Parfois, ces contenus stigmate une minorité comme étant à l’origine de la dispersion du virus.

La cellule DJSOC «i2-IRU» n’a pas de pouvoirs coercitifs envers les plateformes de réseau social, et ne peut que solliciter le retrait. Les plateformes n’ont pas d’obligation de réaction.

Pour les autres points de la question, je renvoie l’honorable membre vers les réponses aux questions écrites nos 7-423 et 7-418 adressées au ministre des Affaires étrangères et de la Défense et au ministre de l'Agenda numérique, des Télécommunications et de la Poste, chargé de la Simplification administrative, de la Lutte contre la fraude sociale, de la Protection de la vie privée et de la Mer du Nord.