SÉNAT DE BELGIQUE
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Session 2008-2009
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9 avril 2009
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SÉNAT Question écrite n° 4-3319

de Dirk Claes (CD&V)

au ministre de la Justice
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Délinquance juvénile - Evolution - Ventilation entre les régions
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poursuite judiciaire
délinquance juvénile
jeune
statistique officielle
répartition géographique
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9/4/2009Envoi question
19/6/2009Rappel
15/7/2009Réponse
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SÉNAT Question écrite n° 4-3319 du 9 avril 2009 : (Question posée en néerlandais)

De Standaard du 22 décembre 2007 a publié un article selon lequel la police veut engager des mineurs comme indicateurs parce qu'un nombre croissant d'entre eux ferait partie d'une organisation criminelle.

Afin d'avoir une meilleure vue d'ensemble de la délinquance juvénile, j'aimerais obtenir une réponse aux questions ci-dessous. Je souhaite également obtenir un aperçu de la nature des faits pour lesquels des mineurs entrent en contact avec la justice.

1) Le ministre peut-il citer le nombre de procès-verbaux dressés chaque année dans chaque région à l'encontre de mineurs? Combien de ces PV ont-ils débouché sur une action devant le juge de la jeunesse? J'aimerais obtenir ces chiffres pour les périodes 2004-2005, 2005-2006, 2006-2007 et 2007-2008.

2) Combien de mineurs sont-ils envoyés par le juge de la jeunesse dans une institution? J'aimerais obtenir des chiffres par région et pour les périodes 2004-2005, 2005-2006, 2006-2007 et 2007-2008.

3) Quelle est l'évolution de ces chiffres dans le temps? Est-il exact qu'au cours des cinq dernières années, on a constaté une augmentation de la délinquance juvénile?

4) Quel est le pourcentage de faits pouvant être assimilés à la criminalité grave (par exemple, graves faits de violence à l'égard de personnes)? J'aimerais obtenir des chiffres par région et pour les périodes 2004-2005, 2005-2006, 2006-2007 et 2007-2008.

Réponse reçue le 15 juillet 2009 :

1) Faits qualifiés infraction signalés L'INCC dispose de données chiffrées quant au nombre de signalements effectués aux parquets de la jeunesse au cours des années 2005 à 2008. Seules les données de 2005 ont déjà fait l'objet d'une analyse approfondie(a). On commence actuellement à analyser les signalements pour les années 2006 à 2008.

En 2005, un total de 51 298 faits qualifiés infraction(b) ont été signalés aux parquets de la jeunesse Ces faits concernaient 44 765 mineurs. Par rapport à l'ensemble de la population mineure âgée de douze à dix-huit ans— groupe potentiellement susceptible de faire l'objet d'un signalement au parquet de la jeunesse pour un fait qualifié infraction — la proportion est de 63 mineurs pour 1000 (= taux de signalement). En d'autres termes, un peu plus de 6 % de l'ensemble des mineurs âgés de douze à dix-huit ans ont été signalés au parquet de la jeunesse en 2005 pour un fait qualifié infraction.

Lorsqu'on examine les chiffres par région, on constate que du côté flamand, 21 635 mineurs au total ont été signalés comme suspects au parquet de la jeunesse. Il s'agit en l'occurrence de 6,4 % de l'ensemble de la population mineure flamande âgée de douze à dix-huit ans. Pour la Wallonie, on a enregistré 21 149 signalements, soit 6,2 % de la population mineure wallonne de douze à dix-huit ans. Attention, il n'y a pas de chiffres pour quatre arrondissements francophones. ÀBruxelles, 1 981 mineurs ont été signalés, soit 6,6 % de la population mineure bruxelloise entre douze et dix-huit ans.

Renvois vers le tribunal de la jeunesse L'INCC effectue actuellement une analyse (approfondie) des premières données chiffrées fiables concernant les décisions des parquets au cours des années 2007 et 2008. Sur cette base, on essayera de se faire une idée du nombre d'affaires signalées qui sont renvoyées vers le juge de la jeunesse (soit via une réquisition, soit via une citation après réquisition, soit via une citation directe). Une étude réalisée en 1999 au sein de l'INCC révélait notamment qu'environ Une infraction signalée sur cinq était renvoyée vers le juge de la jeunesse(d).

2) Actuellement, l'INCC ne dispose pas (encore) de données chiffrées fiables concernant les décisions des juges de la jeunesse. L'INCC oeuvre actuellement à une amélioration de l'enregistrement au niveau des greffes de la jeunesse. En d'autres termes, nous ne disposons pour le moment d'aucune représentation chiffrée des mesures prises par les juges de la jeunesse. Ces données peuvent éventuellement être sollicitées auprès des Communautés, qui sont chargées de l'application des mesures imposées par le juge de la jeunesse.

3) Une comparaison rapide entre les signalements effectués en 2005 et 2008 permet de constater qu'en 2005, 6,3 % de la population mineure âgée de douze à dix-huit ans a été signalée au parquet de la jeunesse pour un fait qualifié infraction et qu'en 2008, ce taux atteignait 7 %.

Toutefois, lorsqu'on examine les chiffres en détail par arrondissement, on ne constate aucune augmentation systématique du taux de signalement dans les arrondissements concernés. Dans certains arrondissements, on constate même une baisse du taux de signalement entre 2005 et 2008. Si on prend également en considération les chiffres de 2006 et de 2007, on constate de grandes fluctuations (hausses et baisses) dans presque tous les arrondissements entre les différentes années consécutives, ce qui pourrait indiquer qu'à certains moments, on accorde davantage d'attention à la délinquance juvénile ou on l'enregistre davantage.

Dans ce contexte, nous devons une fois de plus souligner que le nombre de signalements effectués aux parquets de la jeunesse ne peut pas être considéré comme un bon baromètre de la délinquance (juvénile). D'une part, un très grand nombre d'affaires ne sont jamais révélées, autrement dit, elles ne sont pas connues des instances officielles (ce qu'on appelle le "dark number"). D'autre part, la proportion de celles qui finissent par être révélées est aussi fonction des efforts déployés, entre autres, par les victimes, la police ou autres auteurs de signalements. Une hausse (ou baisse) des infractions signalées peut donc avoir un rapport avec une réelle hausse (ou baisse) de la criminalité, mais peut aussi être due à une attention accrue (ou moindre) de la part des auteurs de signalements.

En outre, nous devons souligner que l'on ne peut parler en termes d'évolution ou de tendances que si l'analyse porte sur une période suffisamment longue. Sur la base d'une comparaison entre le flux entrant au niveau des parquets de la jeunesse en 2005 et des données issues des statistiques judiciaires entre 1967 et 1989, on constate que les faits qualifiés infraction signalés n'ont pas évolué à la hausse ni en chiffres absolus, ni en tant part relative du nombre global d'affaires protectionnelles signalées(e). Sur la base d'une comparaison à long terme, on ne peut donc certainement pas affirmer que le nombre d'affaires signalées aux parquets pour des faits qualifiés infraction tend à augmenter. La tendance semble plutôt suivre une ligne légèrement descendante mais le risque de résultats tronqués est trop grand et les différences trop faibles pour pouvoir tirer des conclusions en ce sens. Ces constatations ne confirment en tout cas pas que la délinquance juvénile en Belgique aurait globalement augmenté au cours des dernières décennies.

4) La majorité des affaires signalées au parquet de la jeunesse sont des atteintes aux biens (42 %). II s'agit en l'occurrence essentiellement de vols et d'extorsions, principalement des vols simples. Les atteintes aux personnes constituent la deuxième catégorie en importance (18 %). Les données chiffrées ne permettent pas de déduire dans quelle mesure il s'agit de violences graves contre des personnes. De toutes les atteintes aux personnes signalées, 77 % sont enregistrées sous la qualification "coups et blessures". II s'agit probablement d'affaires très différentes allant de disputes qui ont quelque peu dégénéré à de potentielles violences graves contre des personnes. Des infractions très graves, telles des assassinats ou des meurtres ou des tentatives d'assassinat ou de meurtre sont plutôt rares et représentent pour 2005, 0,08 % de l'ensemble des infractions signalées.

Outre les atteintes aux biens et les atteintes aux personnes, des jeunes font également l'objet de signalements au parquet de la jeunesse pour des infractions en matière de roulage (14 %). La majorité des affaires signalées concerne des infractions au code de la route. Environ une infraction signalée sur dix concerne les stupéfiants, en l'occurrence surtout la possession et l'usage de drogues douces. Les atteintes à la sécurité publique constituent elles une infraction signalée sur dix. Il s'agit essentiellement de menaces (45 %), de port d'armes (quelles qu'elles soient) (18 %) et d'atteintes à l'autorité publique (15,8 %). La catégorie résiduaire (5 %) regroupe des affaires de multiple nature telles que des conflits familiaux, des accidents et des infractions en matière d'environnement.

Lorsqu'on examine la proportion des différents types d'infractions au fil des ans (2005 à 2008), on ne voit apparaître quasiment aucune différence.

(a) Pour de plus amples informations, consultez le rapport de recherche complet sur http://www.incc.fgov.be (criminologie/présentation/politique en matière de protection de la jeunesse/production et exploitation de données statistiques) ainsi que VANNESTE CH., GOEDSEELS E., DETRY I. (ed.), La statistique "nouvelle "des parquets de la jeunesse : regards croisés autour d'une première analyse, Academia Press, 2008, 153 p.

(b) Ce chiffre ne correspond pas exactement à celui mentionné dans le rapport de recherche, car dans le rapport en question, les procès-verbaux transmis par un parquet de la jeunesse à un autre (par exemple, parce que le mineur est domicilié dans l'autre arrondissement judiciaire) n'ont été pris en compte qu'une seule fois. Cela permet d'éviter que des affaires signalées soient comptées deux fois. Afin de pouvoir établir plus loin une comparaison avec les données de 2008 (année pour laquelle les "doubles procès-verbaux n'avaient pas encore été retirés), ce sont toutes les affaires qui ont été prises en considération pour 2005 aussi, y compris celles qui ont été transmises d'un parquet de la jeunesse à l'autre.

(c) Attention: cela concerne en l'occurrence 23 des 27 parquets de la jeunesse. Pour 2005, nous ne disposons d'aucune donnée pour les parquets de la jeunesse d'Arlon, d'Eupen, de Mons et de Neufchateau.

(d) VANNESTE CH., Een onderzoek over de beslissingen genomen door de parketmagistraten en de jeudgrechters, Tijdschrift voor Jeugdrecht en Kinderrechten, décembre 2001/5, 193-202; VANNESTE CH., Une recherche sur les décisions prises par les magistrats du parquet et les juges de la jeunesse, Journal du Droit des Jeunes, septembre 2001, n° 207, 5-12.

(e) VANNESTE CH., La statistique "nouvelle" des parquets de la jeunesse sous l'éclairage d'autres types d'indicateurs. Exercices de contextualisation, dans : VANNESTE CH., GOEDSEELS E., DETRY I. (éd.), La statistique "nouvelle" des parquets de la jeunesse: regards croisés autour d'une première analyse. Academia Press, 2008, 61-94.

Tableaux (voir annexe)

“Les données demandées par l'honorable membre lui ont été transmises directement. Étant donné leur nature, elles ne sont pas publiées, mais elles peuvent être consultées au greffe du Sénat.”